A-715-75
Gruppo Lepetit S.p.A. et Ciba-Geigy A.G.
(Appelantes)
c.
ICN Canada Limited (Intimée) (Demanderesse)
Cour d'appel, le juge en chef Jackett, le juge Ryan
et le juge suppléant Kelly—Toronto, les 21 et 22
février 1977.
Brevets — Appel interjeté d'une décision d'accorder des
licences à l'intimée, conformément à l'art. 41(4) de la Loi sur
les brevets — Le commissaire a-t-il commis une erreur de
droit en ne tenant pas compte de la présentation erronée des
faits imputée à l'intimée? — Montant de la redevance —
Partage de la redevance — Calcul des dépens — Loi sur les
brevets, S.R.C. 1970, c. P-4, art. 41(4) — Règles 1108 et 1312
de la Cour fédérale.
Les appelantes allèguent que le commissaire des brevets a
commis une erreur de droit en estimant qu'il n'avait pas de
bonne raison de ne pas accorder des licences à l'intimée à
l'égard de brevets détenus par les appelantes, car la présenta-
tion délibérément erronée des faits quant au matériel et aux
installations dans les demandes pour obtenir ces licences consti-
tue une bonne raison. Les appelantes font valoir, en outre, que
le montant de la redevance fixée par le commissaire aurait dû
être plus élevé et que ce dernier aurait dû se rapporter à un
accord conclu entre les appelantes pour partager entre elles la
redevance totale.
Arrêt: l'appel est rejeté. L'intimée n'a pas fait de déclarations
fausses, expressément ou implicitement, et n'a pas eu l'intention
de tromper le commissaire. Quoi qu'il en soit, la présentation
erronée des faits ne constitue pas nécessairement une .bonne
raison de ne pas accorder» une licence demandée en vertu de
l'article 41(4) de la Loi. Personne n'a soutenu que la décision
du commissaire a été obtenue par fraude et, puisque les deux
parties ont eu l'occasion de se faire entendre avant que ce
dernier rende sa décision, il n'existe aucun motif pour annuler
cette décision. Les dépens, dans les cas d'appels comme celui en
l'espèce, seront calculés conformément aux dispositions des
Règles 1108 et 1312.
APPEL d'une décision du commissaire des
brevets.
AVOCATS:
James A. Devenny, c.r., pour les appelantes.
Ivor M. Hughes pour l'intimée.
PROCUREURS:
Smart & Biggar, Ottawa, pour les appelantes.
MacBeth & Johnson, Toronto, pour l'intimée.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement prononcés à l'audience par
LE JUGE EN CHEF JACKETT: Appel est interjeté
d'une décision du commissaire des brevets intéri-
maire, prise en vertu de l'article 41(4) de la Loi
sur les brevets', d'accorder des licences pour 9
brevets de la première appelante et pour deux
brevets de la deuxième appelante. Tous ces brevets
portent sur la production d'un médicament appelé
«Rifampin».
Voici le libellé de l'article 41(4) de la Loi sur les
brevets:
41. (4) Si, lorsqu'il s'agit d'un brevet couvrant une invention
destinée à des médicaments ou à la préparation ou à la produc
tion de médicaments, ou susceptible d'être utilisée à de telles
fins, une personne présente une demande pour obtenir une
licence en vue de faire l'une ou plusieurs des choses suivantes
comme le spécifie la demande, savoir:
a) lorsque l'invention consiste en un procédé, utiliser l'inven-
tion pour la préparation ou la production de médicaments,
importer tout médicament dans la préparation ou la produc
tion duquel l'invention a été utilisée ou vendre tout médica-
ment dans la préparation ou la production duquel l'invention
a été utilisée, ou
b) lorsque l'invention consiste en autre chose qu'un procédé,
importer, fabriquer, utiliser ou vendre l'invention pour des
médicaments ou pour la préparation ou la production de
médicaments,
le commissaire doit accorder au demandeur une licence pour
faire les choses spécifiées dans la demande à l'exception de
celles, s'il en est, pour lesquelles il a de bonnes raisons de ne pas
accorder une telle licence; et, en arrêtant les conditions de la
licence et en fixant le montant de la redevance ou autre
considération à payer, le commissaire doit tenir compte de
l'opportunité de rendre les médicaments accessibles au public
au plus bas prix possible tout en accordant au breveté une juste
rémunération pour les recherches qui ont conduit à l'invention
et pour les autres facteurs qui peuvent être prescrits.
