T-2330-75
Raymond Cardinal, chef, et Edward Morin, Char-
les Cowan, Romeo Morin, Alex Peacock et
Alphonse Thomas, conseillers de la bande Enoch
des Indiens de Stony Plain, pour leur propre
compte et pour celui de la bande Enoch de la
réserve n° 135 des Indiens de Stony Plain et la
bande des Indiens de Stony Plain, réserve n° 135
(Demandeurs)
c.
La Reine (Défenderesse)
Division de première instance, le juge Mahoney—
Edmonton, le 4 avril 1977; Ottawa, le 18 avril
1977.
Pratique — Règle 474 de la Cour fédérale — Demande de
la défenderesse aux fins de faire juger à titre de question
préliminaire la question générale de responsabilité et de faire
juger plus tard la question des dommages-intérêts et des
comptes — Cette demande n'entre pas dans le cadre de la
Règle 480 qui vise le référé des dommages-intérêts à un
arbitre — A titre subsidiaire, demande en vertu de la Règle
474 aux fins de faire juger à titre de question préliminaire
trois points de droit précis à propos desquels les faits ne sont
pas contestés — Règles 474 et 480 de la Cour fédérale.
L'action des demandeurs découle de la cession d'une partie
de leur réserve. La défenderesse demande, en vertu de la Règle
474, une ordonnance portant que les points litigieux relatifs à la
responsabilité seront jugés à titre de question préliminaire et
que, suivant les résultats, la question des dommages-intérêts et
des comptes sera jugée plus tard. A titre subsidiaire, la défende-
resse demande, en vertu de la Règle 474, une ordonnance
portant que trois points de droit précis, à propos desquels les
faits pertinents ne sont pas contestés, seront jugés à titre de
question préliminaire.
Arrêt: rejet de la demande d'ordonnance aux fins de trancher
la question générale de responsabilité séparément de la question
des dommages-intérêts et des comptes. La Règle 474(1)a) ne
vise pas les mêmes fins que la Règle 480, à savoir le jugement
de points litigieux qui seront sans conséquence en l'absence de
responsabilité ou qui peuvent être facilement réglés lorsque la
responsabilité est établie. Pour établir un parallèle entre tous
«les points relatifs à la responsabilité» dans la présente action et
tous les points de droit et les points relatifs à la recevabilité de
la preuve (que la Règle 474 envisage comme faisant l'objet
d'une décision préliminaire) il faut faire quelque violence à
l'intention apparente de la Règle 474. On ne demande pas à la
Cour de prévoir la décision préliminaire d'un point de droit
dont elle à des raisons sérieuses de croire qu'elle mettra fin à
l'action, mais plutôt de décider de tous les points de droit et de
la recevabilité de la preuve qui sont nécessaires pour déterminer
la responsabilité relative à tous les points soulevés dans l'action.
Autre arrêt: rejet de la demande d'ordonnance aux fins de
trancher à titre de question préliminaire trois points de droit
précis. Ces points pourraient être correctement réglés dans ces
procédures préliminaires, mais il ne semble pas y avoir de
bonnes raisons pour le faire, car ce ne sont pas les seuls points
et leur règlement ne mettrait probablement pas fin à l'action.
On a fait valoir qu'un règlement définitif de ces trois points
faciliterait celui des autres actions pendantes devant la Cour,
mais cela n'entre pas véritablement en ligne de compte. Les
demandeurs sont fondés à faire juger leur action sur les seuls
faits de la cause.
Arrêts appliqués: Emma Silver Mining Company c. Grant
(1879) 11 Ch. D. 918; Central Canada Potash Co. Ltd. c.
P. G. de la Saskatchewan [19741 4 W.W.R. 725.
DEMANDE d'ordonnance en vertu de la Règle
474.
AVOCATS:
A. M. Harradence, c.r., et B. G. Nemetz pour
les demandeurs.
G. W. Ainslie, c.r., et Carol Pepper pour la
défenderesse.
PROCUREURS:
Harradence and Company, Calgary, pour les
demandeurs.
Le sous-procureur général du Canada pour la
défenderesse.
Ce qui suit est la version française des motifs
de l'ordonnance rendus par
LE JUGE MAHONEY: Il s'agit ici d'une action
découlant de la cession intervenue en mai 1908,
d'environ dix milles carrés de la réserve n° 135 près
d'Edmonton (Alberta).
