A-844-76
Saskatchewan Power Corporation et Many
Islands Pipe'Lines Limited (Appelantes)
c.
TransCanada PipeLines Limited (Intimée)
et
Le sous-procureur général du Canada (Interve-
nant)
Cour d'appel, les juges Pratte, Urie et Le Dain—
Ottawa, les 7 et 8 décembre 1976 et le 23 février
1977.
Couronne — Appel d'une décision de l'Office national de
l'énergie — Certains documents devaient-ils être produits
auprès de l'Office par l'intimée en vertu de l'art. 51(2) de la
Loi sur l'Office national de l'énergie? — S'agit-il d'un contrat
de vente ou d'un contrat d'échange? — L'art. 51(2) est-il
applicable? — L'art. 51(2) est-il ultra vires du Parlement du
Canada? — Loi sur l'Office national de l'énergie, S.R.C. 1970,
c. N-6, art. 2, 11b), 18, 50, 51(2) et 61 — Acte de l'Amérique
du Nord britannique, 1867, art. 92(10)a) et 91(29).
Les appelantes prétendent que l'Office national de l'énergie a
eu tort de décider que certains documents relatifs à un contrat
intervenu entre elles et l'intimée devaient être produits auprès
de lui en vertu de l'article 51(2) de la Loi sur l'Office national
de l'énergie. Les appelantes soutiennent que l'acceptation des
documents par l'Office constitue de sa part une affirmation
tacite de son pouvoir de réglementer le gaz, en vertu d'un
contrat de 1969, et que les documents ne devaient pas être
produits parce qu'ils établissent l'existence non pas d'un contrat
de vente, mais d'un contrat d'échange. Elles soutiennent aussi
qu'on n'était pas tenu de déposer les documents parce que le
contrat a été passé avant l'adoption de l'article 51(2); que le
contrat ne spécifie pas que le gaz vendu doit être transmis par
pipe-line et que l'article 51(2) est ultra vires du Parlement du
Canada parce qu'il fait partie d'un plan d'ensemble visant à
réglementer les opérations intraprovinciales aussi bien qu'inter-
provinciales et à réglementer non seulement les coûts d'une
entreprise interprovinciale, mais aussi les conditions des con-
trats intraprovinciaux.
Arrêt: l'appel est rejeté. Bien que le contrat de 1969 ne soit
pas un contrat de vente, mais une promesse de vente, et qu'on
n'aurait pas été tenu de le produire si l'article 51(2) avait été
adopté à cette époque, un nouveau contrat est entré en vigueur
lorsque les appelantes ont notifié à TransCanada leur décision
de se prévaloir de la promesse de vente et ce nouveau contrat
est un contrat de vente. L'article 51(2) s'applique donc et ce, en
fait, chaque fois que le gaz est transmis par pipe-line, que le
contrat spécifie ou non cette méthode de transmission. L'article
51(2) n'est pas ultra vires du Parlement du Canada parce que
la compétence fédérale de réglementer les entreprises interpro-
vinciales comprend le pouvoir de réglementer les droits et
s'étend à tous les services fournis par l'entreprise, y compris les
services intraprovinciaux. En outre, le pouvoir de réglementer
les droits inclut celui d'adopter les dispositions indispensables
pour empêcher de tourner cette réglementation, ce qui est
l'objet de l'article 51(2).
Arrêts appliqués: La Reine du chef de l'Ontario c. La
Commission des transports [1968] R.C.S. 118; Compa-
gnie du chemin de fer canadien du Pacifique c. Canadian
Oil Companies Ltd. (1913) 47 R.C.S. 155, confirmé par
[1914] A.C. 1022; The Crow's Nest Pass Coal Company
Limited c. Alberta Natural Gas Company [1963] R.C.S.
257; Campbell-Bennett Ltd. c. Comstock Midwestern Ltd.
[1954] R.C.S. 207 et Procureur général de l'Ontario c.
Winner [1954] A.C. 541. Distinction faite avec l'arrêt:
Prenn c. Simmonds [1971] 3 All E.R. 237.
APPEL d'une décision de l'Office national de
l'énergie.
AVOCATS:
Gordon F. Henderson, c.r., Y. A. George
Hynna et Maurice Sychuk pour les
appelantes.
John H. Francis, c.r., et G. D. Finlayson, c.r.,
pour TransCanada PipeLines.
Philip G. Griffin pour l'Office national de
l'énergie.
T. B. Smith, c.r., pour le procureur général du
Canada.
PROCUREURS:
Gowling & Henderson, Ottawa, pour les
appelantes.
McCarthy & McCarthy, Toronto, pour
TransCanada PipeLines.
Office national de l'énergie pour son propre
compte.
Le sous-procureur général du Canada pour le
procureur général du Canada.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE PRATTE: Il s'agit d'un appel d'une
décision de l'Office national de l'énergie, qui
estime que certains documents produits auprès de
lui par TransCanada PipeLines Limited, devaient
l'être en vertu de l'article 51(2) de la Loi sur
l'Office national de l'énergie'.
TransCanada PipeLines Limited est une compa-
gnie au sens où l'entend l'article 2 de ladite loi, qui
S.R.C. 1970, c. N-6.
possède et exploite un pipe-line interprovincial 2 .
Le 1e" novembre 1969, elle a passé avec les appe-
lantes un contrat de fourniture de gaz à long
terme, d'une durée de douze ans et se terminant le
31 octobre 1981. Il stipule que pendant les six
premières années, TransCanada achètera certains
volumes de gaz aux appelantes, et que pendant les
six dernières celles-ci auront la faculté de lui ache-
ter des volumes de gaz comparables. Lorsque les
six premières années ont été écoulées, les appelan-
tes ont envoyé à TransCanada des avis écrits indi-
quant les volumes de gaz qu'elles avaient décidé
d'acheter pendant les années commençant le ler
novembre 1975 et le l ei novembre 1976. TransCa-
nada a envoyé à l'Office des copies de ces avis et
du contrat de 1969, aux fins de dépôt en vertu de
l'article 51(2) de la Loi sur l'Office national de
l'énergie 3 . Les appelantes ont pensé, semble-t-il,
que le fait d'accepter ces documents pour dépôt
constituait de la part de l'Office, une affirmation
tacite de son pouvoir de réglementer le prix auquel
TransCanada a accepté de vendre son gaz au titre
du contrat de 1969. Elles lui ont alors demandé de
rendre une ordonnance [TRADUCTION] «refusant
le prétendu dépôt et ordonnant que la validité du
dépôt du contrat d'achat de gaz intervenu entre
Saskatchewan Power Corporation en qualité de
venderesse et TransCanada PipeLines Limited en
qualité d'acheteuse (dépôt proposé par TransCana-
da PipeLines Limited) soit déterminée par l'Office
national de l'énergie, au cours d'une audience
spéciale.»