Bien que les licences sur lesquelles porte l'appel
aient fait l'objet de quatre demandes, les parties
s'accordent à dire que les quatre séries d'actes de
procédure sont, à toutes fins utiles, rédigées dans
les mêmes termes. Je vais donc, pour la plupart des
points soulevés, étudier l'appel comme s'il s'agis-
sait d'une seule action.
L'appelante a formulé quatre objections aux
licences en question, savoir:
' S.R.C. 1970, c. P-4.
a) [TRADUCTION] «le commissaire a commis
une erreur de droit en estimant qu'il n'avait pas
de bonne raison de ne pas accorder les licences
obligatoires ..., car la présentation délibéré-
ment erronée des faits dans les quatre demandes
présentées par la demanderesse pour obtenir ces
licences constitue une bonne raison»; 2
b) le montant de la redevance fixée aurait dû
être plus élevé,
c) le commissaire aurait dû se rapporter à un
accord conclu entre les appelantes pour partager
entre elles la redevance totale et
d) il faudrait modifier chaque licence de façon à
ce que la mention expresse du médicament
«Rifampin» remplace la mention plus générale
des «produits» ou de «ces produits».
En ce qui concerne cette dernière objection,
l'avocat de l'intimée a précisé dans le mémoire
versé au dossier de cette cour au nom de l'intimée
et dans son plaidoyer devant cette cour [TRADUC-
TION] «qu'il importe peu» à l'intimée que les modi
fications demandées soient apportées. La Cour n'a
donc pas à trancher de litige entre les parties sur
cet aspect de l'affaire et, selon moi, il n'était pas
nécessaire d'interjeter appel à cette cour sur cette
question. A mon avis, pour cette partie de l'affaire,
l'appel devrait être rejeté étant donné que l'intimée
appuiera une demande présentée par les appelantes
au commissaire en vue d'apporter les modifications
en question aux licences.
Les appelantes, je le répète, prétendent que les
licences n'auraient pas dû être accordées au seul
motif que [TRADUCTION] «le commissaire a
commis une erreur de droit en estimant qu'il
n'avait pas de bonne raison de ne pas accorder les
licences ..., car la présentation délibérément erro-
née des faits dans les ... demandes présentées .. .
2 Voir le paragraphe 30 du mémoire des appelantes versé au
dossier de cette cour.
pour obtenir ces licences constitue une bonne
raison». 3
La présentation erronée des faits imputée à l'in-
timée dans ses demandes présentées au commis-
saire peut, à mon avis et d'après le mémoire ainsi
que le plaidoyer des appelantes dans cette cour, se
résumer ainsi:
(1) l'intimée a déclaré qu'elle avait l'intention
d'importer certaines substances intermédiaires
pour les utiliser dans la préparation de «Rifam-
pin en vrac» et pour les traiter ensuite jusqu'à
l'obtention du dosage exact;
(2) l'intimée a affirmé qu'en raison des rapports
qu'elle avait avec certaines autres compagnies,
elle [TRADUCTION] «pouvait tirer profit de l'ex-
périence de chacune des filiales et utiliser leurs
installations servant aux produits chimiques et
pharmaceutiques ...» et «recourir aux services
des employés de ces compagnies ...»;
(3) l'intimée a affirmé que son bureau et son
usine occupaient environ 100,000 pieds carrés et
abritaient des installations modernes et efficaces
pour la fabrication de produits pharmaceutiques
qu'elle pouvait faire les choses projetées si la
licence était accordée et que [TRADUCTION]
«Ces installations appartenaient auparavant à
Hoffman -La Roche Limited»; et
(4) l'intimée a affirmé qu'elle avait l'intention
de faire «elle-même» les choses pour lesquelles
les licences étaient demandées et qu'elle n'avait
pas besoin d'acquérir de «bâtiments» ou d'«ins-
tallations» supplémentaires à cette fin.