L'action repose sur les allégations suivantes:
1. Violation(s) d'une fiducie expresse créée par
la Loi sur les Indiens' en vigueur à l'époque
pertinente.
2. Violation(s) de relations fiduciaires entre les
demandeurs et leurs prédécesseurs en titre d'une
part, et la défenderesse, ses prédécesseurs en titre
et ses préposés et agents d'alors, d'autre part.
3. Inobservation des dispositions impératives de
la Loi, avec comme conséquence que la prétendue
cession a été nulle et non avenue dès le début.
4. Erreur de fait ou erreur de fait et de droit
commune aux parties, sur laquelle repose la
cession.
' S.R.C. 1886, c. 43 ou S.R.C. 1906, c. 81, dans sa version
modifiée.
Pour les points 1 et 2, les détails des violations
afférentes à la fiducie et aux relations fiduciaires
sont identiques. Ils sont énoncés dans le paragra-
phe 6 de la version modifiée de la déclaration et
des détails déposée par les demandeurs en vertu
d'une ordonnance de cette cour rendue le 20 mai
1976. Quant aux points 3 et 4, les détails sont
énoncés au paragraphe 7 de la déclaration.
L'interrogatoire préalable du demandeur
Edward Morin, qu'on a reconnu être la personne à
interroger pour le compte de la bande demande-
resse, établit que tous les faits matériels invoqués
par les demandeurs sont énoncés dans leurs plai-
doiries et que tous les éléments de preuve y affé-
rents sont documentaires. L'annexe à la liste des
documents des demandeurs comprend environ 43
pages de papier écolier. La défenderesse les admet
tous, sauf trois lettres émanant d'un certain Rév.
Tessier et adressées à l'hon. Frank Oliver, alors
ministre de l'Intérieur et Surintendant général des
Affaires indiennes. Elle réserve son droit de s'op-
poser à leur admissibilité comme preuve dans la
présente cause. Les trois lettres doivent être
prouvées.
Les demandeurs réclament diverses ordonnaqces
déclaratoires entérinant les allégations afférentes à
la fiducie ou aux relations fiduciaires et établissant
que la cession a été nulle et non avenue dès le
début, et obtenue par influence indue, fraude et
abus de confiance flagrant. Ils réclament une
indemnité de $50,000,000 pour abus de confiance
ou, à titre subsidiaire, des dommages-intérêts
généraux d'un montant équivalent. Ils réclament
aussi des comptes afférents au produit de la vente
et à toutes les questions relatives à la vente, ainsi
que les frais.
Dans la partie I de sa requête, la défenderesse
réclame une ordonnance portant que les points
litigieux relatifs à la responsabilité seront jugés à
titre de question préliminaire et que, suivant les
résultats, ceux relatifs aux dommages-intérêts et
aux comptes seront jugés plus tard, de la manière
que le juge de première instance ordonnera. Je
n'aurais aucun doute sur ma compétence à cet
égard si la requête de la défenderesse était élabo-
rée de façon à tomber dans le cadre de la Règle
480 2 . Or, elle ne demande manifestement pas le
référé des dommages-intérêts et des comptes à un
arbitre. Selon l'expression dont elle s'est servie au
cours des débats, elle veut [TRADUCTION] «scinder
le procès». Les demandeurs contestent ma compé-
tence pour accorder ladite ordonnance et la défen-
deresse soutient qu'il s'agit là d'une ordonnance
pertinente en vertu de la Règle 474.
Règle 474. (1) La Cour pourra, sur demande, si elle juge
opportun de le faire,
a) statuer sur un point de droit qui peut être pertinent pour
la décision d'une question, ou
b) statuer sur un point afférent à l'admissibilité d'une preuve
(notamment d'un document ou d'une autre pièce justifica-
tive),
et une telle décision est finale et péremptoire aux fins de
l'action sous réserve de modification en appel.
(2) Sur demande, la Cour pourra donner des instructions
quant aux données sur lesquelles doit se fonder le débat relatif à
un point à décider en vertu du paragraphe (1).
Le jugement rendu par le Maître des rôles Jessel
dans Emma Silver Mining Company c. Grant 3 a
été invoqué favorablement dans presque toutes les
causes publiées ultérieurement, où une requête de
cette nature a fait l'objet d'un examen sérieux.
