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T-4481-75
Robert W. Blanchette, Richard C. Bond et John H. McArthur, agissant en qualité de fiduciaires des biens de Penn Central Transportation Com pany; Norfolk and Western Railway Company; Thomas F. Patton et Ralph S. Tyler, Jr., agissant tous deux en qualité de fiduciaires des biens de Erie Lackawanna Railway Company; Illinois Cen tral Gulf Railroad Company et Missouri Pacific Railroad Company (Demandeurs)
c.
La Compagnie de chemins de fer nationaux du Canada; Grand Trunk Western Railroad Com pany; Central Vermont Railway Inc. et Canadien Pacifique Limitée (Défenderesses)
Division de première instance, le juge Marceau— Montréal, le 8 novembre; Ottawa, le 10 décembre 1976.
Compétence Contrat Requête visant à faire radier la déclaration vue l'absence de compétence Application de l'art. 23 de la Loi sur la Cour fédérale Peut-on établir une distinction entre l'affaire Quebec North Shore Paper et celle en l'espèce? Effet des dispositions imposées par la Loi sur les chemins de fer Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), c. 10, art. 23 Loi sur les chemins de fer, S.R.C. 1970, c. R-2, art. 94(1) et 265.
Les demandeurs cherchent à recouvrer des sommes dues aux termes d'un contrat d'ouvrages et entreprises reliant une pro vince à une autre et fondent leur demande sur les dispositions de la Loi sur les chemins de fer.
Arrêt: la demande de radiation est accordée. Bien que le contrat porte sur des ouvrages et entreprises reliant une pro vince à une autre, les dispositions citées de la Loi sur les chemins de fer ne créent pas de cause d'action. Bien que les articles 94(1) et 265 de la Loi sur les chemins de fer imposent les rapports juridiques entre les parties à cette action, on ne peut déduire de l'arrêt Quebec North Shore Paper que la présente affaire échappe au principe énoncé dans ledit arrêt.
Arrêt appliqué: Canadien Pacifique Limitée c. Quebec North Shore Paper Co. (1976) 9 N.R. 471.
DEMANDE de radiation de la déclaration. AVOCATS:
D. H. Tingley pour les demandeurs.
P. Sevigny-McConomy pour la Compagnie
des chemins de fer nationaux.
M. S. Bistrisky pour le Canadien Pacifique
Limitée.
PROCUREURS:
Lafleur & Brown, Montréal, pour les demandeurs.
Le contentieux de la Compagnie des chemins de fer nationaux, Montréal, pour la Compa- gnie des chemins de fer nationaux.
Le contentieux du Canadien Pacifique Limi- tée, Montréal, pour le Canadien Pacifique Limitée.
Ce qui suit est la version française des motifs de l'ordonnance rendus par
LE JUGE MARCEAU: Il s'agit d'une requête présentée au nom de l'une des défenderesses, le Canadien Pacifique Limitée, pour obtenir une ordonnance en radiation de la déclaration vu l'ab- sence de compétence ration materiae de cette cour pour décider de la réclamation qui lui est soumise.
Les demandeurs agissent en qualité de fiduciai- res des biens de la Penn Central Transportation Company. Leurs réclamations ont pris naissance suite à l'échange réciproque de trafic entre eux et les défenderesses alors qu'ils se livraient tous, en qualité de transporteurs en commun, au trafic ferroviaire requis par le pacte de l'automobile et au trafic ferroviaire connu sous le nom de trans port de remorques et de porte-conteneurs sur wagons plats (TOFC-COFT).
La déclaration énonce clairement la nature du redressement demandé. Les sous-alinéas b) à e) des conclusions font état des montants réclamés, que laisse prévoir le sous-alinéa a):
[TRADUCTION] a) Qu'il soit déclaré que les défenderesses doivent aux demandeurs la différence entre le tarif de la Trailer Train en vigueur avant le 1" janvier 1971 et le tarif de la Trailer Train occasionnellement en vigueur depuis le 1 °r janvier 1971.
La déclaration cependant n'énonce pas aussi clairement la base d'un tel redressement.
On explique aux paragraphes 23 et 26 que le matériel ferroviaire (wagons à deux et trois étages et wagons plats) que les demandeurs ont, pour leur part, fourni et utilisé dans le cadre du pacte de, l'automobile et relativement au transport de remorques et de porte-conteneurs sur wagons plats était la propriété de la Trailer Train Company, compagnie américaine ayant son siège social à Chicago, laquelle a fourni ledit matériel; les para-
graphes susmentionnés font la description de la compagnie et expliquent comment ses tarifs sont entrés en vigueur.