2 L'article 2 de cette loi se lit en partie comme suit:
2. Dans la présente loi
«compagnie» désigne une personne autorisée, en vertu d'une
loi spéciale, à construire ou exploiter des pipe-lines;
«pipe-line» signifie une canalisation pour la transmission du
gaz ou du pétrole, reliant une province à une autre ou à
d'autres provinces, ou s'étendant au-delà des limites d'une
province, et comprend tous les branchements, extensions,
citernes, réservoirs, installations d'emmagasinage, pompes,
rampes de chargement, compresseurs, moyens de charge-
ment, systèmes de communication entre stations par télé-
phone, télégraphe ou radio, ainsi que les biens immeubles
ou meubles et les ouvrages connexes;
3 Ce paragraphe figure dans la Partie IV de la Loi, qui se lit
en partie comme suit:
PARTIE IV
MOUVEMENT, DROITS ET TARIFS
Une audience a ensuite eu lieu. L'avocat des
appelantes y a soutenu que les documents présen-
tés pour dépôt par TransCanada ne devaient pas
être produits en vertu de l'article 51(2) parce qu'ils
établissaient l'existence d'un contrat d'échange et
non pas d'un contrat passé par TransCanada en
vue de vendre du gaz.
L'Office a rejeté la prétention des appelantes et
décidé qu'en vertu de l'article 51(2), TransCanada
était obligée de produire les documents qu'elle lui
a envoyés.
L'avocat des appelantes a réitéré devant cette
cour l'allégation qu'il avait présentée à l'Office et
a soutenu en outre que les documents ne devaient
50. L'Office peut rendre des ordonnances sur tous les
sujets relatifs au mouvement, aux droits ou tarifs.
51. (1) Une compagnie ne doit pas imposer de droits, sauf
les droits que spécifie un tarif produit auprès de l'Office et en
vigueur.
(2) Si le gaz que transmet une compagnie par son pipe
line lui appartient, elle doit, lors de l'établissement de tous les
contrats de vente de gaz qu'elle peut conclure et des modifi
cations y apportées à l'occasion, en fournir copie conforme à
l'Office, et les copies conformes ainsi fournies sont censées,
aux fins de la présente Partie, constituer un tarif produit en
conformité du paragraphe (1).
52. Tous les droits doivent être justes et raisonnables, et ils
doivent toujours, dans des circonstances et conditions fonda-
mentalement semblables, à l'égard de tout le mouvement
d'une même nature opéré sur le même parcours, être imposés
également à toutes personnes, au même taux.
53. L'Office peut rejeter tout tarif ou une partie d'un tarif
qu'il estime contraire à une disposition quelconque de la
présente loi ou à une ordonnance de l'Office, et il peut exiger
qu'une compagnie y substitue, dans un délai prescrit, un tarif
qu'il juge satisfaisant, ou il peut prescrire d'autres tarifs au
lieu du tarif ainsi rejeté en totalité ou en partie.
54. L'Office peut suspendre l'application de tout tarif ou
de toute partie de tarif avant ou après l'entrée en vigueur de
ce dernier.
61. Si le gaz que transmet une compagnie par son pipe
line, appartient à la compagnie, la différence entre ce qu'il en
coûte à la compagnie pour le gaz au point où celui-ci pénètre
dans son pipe-line et le montant pour lequel la compagnie
vend le gaz, est réputée, aux fins de la présente Partie, un
droit imposé par la compagnie, à l'acheteur, pour la trans
mission de ce gaz.
Il convient de lire ces articles sur la base du mot adroit», qui
figure dans l'article 2:
adroit» comprend tout droit, taux ou prix ou tous frais exigés
ou établis pour l'expédition, le transport, la transmission,
la garde, la manutention ou la livraison d'hydrocarbures,
ou pour l'emmagasinage, les surestaries ou choses
analogues.
pas être produits en vertu de l'article 51(2) pour
les raisons suivantes:
a) le contrat de 1969 a été passé avant l'adop-
tion de l'article 51(2), qui a pris place en 1970;
b) le contrat passé par les parties ne prévoit pas
que le gaz acheté par les appelantes sera trans-
mis par un pipe-line;
c) l'article 51(2) est ultra vires du Parlement
du Canada.
A mon avis, l'Office a eu raison de conclure,
contrairement à l'allégation des appelantes, que les
documents présentés par TransCanada établissent
l'existence d'un contrat de vente de gaz par elle
aux appelantes. Le contrat de 1969 prévoyait:
a) une vente de gaz par les appelantes à Trans-
Canada pendant les six premières années du
contrat; et
b) une promesse de vente par TransCanada aux
appelantes pendant les six dernières années du
contrat.
Le contrat de 1969 n'était pas en soi une vente qui,
si l'article 51(2) avait été alors en vigueur, aurait
dû être produite en vertu de cet article. Mais
lorsqu'en 1975, les appelantes ont notifié à Trans-
Canada leur décision de se prévaloir de la pro-
messe de vente, un nouveau contrat est entré en
vigueur et ce contrat, à mon avis, ne peut être
considéré que comme une vente de gaz par Trans-
Canada aux appelantes.
Il s'ensuit que les contrats de vente passés par
TransCanada ne l'ont pas été en 1969, mais en
1975, époque à laquelle les appelantes lui ont
notifié leur décision d'exercer leur faculté. L'arti-
cle 51(2) a été adopté en 1970. Donc, l'allégation
des appelantes suivant laquelle la décision en appel
donne un effet rétroactif à l'article 51(2) est sans
fondement.
Je ne trouve également aucun fondement à l'al-
légation selon laquelle la vente aux appelantes
n'entrait pas dans le cadre de l'article 51(2) parce
que les documents présentés pour dépôt n'indi-
quaient pas expressément que le gaz qui leur était
vendu serait transmis par le pipe-line de TransCa-
nada. Cet article s'applique chaque fois qu'une
compagnie de gaz vend du gaz qui, en fait, est
transmis par son pipe-line. Il n'est nullement
nécessaire pour qu'il s'applique que le contrat spé-
cifie l'origine du gaz.
Selon l'avocat des appelantes, si je comprends
bien, l'article 51(2) serait ultra vires du Parlement
du Canada pour deux raisons: premièrement,
parce qu'il ferait partie d'un plan d'ensemble
visant à réglementer les tarifs d'opérations pure-
ment intraprovinciales et interprovinciales; et
deuxièmement, parce qu'il ferait partie d'un plan
d'ensemble visant à réglementer non seulement le
coût des services qu'une entreprise interprovinciale
doit fournir, mais aussi les conditions des contrats
de vente de gaz purement intraprovinciaux. A mon
avis, il convient de rejeter ces deux arguments.