[TRADUCTION] Dans une cause de cette nature, je suis d'avis
que le juge doit avoir au moins la preuve que le règlement du
point litigieux mettra probablement fin à l'action. Le deman-
deur ne doit pas, aux instances du défendeur, être harcelé par
une série d'instances, donc chacune soulève une controverse
pour chaque maillon de l'affaire du demandeur. Ce n'est pas le
sens de la règle telle que je la comprends, mais elle peut
s'appliquer correctement dans le cas que j'ai mentionné, c'est-à-
dire lorsque le juge a une sérieuse raison de croire que la
solution du point litigieux mettra fin à l'action.
2 Règle 480. (1) Une partie qui désire procéder à l'instruc-
tion sans présenter de preuve sur une question de fait et
notamment, sans restreindre le sens général de cette expression,
sur
a) un point relatif à la mesure dans laquelle il a été porté
atteinte à un droit,
b) un point relatif aux dommages qui découlent d'une
atteinte à un droit, et
e) un point relatif aux profits tirés d'une atteinte à un droit,
doit, 10 jours au moins avant le jour fixé pour le début de
l'instruction, demander une ordonnance portant que cette ques
tion de fait fera, après instruction, l'objet d'une référence en
vertu des Règles 500 et suivantes s'il paraît à ce moment-là
qu'il faut statuer sur cette question.
(2) Une ordonnance du genre prévu par le paragraphe (1)
peut être rendue à tout moment avant ou après l'instruction et
peut être rendue par la Cour agissant de sa propre initiative.
3 (1879) 11 Ch. D. 918, à la p. 927.
La Règle examinée par le Maître des rôles Jessel,
qui semble, servir les mêmes fins que la Règle 474,
est rédigée de façon très différente°. Toutefois, elle
ressemble beaucoup à la Règle 264 de la Sas-
katchewan qui, de l'avis du juge en chef Bence de
la Cour du banc de la Reine, ne lui donnait pas
compétence de faire ce que la défenderesse me
demande précisément de faire maintenant 5 . Mais,
étant donné que dans cette affaire, aucune des
parties n'a contesté sa compétence, le savant juge
en chef a statué sur le fond de la demande et la
Cour d'appel 6 a confirmé son refus de scinder
l'instance entre le quantum des dommages-intérêts
et les autres questions, sans mentionner la
compétence.
La Règle 474(1)a) ne vise pas les mêmes fins
que la Règle 480, savoir le jugement de points
litigieux, qui seront sans conséquence en l'absence
de responsabilité, ou qui peuvent être facilement
réglés lorsque la responsabilité est établie. Les
bénéfices pratiques qui, dans une cause appropriée,
à tous les égards découlent de cette procédure,
apparaissent d'eux-mêmes. Pour établir un paral-
lèle, comme la défenderesse le fait ici, entre tous
«les points relatifs à la responsabilité» dans la
présente action et tous les points de droit et les
points relatifs à la recevabilité de la preuve (que la
Règle 474 envisage comme faisant l'objet d'une
décision préliminaire), il faut faire quelque vio
lence à l'intention apparente de la Règle 474. On
ne me demande pas de prévoir la décision prélimi-
naire d'un point de droit qui (j'ai de sérieuses
raisons de le croire) mettra fin à l'action, mais
plutôt de décider de tous les points de droit et de la
recevabilité de la preuve qui sont nécessaires pour
déterminer la responsabilité relative à tous les
points soulevés dans l'action.
La partie I de la requête de la défenderesse doit
être rejetée. La partie II est présentée à titre
° Règles de la Cour, 1875, Ordonnance XXXVI, règle 6(1):
[TRADUCTION] (1) La Cour (ou un juge) dans toute
action, à tout moment ou occasionnellement, peut ordonner
que les divers points de fait auxquels elle donne lieu soient
jugés selon différents modes de jugement, ou qu'un ou plu-
sieurs points de fait soient jugés avant les autres, et elle peut
fixer le(s) lieu(x) pour leur audition et, dans tous les cas,
ordonner qu'un ou plusieurs points de fait soient jugés avant
un autre ou plusieurs autres.
Centrai Canada Potash Co. Ltd. c. P. G. de la Saskatche-
wan [1974] 4 W.W.R. 725.