Puis, les paragraphes 27 et 28 disposent:
[TRADUCTION] 27. Les demandeurs, en tant que membres usagers du matériel ferroviaire fourni par la Trailer Train Company, sont tenus par contrat de payer à cette dernière les frais de location de wagons, conformément au tarif publié (le «tarif de la Trailer Train») et, de plus, ils sont responsables de tous les frais afférents au matériel de la Trailer Train Company pendant qu'il est sur les lignes des demandeurs et pendant qu'il demeure sur des lignes de transporteurs non-membres, tels qui les défenderesses, avec qui cet équipement a été échangé.
28. Les défenderesses ont payé à la Trailer Train, au nom des demandeurs, le tarif de la Trailer Train pour l'usage du maté riel fourni par les demandeurs depuis l'entrée en vigueur du pacte de l'automobile en 1966 jusqu'en décembre 1970.
Aux paragraphes 29 33, on dit, en substance, qu'en janvier 1971, et de temps à autre par la suite, la Trailer Train Company a informé les demandeurs et les défenderesses de modifications apportées au tarif; que ces dernières, cependant, ont toujours persisté dans leur refus de payer les nouveaux tarifs et ont continué de verser à la Trailer Train, au nom des demandeurs, ceux en vigueur avant la première augmentation.
Ensuite vient le paragraphe 34 qui se lit ainsi:
[TRADUCTION] 34. Les demandeurs, en qualité d'usagers du matériel de la Trailer Train tel qu'il est allégué plus haut au paragraphe 27, ont été tenus et le sont toujours de verser à la Trailer Train Company la différence entre le tarif de la Trailer Train en vigueur avant janvier 1971 et les différents taux en vigueur de temps à autre par la suite.
Quant aux paragraphes qui restent, deux doi- vent être reproduits:
[TRADUCTION] 42. En dépit de ce qui précède, les défenderes- ses ont continué de recevoir et d'utiliser ou de remployer le matériel fourni par les demandeurs et de plus ils ont même continué de prier les demandeurs de fournir une partie du matériel à utiliser dans le cadre du pacte de l'automobile.
43. Depuis le premier janvier 1971, les défenderesses ont utilisé le matériel fourni par les demandeurs et en ont tiré un avantage injuste, au préjudice de ces derniers.
L'avocat de la défenderesse requérante prend pour acquis que les demandeurs appuient leur demande de redressement sur le contrat mentionné au paragraphe 27, conclu entre Trailer Train Company et les demandeurs, aux termes duquel ces derniers doivent payer un certain tarif pour l'utilisation du matériel de ladite compagnie. Je ne crois pas que la lecture de la déclaration donne une vue aussi claire et simple du fondement réel de
l'action. Mais je ne crois pas non plus, à la lumière du principe établi par le jugement récent de la Cour suprême du Canada rendu dans l'affaire Canadien Pacifique Limitée c. Quebec North Shore Paper Company', qu'il soit nécessaire, pour traiter de la question de compétence à ce stade-ci, de donner une définition précise et positive des motifs juridiques sur lesquels on peut considérer que l'action est fondée, telle qu'elle a été introduite.
Naturellement, c'est l'article 23 de la Loi sur la Cour fédérale qui pourrait accorder à cette cour la compétence pour entendre la présente action. Il y est disposé.
23. La Division de première instance a compétence concur- rente en première instance, tant entre sujets qu'autrement, dans tous les cas une demande de redressement est faite en vertu d'une loi du Parlement du Canada ou autrement, en matière de lettres de change et billets à ordre lorsque la Couronne est partie aux procédures, d'aéronautique ou d'ouvrages et entre- prises reliant une province à une autre ou s'étendant au-delà des limites d'une province, sauf dans la mesure cette compé- tence a par ailleurs fait l'objet d'une attribution spéciale.
Il est certain qu'en l'espèce, les demandes de redressement ont trait à des «ouvrages et entrepri- ses reliant une province à une autre ou s'étendant au-delà des limites d'une province». Mais la ques tion est de savoir si la «demande de redressement est faite en vertu d'une loi du Parlement du Canada ou autrement».
Jusqu'à ce que soit rendu le jugement de la Cour suprême dans l'arrêt Quebec North Shore, on interprétait l'article 23 de façon disjonctive c'est-à- dire, que l'on reconnaissait la compétence de la Cour si le demandeur pouvait démontrer que sa demande de redressement était faite ou en vertu d'une loi du Parlement du Canada, «ou autrement, en matière de ...». Mais nous savons maintenant qu'il y aura compétence en vertu de l'article 23 seulement si une demande de redressement satis- fait aux deux conditions conjointement; et de plus, il faut interpréter rigoureusement les mots «en vertu d'une loi du Parlement du Canada ou autre- ment»: l'action doit être fondée sur une loi fédérale précise qui accorde le redressement demandé.
