T-1526-76
Godfrey G. S. Moulds (Demandeur)
c.
La Reine (Défenderesse)
Division de première instance, le juge Marceau—
Ottawa, le 11 février et le 2 mars 1977.
Impôt sur le revenu — Calcul du revenu — Le demandeur
réclame des déductions à titre d'allocation à l'égard du coüt en
capital sur des biens amortissables pour les années 1970 et
1971 et à titre d'»allocation à l'égard d'une perte finale» pour
l'année 1972 — Le demandeur avait antérieurement retiré son
avis d'opposition concernant la cotisation établie en 1964 sur
le mime bien — Est-il empêché de nier la validité de la
nouvelle cotisation établie en 1964? La cotisation établie en
1964 était-elle raisonnable au sens de l'art. 20(6)g) de la Loi?
— S'agissait-il, en 1964, d'une transaction menée à distance?
— Loi de l'impôt sur le revenu, S.R.C. 1952, c. 148, art. 17(2),
20(1)a), 20(5)c), 20(6)g) Article 1100(2) des Règlements de
l'impôt sur le revenu et annexe B, catégorie 3.
Le demandeur prétend avoir le droit de déduire, en 1970 et
1971, certaines sommes à titre d'allocation à l'égard du coût en
capital relativement à des biens amortissables et, en 1972,
lorsqu'il a disposé de son actif, une somme à titre d'allocation à
l'égard d'une perte finale. En 1964, le demandeur a vendu à un
promoteur un terrain sur lequel se dressaient deux édifices. Le
prix de vente, comme il avait été spécifié, concernait le terrain
uniquement. Le demandeur réclama une déduction à titre
d'allocation à l'égard du coût en capital relativement à ces
édifices. Cette demande a été rejetée par le ministre du Revenu
national et le demandeur a consenti à retirer son avis d'opposi-
tion sans pour autant abandonner sa prétention selon laquelle
aucune partie du produit de la vente ne devrait être attribuée
aux édifices. Dans ses déductions pour les années 1970, 1971 et
1972, le demandeur a calculé le coût en capital non déprécié de
ses biens amortissables comme si aucune partie du produit de la
vente survenue en 1964 n'était attribuable aux édifices érigés
sur le terrain, à cette époque. Le Ministre a, une seconde fois,
rejeté ces déductions prétendant que le demandeur se voyait
opposer une exception d'irrecevabilité parce qu'il avait accepté
la nouvelle cotisation de 1964 et ne pouvait donc plus nier sa
validité; que, en tout état de cause, le demandeur n'avait pu
démontrer qu'il n'était pas raisonnable de présumer qu'une
partie du prix de vente convenu entre les parties relativement à
l'immeuble avait été donnée en considération des édifices érigés
dessus et que la transaction de 1964 n'avait pas été menée à
distance.
Arrêt: l'appel est accueilli. Il n'existe pas, à l'encontre du
demandeur, une exception d'irrecevabilité l'empêchant de nier
la validité de la nouvelle cotisation de 1964 puisque, lorsqu'il a
accepté cette cotisation, il a expressément maintenu son opposi
tion à ce que soit attribuée aux édifices une valeur résultant de
la disposition du bien. Le Ministre n'a pas démontré qu'il était
raisonnable de prétendre qu'une partie du produit tiré de la
vente de l'immeuble en cause a été versée en considération des
édifices érigés dessus. Vu le fait que les édifices n'avaient
aucune valeur aux yeux des parties à la transaction de 1964, la
question de savoir si les négociations ont été menées à distance
ou non n'a aucun rapport avec le présent litige.
Arrêt appliqué: Emco Ltd. c. M.R.N. [1969] 1 R.C.É.
241.
APPEL en matière d'impôt sur le revenu.
AVOCATS:
David C. Nathanson pour le demandeur.
Neil W. Nichols et Alison Scott Butler pour
la défenderesse.
PROCUREURS:
McDonald & Hayden, Toronto, pour le
demandeur.