6 [1974] 6 W.W.R. 374.
subsidiaire. La partie II A repose sur la Règle 474,
mais au lieu de demander simplement que tous les
points litigieux en matière de responsabilité, géné-
ralement décrits, soient jugés et décidés à titre de
question préliminaire avant celle des dommages-
intérêts et des comptes, elle vise trois points de
droit à propos desquels, compte tenu des admis
sions, les faits pertinents ne sont pas contestés. Les
voici:
1. La cession était-elle valable en vertu du para-
graphe 49(1) de la Loi alors que, tout en ayant
été approuvée par la majorité des membrés de la
bande qui ont voté, elle ne l'a pas été par la
majorité de ceux qui avaient le droit de voter?
2. L'attestation de la cession donnée par un seul
chef suffit-elle à répondre aux exigences du
paragraphe 49(3) de la Loi?
3. Avant la cession, le roi Édouard VII était-il
fiduciaire des terres au profit des membres de la
bande en vertu d'une fiducie expresse créée par
la Loi et les dispositions du Traité n° 6?
Bien que je sois raisonnablement convaincu que
ces questions pourraient être correctement réglées
dans ces procédures préliminaires, je ne pense pas
qu'il y ait de bonnes raisons pour le faire, car elles
ne constituent pas les seules questions et leur
règlement ne mettrait probablement pas fin à l'ac-
tion. La Cour ne peut pas prétendre ignorer les
dispositions prévues par le gouvernement du
Canada en vue de financer l'action des deman-
deurs aux fins de faire valoir les présentes récla-
mations. Tout porte à croire que seul un règlement
final de toutes les questions en matière de respon-
sabilité et, s'il y a responsabilité, de tous les
recours soulevés dans l'action y mettra fin. J'ai
sérieusement considéré la proposition selon
laquelle un règlement définitif des trois points
faciliterait celui des autres actions pendantes
devant la Cour, mais j'ai conclu qu'il ne convient
pas d'en tenir compte. Les demandeurs sont en
droit que leur action soit jugée sur les seuls faits de
la cause.
La partie II B demande des instructions quant à
la preuve sur laquelle doit se fonder le débat relatif
aux questions de la partie II A et ne requiert
aucun autre commentaire.
La partie II C réclame:
[TRADucTJox] ... une ordonnance rendue en vertu de la
Règle 474(1)b) de cette cour portant que la question relative à
la recevabilité de la preuve concernant la cession d'autres terres
par d'autres bandes d'Indiens de l'Ouest canadien, et notam-
ment à la recevabilité à l'instance des documents cotés présen-
tés à Herbert Taylor Vergette lors de son examen préalable,
doit être formulée et jugée à titre de question préliminaire dans
la présente action avant l'audition de cette dernière.
Ce texte est très insolite, car ce que la défenderesse
a demandé et ce que les demandeurs ont combattu
pendant des heures d'argumentation, ce n'est pas
la formulation et l'instruction, à titre de question
préliminaire, de la question de la recevabilité de
faits analogues, mais plutôt une ordonnance aux
fins d'exclure cette preuve. Quand je l'ai souligné,
l'avocat de la défenderesse a demandé à modifier
l'avis de requête et l'avocat des demandeurs s'y est
refusé. Je n'ai pas autorisé la modification à ce
stade, mais je suis convaincu que les demandeurs
n'ont été ni trompés ni désavantagés par ce qui
s'est passé. Ils y étaient préparés et ont fait opposi
tion à la vraie demande et non pas à celle formulée
dans l'avis de requête. C'est seulement lorsque j'ai
attiré l'attention générale sur l'anomalie apparente
que l'avocat des demandeurs a soulevé une objec
tion (mais n'a pas fait opposition) à une ordon-
nance excluant la preuve de faits analogues. L'im-
portante question de la recevabilité de cette preuve
a aussi été traitée dans la requête concurrente des
demandeurs, qui demandait une nouvelle comparu-
tion du fonctionnaire de la défenderesse aux fins
d'interrogatoire préalable. En conséquence, je ne
vois ni préjudice ni inconvénient pour les deman-
deurs à traiter de ce que les parties elles-mêmes
ont manifestement eu l'intention de traiter et ont
pensé qu'elles étaient en train de traiter, plutôt que
de traiter de l'avis de requête dans sa rédaction
littérale et je ne vois que désavantages à ne pas le
faire.
