A-277-77
Marie Antoinette Vincenti (Requérante)
c.
Le ministre de la Main-d'oeuvre et de l'Immigra-
tion et L. G. Rivard (Intimés)
et
Le sous-procureur général du Canada (Mis-en-
cause)
Cour d'appel, le juge en chef Jackett, les juges
Pratte et Le Dain—Montréal, le 31 mai; Ottawa,
le 6 septembre 1977.
Examen judiciaire — Immigration — Établissement du
domicile canadien — Séjour prolongé à l'extérieur du Canada
— Période de cinq ans non clairement établie — Enquête
spéciale au retour — Ordonnance d'expulsion — Loi sur
l'immigration, S.R.C. 1970, c. I-2, art. 2, 3(2), 4(1),(3) et
18(1)e)(vi),(2) — Loi sur la Cour fédérale, art. 28.
La requérante, une citoyenne française, a été admise au
Canada en 1967 en qualité d'immigrante reçue et est retournée
en France en 1972 pour poursuivre ses études. La preuve
n'établit pas clairement si elle a vécu au Canada cinq ans au
cours de la période de 1967 à 1972. Après avoir mené une
enquête spéciale en 1976 un enquêteur spécial a conclu qu'elle
n'avait pas acquis de domicile canadien et qu'elle avait volon-
tairement quitté le Canada pour un séjour prolongé à l'exté-
rieur du Canada. Il a ordonné son expulsion.
Arrêt: la demande est accueillie. L'enquêteur spécial aurait
d'abord dû se demander si la requérante a acquis le domicile
canadien en ayant au Canada, pendant au moins cinq ans après
avoir été reçue dans ce pays, son lieu de domicile, c.-à-d. a)
l'endroit où elle a son logis, b) l'endroit où elle réside, c)
l'endroit où elle retourne comme à sa demeure permanente, et
dans l'affirmative, il aurait dû se demander si la requérante a
perdu son domicile canadien en «résidant volontairement hors
du Canada dans l'intention d'établir son logis permanent hors
du Canada et non pour une simple fin spéciale ou temporaire».
DEMANDE d'examen judiciaire.
AVOCATS:
J. G. Maranda pour la requérante.
P. Gariépy pour les intimés et le mis-en-cause.
PROCUREURS:
J. G. Maranda, Montréal, pour la requérante.
Le sous-procureur général du Canada pour
les intimés et le mis-en-cause.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE EN CHEF JACKETT: Il s'agit d'une
demande présentée en vertu de l'article 28 visant
l'annulation d'une ordonnance d'expulsion pronon-
cée contre la requérante.
La demande présentée en vertu de l'article 28 a
été entendue à Montréal le 31 mai 1977 en même
temps qu'une demande correspondante présentée
par le mari de la requérante à l'encontre d'une
ordonnance d'expulsion prononcée contre lui (voir
à la page 45). Voici le libellé de l'ordonnance alors
rendue:
Les parties y consentant, au lieu d'être entendues oralement,
elles auront la faculté de produire une argumentation écrite; la
requérante aura jusqu'au 16 juin pour produire son mémoire;
les intimés auront jusqu'au 1" juillet pour produire le leur; la
requérante pourra ensuite répondre au mémoire des intimés
avant le 10 juillet; l'affaire sera alors prise en délibéré.
La requérante et les intimés ont déposé leurs
mémoires comme ils y étaient autorisés.
En l'espèce, les faits révélés par la preuve pré-
sentée à l'enquêteur spécial sont très semblables à
ceux révélés par la preuve faite devant l'enquêteur
spécial au sujet du mari. A la lecture des deux
procédures, deux différences principales retiennent
mon attention, à savoir:
a) contrairement à son mari la requérante ne
paraît pas avoir eu l'opportunité d'effectuer des
voyages temporaires à l'extérieur du Canada
entre son arrivée en qualité d'immigrante en
1967 et son retour en France en 1972 pour
poursuivre des études, et
b) la preuve n'établit pas clairement en l'espèce
que la requérante a vécu cinq ans au Canada
avant de retourner en France.
DP plus, dans cette affaire, l'enquêteur spécial a
prononcé l'ordonnance d'expulsion contestée, por-
tant entre autres
2) vous n'êtes pas une personne ayant acquis le domicile
canadien;
sans autre conclusion de fait que la suivante
madame Vincenti a quitté le Canada en 1972 pour un séjour
volontaire prolongé à l'extérieur du Canada.
Comme je l'ai dit dans mes motifs prononcés ce
même jour relativement à la demande présentée
par son mari, je suis d'avis que l'enquêteur spécial
aurait d'abord dû se demander si la requérante a
acquis le domicile canadien en ayant au Canada,
pendant au moins cinq ans après avoir été reçue
dans ce pays, son lieu de domicile, c.-à-d.,
a) l'endroit où elle a son logis,
b) l'endroit où elle réside, ou
c) l'endroit où elle retourne comme à sa
demeure permanente,
et dans l'affirmative, il aurait dû se demander si la
requérante a perdu son domicile canadien en «rési-
dant» volontairement hors du Canada «dans l'in-
tention d'établir son logis permanent hors du
Canada et non pour une simple fin spéciale ou
temporaire». Il semble n'avoir étudié aucune de ces
questions.'
Dans les circonstances, les faits constatés par
l'enquêteur spécial n'appuient pas l'ordonnance
d'expulsion prononcée contre la requérante et l'or-
donnance doit être annulée.
* * *
LE JUGE PRATTE: Je suis d'accord.
* * *
LE JUGE LE DAIN: Je suis d'accord.
' Relativement à la première question, remarquons que
même si le retour en France en 1972 se situait à l'intérieur de la
période de cinq ans, il resterait toujours la question de savoir si
cela a rompu la continuité de son lien avec le Canada qui faisait
de ce pays son «lieu de domicile».
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.