Le sous-procureur général du Canada pour la
défenderesse.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE MARCEAU: Le demandeur interjette
appel de la décision de la Commission de révision
de l'impôt, en date du 17 mars 1976, qui ratifie la
cotisation établie par le ministre du Revenu natio
nal (ci-après appelé «le Ministre») et touchant
l'impôt du demandeur pour les années 1970, 1971
et 1972.
La question en litige consiste à savoir si le
demandeur, dans le calcul de son revenu imposable
pour les années précitées, a droit à certaines
déductions à titre d'allocation à l'égard du coût en
capital sur un bien amortissable de la catégorie 3
de l'annexe B des Règlements de l'impôt sur le
revenu. Par des avis de nouvelle cotisation en date
du 23 août 1974, le Ministre rejeta la déduction de
$499.54 réclamée par le demandeur à titre d'allo-
cation à l'égard du coût en capital pour l'année
1970 et de $482.12 pour l'année 1971; par un
autre avis de nouvelle cotisation, en date du 28
août 1975, le Ministre rejeta la déduction de
$18,521 réclamée à titre d'«allocation à l'égard
d'une perte finale» par le demandeur au moment
où il a vendu, en 1972, la totalité de ses biens
amortissables de la catégorie 3.
Les faits qui ont donné lieu au litige
Le demandeur, domicilié dans la ville d'Ottawa,
est un médecin qui exerce sa profession depuis
1947. En 1961, il a acheté, au prix de $66,000, un
bien-fonds situé sur la rue McLeod, dans le centre-
ville d'Ottawa, constitué d'un terrain sur lequel se
dressaient deux édifices à parement de briques
rouges, comprenant cinq appartements chacun.
Jusqu'en 1964, il a entretenu le bien-fonds et loué
les appartements à divers locataires. Depuis long-
temps, le demandeur avait conçu l'idée de cons-
truire un édifice médical qui abriterait d'autres
médecins ou dentistes aussi bien que lui-même. Il
prétend que c'était là son projet lorsqu'il a acheté
le bien-fonds en 1961; en effet, selon lui, ce dernier
était idéal à la réalisation d'un tel projet. Suivant
cette idée, il est entré en contact avec d'autres
médecins et dentistes. Ils se sont regroupés et ont
accepté d'un commun accord le projet. Le 14 avril
1964, un contrat relatif à la vente du bien-fonds
est intervenu entre le demandeur, à titre de ven-
deur, et le demandeur et deux autres médecins—
agissant en qualité de fiduciaires pour une compa-
gnie à constituer—à titre d'acheteurs (onglet n° 6
du livre de documents présenté par les parties au
début de l'audition). Le prix de vente qui, selon
l'acheteur, concernait le terrain uniquement—
puisque les édifices devaient être démolis—était de
$70,500. Le 20 août 1964, le demandeur compléta
l'opération en cédant le bien-fonds à une compa-
gnie nouvellement constituée, Foxspar Realty
Limited, dans laquelle il détenait personnellement
20% des actions donnant droit de vote et 4 1 / 2 % des
actions privilégiées sans droit de vote. Les édifices
qui, entre temps, avaient été évacués, furent démo-
lis peu de temps après. La construction de l'édifice
médical fut terminée trois ans plus tard.