Dans la «contre-déclaration» que les appelantes
ont remise au commissaire, elles ont soutenu que
les affirmations susmentionnées contenues dans les
demandes de l'intimée constituaient une présenta-
tion erronée des faits et, pour appuyer leurs pré-
tentions, elles ont produit des déclarations sous
serment sur lesquelles elles fondent leurs préten-
tions devant cette cour.
3 Les appelantes affirment dans la première partie de leur
mémoire que le commissaire a peut-être tenu compte de la
présumée présentation erronée des faits quand il a décidé
d'exiger la signification des demandes aux appelantes et quand
il a accordé les licences. Toutefois, les motifs d'appel exposés
dans la deuxième partie du mémoire ne mentionnent pas cette
possibilité, et je ne saisis pas l'intérêt de cet argument pour le
redressement demandé par les appelantes (c'est-à-dire l'annula-
tion des licences).
En effet, les éléments de preuve des appelantes
relatifs à la question de la présentation erronée des
faits se résument à des déclarations sous serment
faites par des experts en la matière. Ces derniers
ont déclaré:
a) que la demande ne démontrait pas que l'inti-
mée possédait, ou avait l'intention de se procu
rer, [TRADUCTION] «le personnel, le matériel et
les installations» nécessaires pour produire le
«Rifampin»,
b) que la plupart des anciens employés de l'une
des compagnies liées mentionnées dans la
demande avaient été embauchés par la suite par
une compagnie distincte et qu'il n'y avait aucun
lien spécial entre l'intimée et ces anciens
employés, et
c) que le bâtiment qui appartenait auparavant à
Hoffman -La Roche Limited et qui était men-
tionné dans la demande était [TRADUCTION]
«un bâtiment vide de 96,000 pieds carrés envi-
ron» lorsque l'intimée l'a acheté.
L'intimée n'a pas, par déclaration sous serment
ou autrement, contredit ces témoignages.
Voici comment le commissaire intérimaire a
traité, dans ses motifs, l'argument relatif à la
présentation erronée des faits:
[TRADUCTION] Enfin, il reste à étudier les prétentions des
brevetées selon lesquelles les installations de la demanderesse,
décrites dans ses demandes, sont insuffisantes pour lui permet-
tre de réaliser certaines des choses pour lesquelles elle a
demandé des licences et selon lesquelles la demanderesse n'a
pas manifesté l'intention de se procurer le matériel nécessaire.
Les brevetées ont qualifié cette situation de présentation erro-
née des faits relatifs aux installations et aux intentions de la
demanderesse, qui, selon elles, devrait constituer une bonne
raison de ne pas accorder de licence ou, à tout le moins, de
limiter les licences à la réalisation des choses que la demande-
resse serait en mesure de réaliser avec le matériel et les
installations énumérés dans ses demandes.
Je ne pense pas qu'un manque de matériel ou d'installations
constitue en soi une raison suffisante de refuser une licence ou
d'en restreindre la portée. Aucune disposition de la Loi sur les
brevets ni des Règles ne porte qu'une licence est accordée à la
condition que le demandeur possède les installations complètes
permettant de faire les choses pour lesquelles il demande une
licence; par conséquent, j'estime que la demanderesse n'a pas
donné une présentation erronée des faits.