Les points litigieux sont tous décrits dans les
plaidoiries. La preuve afférente aux faits analo
gues est sans rapport avec eux. Les circonstances
entourant les cessions d'autres terres, soit de la
réserve n° 135 en 1902 ou d'autres réserves et en
particulier de la réserve St. Peter, près de Selkirk
(Manitoba) en septembre 1907, n'ont rien à voir
avec l'existence ou la non-existence de la fiducie
expresse ou des relations fiduciaires invoquées ici.
Elles n'ont rien à voir non plus avec l'existence ou
la non-existence de manquements aux dispositions
impératives de la Loi dans la présente action.
Quant aux prétendues violations de la fiducie
expresse ou des relations fiduciaires, tous les faits
doivent être prouvés par les documents admis par
la défenderesse qui n'allègue rien en défense sus
ceptible de rendre recevable en réfutation la
preuve de faits analogues.
Je juge opportun de régler la question de la
recevabilité de la preuve par voie de décision préli-
minaire en vertu de la Règle 474, en raison du
fardeau abusif qui pèserait sur la défenderesse si
elle était requise de produire les documents relatifs
aux quelque 90 autres cessions qui sont intervenues
dans l'Ouest canadien avant la Première Guerre
mondiale, sans parler de la perte de temps qu'en-
traînerait pour les deux parties l'examen d'une
telle masse de matériel, sans aucun résultat prati-
que en l'occurrence. Les avocats m'ont informé
qu'environ 3,000 documents ont été produits en
rapport avec cette seule réclamation.
La partie II D n'est qu'un autre aspect de la
partie II C, c'est-à-dire une ordonnance rendue en
vertu de la Règle 476' pour décider s'il y a un
rapport entre les autres cessions et les points liti-
gieux de la présente action, avant d'ordonner l'in-
terrogatoire préalable du fonctionnaire de la
défenderesse à leur sujet.
La partie II E réclame une ordonnance enjoi-
gnant Edward Morin de recomparaître à ses pro-
pres frais pour être interrogé une autre fois et la
partie II F en réclame une exigeant des réponses
aux questions spécifiques qui lui ont été posées
auparavant. Il faudrait peut-être préciser que ces
requêtes, comme toutes celles de la partie II, ont
été présentées accessoirement à la requête de la
partie I qui repose, entre autres, sur la renoncia-
tion des parties à procéder à d'autres interrogatoi-
res préalables.
' Règle 476. Sans restreindre la portée générale de la Règle
474 ou de la Règle 475, si la partie dont on veut obtenir une
communication écrite ou orale sous quelques formes que ce soit,
ou un examen de documents, s'oppose à tout ou partie de la
communication de l'interrogatoire ou de l'examen, la Cour, si
elle est convaincue que le droit d'obtenir la communication ou
l'interrogatoire, ou l'examen dépend de la décision d'une ques
tion ou d'un point en litige dans l'action, ou que, pour toute
autre raison, il est souhaitable de décider une question ou un
point en litige avant de statuer sur le droit d'obtenir la commu
nication, l'interrogatoire ou l'examen, pourra ordonner que
cette question ou ce point soient décidés en premier lieu.
Les réponses que fournit Morin, soit personnel-
lement soit par l'entremise de son avocat, présen-
tent une difficulté: à toutes les questions relatives
aux faits invoqués à l'appui de cette cause d'action,
il répond qu'il fait fond sur les documents, c'est-à-
dire sur un ou plusieurs des 3,000 documents ou
sur quelque point qui y figure. A proprement
parler, ce ne sont pas des réponses satisfaisantes
car le devoir de s'informer incombant à toute
personne qui fait l'objet d'un interrogatoire préala-
ble est si clair qu'il ne demande pas qu'on s'y
étende. En pratique, vu les circonstances, on ne
pouvait guère s'attendre à mieux. Il n'y a pas de
meilleure illustration du dilemme que les propos
échangés entre l'avocat des demandeurs, M' Har-
radence, et l'avocat de la défenderesse, M' Ainslie,
qui sont reproduits aux pages 56 et 57 de la
transcription de l'interrogatoire de Morin:
[TRADUCTION] 355 M` HARRADENCE:... Notre position est la
suivante: nous comptons sur vos documents pour établir le
motif; et, par motif, j'entends un exposé général. Je suis
d'avis qu'à ce stade le témoin ne doit pas être forcé de lire
ces documents et de les interpréter. S'ils sont pertinents et
recevables, leur valeur probante doitêtre fixée par le juge
qui préside cette instance. Nous vous dirons ce que nous
savons personnellement sur les questions, comme nous
l'avons déjà fait, mais nous ne ferons aucun autre com-
mentaire sur ces documents, à moins qu'un juge nous
l'ordonne.