Les citations suivantes, tirées des motifs rendus au nom de la Cour par le juge en chef, démontrent
' (1976) 9 N.R. 471.
clairement que l'interprétation jusqu'alors accep- tée a été rejetée et que le sens à donner à l'expres- sion «en vertu d'une loi du Parlement du Canada ou autrement» est aussi rigoureux que je viens de le dire.
A la page 3 des motifs:
En l'espèce, le redressement réclamé ne l'est pas en vertu d'une loi du Parlement du Canada. La question de la compé- tence de la Cour fédérale tourne donc autour des termes «ou autrement» employés à l'art. 23 et cela, indépendamment de la question subsidiaire de savoir si la demande se rattache à une matière relevant de la catégorie de sujets énumérés dans la dernière partie de l'art. 23. Selon l'argument des intimées, retenu en première instance et en appel par la Cour fédérale, la compétence judiciaire en vertu de l'art. 101 recouvre le même domaine que la compétence législative en vertu de l'art. 91. Par conséquent, l'art. 23 doit être interprété de façon à donner compétence à la Cour fédérale dans les domaines énumérés à la fin de l'article et ce, même en l'absence de législation sur ces sujets, si le Parlement a le pouvoir de légiférer à leur égard.
A la page 8 des motifs:
Le juge en chef Anglin, dans la première affaire Consolidat ed Distilleries, puis le juge Duff dans la seconde, ont tous deux considéré que l'expression «lois du Canada», à l'art. 101, visait, pour l'un, les [TRADUCTION] «lois adoptées par le Parlement» et l'autre, [TRADUCTION] «l'exécution d'une obligation contrac- tée conformément aux dispositions d'une loi (du) ... Parle- ment». De même, dans la seconde affaire Consolidated Distil leries, le Conseil privé parlait du pouvoir découlant de l'art. 101, de donner compétence à la Cour de l'Échiquier relative- ment à des actions portant sur les cautionnements faits en faveur de la Couronne [TRADUCTION] «en vertu d'une loi fiscale adoptée par le Parlement du Canada». En outre, dans cet arrêt, le Comité judiciaire a indiqué qu'il pouvait être difficile d'assujettir l'affaire à l'art. 30a) de la Loi sur la Cour de l'Échiquier car, bien que les actions aient été des «cas se rattachant au revenu», on pouvait dire qu'il ne s'agissait pas d'appliquer une loi du Canada. Cela est conforme aux remar- ques précitées du juge en chef Anglin et du juge Duff.
Toutefois, on insiste sur ce qu'a dit le Conseil privé sur l'application de l'art. 30d) de la Loi sur la Cour de l'Échiquier, qui donne compétence à la Cour de l'Échiquier en matière d'actions d'ordre civil dans lesquelles la Couronne est demande- resse ou requérante. Je ne considère pas que sa déclaration selon laquelle [TRADUCTION] «les actions ... envisagées à l'al. d) se limitent à des actions portant sur des matières ressortis- sant au pouvoir législatif du Dominion» fasse plus qu'exprimer une restriction quant à l'étendue des domaines à l'égard des- quels la Couronne du chef du Canada peut intenter une action comme demanderesse devant la Cour de l'Échiquier. La Cou- ronne devrait de toute façon fonder son action sur une loi qui serait fédérale aux termes de cette restriction. Il est bon de rappeler que le droit relatif à la Couronne a été introduit au Canada comme partie du droit constitutionnel ou du droit public de la Grande-Bretagne; on ne peut donc prétendre que ce droit est du droit provincial. Dans la mesure la Couronne, en tant que partie à une action, est régie par la common law, il s'agit de droit fédéral pour la Couronne du chef du Canada, au
même titre qu'il s'agit de droit provincial pour la Couronne du chef d'une province, qui, dans chaque cas, peut être modifié par le Parlement ou la législature compétente. Il n'est pas question en l'espèce de droit de la Couronne.
Le juge Addy n'a pas étudié l'effet de l'art. 101 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique sur l'art. 23 de la Loi sur la Cour fédérale. Il semble avoir présumé qu'il avait compétence si l'entreprise prévue dans l'accord relevait du pouvoir législatif fédéral. Comme je l'ai déjà souligné, il lui fallait d'abord conclure que la demande de redressement était faite «en vertu d'une loi du Parlement du Canada ou autrement». En Cour d'appel fédérale, le jugement rendu par le juge Le Dain, rédigé en son nom et au nom du juge Ryan, le juge Thurlow (tel était alors son titre) ayant rendu des motifs concomitants, formule également la question en litige sans tenir compte de l'expression susmentionnée.
A la page 11:
Il y a compétence en vertu de l'art. 23 si la demande de redressement relève du droit fédéral existant et non autrement.