Dans leur mémoire présenté à cette cour, les
appelantes expriment leurs allégations selon les-
quelles il y a eu présentation erronée des faits, de
la façon suivante:
a) en ce qui concerne le premier fait erroné,
[TRADUCTION] Contrairement à son assertion dans
chaque demande selon laquelle elle avait l'intention d'uti-
liser certains intermédiaires dans la préparation du
Rifampin en vrac sous forme de produit pharmaceutique,
la demanderesse n'avait pas l'intention d'appliquer les
procédés nécessaires à ces intermédiaires parce qu'elle ne
possédait pas le matériel pour appliquer ces procédés et
elle n'avait pas l'intention de s'en procurer.
b) en ce qui concerne le deuxième fait erroné,
[TRADUCTION] Contrairement à son assertion dans
chaque demande selon laquelle elle pouvait tirer profit de
l'expérience de Strong, Cobb, Amer Company of Canada
Limited en raison du lien unissant les deux compagnies, la
demanderesse ne peut en fait tirer profit que de l'expé-
rience de moins d'une demi-douzaine de la centaine d'em-
ployés de Strong, Cobb, Amer et il n'y a aucun lien
spécial entre la demanderesse et la grande majorité des
anciens employés de Strong, Cobb, Amer, puisque ceux-ci
travaillent maintenant pour Custom Pharmaceuticals
Limited.
c) en ce qui concerne le troisième fait erroné,
[TRADUCTION] Contrairement à l'assertion de la deman-
deresse selon laquelle ses installations, appelées ci-dessus
«des installations modernes et efficaces servant à la fabri
cation de produits pharmaceutiques., appartenaient aupa-
ravant à Hoffman -La Roche Limited, la demanderesse a,
en réalité, simplement acheté un bâtiment vide sans le
matériel de fabrication de produits pharmaceutiques qui
appartenait à Hoffman -La Roche Limited. La demande-
resse ne pouvait avoir d'autre but que de tromper le
commissaire des brevets quand elle a appelé «installations»
ce bâtiment plutôt que de l'appeler simplement (bâti-
ment.. La demanderesse ne pouvait avoir d'autre but que
de tromper le commissaire des brevets quand elle a men-
tionné que ce bâtiment appartenait auparavant à Hoff-
man -La Roche Limited, car pour quelle autre raison
aurait-elle mentionné, dans le cadre des présentes deman-
des de licence obligatoire, le nom du propriétaire antérieur
d'un bâtiment vide qu'elle avait acheté.
d) en ce qui concerne le quatrième fait erroné,
[TRADUCTION] Contrairement à l'assertion de la deman-
deresse au paragraphe 7 de chaque demande selon
laquelle elle a l'intention de faire elle-même toutes les
choses spécifiées à l'article 3 de chaque demande, y
compris l'utilisation de chaque invention qui consiste en
un procédé dans la préparation ou la production de médi-
caments, en réalité, la demanderesse ne pouvait pas avoir
cette intention puisqu'elle ne possédait pas et qu'elle
n'avait pas l'intention de se procurer le matériel et les
installations nécessaires pour appliquer les procédés indi-
qués des brevets des appelantes.
A la fin du plaidoyer de l'avocat des appelantes
sur la question de la présentation erronée des faits
et sur les deux autres objections pendantes à la
décision du commissaire, que j'ai déjà mention-
nées, nous avons fait savoir aux avocats tard hier
soir que, d'après la tournure de l'affaire à ce
moment-là, il ne serait pas nécessaire d'entendre
l'avocat de l'intimée. Depuis, nous avons réexa-
miné la question mais nous estimons toujours qu'il
n'est pas nécessaire d'entendre l'avocat de l'inti-
mée.
En ce qui concerne la présentation erronée des
faits en l'espèce, il faut dire tout de suite que
l'avocat des appelantes a précisé qu'il ne préten-
dait pas que l'intimée était coupable de fraude. En
outre, je dois dire que je n'ai pas été convaincu que
l'intimée avait fait des déclarations fausses,
expressément ou implicitement, dans ses demandes
en vertu de l'article 41(4) ni qu'elle avait eu
l'intention de tromper le commissaire. 4 Cette con
clusion justifierait le rejet de l'appel sur ce point.