En 1966, le ministre du Revenu national, après
vérification des affaires financières du demandeur,
y compris l'examen de l'annexe concernant l'allo-
cation à l'égard du coût en capital signalée par le
demandeur, attribua la somme de $46,625.33 (sur
le prix total de vente) aux édifices qui, auparavant,
se dressaient sur le terrain. Le demandeur qui
avait réclamé, pour l'année d'imposition 1964, une
allocation en prétendant qu'il n'avait reçu aucune
somme d'argent relativement aux édifices, fut
cotisé à nouveau. Il a contesté cette cotisation et, à
la suite de pourparlers entre lui-même, son comp-
table et deux agents du ministère, la somme attri-
buée aux édifices fut réduite à $44,625.33, sous
réserve du retrait, par le demandeur, de son avis
d'opposition. La lettre du demandeur à cet effet,
en date du 18 novembre 1976, se lit comme suit:
[TRADUCTION] Messieurs,
A la condition que le produit provenant de la disposition, en
1964, d'un bien-fonds situé aux n°' 334-336 de la rue McLeod,
soit rectifié dans vos dossiers de façon à y lire $44,625.33 au
lieu de $46,625.33, tel qu'il est indiqué dans l'annexe concer-
nant l'allocation à l'égard du coût en capital, qui accompagnait
l'avis de nouvelle cotisation n° 1240221-1, émis le 17 avril 1966,
par le ministère du Revenu national, je suis prêt à retirer mon
avis d'opposition daté du 14 juillet 1966, portant sur la nouvelle
cotisation précitée.
Je désire signaler que le retrait de mon avis d'opposition ne
signifie pas que je souscris au point de vue du Ministre, dans
cette affaire, selon lequel le même montant devrait, en subs
tance, être crédité à la vente du bien de la catégorie 3, comme
il a été établi au moment de l'acquisition. Je ne comprends
toujours pas pourquoi une partie du produit de la vente devrait
être attribuée à l'édifice puisque l'acheteur n'acquérait que le
terrain et qu'immédiatement après cette acquisition, il a fait
démolir l'édifice en question. Cependant, je suis désireux de
mettre un terme à cette affaire et, comme je l'ai déjà men-
tionné, je suis prêt à accepter le chiffre de $44,625.33 comme
étant la partie du produit de la vente affectée aux n°' 334-336
de la rue McLeod.
J'espère que ces renseignements vous seront de quelque
utilité afin de compléter mon dossier quant à l'année 1964.
Veuillez agréer, messieurs, l'expression de mes sentiments les
meilleurs.
G. G. S. Moulds.
Cependant, quelques années plus tard, soit en
1972, le litige surgit à nouveau lorsque le deman-
deur céda tous ses autres biens de la catégorie 3.
En vertu de l'alinéa 20(1)a) de la Loi de l'impôt
sur le revenu et du paragraphe 1100(2) des Règle-
ments, le demandeur a réclamé, pour l'année d'im-
position 1972, une allocation à titre de perte finale,
en calculant le coût en capital non déprécié de ses
biens compris dans la catégorie, comme si aucune
partie du produit tiré de la disposition du bien-
fonds situé sur la rue McLeod n'était attribuable
aux édifices érigés sur le terrain au moment de la
vente du bien-fonds en 1964. L'allocation à l'égard
du coût en capital réclamée par le demandeur pour
les deux années précédentes avait été calculée de la
même façon. Bien entendu, le Ministre rejeta
encore une fois ces déductions et émit les avis de
cotisation qui font l'objet du présent appel.
Le plaidoyer d'irrecevabilité
L'avocat de la défenderesse fait valoir, comme
argument principal, que le demandeur ne peut, à
ce stade des procédures, contester ou modifier la
répartition du produit de la vente survenue en
1964, après y avoir consenti en 1966. A son avis, la
théorie de l'irrecevabilité veut que le demandeur
ne puisse soulever une seconde fois la question
litigieuse précise qui a fait l'objet de la nouvelle
cotisation émise en 1966, pour l'année 1964. Il est
constant en droit, prétend-il, que lorsqu'une per-
sonne présente des faits à une autre personne qui
en tient compte, à son préjudice, la dénégation par
la première personne de ces faits est irrecevable;
cette règle—qui en est une de bon sens—revêt une
importance capitale dans des affaires comme celle
en l'espèce. En effet, soutient l'avocat, le fait qu'un
contribuable ait la liberté de se rétracter à la suite
d'une présentation de faits serait des plus préjudi-
ciable à la situation du Ministre. A son avis, les
difficultés qui surgiront, plus tard, lorsqu'on
essaiera d'établir l'exactitude des faits et les pro-
blèmes administratifs qui en résulteront seront
d'une telle envergure qu'il faut considérer que
lorsqu'une cotisation est fondée sur un fait précis
et qu'aucun appel n'a été interjeté à l'encontre de
cette cotisation, toute l'affaire doit alors être consi-
dérée close. Le ministère du Revenu ne devrait pas
envisager la possibilité d'une nouvelle contestation
portant sur le même fait lorsque le contribuable
calculera son revenu pour les années subséquentes.