Tout d'abord, il est maintenant bien établi que la
compétence fédérale sur une entreprise interpro-
vinciale comprend le pouvoir de réglementer les
droits et s'étend à tous les services fournis par
l'entreprise, y compris ceux qui le sont entièrement
dans les limites d'une province (La Reine du chef
de l'Ontario c. La Commission des transports
[1968] R.C.S. 118). Deuxièmement, une fois qu'il
est bien compris que le point litigieux ne porte en
l'espèce que sur la validité de l'article 51(2) et non
pas sur celle de l'article 61, il devient évident, selon
moi, que le pouvoir de réglementer les droits des
entreprises fédérales conféré au Parlement, com-
prend celui d'adopter un texte comme l'article
51(2), qui semble indispensable pour empêcher de
tourner la réglementation des droits.
Pour ces motifs, je rejette l'appel.
* * *
LE JUGE URIE: Je souscris.
* * *
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE LE DAIN: Il s'agit ici d'un appel
interjeté en vertu de l'article 18 de la Loi sur
l'Office national de l'énergie, S.R.C. 1970, c. N-6,
contre une décision de l'Office national de l'éner-
gie déclarant qu'un «contrat d'achat de gaz», en
date du l er novembre 1969, et passé par les appe-
lantes Saskatchewan Power Corporation et Many
Islands Pipe Lines Limited (ci-après appelées col-
lectivement «SPC») d'une part, et l'intimée Trans-
Canada PipeLines Limited (ci-après appelée
«TransCanada») d'autre part, devait aux termes de
l'article 51(2) être produit par TransCanada
auprès de l'Office et qu'il a bien été produit vala-
blement en vertu dudit article.
Le contrat intervenu entre SPC en qualité de
«venderesse» et TransCanada, en qualité d' «ache-
teuse» contient les passages suivants:
[TRADUCTION] ATTENDU QUE la venderesse et l'acheteuse
ont passé le 1" mai 1959, un contrat d'achat de gaz, dans sa
version modifiée (ci-après appelé «le contrat original») relatif à
la vente et à l'achat de gaz produit à Medicine Hat Field, dans
la province de l'Alberta, et livré à Success (Saskatchewan);
ET ATTENDU QUE la venderesse a une participation dans un
autre gisement de gaz sis à Medicine Hat Field, dans la
province de l'Alberta, et y disposera d'une quantité de gaz
qu'elle souhaite vendre à l'acheteuse;
ET ATTENDU QUE, sous réserve des modalités du présent
contrat, l'acheteuse désire acheter ce gaz à la venderesse;
ET ATTENDU QUE, sous réserve des modalités du présent
contrat, la venderesse désire avoir le droit après le 1°" novembre
1974 d'acheter certains volumes de gaz.
Le contrat prévoit aux fins de vente par SPC à
TransCanada, par jour, certains volumes mini
mums et maximums de gaz (défini comme «gaz
naturel et résiduel») aux prix stipulés pour chaque
année du contrat entre le 1" novembre 1969 et le
31 octobre 1974. Du 1" novembre 1974 au 31
octobre 1981, SPC doit avoir le droit d'obtenir de
TransCanada une «remise» de gaz, conformément
à l'article XVII que voici:
[TRADUCTION] ARTICLE XVII—REMISE DE GAZ PAR
L'ACHETEUSE
1. Pendant la période allant du 1e< novembre 1974 au 31
octobre 1981, la venderesse aura le droit d'acheter et l'ache-
teuse devra vendre et remettre à la venderesse, les volumes de
gaz que celle-ci requerra jusqu'à concurrence du volume total
de gaz que l'acheteuse a acheté pendant la période allant du Z ef
novembre 1969 au le' novembre 1974; étant entendu que
i) la venderesse donnera à l'acheteuse un avis écrit de dix-
huit (18) mois au moins relatif au gaz qu'elle désignera aux
fins de remise pour chaque année du contrat, et
ii) pour une année de contrat, la venderesse désignera aux
fins de remise, un volume de gaz supérieur à 16,000,000
Mp 3 , et
iii) lorsque la venderesse aura fait cette désignation, elle sera
alors obligée de prendre et de payer le gaz, et si le gaz est
disponible mais pas pris, de payer quand même les volumes
de gaz qu'elle aura ainsi désignés pour être remis par l'ache-
teuse, et
iv) l'obligation de l'acheteuse de remettre, chaque jour, du
gaz se situera dans les limites d'un volume journalier calculé
en divisant par 365 le volume annuel de gaz désigné par la
venderesse pour l'année de contrat, et en multipliant le
quotient ainsi obtenu par 1.33, et
v) le point de livraison pour cette remise de gaz par l'ache-
teuse à la venderesse sera celui qui existe actuellement près
de Success (Saskatchewan), tel que prévu par le contrat
original, et à la pression existant dans le pipe-line de l'ache-
teuse au moment de cette remise, et
vi) le prix à payer par la venderesse à l'acheteuse pour tout
ce gaz remis sera 23.50e par Mp 3 et si la moyenne pondérée
du contenu BTU du gaz remis en un mois est inférieure à
1,000 BTUs par pied cube, le prix du gaz sera diminué en
proportion directe de la diminution du contenu BTU de ce
gaz, de 1,000 BTUs par pied cube.
L'article VIII du contrat du ler mai 1959 (ci-
après appelé «le contrat original»), qui doit s'appli-
quer mutatis mutandis au contrat du 1" novembre
1969, contient à propos de la livraison les disposi
tions suivantes:
[TRADUCTION] ARTICLE VIII—PRESSION DE LIVRAISON ET
POINT DE LIVRAISON
1. La pression de livraison du gaz sera celle qui est néces-
saire pour effectuer la livraison par le principal pipe-line de
l'acheteuse.
2. Le point de livraison de tout le gaz se situera au principal
pipe-line de transmission de l'acheteuse, dans la province de la
Saskatchewan, à un point dont les parties devront convenir par
écrit.
3. La possession et le droit afférents à tout le gaz livré
passeront de la venderesse à l'acheteuse au point où ce gaz
quitte les installations de la venderesse et entre dans celles de
l'acheteuse, c'est-à-dire au point de livraison. Jusqu'à cette
livraison, la venderesse sera réputée être en possession, avoir
droit à ce gaz et en être responsable; après cette livraison,
l'acheteuse sera réputée être en possession, avoir droit à ce gaz
et en être responsable.