Toutefois, je crois bon de souligner que je n'ac-
cepte pas les prétentions des appelantes selon les-
quelles, la présentation erronée des faits dans une
demande en vertu de l'article 41(4) de la Loi sur
les brevets constitue nécessairement, en droit, une
«bonne raison de ne pas accorder» la licence
demandée. Il peut arriver que le commissaire
puisse, dans certaines circonstances, estimer
qu'une ou plusieurs assertions erronées dans une
telle demande constituent une «bonne raison» de ne
pas accorder une licence. 5 Cette situation diffère
beaucoup de l'argument en l'espèce selon lequel
4 I est possible d'expliquer les contradictions apparentes
entre les affirmations des demandes et les déclarations sous
serment déposées par les appelantes, car des mots comme
«installations» avaient un sens différent et il n'y avait pas
d'accord sur ce que prescrivaient les Règles. Il faut également
se rappeler qu'il y a une différence entre la présentation erronée
des faits et le simple fait de présenter la réalité sous un jour
favorable, bien que ce dernier fait puisse être répréhensible
dans certaines circonstances.
Il se pourrait que le commissaire soit convaincu par une
demande entièrement fausse que le demandeur se servira de la
licence accordée en vertu de l'article 41(4) pour exploiter le
public et non pour atteindre les objectifs visés par la loi. Dans
ce cas, le commissaire a, à mon avis, une «bonne raison» de ne
pas accorder la licence.
toute présentation erronée des faits suffit à elle
seule, à justifier en droit, un refus.
Sauf en cas de jugement obtenu par fraude, et
personne ne soutient que la décision du commis-
saire en l'espèce a été obtenue par fraude, aucun
principe ne justifie, à ma connaissance, l'annula-
tion d'une décision judiciaire rendue après que les
deux parties à un litige ont eu l'occasion raisonna-
ble d'exposer leur point de vue au motif que la
personne qui était demanderesse a fait des asser
tions inexactes ou trompeuses dans ses actes de
procédure (ou dans leur équivalent) ou a produit
des éléments de preuve qui renferment des affir
mations inexactes ou trompeuses. La délivrance
d'un brevet en vertu de la Loi sur les brevets
présente une situation tout à fait différente, car la
demande de brevet est instruite sans que les per-
sonnes dont les intérêts sont menacés puissent
présenter leur point de vue. (Comparez l'article 10
de la Loi sur les brevets.) De même, une ordon-
nance ex parte est prononcée sans que la personne
visée ait l'occasion de contester ce qu'on lui
oppose. Dans ces cas-là, le demandeur est d'autant
plus tenu de présenter au tribunal un exposé com-
plet, juste et honnête de tous les faits pertinents. 6
Voilà les motifs du rejet de l'appel en ce qui
touche la demande d'annulation des licences qui a
été formulée par les appelantes en vertu de l'article
41(4).
Quant aux contestations relatives au montant et
au partage de la redevance, l'argument présenté au
nom des appelantes ne m'a pas convaincu qu'il y a
6 En ce qui concerne la décision du commissaire, dès le début,
de demander la réponse du titulaire du brevet en raison de la
nature de la demande, décision qu'il a prise, naturellement,
avant que le titulaire du brevet ait eu l'occasion de présenter
son point de vue, je ne peux envisager qu'une seule situation
analogue, celle où la Cour décide d'appeler l'intimé lors de
l'audition d'une requête interlocutoire ou d'un appel. Une fois
que l'intimé a été appelé, si je comprends bien, l'affaire doit
être jugée sur le fond. La requête ou l'appel n'est pas rejeté
parce que le requérant ou l'appelant n'a pas fait un exposé
complet et impartial de la question. Il peut arriver des cas
particuliers, bien sûr, où même si l'adversaire a eu l'occasion de
faire valoir son point de vue, une ordonnance sera annulée
ultérieurement parce que tous les faits n'ont pas été divulgués.
Comparez Ontario Mining c. Seybald [1903] A.C. 73, la p.
84. Selon moi, l'introduction d'un tel principe implicite pour
justifier l'annulation des licences serait nuisible à l'intérêt
public et c'est pourtant l'intérêt public que l'on cherche à
protéger avec les demandes obligatoires de brevets des produits
pharmaceutiques.
lieu de modifier la décision du commissaire.