356 M` AINSLIE: Merci, M' Harradence. Je n'ai pas demandé
au témoin de formuler des commentaires sur ces docu
ments. Si je comprends bien, vous soutenez que le motif
invoqué par la défenderesse pour vendre les terres est
incorrect, n'est-ce pas?
357 M` HARRADENCE: Oui, monsieur.
358 M` AINSLIE: M. Morin, pouvez-vous juste nous dire dans
vos propres termes quel a été, selon les demandeurs, le
motif invoqué par la défenderesse?
359 M` HARRADENCE: M' Ainslie, nous vous avons déjà
répondu à cela.
360 M` AINSLIE: Il n'a pas répondu à la question.
361 M` HARRADENCE: Si, j'affirme qu'il y a été répondu.
362 Ni' AINSLIE: Vous invitez donc le témoin à ne pas répon-
dre à la question?
363 M` HARRADENCE: Oui, monsieur, pour le motif qu'il y a
déjà répondu et que lui demander plus équivaut à exiger
la lecture de ces documents.
La défenderesse a droit à d'autres interrogatoi-
res préalables généraux et je ne vois aucune raison
de lui refuser cette ordonnance. Toutefois, avant
de la lui accorder, je lui demande d'en examiner
plus attentivement l'intérêt et de considérer si des
interrogatoires ne seraient pas préférables, car ils
laisseraient aux demandeurs le temps d'extraire
des points particuliers de cette documentation
massive.
Les questions énumérées dans la partie II F ont
été notifiées aux demandeurs. Si j'ordonne un
nouvel interrogatoire général en vertu de la partie
II F, Morin devra être prêt à répondre à toutes ces
questions sauf aux numéros 405, 413, 795, 797,
799 et 802. Subsidiairement, si la défenderesse
opte pour les interrogatoires et que la Cour l'ap-
prouve, les autres questions y afférentes peuvent
être réglées.
Je propose d'ajourner sine die les parties II E et
F de la requête, en donnant à la défenderesse
l'autorisation de les introduire à nouveau avec un
préavis de deux jours aux demandeurs. Je passe
maintenant à la requête des demandeurs, qui
réclame une nouvelle comparution du fonction-
naire de la défenderesse, Herbert Taylor Vergette,
aux fins d'interrogatoire préalable.
Outre (1) des réponses à des questions spécifi-
ques, les demandeurs réclament (2) une ordon-
nance prescrivant la recherche d'autres documents,
dans la mesure où ces questions l'exigent. Ils récla-
ment aussi (3) un jugement déclaratoire portant
que les points soulevés dans les questions 945 948
sont utiles, et contraignant Vergette à s'informer à
ce sujet. La défenderesse consent à ce jugement
déclaratoire et à cette ordonnance et aussi à (4)
une ordonnance en vertu de la Règle 448 lui
prescrivant de déposer un affidavit qui attesterait
l'exactitude de sa liste de documents. Cet affidavit,
selon la réclamation des demandeurs (que la
défenderesse n'accepte pas) devrait (5) divulguer
tous les documents (ils demandent aussi que Ver-
gette s'informe et réponde aux questions ou com-
paraisse à nouveau) relatifs (A) aux pratiques
utilisées par la Couronne pour obtenir que les
bandes indiennes consentent aux cessions interve-
nues entre 1887 et 1945; (B) à toutes les cessions
ou tentatives dans ce sens visant à obtenir des
terres de réserve entreprises par la Couronne en
vertu de la Loi de 1886 et de celles qui l'ont suivie,
au Manitoba, en Saskatchewan, en Alberta, et
dans les territoires du Nord-Ouest pendant la
période où l'hon. Frank Oliver a occupé les fonc-
tions de Surintendant général des Affaires indien-
nes; (C) à toutes les opinions juridiques reçues par
le ministère des Affaires indiennes quant aux for-
malités nécessaires pour obtenir une vente valable
des terres indiennes de 1887 à 1945; et (D) aux
questions qui sont restées sans réponse, mais aux-
quelles il faudra répondre en vertu de l'ordonnance
rendue à la suite de cette demande.