Il convient également de souligner que l'art. 101 ne traite pas de la création des tribunaux pour connaître des sujets relevant de la compétence législative fédérale, mais «pour la meilleure administration des lois du Canada». Le terme «administration» est aussi significatif que le mot pluriel «lois». A mon avis, ils supposent tous deux l'existence d'une législation fédérale appli cable, que ce soit une loi, un règlement ou la common law, comme dans le cas de la Couronne, sur lesquels la Cour fédérale peut fonder sa compétence. L'art. 23 exige que la demande de redressement soit faite en vertu de pareille loi. Cette exigence [n'est] pas remplie en l'espèce....
Appliqué au cas actuel, le critère est concluant. Que ce soit à la suite d'un contrat ou autrement, il est clair pour moi que le redressement recherché dans cette action ne l'est pas aux termes d'une loi fédérale précise. L'avocat des demandeurs a bien tenté de prouver le contraire en citant certaines dispositions de la Loi sur les chemins de fer (S.R.C. 1970, c. R-2 et ses modifications), mais à mon sens, elles ne créent pas la cause d'action requise.
J'ai pensé pendant un certain temps que l'on pouvait établir une distinction entre l'affaire Quebec North Shore et celle en l'espèce. De fait, dans l'affaire Quebec North Shore, le contrat sur lequel se fondait l'action n'avait rien à voir avec une loi fédérale alors que dans l'affaire qui nous intéresse les rapports juridiques entre les parties ont été non seulement prévus mais d'une certaine façon imposés par les dispositions de la Loi sur les chemins de fer. Voyez, entre autres, les articles 94(1) et 265 de la Loi:
94. (1) Les administrateurs de la compagnie peuvent à toute époque faire et conclure des traités ou arrangements, non incompatibles avec la présente loi ou la loi spéciale, avec toute
autre compagnie de transport qui fonctionne à titre de transpor- teur en commun, au Canada ou ailleurs, pour l'échange de trafic et pour le partage et la répartition de taxes se rapportant à ce trafic.
265. (1) Toutes les compagnies de chemin de fer doivent, conformément à leurs pouvoirs respectifs, accorder aux particu- liers et aux compagnies toutes les facilités raisonnables et convenables pour la réception, l'expédition et la livraison des marchandises à destination ou en provenance de leurs chemins de fer, et pour l'échange des transports entre leurs chemins de fer respectifs et la rentrée du matériel roulant.
(2) Ces facilités comprennent la réception régulière et en temps raisonnable, l'expédition et la livraison dans les mêmes conditions, par la compagnie, à la demande d'une autre compa- gnie, du trafic d'entier parcours, et, quand il s'agit de marchan- dises expédiées par wagons complets, du wagon et de son contenu à destination et en provenance du chemin de fer de cette autre compagnie, à un tarif d'entier parcours, ainsi que l'acceptation, l'expédition et la livraison régulières et en temps raisonnable de ce trafic par la compagnie à des tarifs d'entier parcours, à la demande de tout intéressé au trafic d'entier parcours.
(3) Toute compagnie de chemin de fer possédant ou exploi- tant un chemin de fer qui, en se reliant à une autre voie ferrée, ou en la croisant, fait partie d'un parcours ininterrompu de chemin de fer, ou qui possède une tête de ligne, une gare ou un quai à proximité d'une tête de ligne, d'une gare ou d'un quai d'un autre chemin de fer, doit accorder toutes les facilités raisonnables et voulues pour livrer à cet autre chemin de fer, ou pour en recevoir et expédier par sa propre voie, tout le trafic venant par cet autre chemin de fer, sans retard déraisonnable, et elle doit faire en sorte que le public désirant se servir de ces chemins de fer comme voie ininterrompue de communication n'y trouve pas d'obstacles à la circulation et puisse ainsi s'en servir en bénéficiant à tout moment de toutes les facilités raisonnables de transport par les voies ferrées de ces diverses compagnies.
Je conclus finalement, cependant, que la distinc tion entre les deux affaires, bien que réelle, ne peut être soulevée, en l'absence de passage dans les notes du juge en chef ou de conclusions logiques tirées de son raisonnement, auxquels une telle distinction pourrait se rattacher.
Puisque je dois répondre négativement à la ques tion de savoir si la demande de redressement dans la présente action est faite en vertu d'une loi fédérale précise, je dois conclure que cette cour n'a pas compétence en vertu de l'article 23 de la Loi sur la Cour fédérale pour en décider.
La demande sera donc accueillie. En ce qui concerne les dépens, la défenderesse Canadien Pacifique Limitée, a droit aux siens mais seule- ment comme si sa requête en,radiation avait été faite et décidée de la même manière que la pre- mière procédure, après signification de la déclaration.
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