T-2224-75
Plan A Leasing Limited (Demanderesse)
c.
La Reine (Défenderesse)
Division de première instance, le juge Gibson—
Toronto, le 24 mars; Ottawa, le 8 avril 1976.
Impôt sur le revenu—Allocation du coüt en capital—La
demanderesse est-elle propriétaire ou locataire de l'édifice?—
«L» cède le terrain à «G. W.» et l'édifice qui s'y trouve à «159»
Limited—»159» Limited loue le terrain de «G.W.»—La
demanderesse acquiert tous les droits de propriété en achetant
l'édifice et en acceptant une cession du bail relatif au terrain—
La demanderesse se prétend propriétaire de l'édifice—Annexe
B, catégorie 3 et annexe H, catégorie 13 des Règlements
1100(1)a),(3)b) et 1102(5) de l'impôt sur le revenu.
La demanderesse a réclamé une allocation à l'égard du coût
en capital à titre de propriétaire de l'édifice situé au 159 rue
Bay, Toronto. Voici les faits: L, le propriétaire initial, a séparé
la propriété du terrain de celle de l'édifice en cédant le terrain à
Great-West Company et l'édifice à 159 Bay Street Limited.
Simultanément, 159 Bay Street Limited louait le terrain de
Great-West. La demanderesse a, par la suite, acquis tous les
droits de propriété en achetant l'édifice et en acceptant une
cession du bail relatif au terrain. Se fondant sur le partage
initial du terrain et de l'édifice par L, la demanderesse se
prétend propriétaire de l'édifice. La défenderesse soutient en
_revanche_quien _Ontario une fois qu'un édifice est érigé sur un
terrain, il est impossible d'effectuer des cessions distinctes du
terrain et de l'édifice situé sur ce terrain et que le cessionnaire
de l'édifice n'a obtenu qu'une tenure à bail. Subsidiairement, on
allègue que si le cessionnaire a acquis plus de droits, ceux-ci
sont soumis aux conditions du bail (conclu en même temps que
le contrat relatif à l'édifice). Une clause du bail prévoit qu'à
l'expiration du bail, le cessionnaire de l'édifice devra céder
celui-ci au bailleur des terrains, sans contrepartie. On en con-
clut que les droits du cessionnaire se limitent à une tenure à
bail.
Arrét: l'appel est accueilli; la demanderesse était propriétaire
de l'édifice durant les années en question et peut déduire une
allocation du coût en capital, calculée selon un mode dégressif
au taux de 5%. Juridiquement, les droits de propriété sur un
terrain et sur un édifice peuvent être cédés séparément lorsque
les parties ont conclu un contrat spécial à cette fin. L'accord
des parties peut abroger la règle de droit générale selon laquelle
l'édifice est lié à la propriété foncière perpétuelle. Elles peuvent
complètement disjoindre le droit de pleine propriété sur l'édifice
du droit de pleine propriété sur le terrain, même si l'édifice se
trouve toujours sur le terrain. Le fait que le premier contrat
relatif à la pleine propriété foncière de l'édifice n'ait stipulé
aucune cession de servitudes ne modifie pas les conséquences
juridiques de cet acte car une opération ultérieure a été conclue
(le bail avec Great-West) et a donné le même résultat que celui
qu'aurait entraîné une cession des servitudes au contrat relatif à
la cession de la pleine propriété foncière de l'édifice. Pour
déterminer si les documents en question sont conformes à
l'intention des parties, dans les contrats et les baux, la clause de
cession a force de loi entre les parties. Toute clause ultérieure
visant à restreindre, abroger ou anéantir les droits établis par la
clause de cession doit être rejetée. En l'espèce, la clause de
cession insérée dans chaque document est valide, de même que
la souscription et la remise de ces documents.
Arrêts suivis: Davy c. Lewis (1860) 18 U.C.Q.B. 21 et
Rudnikoff c. La Reine [1974] 2 C.F. 807. Arrêt appliqué:
Cohen c. M.R.N. [1968] 1 R.C.E. 110.
APPEL en matière d'impôt sur le revenu.
AVOCATS:
W. D. Goodman, c.r., et J. M. Clow pour la
demanderesse.
J. S. Gill pour la défenderesse.
PROCUREURS:
Goodman & Carr, Toronto, pour la
demanderesse.
Le sous-procureur général du Canada pour la
défenderesse.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE GIBSON: Au cours de cette audience,
cinq appels différents en matière d'impôt sur le
revenu ont été entendus simultanément et sur la
base d'une même preuve, à savoir: Plan A Leasing
Limited c. La Reine (T-2224-75); Plan B Leasing
Limited c. La Reine (T-2225-75); Plan C Leasing
Limited c. La Reine (T-2226-75); Calfonta
Investments Limited c. La Reine (T-2227-75) et
Strathearn Holdings Limited c. La Reine
(T-2228-75).