Je ne puis tout simplement pas accepter ces
prétentions. La théorie de l'irrecevabilité, si je la
comprends bien, ne s'applique pas en l'espèce.
Lorsque le demandeur a consenti en 1966 à retirer
son avis d'opposition, il n'a pas, à mon avis, pro-
cédé à une présentation de faits. Dans sa déclara-
tion d'impôt initiale, il a pris position en décidant
que les édifices n'avaient aucune valeur au
moment de la vente du bien-fonds et il s'en est
tenu à cette décision, comme le démontre la lettre
du 18 novembre relative au retrait et dans laquelle
il déclara: [TRADUCTION] «Je ne comprends tou-
jours pas pourquoi une partie du produit de la
vente devrait être attribuée à l'édifice». Pour des
raisons personnelles, il a choisi de négocier son
obligation contributive pour cette année-là plutôt
que de poursuivre l'affaire devant les tribunaux.
Mais cette décision ne peut certainement pas être
interprétée comme la présentation d'un fait [TRA-
DUCTION] «qu'il serait déraisonnable de permettre
de nier», ce qui constitue le véritable fondement de
la théorie de ce que l'on appelle «estoppel in pais»
(Phipson, on Evidence, 11e éd., page 927). De plus,
on ne peut guère dire que la décision du deman-
deur à l'effet de retirer son avis d'opposition a
mené le Ministre [TRADUCTION] «à agir à son
préjudice». Le montant attribué aux édifices fut
réduit de quelque $2,000, mais il demeure que si le
demandeur n'avait pas retiré son opposition et que
celle-ci eût été accueillie, il aurait payé moins
d'impôts entre les années 1964 et 1970, puisqu'il
aurait eu le droit de réclamer des sommes plus
importantes à titre d'allocation à l'égard du coût
en capital.
Certains problèmes administratifs peuvent être
mis en cause, mais il m'apparaît clair qu'ils ne
peuvent être soulevés afin d'empêcher un contri-
buable d'exercer ses droits. Quant aux difficultés
de preuve, il est inévitable qu'elles constitueront un
obstacle à la cause du demandeur et non à celle du
Ministre. Il appartient toujours au contribuable de
réfuter les faits présumés par le Ministre dans une
cotisation. En l'espèce, le fardeau peut être parti-
culièrement difficile à assumer puisque le contri-
buable devra également convaincre la Cour que sa
conduite antérieure ne doit pas être interprétée
comme une admission claire des présomptions du
Ministre.
Plusieurs des arrêts cités par l'avocat relative-
ment à l'exception d'irrecevabilité ne sont d'aucun
secours puisqu'ils portent soit sur l'irrecevabilité
absolue (ou pour cause de chose jugée), soit sur
l'irrecevabilité résultant d'une déclaration écrite
alors que nous traitons, en l'espèce, du plaidoyer
d'irrecevabilité résultant d'un comportement ou
d'une présentation de faits. Mais l'avocat a cité un
arrêt célèbre, traitant de cette question: il s'agit de
Emco Ltd. c. M.R.N. ([1969] 1 R.C.E. 241) dans
lequel la Cour a rejeté un tel plaidoyer bien que les
faits de cette affaire auraient pu l'amener—et ce,
de façon beaucoup plus convaincante qu'en l'espè-
ce—à conclure à «une présentation de faits».
