A-322-76
Dollina Enterprises Limited (Appelante)
(Demanderesse)
c.
John Michael Wilson-Haffenden, Ronald Lindsey
Smith, Harold Fenton et Eberhard Baehr et toutes
les autres personnes ayant des réclamations contre
la demanderesse, son navire le Joan W. II ou
contre le fonds constitué aux présentes (Intimés)
(Défendeurs)
Cour d'appel, les juges Pratte, Urie et Le Dain—
Vancouver, le 29 novembre et le 3 décembre 1976.
Droit maritime—L'appelante cherche à limiter sa responsa-
bilité en vertu des art. 647 et suivants de la Loi sur la marine
marchande du Canada—L'appelante a-t-elle réussi à établir
que l'abordage s'est produit sans faute de la part du proprié-
taire du navire?—Loi sur la marine marchande du Canada,
S.R.C. 1970, c. S-9, art. 647.
L'appelante prétend que l'abordage entre son navire et un
autre navire est survenu sans qu'il y ait faute de sa part et
qu'elle a donc droit de chercher à limiter sa responsabilité pour
les dommages résultant de l'abordage en application de l'article
647 de la Loi sur la marine marchande du Canada.
Arrêt: l'appel est rejeté. La preuve n'établit pas que l'abor-
dage résulte de la faute de l'appelante ni le contraire. Ainsi
l'appelante n'a pas réussi à établir qu'il s'est produit sans
aucune faute de sa part et elle ne peut limiter sa responsabilité
en vertu de l'article 647 de la Loi sur la marine marchande du
Canada.
APPEL.
AVOCATS:
John R. Cunningham pour l'appelante
(demanderesse).
Timothy P. Cameron pour l'intimé (défen-
deur) John Michael Wilson-Haffenden.
S. H. Lipetz pour tous les autres intimés
(défendeurs).
PROCUREURS:
Macrae, Montgomery, Spring & Cunning-
ham, Vancouver, pour l'appelante (demande-
resse).
McMaster, Bray, Cameron & Jasich, Van-
couver, pour l'intimé (défendeur) John
Michael Wilson-Haffenden.
Ray, Wolfe, Connell, Lightbody & Reynolds,
Vancouver, pour tous les autres intimés
(défendeurs).
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement prononcés à l'audience par
LE JUGE PRATTE: Il s'agit d'un appel d'une
décision de la Division de première instance' qui a
rejeté avec dépens une action en limitation de
responsabilité intentée par l'appelante, en vertu
des articles 647 et suivants de la Loi sur la marine
marchande du Canada pour les dommages résul-
tant d'un abordage survenu entre deux bateaux de
pêche, le Joan W. II, propriété de l'appelante et le
All Star. La responsabilité de l'appelante dans cet
abordage avait été antérieurement établie par un
autre jugement de la Division de première
instance 2 .
Cet appel ne soulève qu'une question impor-
tante: à savoir, si l'appelante a réussi à établir que
l'abordage s'est produit sans faute de sa part,
c'est-à-dire sans faute de la part de Norman Fidd
ler, son président et gérant, dont les activités
étaient celles de la compagnie elle-même.
Au moment de l'abordage, Fiddler n'était pas à
bord de son navire. La cause immédiate de l'abor-
dage n'était pas sa faute, mais celle de William
Crewe, capitaine du Joan W. II. Crewe était un
capitaine d'expérience. Fiddler, lui-même naviga-
teur averti, l'avait engagé pour agir à titre de
patron du Joan W. II. Il n'avait alors aucune
raison de mettre en doute la compétence de Crewe.
Pour avoir navigué avec lui lors de ses deux pre
miers voyages sur le Joan W. II, il avait eu l'occa-
sion, avant l'abordage, d'observer le nouveau capi-
taine de son navire pendant plus de dix jours en
mer.
Lors de l'abordage, le temps était sombre et la
visibilité mauvaise. En dépit de cela, le Joan W. II
naviguait une vitesse de régime de 8 noeuds. A
mon avis, le juge de première instance, si j'inter-
prète bien son jugement, a décidé à bon droit que
l'omission de Crewe de réduire la vitesse de son
navire, était une faute qui a contribué à l'accident.
Si la faute de Crewe avait simplement été un
acte de négligence isolé, on pourrait certes préten-
dre que l'abordage s'est produit sans qu'il y ait
faute de la part de Fiddler. Mais j'estime que
' [1977] 1 C.F. 169.
2 Arrêt N° T-1774-73.
l'omission de Crewe de réduire la vitesse du navire
ne peut être ainsi interprétée. Il a témoigné qu'au
moment de l'abordage, il naviguait à sa vitesse de
régime et de façon habituelle. De plus, il ressort de
la preuve que Fiddler a pu avoir l'occasion, au
cours de ses deux voyages avec Crewe, d'observer
les habitudes négligentes de son employé. Le seul
commentaire de Crewe sur ce point est qu'il ne se
souvenait pas si Fiddler l'avait vu naviguer à sa
vitesse de régime de huit noeuds dans des condi
tions de visibilité réduite. Par conséquent, la
preuve n'écarte pas la possibilité que Fiddler ait su
que Crewe ne réduisait normalement pas sa vitesse
lorsque la visibilité était réduite. Signalons que si
Fiddler a pu observer l'habitude négligente de
Crewe, il n'a rien fait pour y obvier puisqu'il a
témoigné qu'il considérait raisonnable une vitesse
de huit noeuds lorsque la visibilité est nulle.
Si l'on avait prouvé que Fiddler était au courant
de la mauvaise habitude de Crewe et n'avait rien
fait à ce sujet, à mon avis, on aurait établi que le
premier avait commis une faute prévenant l'appe-
lante de limiter sa responsabilité. La preuve n'éta-
blit pas qu'il a commis cette faute ni le contraire;
elle indique simplement qu'il peut l'avoir commise.
J'estime cela suffisant pour dire que l'appelante
n'a pas réussi à établir que l'abordage s'est produit
sans aucune faute de la part de Fiddler.
Pour ces motifs, plutôt que pour ceux donnés en
Division de première instance, je rejetterais l'appel
avec dépens.
• * *
LE JUGE URIE y a souscrit.
* * *
LE JUGE LE DAIN y a souscrit.
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