Par accord du 22 octobre 1962 conclu par SPC
et TransCanada, le point de livraison au titre du
contrat du l ei mai 1959, est établi comme suit:
[TRADUCTION] Les parties conviennent par les présentes que
nonobstant toute disposition dudit contrat, le point de livraison
pour tout le gaz livré à ce titre sera le point où le gaz entre dans
les installations de l'acheteuse près de l'intersection de son
pipe-line de trente-quatre (34) pouces et du pipe-line de dix
(10) pouces de la venderesse dans la section 26, township 18,
rang 16, à l'ouest du 3e méridien dans la province de la
Saskatchewan. Tout le gaz livré au point de livraison en vertu
dudit contrat sera mesuré et soumis à des tests à la station de
comptage sise sur la moitié ouest de la section 26, township 18,
rang 16, à l'est du 3e méridien dans la province de la
Saskatchewan.
Par accord du 5 octobre 1973, le contrat du l ei
novembre 1969 a été modifié de manière à prévoir
que [TRADUCTION] «le droit de la venderesse de
solliciter la remise du gaz en vertu de l'article
XVII dudit contrat, commencera le ler avril 1975».
Par télex et lettre du 30 avril 1974, SPC a avisé
TransCanada qu'elle désignait 5,000,000 Mp 3 de
gaz aux fins de remise pendant l'année commen-
çant le ler novembre 1975, tel que le prévoit l'arti-
cle XVII du contrat, et par lettre du 27 mars 1975,
SPC a désigné 16,000,000 Mp 3 de gaz aux fins de
remise pendant l'année commençant le ler novem-
bre 1976.
Le 11 juillet 1975, TransCanada a produit
auprès de l'Office les copies du contrat du ler
novembre 1969, dans sa version modifiée, ainsi que
celles des avis de désignation par SPC en confor-
mité de l'article XVII. La lettre, qui accompagnait
ces documents, déclarait:
[TRADUCTION] Conformément à l'article 52(2) [sic] de la
Loi sur l'Office national de l'énergie, nous mettons sous ce pli
six (6) copies d'un contrat intervenu entre Saskatchewan Power
Corporation, Many Islands Pipe Lines Limited, d'une part, et
TransCanada PipeLines Limited, d'autre part, le 1°r novembre
1969, et de ses amendements, ainsi qu'une copie d'un avis
envoyé par Saskatchewan Power Corporation à TransCanada
en vertu de l'article 17 dudit contrat par lequel Saskatchewan
Power a décidé d'acheter 5 milliards de pieds cubes de gaz
naturel pendant l'année commençant le 1" novembre 1975, et
un autre avis par lequel Saskatchewan Power a décidé d'ache-
ter 16 milliards de pieds cubes de gaz naturel pendant l'année
commençant le 1" novembre 1976.
Le 15 juillet 1975, TransCanada a saisi l'Office
d'une requête révisée sollicitant [TRADUCTION]
«des droits et tarifs justes et raisonnables pour les
ventes de gaz canadien et les services de transport,
à compter du P r novembre 1975,» et lui a demandé
de rendre les Ordonnances suivantes:
[TRADUCTION] A. Une ordonnance prenant effet le ler
novembre 1975 et rejetant tous les droits ou tarifs actuellement
en vigueur, ou qui entreraient en vigueur à cette date, afférents
au gaz vendu ou au gaz transporté pour d'autres au Canada par
la requérante, et approuvant les nouveaux tarifs ou droits que la
requérante a proposé d'appliquer pour ces services et qui sont
énoncés dans la présente requête révisée et mise à jour.
B. Une ordonnance approuvant les dispositions de tarif pro-
duites avec cette requête et rejetant toutes les dispositions
existant dans les tarifs actuels ou dans les contrats afférents
aux divers services examinés dans la présente requête, qui sont
incompatibles avec celles ainsi approuvées.
La requête révisée du 15 juillet 1975 contenait à
propos du contrat du ler novembre 1969, l'exposé
suivant:
[TRADUCTION] En vertu de la version modifiée d'un contrat
en date du Zef novembre 1969, SPC a le droit pendant la
période allant du 1" novembre 1975 au 31 octobre 1981
d'acheter à TransCanada des volumes de gaz, dont l'impor-
tance et le mode d'achat sont énoncés dans ledit contrat produit
auprès de l'Office. SPC a avisé la requérante qu'elle a décidé
d'acheter un volume annuel de gaz de 5 milliards de pieds cubes
pendant l'année commençant le 1 °f novembre 1975. Dans la
présente requête, la requérante a inclus lesdits volumes de gaz
comme faisant partie des ventes et des demandes de la période
d'essai, et visés par le refus des prix de vente énoncés dans le
contrat ainsi que par leur remplacement par le tarif de la zone
CD-75 de la Saskatchewan proposé dans la présente requête.
Par télex à l'Office, en date du 23 juillet 1975,
SPC a exprimé son opposition au dépôt du contrat
passé avec TransCanada. En voici les termes:
[TRADUCTION] Saskatchewan Power Corporation s'oppose au
dépôt du contrat annexé à la lettre du 11 juillet 1975 de
TransCanada PipeLines Limited adressée à l'Office national de
l'énergie, sans qu'il y ait des représentations directes de Sas-
katchewan Power Corporation relatives au contenu et à la
nature de ce contrat passé le 1" novembre 1969 par Saskatche-
wan Power Corporation et TransCanada PipeLines Limited.
L'Office a répondu par un télex du 25 juillet
1975, dont voici le libellé:
[TRADUCTION] Ce contrat a été produit originairement auprès
de l'Office, le 15 avril 1971, lors de la première demande de
tarif de TransCanada. Il est devenu un point litigieux dans la
requête présentée par cette dernière, le 15 juillet 1975, dans sa
demande de tarif courant.
Saskatchewan Power Corporation aura l'occasion de présenter
un témoignage ou un argument devant l'Office, à l'audience
fixée au 6 août 1975 par l'ordonnance AO-1-RH-2-75 du 16
juin 1975.
SPC a déposé un avis de requête, le 6 août 1975,
au cours de l'audience afférente aux taux susmen-
tionnés. En voilà les termes:
[TRADUCTION] Veuillez prendre note que Saskatchewan
Power Corporation par les présentes, demande à l'Office natio
nal de l'énergie une ordonnance rejetant le prétendu dépôt ou
ordonnant que ledit organisme, en vertu de l'article 12 du
Règlement sur les pratiques et procédés dans les procédures
conduites devant lui, statue, en tant que question de droit, sur
la validité du dépôt du contrat d'achat de gaz conclu le 1"
novembre 1969 par Saskatchewan Power Corporation en qua-
lité de venderesse et TransCanada PipeLines Limited en qualité
d'acheteuse, (dépôt proposé par TransCanada PipeLines Lim
ited), et ce, à une date qui sera fixée par l'Office national de
l'énergie avant la clôture des présentes audiences.