Je suis donc d'avis de rejeter l'appel.
J'ajouterai que j'ai traité assez longuement des
prétentions des appelantes relatives à la question
de la présentation erronée des faits non pas que
j'aie cru à aucun moment de l'affaire que l'appel
était raisonnablement bien fondé, mais parce que,
eu égard à l'évolution de ce type d'appels, il me
semble utile de décider au plus vite si l'argument
de droit des appelantes est valable. Je me rends
compte, bien sûr, que ce qui me semble clair peut
bien se révéler faux. Il importe, selon moi, de
trancher la question sans délai.
Je fais cette observation parce que, avant de
rendre son jugement, la Cour devra entendre les
avocats sur la question des dépens. Cette question
a été soulevée dans le mémoire de l'intimée et je ne
veux pas que l'on croit, en raison de la longueur de
ces motifs, que j'ai déjà tranché la question de
savoir s'il s'agit d'un appel «frivole».
A propos des dépens, il faut tenir compte des
Règles 1312 et 1108 dont voici le libellé:
Règle 1312. Il n'y aura pas de dépens entre parties à un appel
interjeté sous le régime du présent Chapitre, à moins que la
Cour, à sa discrétion, ne l'ordonne pour une raison spéciale.
Règle 1108. Lorsque la Cour juge qu'une procédure est fri-
vole, injustifiée ou faite de mauvaise foi, elle peut, en pronon-
çant jugement en l'affaire, ordonner à la partie qui a intenté ou
poursuivi cette procédure de payer au greffe (eu égard au
travail fait et aux frais encourus par le greffe en rapport avec
cette affaire, notamment en application des Règles 1206, 1306
et 1402) le montant que fixe le jugement.
Après la lecture des motifs précédents à l'au-
dience, le mardi 22 février, quand les autres mem-
bres de la Cour y eurent souscrit, les avocats firent
valoir leur point de vue sur la forme que devait
prendre le jugement et sur la question des dépens.
Puisque les avocats convenaient, en ce qui
touche le quatrième motif d'appel, que cela serait
plus approprié, la Cour a accepté de rendre un
jugement sur consentement qui modifiait les licen
ces en conséquence.
En plus de la question de savoir si des dépens
devraient être accordés en vertu de la Règle 1312
et de la question de savoir si une ordonnance
devrait être rendue en vertu de la Règle 1108, les
avocats ont débattu une requête de l'intimée visant
à obtenir des dépens taxés sur la base procureur-
client. Après examen des arguments des avocats, la
Cour a décidé d'accorder des dépens en vertu de la
Règle 1312 (pour la raison «spéciale» suivante:
l'appel ne soulevait vraiment aucune question pou-
vant raisonnablement faire l'objet d'un débat) et
elle en a fixé le montant à $2,000.
Par voie de conséquence, le jugement suivant a
été rendu:
De consentement, la définition de «médicament» dans chaque
licence accordée à l'intimée par le commissaire des brevets
intérimaire est modifiée par le remplacement des mots des
produits» à la ligne 1 du paragraphe 13 de chaque licence par le
mot «rifampin» et par le remplacement des mots «ces produits»
aux lignes 3 et 4 de chaque licence par le mot «rifampin■. Sous
réserve de ces modifications, l'appel est rejeté avec dépens,
taxés sur la base des frais entre parties, qui sont fixés par les
présentes à $2,000.
De ce fait, la Cour a laissé entendre qu'à l'ave-
nir, dans les appels interjetés en vertu de l'article
41 et qui ne soulèveront aucune question pouvant
raisonnablement faire l'objet d'un débat, elle sera
plus encline à accorder des dépens taxés sur la
base procureur-client et elle envisagera plus sérieu-
sement de prononcer une ordonnance en vertu de
la Règle 1108.
* * *
LE JUGE RYAN y a souscrit.
* * *
LE JUGE SUPPLÉANT KELLY y a souscrit.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.