Quant aux questions qu'englobe le point 5(A) et
(B), je refuse la requête pour des raisons que je
n'ai pas besoin de répéter, la preuve relative aux
faits analogues n'étant pas recevable à l'instance.
Je refuse le point 5(C). L'opinion formulée occa-
sionnellement par des conseillers juridiques sur la
question de droit, est sans rapport avec le litige. Le
point 5(D) et le point 2 peuvent être réglés ensem
ble sans inconvénient après le point 1. Les points 3
et 4 étant acceptés, des ordonnances seront
rendues.
Vu que j'ai conclu que la preuve relative aux
faits analogues ne sera pas recevable à l'instance,
je rejette le point 1 de la requête des demandeurs
en ce qui concerne les questions suivantes:
(i) 103, 104, 116, 586, 587, 625, 626, 627, 633,
818 à 821, 844 et 848, 1286 à 1299, qui ont trait
aux méthodes et aux pratiques générales du
gouvernement en matière de cessions des terres
de réserve;
(ii) 515 et 1276 à 1285, qui ont trait à la
cession d'une partie de la réserve n° 135 interve-
nue en 1902;
(iii) 795 à 800, 802 à 810, 817 et 842, qui ont
trait à la cession d'une partie de la réserve Blood
près de Cardston (Alberta);
(iv) 873, 874, 1017 à 1033 et 1035 à 1114, qui
ont trait à la cession de la réserve de St. Peter,
près de Selkirk (Manitoba), à une commission
d'enquête y afférente nommée ultérieurement et
aux événements qui l'ont suivie;
(v) 914 à 916, 919, 923, 934 à 937, 939, 951,
954, 959 à 962, 964 à 967, 969, 970, 973, 975,
976, 978 à 983, 985 et 988, qui ont trait à une
cession de terres de réserve par la bande Seshart
dans l'Île de Vancouver, aux défauts détectés
par le gouvernement et aux événements qui ont
suivi;
Les questions suivantes demandent toutes à la
défenderesse d'admettre des documents qu'elle a
déjà admis, d'identifier ceux qui les ont signés ou
autorisés, ce qui apparaît peu important en raison
de leur admission et de l'interprétation ou des
conclusions à tirer de leur rédaction plutôt ordi-
naire basée sur les dispositions de la Loi sur les
Indiens:
121, 126, 128, 136, 150, 186, 196, 206, 217,
304, 309, 312, 522, 528, 589, 843 et 845.
Je rejette le point 1 de la réclamation des deman-
deurs afférent à ces questions.
La défenderesse ayant admis que la cession en
litige n'a pas été acceptée par la majorité des
membres de la bande Enoch ayant le droit de vote,
mais simplement par la majorité de ceux qui ont
voté, je rejette le point 1 de la requête en ce qui
concerne les questions suivantes:
(i) 607 610, 942 et 943, qui demandent de
vérifier ce qui a été admis;
(ii) 614, 615, 634 642, 644 647, 650, 657 à
665, 669, 670, 672 676, 681, 683 690, 738,
740 742, 856 861, 863, 865 869, 880 889,
893 896, qui ont trait à la politique occasion-
nelle du gouvernement relative à la bonne inter-
prétation juridique du terme «majorité» dans
l'article pertinent de la Loi;
(iii) 709, 711 714, 718, 719, 724, 726, 733,
755 762, 764, 767, 770, 775, 779, 780, 784 à
786, 789 792, 822 828, 832 et 841, qui ont
trait à une mesure possible, notamment à la
modification de la Loi, qui aurait enlevé tout
doute à l'effet que le procédé n'a pas été con-
forme à la bonne interprétation juridique; et
(iv) 991, 993 1003, 1007, 1008, 1010, 1011 et
1014, qui ont trait à la politique adoptée et aux
mesures prises dans ce secteur en 1939.
La défenderesse a admis l'affidavit accepté par
le gouverneur en conseil, qui prouve la cession des
terres en litige. Est-il insuffisant en raison des
dispositions impératives de la Loi? Si oui, les
conséquences de cette insuffisance sont de pures
questions de droit. En conséquence, je rejette le
point 1 de la requête des demandeurs en ce qui
concerne les questions suivantes:
691 à 698, 703, 704, 706 708, 899, 900, 903,
904, 910, 912 et 913.