Et veuillez aussi prendre note que cette requête sera présen-
tée sur les motifs suivants:
(i) le contrat est conclu par un producteur et une compagnie
de pipe-line et stipule un paiement complet et indivisible. Il
n'est donc pas assujetti à la réglementation de la Partie IV de
la Loi sur l'Office national de l'énergie.
(ii) subsidiairement, la compétence de l'Office national de
l'énergie est une question de droit qui doit être résolue en
audience spéciale entre TransCanada PipeLines Limited et
Saskatchewan Power Corporation, afin d'accélérer l'audition
des taux.
Par accord du 6 août 1975, SPC et TransCana-
da ont fait les modifications suivantes relatives à la
remise prévue au contrat du ler novembre 1969:
[TRADUCTION] 1. Ledit contrat est modifié par les présen-
tes par la substitution du chiffre de «17,000,000» au chiffre de
«16,000,000», qui figure dans l'article XVII, paragraphe 1,
alinéa (ii).
2. La venderesse annule et retire par les présentes son avis en
date du 30 avril 1974 relatif à la désignation de 5,000,000 Mp 3
de gaz pour l'année commençant le let novembre 1975.
3. L'avis en date du 27 mars 1975 est modifié par les
présentes par la substitution du chiffre de «17,000,000» au
chiffre de «16,000,000».
Le 8 août 1975, l'audience afférente aux taux,
l'avocat de SPC a informé l'Office que sa cliente
désirait trancher la question soulevée par son avis
de requête au cours d'une audience distincte de
celle consacrée aux taux, et le président de l'Office
lui a répondu qu'il se proposait d'agir dans ce sens.
Le 22 août 1975, SPC a retiré l'avis de requête
qu'elle avait déposé à l'audition des taux, et a
présenté «en vertu des articles 50 et 51 de la Loi
sur l'Office national de l'énergie», la requête
suivante:
[TRADUCTION] Saskatchewan Power Corporation par les
présentes demande à l'Office national de l'énergie de rendre
une ordonnance rejetant le prétendu dépôt et ordonnant que
ledit organisme statue sur la validité du dépôt du contrat
d'achat de gaz conclu le lei novembre 1969 par Saskatchewan
Power Corporation en qualité de venderesse et TransCanada
PipeLines Limited en qualité d'acheteuse (dépôt proposé par
TransCanada PipeLines Limited), et ce, à une audience spé-
ciale de l'Office;
Et veuillez prendre note que cette requête sera présentée sur
les motifs que le contrat est conclu par un producteur et une
compagnie de pipe-line pour un paiement inséparable, n'est pas
divisible et vise à créer une charge équitable sur les réserves lors
de l'exécution et de la demande de remise. Saskatchewan Power
Corporation est devenue la propriétaire en equity et le contrat
prévoyant un échange dans ces conditions, n'est donc pas
assujetti à la réglementation de la Partie IV de la Loi sur
l'Office national de l'énergie.
A la suite d'une audience, l'Office a rendu une
décision, qui a été publiée le 12 mai 1976. Voici les
principales conclusions auxquelles il est parvenu:
[TRADUCTION] ... l'Office conclut que le contrat du let
novembre 1969 est un accord aux termes duquel les requéran-
tes, dans sa phase initiale, ont vendu du gaz à TransCanada, et
ayant exercé leur faculté, achèteront dans sa dernière phase, du
gaz à TransCanada.
... l'Office conclut que TransCanada était obligée aux termes
des dispositions de l'article 51(2), de produire le contrat du 1"
novembre 1969 auprès de l'Office.
... l'Office conclut que le contrat du 1°" novembre 1969 a été
valablement déposé en conformité de l'article 51(2) de la Loi.
Les dispositions de la Loi sur l'Office national
de l'énergie, qui s'appliquent plus particulièrement
aux fins du présent appel sont les articles 50, 51 et
61, dont voici les libellés:
50. L'Office peut rendre des ordonnances sur tous les sujets
relatifs au mouvement, aux droits ou tarifs.
51. (1) Une compagnie ne doit pas imposer de droits, sauf
les droits que spécifie un tarif produit auprès de l'Office et en
vigueur.
(2) Si le gaz que transmet une compagnie par son pipe-line
lui appartient, elle doit, lors de l'établissement de tous les
contrats de vente de gaz qu'elle peut conclure et des modifica
tions y apportées à l'occasion, en fournir copie conforme à
l'Office, et les copies conformes ainsi fournies sont censées, aux
fins de la présente Partie, constituer un tarif produit en confor-
mité du paragraphe (1).
61. Si le gaz que transmet une compagnie, par son pipe-line,
appartient à la compagnie, la différence entre ce qu'il en coûte
à la compagnie pour le gaz au point où celui-ci pénètre dans son
pipe-line et le montant pour lequel la compagnie vend le gaz,
est réputée, aux fins de la présente Partie, un droit imposé par
la compagnie, à l'acheteur, pour la transmission de ce gaz.
Au début de l'argument soutenu devant cette
cour, une question a été soulevée, à savoir: l'Office
a-t-il le pouvoir de prendre une décision exécu-
toire, du genre de celle qu'il a prise en l'espèce?
(c'est-à-dire une décision déclaratoire prise, sem-
ble-t-il en dehors, ou indépendamment de l'exer-
cice régulier de sa compétence en matière de taux.
A la clôture de l'audience, des documents ont été
ajoutés dans le but de montrer les circonstances où
l'Office a été appelé à prendre sa décision. Ces
circonstances, je les ai longuement exposées, car je
voulais indiquer le rapport entre la décision de
l'Office et les pouvoirs que la Loi lui confère. Elles
montrent que cette décision n'a pas été un simple
avis consultatif ni une interprétation d'un point
non litigieux, mais le règlement d'une question
soulevée initialement dans des procédures de taux
et retirée ensuite pour être examinée au cours
d'une audience distincte. Les termes de l'article
11b) 4 et de l'article 50 de la Loi relatifs aux
pouvoirs de l'Office, sont assez larges, à mon avis,
pour inclure une décision exécutoire prise en
dehors des procédures afférentes aux taux, qui
tranche le point litigieux du dépôt d'un contrat
particulier auprès de l'Office, en conformité de
l'article 51(2). La décision de l'Office s'inscrit
suffisamment dans le pouvoir conféré par l'article
11b) de rendre «toute ordonnance ... relativement
à quelque ... acte ... que la présente loi ... exige»
et par l'article 50 de rendre toute ordonnance
relativement «au mouvement, aux droits ou tarifs.»