(Les appels des demanderesses Plan A Leasing
Limited et Strathearn concernant les années d'im-
position 1967 et 1968 ainsi que les appels des
demanderesses Plan B Leasing Limited et Plan C
Leasing Limited concernant les années d'imposi-
tion 1968 et 1969 n'ont pas été examinés puisqu'ils
portaient sur des cotisations nulles pour ces années
respectives.)
Il s'agit dans cet appel de déterminer si au cours
des années d'imposition pertinentes, la demande-
resse était «propriétaire» ou «locataire» de l'édifice
appelé Commerce and Transportation Building, sis
au 159, rue Bay, Toronto (Ontario).
Il n'est pas contesté que durant les années d'im-
position pertinentes la demanderesse louait le ter
rain sur lequel se trouve l'édifice en question.
Les incidences fiscales sont différentes suivant
que la demanderesse était «propriétaire» ou «loca-
taire» dudit terrain:
A. S'il est décidé en l'espèce que la demande-
resse était propriétaire de l'édifice en question,
elle a alors droit à une allocation à l'égard du
coût en capital, calculée selon un mode dégres-
sif, à titre de biens de la catégorie 3, telle que
décrite à l'annexe B des Règlements, et à un
taux annuel de 5% du coût en capital de l'édifice
en 1962.
B. Si, par contre, la présente décision porte que
la demanderesse n'était que locataire à bail de
cet édifice, elle peut alors réclamer une déduc-
tion linéaire de son revenu pour l'édifice, au
taux annuel de 2 1 / 2 % à titre de biens de la
catégorie 13 de l'annexe B, en conformité de
l'annexe H des Règlements.
Aux fins de l'impôt sur le revenu, la différence
pour la demanderesse entre les possibilités men-
tionnées en A et B ci-dessus signifie que sous A,
elle peut reporter son impôt sur 25 ans.
Des opérations ont été effectuées en 1962 et
c'est leur effet juridique en droit immobilier et
l'application de celui-ci à la Loi de l'impôt sur le
revenu et aux Règlements qui constituent l'objet
de cet appel.
On peut résumer les faits de la façon suivante:
1. En février 1962, Samuel Lunenfeld, proprié-
taire des terrains (les «terrains») et de l'édifice
(l'«édifice») situés à l'angle nord-ouest des rues
Bay et Front dans la ville de Toronto, a accepté
une offre de vente des terrains et de l'édifice à
Joseph Rosenblum.
2. Joseph Rosenblum a accepté ultérieurement
une offre de Great-West Life Assurance Com
pany, datée du 16 février 1962; cette offre avait
trait à l'acquisition des terrains seulement, à l'ex-
clusion de l'édifice. Elle prévoyait également qu'au
moment de la signature du contrat, Great-West, à
titre de propriétaire, consentirait à Joseph Rosen-
blum, ou à toute personne désignée par ce dernier,
à titre de locataire, un bail d'une durée de 99 ans.
3. Par contrat du 16 avril 1962, Samuel Lunenfeld
a déclaré qu'il cédait les terrains à Great-West.
4. Un contrat du 16 avril 1962, souscrit par
Samuel Lunenfeld, avait pour but de céder l'édi-
fice à 159 Bay Street Limited.
5. Un bail daté du 16 avril 1962 a été conclu entre
Great-West, à titre de propriétaire, et 159 Bay
Street Limited, à titre de locataire.
6. En vertu d'un accord daté du 4 mai 1962, la
demanderesse Plan A Leasing Limited était censée
acquérir l'édifice de 159 Bay Street Limited et
obtenir de cette dernière une cession du bail que
lui avait consenti Great-West. Conformément à
cet accord, un contrat daté du mai 1962
stipulait la cession de l'édifice à Plan A Leasing
Limited et une cession de bail datée du 17 mai
1962 prévoyait la cession des droits de 159 Bay
Street Limited dans le bail à Plan A Leasing
Limited.
En l'espèce, suite à ces opérations effectuées en
1962, la demanderesse réclame une allocation à
l'égard du coût en capital (calculée selon un mode
dégressif au taux annuel de 5%) à titre de proprié-
taire de l'édifice appelé Commerce and Transpor
tation
Building, et sis au 159 rue Bay, Toronto
(Ontario).
En règle générale, une personne ou une compa-
gnie propriétaire ou locataire d'un immeuble a le
droit de déduire de son revenu, à titre d'allocation
à l'égard du coût en capital ou de dépréciation, les
montants autorisés par les Règlements édictés sous
l'empire de la Loi de l'impôt sur le revenu.