A mon avis, en 1972 le demandeur n'était pas
privé de son droit de corriger la somme de l'ensem-
ble de ses biens de la catégorie 3 et, de ce fait,
n'était pas privé de son droit de soulever, encore
une fois, l'affaire de 1966 qu'il avait choisi, à cette
époque, de ne pas contester.
La question fondamentale
Le plaidoyer d'irrecevabilité ayant échoué, la
question à l'étude consiste à savoir si le demandeur
a établi ou non, au point de vue de la preuve et du
droit, qu'aucune partie du produit résultant de la
disposition du bien-fonds de la rue McLeod, en
1964, ne doit être traitée comme un produit résul-
tant de la disposition de quelques-uns de ses biens
de la catégorie 3, à savoir les édifices érigés dessus.
Le critère applicable en cette matière est celui du
«caractère raisonnable», puisque l'alinéa 20(6)g)
de l'ancienne Loi de l'impôt sur le revenu, sous le
régime de laquelle cette allocation fut faite, pré-
voyait ce qui suit:
20. (6) Pour l'exécution du présent article et des règlements
établis selon l'alinéa a) du paragraphe (1) de l'article 11, les
règles suivantes s'appliquent:
g) lorsqu'un montant peut être raisonnablement considéré
comme étant en partie la cause ou considération pour la
disposition de biens d'un contribuable, susceptibles de dépré-
ciation et appartenant à une catégorie prescrite, et comme
étant en partie la cause ou considération pour d'autre chose,
la fraction du montant qui peut être raisonnablement consi-
dérée comme étant la cause ou considération de cette disposi
tion est censée être le produit de la disposition de biens
susceptibles de dépréciation appartenant à cette catégorie,
indépendamment de la forme ou de l'effet juridique du
contrat ou de la convention; et la personne envers qui on a
disposé des biens susceptibles de dépréciation est réputée
avoir acquis les biens à un coût en capital, pour elle, égal à la
même fraction de ce montant;
Est-il «raisonnable» de considérer que, dans les
circonstances qui prévalaient au moment de la
vente en 1964, une partie du prix sur lequel se sont
entendues les parties était une considération pour
les édifices?
On doit en premier lieu souligner que la défen-
deresse n'a présenté aucune preuve utile afin de
justifier la présomption du Ministre. Le seul
témoin appelé pour le compte de la défenderesse
est le fonctionnaire qui s'est occupé de l'avis d'op-
position en 1974 et qui ne s'était jamais occupé de
cette affaire antérieurement. A noter également
que le ministère n'a procédé à aucune évaluation
en 1966 lorsqu'il a émis la nouvelle cotisation
initiale. Le montant de $46,625.33 alors attribué
aux édifices représentait seulement la valeur attri-
buée à ces édifices par le demandeur, pour le
calcul de son allocation à l'égard du coût en capi
tal pour les années antérieures à 1964. Nous
sommes donc confrontés avec: 1- les documents
produits, 2- le témoignage du demandeur et 3-
l'expertise d'un évaluateur d'immeubles profes-
sionnel. Ce dernier, en se fondant sur l'évaluation
qu'il avait faite en 1961 d'un immeuble adjacent à
celui du demandeur déclara que les édifices qui se
dressaient, en 1964, sur le terrain du demandeur
n'ajoutaient aucune valeur à la juste valeur mar-
chande du terrain, puisque l'utilisation la meilleure
et la plus profitable à laquelle pouvait être destiné
l'emplacement consistait à l'exploiter commercia-
lement, en y construisant un édifice à bureaux.
Cette preuve suffit-elle à réfuter la présomption
du Ministre renforcée, pour ainsi dire, par le
retrait, en 1966, de l'opposition du demandeur?
Après quelque hésitation, je conclus dans
l'affirmative.
Il m'apparaît clair que lorsque le demandeur a
proposé un prix au groupe de médecins formé dans
le but de réaliser le projet de construction de
l'édifice médical qu'il avait conçu lui-même, il ne
pouvait demander et n'a pas demandé un prix
supérieur à la valeur que représentait le terrain
aux yeux du groupe. Cette valeur représentait la
juste valeur marchande du bien-fonds, conformé-
ment à son utilisation la meilleure et la plus profi
table, soit un édifice à bureaux ou un édifice
médical.