L'Office a choisi d'appeler la détermination une
«décision» mais, aux fins de l'espèce, je n'attache
aucune importance à la distinction qu'il peut y
avoir entre les mots «ordonnance» et «décision». En
outre, j'estime qu'il serait fort inopportun de
donner aux pouvoirs conférés par ces dispositions,
une interprétation trop restrictive, qui les limiterait
aux ordonnances ou aux décisions de caractère
coercitif ou prescriptif 5 . Le pouvoir de déterminer,
à titre de question distincte si l'article 51(2) s'ap-
plique ou non à un certain contrat au point qu'une
fois déposé, il devient un tarif aux fins de la Loi,
me paraît être un des principaux aspects de la
responsabilité de la réglementation des tarifs, qui
incombe à l'Office.
Je passe aux motifs de l'appel invoqués par ses
auteurs.
Tout d'abord, les appelantes prétendent que
l'Office a commis une erreur de droit en appli-
411. L'Office est pleinement et exclusivement compétent
pour examiner, entendre et décider toute question
b) lorsqu'il lui apparaît que les circonstances peuvent l'obli-
ger, dans l'intérêt public, à rendre toute ordonnance ou à
donner une directive, autorisation, sanction ou approbation
que la législation lui permet de rendre ou donner, ou relative-
ment à quelque matière, acte ou chose que la présente loi ou
un semblable règlement, certificat, licence, permis, ordon-
nance ou directive interdit, sanctionne ou exige.
5 Si j'avais quelque doute à ce sujet, il serait dissipé par les
arrêts de la Cour suprême du Canada, qui laissent entendre
qu'elle est disposée à reconnaître l'habileté des organismes
investis d'un pouvoir de réglementation, tels que l'Office, à
rendre des ordonnances ou à prendre des décisions de caractère
déclaratoire dans les cas appropriés. Voir, par exemple, Com-
pagnie du chemin de fer canadien du Pacifique c. Canadian Oil
Companies Limited (1913) 47 R.C.S. 155 confirmé par [1914]
A.C. 1022, où il a été expressément statué que l'Office avait ce
pouvoir; et The Crow's Nest Pass Coal Company Limited c.
Alberta Natural Gas Company [1963] R.C.S. 257, et La Reine
c. La Commission des transports [1968] R.C.S. 118, où ce
pouvoir ne paraît pas être mis en doute.
quant les principes qui sont censés viser l'interpré-
tation des tarifs, et en excluant l'examen des cir-
constances qui entourent le contrat et indiquent
comment il doit être caractérisé. Elles invoquent
l'arrêt rendu par la Chambre des lords dans Prenn
c. Simmonds [1971] 3 All E.R. 237, où lord
Wilberforce dit aux pages 239 et 240:
[TRADUCTION] Pour comprendre la convention du 6 juillet
1960, il faut la replacer dans son contexte. Le temps n'est plus
où les conventions, même scellées, étaient isolées des faits dans
lesquels elles s'inscrivaient, et interprétées strictement d'après
des considérations linguistiques internes. Il est superflu de faire
appel ici aux tendances modernes, anti -littérales, car l'arrêt
bien connu rendu par lord Blackburn dans River Wear Comrs.
c. Adamson [(1877) 2 App Cas 743 à la p. 763, [1874-80] All
ER Rep 1 à la p. 11] justifie amplement une attitude libérale.
Nous devons, comme il l'a dit, enquêter au-delà de la langue et
voir dans quelles circonstances les mots étaient utilisés, ainsi
que l'objet que, d'après elles, les personnes qui les utilisaient
avaient en vue. En outre, au moins depuis 1859 (Macdonald c.
Longbottom) [(1860) 1 E & E 977, [1843-60] All ER Rep
1050], il est manifeste que la preuve de faits mutuellement
connus, peut être admise pour déterminer le sens d'un terme
descriptif.
Lord Wilberforce conclut ainsi à la page 241:
[TRADUCTION] A mon avis, la preuve des négociations ou
des intentions des parties, et a fortiori des intentions du D'
Simmonds, ne doit pas être reçue et la preuve doit se limiter
aux faits que les parties connaissaient à la date (ou avant la
date) du contrat, y compris la preuve de la «genèse» et naturel-
lement du «but» de la transaction.
Dans les motifs de sa décision, l'Office s'est
référé de la manière suivante à la preuve que les
appelantes voulaient qu'il examine, en l'espèce:
[TRADUCTION] Aux fins d'explication de l'historique de ce
contrat et de l'intention de SPC à l'époque où elle l'a passé, les
requérantes ont demandé à l'Office d'examiner les faits sui-
vants: SPC est un distributeur de gaz de la province de la
Saskatchewan; les besoins en gaz naturel de l'industrie de la
potasse en Saskatchewan se sont avérés difficiles à prévoir et,
vers 1969, il est devenu manifeste que les estimations de la
consommation de gaz par cette industrie étaient élevées; SPC a
alors accepté les propositions qui lui ont été faites de fournir du
gaz à TransCanada pendant la période de 1969-1974 en
échange de remises pendant la période 1975-1981, où les
charges de vente prévues de SPC devaient être suffisantes pour
absorber les volumes de gaz remis. Un contrat d'échange devait
avoir pour effet de permettre à SPC de réaliser ses objectifs de
fourniture de gaz.
Après avoir déclaré: [TRADUCTION] «L'Office
est d'avis que l'interprétation de l'article 51(2) et
celle des tarifs requièrent les mêmes principes»,
l'Office cite des extraits de plusieurs décisions de
la Commission des transports, où il est dit que les
tarifs doivent être interprétés de façon stricte,
d'après leur libellé et non pas d'après l'intention
hypothétique de leurs rédacteurs. Il conclut
comme suit:
[TRADUCTION] Sur la base de ces décisions relatives à l'inter-
prétation des tarifs et de la jurisprudence citée par les parties à
la requête, l'Office estime que pour déterminer si un contrat est
bien un contrat de vente au sens de l'article 51(2), il se doit
d'examiner le contrat lui-même, ainsi que tous les accords qui
l'ont modifié et les avis donnés en vertu du contrat. Toutefois,
l'Office juge inopportun de se référer à une preuve afférente à
l'historique de l'opération ou à l'intention de l'une des parties
au moment de la négociation du contrat ou aux dispositions des
autres contrats intervenus entre les parties.