Par exemple, dans les quatre cas énoncés ci-des-
sous, le règlement applicable est cité et son appli
cation étudiée:
1. Le propriétaire d'un édifice en brique a droit à
une allocation à l'égard du coût du capital, calcu-
lée selon un mode dégressif, au taux de 5%, en
vertu du Règlement 1100(1)a)(iii) puisqu'il s'agit
d'un bien de la catégorie 3 mentionnée à l'annexe
B des Règlements.
1100. (1) En vertu de l'alinéa a) du premier paragraphe de
l'article 11 [art. 20(1)a)] de la Loi, il est par les présentes
alloué au contribuable dans le calcul de son revenu d'une
entreprise ou de biens, selon le cas, des déductions pour chaque
année d'imposition égales
a) au montant qu'il peut réclamer à l'égard de biens de
chacune des catégories suivantes, comprises dans l'Annexe B,
sans dépasser, à l'égard des biens
(iii) de la catégorie 3, 5%,
CATÉGORIE 3
Les biens non compris dans aucune autre catégorie constitués
par
a) un édifice ou autre structure, y compris les parties consti-
tuantes, notamment les fils électriques, la tuyauterie, les
réseaux extincteurs, le matériel pour la climatisation, les
appareils de chauffage, l'agencement pour l'éclairage, les
ascenseurs et escaliers roulants,
2. Une personne qui loue à bail un édifice a le
droit d'en amortir le coût sur la durée du bail, plus
une période de renouvellement, la période maxi-
male atteignant 40 ans en vertu du Règlement
1100(1)b) puisqu'il s'agit d'un bien de la catégorie
13 mentionnée à l'annexe H des Règlements.
Règlement 1100(1)b):
Tenure à bail
b) au montant qu'il peut réclamer à l'égard de ce que lui
coûtent en capital les biens de la catégorie 13 de l'Annexe B,
sans dépasser le montant pour l'année calculé en conformité
de l'Annexe H;
Annexe H
Tenures à bail
1. Aux fins de l'alinéa b) du paragraphe (1) de l'article
1100, le montant qui peut être déduit dans le calcul du revenu
d'un contribuable pour une année d'imposition, à l'égard du
coût en capital des biens de la catégorie 13 de l'Annexe B est le
moindre
a) de l'ensemble de chaque montant déterminé en confor-
mité de l'article 2 de la présente Annexe qui est une part
proportionnelle de la partie du coût en capital, pour lui,
contracté dans une année d'imposition particulière, d'une
tenure à bail particulière; ou
b) du coût non déprécié en capital, pour le contribuable, à la
fin de l'année d'imposition, des biens de la catégorie (avant
d'opérer quelque déduction en vertu de l'article 1100).
2. Sous réserve de l'article 3 de la présente Annexe, la part
proportionnelle pour l'année de la partie du coût en capital,
contracté dans une année d'imposition particulière, d'une
tenure à bail particulière est le moindre des montants suivants:
a) le cinquième de ladite partie du coût en capital; ou
b) le montant déterminé en divisant ladite partie du coût en
capital par le nombre de périodes de 12 mois (sans dépasser
40 semblables périodes) tombant dans la période commen-
çant avec le début de l'année d'imposition particulière dans
laquelle le coût en capital a été contracté et se terminant
avec le jour où le bail doit prendre fin.
3. Aux fins de déterminer, en vertu de l'article 2 de la
présente Annexe, la part proportionnelle pour l'année de la
partie du coût en capital, contracté dans une année d'imposition
particulière, d'une tenure à bail particulière, il convient d'appli-
quer les règles suivantes:
a) lorsqu'un poste du coût en capital d'une tenure à bail a
été contracté avant l'année d'imposition dans laquelle la
tenure a été acquise, il est censé avoir été contracté dans
l'année d'imposition dans laquelle la tenure a été acquise;
b) lorsque, en vertu d'un bail, le locataire a le droit de
renouveler le bail pour une durée supplémentaire, ou pour
plus d'une durée supplémentaire, après la durée qui com-
prend la fin de l'année d'imposition particulière dans laquelle
le coût en capital a été contracté, le bail est censé prendre fin
le jour auquel doit prendre fin la durée suivant la durée dans
laquelle le coût en capital a été contracté;
c) la part proportionnelle pour l'année de la partie du coût
en capital, contracté dans une année d'imposition particu-
lière, d'une tenure à bail particulière ne doit pas dépasser le
montant, s'il en est, demeurant après déduction, sur ladite
partie du coût en capital, de l'ensemble des montants récla-
més et déductibles au cours des années antérieures à cet
égard;
d) lorsque, à la fin d'une année d'imposition, l'ensemble
(i) des montants réclamés et déductibles au cours des
années d'imposition antérieures à l'égard d'une tenure à
bail particulière, et
(ii) du produit d'aliénation, s'il en est, d'une partie ou de
la totalité de ladite tenure
égale ou excède le coût en capital d'alors de la tenure, la part
proportionnelle de toute partie dudit coût en capital doit,
pour toutes les années subséquentes, être réputée néant; et
e) lorsque, à la fin d'une année d'imposition, le coût en
capital non déprécié, pour le contribuable, des biens de la
catégorie 13 est néant, la part proportionnelle de toute partie
du coût en capital d'alors doit, pour toutes les années subsé-
quentes, être réputée néant.