Il est vrai que ce qui nous concerne, en l'espèce,
est la valeur que représentaient les édifices aux
yeux du vendeur; et le simple fait que l'intérêt des
acheteurs portait exclusivement sur le terrain ne
nous permet pas de conclure que les édifices érigés
dessus n'avaient aucune valeur pour le vendeur.
Mais, pour tenir compte d'une telle valeur, cette
dernière doit être réelle, économique et susceptible
d'être prouvée—ce qui était manifestement le cas
dans les deux arrêts cités par l'avocat de la défen-
deresse, soit M.R.N. c. Malloney's Studio Limited
(75 DTC 5377) et Baziuk c. La Reine (77 DTC
5001). Au contraire, en l'espèce, conformément à
la preuve soumise, la valeur seule du terrain pour
un promoteur dépassait largement le capital néces-
saire pour produire les revenus de location pouvant
être tirés des édifices. Le demandeur déclara que
la location des édifices avant leur vente revêtait
selon lui un caractère essentiellement passager; sa
déclaration à cet effet n'est pas contredite par le
fait qu'il détenait une police d'assurance-feu et
avait stipulé dans le contrat de vente lui-même
certaines mesures normales de précaution en ce qui
concerne ces édifices. A mon avis, dans les négo-
ciations qui ont conduit à la signature du contrat
en 1964 et à la détermination du prix d'achat, le
demandeur n'a jamais pu obtenir un bénéfice ou
une valeur quelconque additionnelle en raison des
édifices. Toute la valeur concernait exclusivement
le terrain. La stipulation précitée selon laquelle le
prix ne concernait que le terrain a pu être insérée
au contrat à la requête du demandeur et ce, pour
des fins d'impôt (comme l'a fait valoir l'avocat de
la défenderesse); mais à mon avis, c'était la simple
vérité.
La Commission de révision de l'impôt a main-
tenu la cotisation établie par le Ministre pour le
motif que la vente par le demandeur à Foxspar
Realty Limited n'était pas une transaction à dis
tance et que les dispositions du paragraphe 17(2)
et des alinéas 20(6)g) et 20(5)c) de l'ancienne Loi
de l'impôt sur le revenu étaient applicables. Je ne
suis pas d'accord avec le point de vue selon lequel
la transaction ne fut pas négociée à distance. Bien
que le demandeur ait été membre du groupe de
médecins qui avaient consenti à entreprendre la
construction du centre, et qu'il soit devenu un
actionnaire minoritaire de la compagnie constituée
en vue de réaliser ce projet, il ne s'ensuit pas que
ses négociations avec les autres médecins n'ont pas
été menées à distance; il ne s'ensuit pas non plus
qu'il a été induit à se départir de quelque chose et
ce faisant, à sacrifier ses propres intérêts économi-
ques. Quoi qu'il en soit, vu qu'à mon avis les
édifices n'avaient aucune valeur pour les parties au
contrat de 1964, la question de savoir si les négo-
ciations ont été menées à distance ou non n'a
aucun rapport avec le présent litige.
Je suis convaincu, à la lumière de la preuve
relative aux négociations entre les parties et leur
consensus au cours de la transaction je reprends
les mots de celui qui fut plus tard juge en chef
adjoint de cette cour, prononcés dans l'arrêt Emco
précité—que le prix convenu était attribuable
exclusivement à la valeur du terrain et non aux
édifices. Par conséquent, je conclus qu'aucune
partie du prix de vente de 1964 ne peut raisonna-
blement être considérée comme un produit résul-
tant de la disposition des édifices.
L'appel est donc accueilli avec dépens et les
cotisations renvoyées afin d'en établir de nouvelles
conformes à ces motifs.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.