Bien que l'opportunité de la référence aux prin-
cipes gouvernant l'interprétation des tarifs soit
contestable en tant que telle, puisque le point
litigieux porte sur la nature du contrat du ler
novembre 1969 et non pas sur son application une
fois qu'il est censé constituer un tarif, je ne pense
pas qu'en définitive, l'Office ait commis une erreur
en refusant d'examiner la preuve que les appelan-
tes lui demandaient d'examiner. Cette preuve
visait apparemment à établir que les parties au
contrat par le mot «remise» entendaient un
échange ou le remboursement d'un prêt et non pas
une vente. A mon avis, la question diffère de celle
invoquée dans Prenn par lord Wilberforce, à
savoir: une référence aux faits mutuellement
connus pour déterminer le sens d'un mot dans un
contrat. Je ne pense pas que la preuve des raisons
précises pour lesquelles SPC a passé le contrat du
l er novembre 1969 et accepté les modalités qu'elle
a acceptées, même si on pouvait prouver que
TransCanada les connaissait à l'époque, aiderait à
clarifier la caractérisation juridique du mot
«remise», qui figure dans l'article XVII du contrat.
Il ressort nettement du libellé du contrat et des
dispositions de l'article XVII que SPC prévoyait
qu'elle aurait besoin que TransCanada lui four-
nisse du gaz pendant la période 1974-1981. Le
sens juridique du mot «remise» ne doit pas être
déterminé par la preuve de ce besoin d'obtenir une
fourniture de gaz, mais par les autres modalités du
contrat dans lesquelles il s'inscrit.
Les appelantes ont pour principale prétention
que l'Office a commis une erreur de droit en
déclarant que le contrat du ler novembre 1969 est
un contrat de vente de gaz, au sens de l'article
51(2) de la Loi. L'Office a conclu que les disposi
tions de remise qui figurent dans l'article XVII
créent une faculté d'achat et que lorsque SPC a
exercé cette faculté en attribuant certains volumes
de gaz aux fins de remise, il s'est formé un contrat
de vente. Les appelantes soutiennent que le contrat
de vente du 1" novembre 1969 est unitaire et
indivisible pour la livraison et la remise du gaz sur
une base d'échange et de prêt. Subsidiairement,
elles le définissent comme un contrat d'achat de
gaz contre paiement entier et indivisible et dont le
droit de remise fait partie intégrante. A l'appui de
cette interprétation, elles font valoir ses caractéris-
tiques, à savoir: il s'agit d'un «contrat d'achat de
gaz»; sa durée globale est de dix ans; les termes
«remise», «remettre» et «remis» sont employés tout
au long de l'article XVII; les volumes de gaz que
TransCanada est obligée de remettre à SPC lors-
que celle-ci les lui demande, sont à peu près équi-
valents à ceux que SPC est obligée de livrer à
TransCanada; le prix que SPC doit payer à Trans-
Canada pour cette remise est le prix moyen que
TransCanada est obligée de payer à SPC et
aucune disposition ne permet de la réajuster afin
qu'il reflète le prix du marché au moment de la
remise. Les appelantes font valoir que les prix
stipulés dans le contrat pour la livraison de gaz par
SPC à TransCanada et la remise de gaz par
TransCanada à SPC le sont à des fins comptables
seulement, comme mesure ou enregistrement des
volumes livrés. Ils ne portent donc pas atteinte à la
nature intrinsèque du contrat, c'est-à-dire échange
ou prêt.
J'approuve les conclusions de l'Office à cet
égard. Quel que soit le nom que l'on donne à
l'article XVII du contrat, à mon avis, il contient
indiscutablement une offre de vente, et la désigna-
tion de volumes de gaz par SPC constitue une
acceptation de cette offre. Cette acceptation forme
donc un contrat de vente au sens où l'entend
l'article 51(2) de la Loi. Lorsque TransCanada a
déposé le contrat du ler novembre 1969, elle a
produit auprès de l'Office des copies dudit contrat
et des avis de désignation. Les deux aspects du
contrat qui portent sur la livraison et la remise
prévoient le transfert de propriété contre une
somme d'argent et excluent donc la notion de prêt
ou d'échange. Rien dans ce dossier ne vient corro-
borer la thèse des appelantes selon laquelle les prix
ne sont stipulés qu'à des fins comptables. Quant à
l'accent mis sur le mot «remise», il convient de
noter que les termes de l'article XVII obligent
TransCanada «à vendre et à remettre».
Les appelantes prétendent que l'Office a commis
une erreur de droit en statuant que l'article 51(2)
s'applique au contrat parce que celui-ci ne prévoit
pas une transmission interprovinciale de gaz. A
vrai dire, elles affirment même que ses dispositions
afférentes à la remise, ne prévoient pas de trans
mission du tout. L'article 51(2) s'applique lorsque
le gaz qu'une compagnie transmet par son pipe
line est sa propriété. Il doit y avoir une transmis
sion de gaz et, comme l'indiquent les définitions 6
des mots «compagnie» et «pipe-line», une transmis
sion par pipe-line interprovincial. Le contrat de
vente de gaz comporte-t-il obligatoirement cette
transmission? C'est là une question de fait; il n'est
pas nécessaire que le contrat le stipule expressé-
ment. En l'espèce, il appert que le contrat prévoit
cette transmission. A mon avis, il ressort claire-
ment de l'alinéa (1)(v) de l'article XVII du contrat
du ler novembre 1969, du paragraphe (1) de l'arti-
cle VIII du contrat original du ler mai 1959, ainsi
que de la lettre d'accord du 22 octobre 1962 dont
j'ai déjà parlé, que la remise doit avoir lieu à
Success (Saskatchewan) ou dans les environs et
s'effectuer du principal pipe-line de TransCanada
à celui de SPC. TransCanada est une «compagnie»
au sens de la Loi. Le fait qu'elle exploite un
pipe-line interprovincial est d'une telle notoriété
publique qu'on peut l'admettre d'office. Aux fins
du dossier, le premier attendu du contrat du ler
mai 1959 est très explicite sur ce point. En voici le
libellé:
6 L'article 2 de la Loi, dans sa forme modifiée par S.R.C.
1970 (P' Supp.), c. 27, art. 1(3), donne les définitions
suivantes:
«compagnie» désigne une personne autorisée, en vertu d'une
loi spéciale, à construire ou exploiter des pipe-lines;
.pipe-line» signifie une canalisation pour la transmission du
gaz ou du pétrole, reliant une province à une autre ou à
d'autres provinces, ou s'étendant au-delà des limites d'une
province, et comprend tous les branchements, extensions,
citernes, réservoirs, installations d'emmagasinage, pompes,
rampes de chargement, compresseurs, moyens de charge-
ment, systèmes de communication entre stations par télé-
phone, télégraphe ou radio, ainsi que les biens immeubles
ou meubles et les ouvrages connexes;
[TRADUCTION] ATTENDU QUE l'acheteur exploite un réseau
de pipe-lines de transmission de gaz de la province de l'Alberta
à la ville de Toronto, dans la province de l'Ontario, et à la ville
de Montréal, dans la province de Québec;
Il va nécessairement sans dire que le «principal
pipe-line de transmission», dont parle l'article VIII
fait partie du réseau de pipe-lines interprovinciaux
que TransCanada exploite. Il incombe sans aucun
doute à SPC de prouver qu'il en est différemment
et aucune preuve n'appuie une telle conclusion. Je
conclus donc que le contrat de vente de gaz par
TransCanada à SPC prévoit que le gaz sera trans-
mis par TransCanada à SPC par son pipe-line en
tant que sa propriété, au sens où l'entend l'article
51(2) de la Loi.