Dans les documents produits devant moi, rien
n'indique que le fait de fournir une représentation
juridique indépendante à une bande d'Indiens à
propos d'une cession proposée, ait un rapport avec
les questions de politique ou de pratique, ou d'ab-
sence de politique ou de pratique, du gouverne-
ment. Je rejette donc le point .1 de la requête des
demandeurs en ce qui concerne les questions 811 à
814 et 816. Je ne trouve rien non plus qui indique
un rapport entre ces questions et les mesures ou
l'absence de mesures prises par le gouvernement à
la suite d'un débat qui a eu lieu à la Chambre des
communes, le 22 mars 1911, et je rejette la requête
en ce qui concerne les questions 1115 et 1120 à
1137. Il a été répondu à la question n° 1139.
La défenderesse n'est pas responsable en droit
pour les actes ou les opinions des particuliers qui
ne sont ni ses préposés ni ses. agents. Un membre
du Parlement est un particulier dans ce sens, et
non pas un préposé ni un agent de la Couronne. Je
rejette le point 1 de la requête des demandeurs en
ce qui concerne les questions suivantes parce que,
pour la raison susmentionnée, elles ne doivent pas
être posées à la défenderesse lors de l'interroga-
toire préalable:
1141, 1143, 1144, 1145, 1147, 1148, 1150, 1152
à 1155, 1157, 1159, 1160, 1161, 1163, 1165,
1167 1183, 1185 1188, 1193 1198, 1201 à
1205, 1208 1214, 1218 1223, 1225, 1226,
1231 1234, 1246 1249, 1251 1257, 1259,
1260, 1264, 1266, 1268 1271 et 1273.
La question 420 demande d'indiquer qui a payé
le télégramme à frais virés envoyé le 28 juin 1908
par un certain J. A. Markle de Gleichen (Alberta)
au ministère des Affaires Indiennes à Ottawa. Elle
demande aussi de préciser la signification du
numéro «327569», qui est estampillé sur la copie
produite par les demandeurs. L'importance de
savoir qui a payé les frais et ce que signifie ce
numéro m'échappe à première vue. Toutefois, une
chose est certaine, c'est le coût auquel ces rensei-
gnements reviennent quelque 70 ans après que
l'événement s'est produit. Je rejette donc le point I
de la requête des demandeurs en ce qui concerne la
question 420.
La question 457 demande à la défenderesse
d'interpréter ou d'admettre un point qui figure
dans un document qu'elle n'a pas admis. Cela est
incorrect. Il s'agit en l'occurrence d'une des lettres
du Rév. Tessier à l'hon. Frank Oliver.
La défenderesse refuse de répondre aux ques
tions suivantes, de toute évidence, parce qu'elle a
une opinion opposée à celle des demandeurs sur les
déductions qu'il convient de tirer de l'offre faite
par le gouvernement avant la cession en litige et
qui consistait à rendre disponibles, en les prélevant
sur le produit de la vente ou autrement, certains
approvisionnements, chevaux et matériaux. En
l'occurrence, je ne peux pas statuer que la preuve y
afférente est nécessairement irrecevable ou inutile.
J'accorde le point 1 de la requête des demandeurs
en ce qui concerne les questions 506, 509, 1309 à
1313 et 1316 1318 parce qu'elles visent la ces
sion en litige et non pas des faits analogues.
De même, à ce stade, je ne peux pas statuer que
la preuve relative aux activités du Rév. John
McDougall, en novembre 1907, en vue d'obtenir
de la bande Enoch une cession, serait irrecevable
et sans rapport avec la cession en litige, à condition
naturellement qu'il ait agi pour le compte de la
Couronne. Il convient donc de répondre aux ques
tions 1300 1306. En présumant que la question
1307 se rapporte à celles qui la précèdent immé-
diatement, il faut aussi y répondre. Quant à la
question 1308, dans la mesure où elle n'a pas un
caractère critique, elle ne fait que répéter la ques
tion 1301.
Conformément aux points 2 et 5(D), les docu
ments afférents aux questions auxquelles l'ordon-
nance prescrit de répondre, devront être produits.
Les dépens pour les deux requêtes suivront l'is-
sue de la cause.
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