Les appelantes prétendent aussi qu'il serait con-
traire aux présomptions contre l'effet rétroactif et
les interférences avec les droits acquis, d'appliquer
au contrat du "l er novembre 1969, l'article 51(2)
qui est entré en vigueur le 26 juin 1970 (S.C.
1969-70, c. 65). Bien que les parties aient accepté,
le ler novembre 1969, les modalités de la vente de
gaz par TransCanada à SPC (à l'exception des
volumes à vendre), il n'y a pas eu de contrat de
vente de gaz, au sens où l'entend l'article 51(2),
avant que SPC ait donné avis à TransCanada, le
30 avril 1974 et le 27 mars 1975, qu'elle désignait
certaines quantités de gaz aux fins de remise pen
dant les années commençant le ler novembre 1975
et le ler novembre 1976. Je ne vois donc pas
comment, en l'espèce, on peut dire que l'applica-
tion de l'article 51(2) est rétroactive et je juge
superflu de formuler une opinion sur la question de
savoir si l'article 51(2) doit être interprété de
manière à s'appliquer aux contrats formés avant
son entrée en vigueur. Je ne pense pas non plus que
la présomption contre l'interférence avec les droits
acquis puisse s'appliquer audit article. Les droits
acquis sont ceux créés par le contrat, qui doit être
produit auprès de l'Office. Dans la mesure où
l'exigence de dépôt constitue une interférence avec
ces droits, il s'agit de toute évidence d'une interfé-
rence envisagée par ledit paragraphe. 'L'article
51(2) et l'article 61 entraînent inévitablement
comme conséquence qu'un contrat de vente de gaz,
censé être un tarif et comporter un droit de trans
mission d'un montant égal à celui pour lequel le
gaz est vendu, soit assujetti à la réglementation de
l'Office en vertu des autres dispositions de la
Partie IV de la Loi. Accepter la thèse selon
laquelle l'Office ne peut pas s'immiscer dans les
tarifs et les droits, lorsqu'ils sont devenus l'objet
d'un contrat antérieur, irait à l'encontre des objec-
tifs de la Loi.
Devant cette cour, les appelantes ont présenté
certains arguments d'ordre constitutionnel, dont
elles n'avaient pas fait état devant l'Office. Le
procureur général du Canada est intervenu au
moyen d'un mémoire pour répondre à ces argu-
rfients. Les appelantes ont soutenu que l'article 50,
qui est le fondement général de la compétence de
l'Office au titre de la Partie IV de la Loi, lui
confère dans des termes si larges la compétence de
réglementer le mouvement, les droits ou tarifs
concernant les entreprises ou transactions intrapro-
vinciales qu'elle est donc ultra vires du Parlement
du Canada. Cette prétention est sans fondement. Il
ressort manifestement du libellé de l'article 50, qui
ne fait aucune mention particulière du genre d'en-
treprise ou d'activités à propos desquelles l'Office
a le pouvoir de rendre des ordonnances relatives au
mouvement, aux droits ou tarifs, que sa portée doit
être déterminée par rapport aux autres dispositions
de la Loi. Les définitions des mots «compagnie» et
«pipe-line», que j'ai déjà mentionnées, indiquent
que la Loi a pour objet de réglementer les entrepri-
ses qui exploitent les pipe-lines interprovinciaux. Il
faut interpréter l'article 50 comme s'appliquant à
ce genre d'entreprises. Aucune disposition de la
Loi ne vient contredire la présomption selon
laquelle le Parlement, en adoptant l'article 50, a
voulu rester dans les limites de sa compétence
législative.
Les appelantes ont aussi prétendu que l'applica-
tion de l'article 51(2) à une transaction de vente se
situant entièrement dans une province, lui donne
un caractère ultra vires. Il ne ressort pas claire-
ment du dossier que la transaction prévue par les
dispositions de l'article XVII du contrat, se situe
entièrement dans la province de la Saskatchewan.
Il incombe donc aux appelantes de prouver qu'elle
outrepasse la compétence du Parlement. Mais
même si on présume, aux fins de l'argument, que
la transaction est entièrement intraprovinciale
(c'est-à-dire que la transmission requise par l'arti-
cle XVII du contrat se situe entièrement dans les
limites de la province) elle entrerait encore dans la
compétence législative fédérale en raison de la
présomption obligatoire, dont j'ai déjà parlé,
qu'elle constitue une transmission par pipe-line
interprovincial. Un tel pipe-line entre dans la com-
pétence législative fédérale exclusive, en vertu des
articles 92(10)a) et 91(29) de l'Acte de l'Améri-
que du Nord britannique. (Campbell-Bennett Ltd.
c. Comstock Midwestern Ltd. [1954] R.C.S. 207.)
Toute transmission par ce pipe-line, même celle
qui a entièrement lieu dans une province, y entre
en tant que partie d'une entreprise interprovinciale
indivisible. Le procureur général de l'Ontario c.
Winner [1954] A.C. 541; La Reine c. La Commis
sion des transports [1968] R.C.S. 118. Un contrat
de vente par une compagnie de pipe-line compor-
tant une transmission par son pipe-line interpro-
vincial, est une question qui entre dans la compé-
tence fédérale sur cette entreprise. Le Parlement
doit être compétent pour régler les modalités de
cette transmission si le contrat où elles figurent
prend la forme d'un contrat de service ou de vente.
Le fait qu'une compagnie de pipe-line possède et
vend le produit qu'elle transmet ne l'assujettit pas
moins à la réglementation de l'Office pour le
paiement qu'elle demande en échange de la
transmission.
Pour les raisons qui précèdent, je suis d'avis que
l'Office n'a pas outrepassé sa compétence ni
commis aucune erreur de droit en prenant la déci-
sion qu'il a prise. Je rejette donc l'appel avec
dépens.
* * *
LE JUGE URIE: Je souscris.
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