(L'annexe H a été ajoutée par le décret C.P. 1964-1857 du 4
décembre 1964, Gazette du Canada Partie II, 23 décembre
1964.)
3. Un locataire qui érige un édifice sur un terrain
loué et qui loue à bail cet édifice est fondé à le
considérer comme s'il en était propriétaire et à
déduire une allocation à l'égard du coût en capital
comme dans l'exemple 1 ci-dessus, en raison du
Règlement 1102(5). Règlement 1102(5):
Édifice sur terrains loués
(5) Lorsque le contribuable est locataire à bail de biens, la
mention dans l'Annexe B de biens prenant la forme d'un édifice
ou d'une autre structure est censée comprendre la mention de la
partie de la tenure à bail acquise en raison du fait que le
contribuable
a) a érigé un édifice ou structure sur un terrain loué,
b) a fait une modification à un édifice loué ou à une
structure louée, ou
c) a fait des modifications à des biens loués qui en changent
sensiblement la nature ou le caractère,
à moins que les biens ne soient compris dans la catégorie 23 de
l'Annexe B.
4. Un locataire qui érige un édifice sur un terrain
loué est locataire à bail de cet édifice s'il cède par
la suite ses droits de locataire à un cessionnaire. Ce
dernier peut alors réclamer une déduction de son
revenu pour la dépréciation, mais seulement au
taux de 2 1 / 2 % et selon un mode linéaire, c'est-à-dire
comme dans l'exemple 2.
(Ce règlement a été modifié en janvier 1976 de
sorte que la situation correspond maintenant à
l'exemple 3 ci-dessus.)
Les documents relatifs aux opérations conclues
en 1962 entraînent les conséquences juridiques
suivantes:
A. Les terrains—Great-West Life Assurance
Company est propriétaire des terrains sur les-
quels est sis l'édifice en question.
La demanderesse loue lesdits terrains de Great-
West Life Assurance Company (suite à une
cession de bail).
B. L'édifice—La demanderesse est propriétaire
de cet édifice situé au 159 rue Bay à Toronto et
appelé Commerce and Transportation Building.
Voici les contrats et baux par lesquels ces résul-
tats furent obtenus:
A. Le terrain—Contrat relatif au terrain (Pièce
A-3) daté du 16 avril 1962 et passé entre Samuel
Lunenfeld de Montreux (Suisse), concédant, et
Great-West Life Assurance Company, concession-
naire. La clause de cession stipule: [TRADUCTION]
«il, ledit Concédant, CÈDE en propriété incondi-
tionnelle audit Concessionnaire».
B. L'édifice—(l) Contrat relatif à l'édifice (Pièce
A-4) daté du 16 avril 1962, passé entre Samuel
Lunenfeld de Montreux (Suisse), concédant, et
159 Bay Street Limited, concessionnaire. La
clause de cession stipule: [TRADUCTION] «il, ledit
Concédant, CÈDE audit Concessionnaire TOUS les
édifices, améliorations, dépendances et installa
tions intérieures ou extérieures se trouvant sur les
terrains (à l'exclusion de ceux-ci) décrits plus en
détail à l'annexe `A' ci-jointe (ci-après appelés les
édifices en question')."
(2) Contrat relatif à l'édifice (Pièce A-7) en date
du mai 1962 et passé entre 159 Bay Street
Limited, concédant, et Plan «A» Leasing Limited,
concessionnaire. La cause de cession stipule: [TRA-
DUCTION] «ledit Concédant CÈDE audit Conces-
sionnaire TOUS les édifices, améliorations, dépen-
dances et installations intérieures et extérieures se
trouvant sur les terrains (à l'exclusion de ceux-ci)
décrits plus en détail à l'annexe `A' ci-jointe (ci-
après appelés `les édifices en question').»
C. Le bail—Bail relatif aux terrains seulement
(Pièce A-5) daté du 16 avril 1962 et passé entre
Great-West Life Assurance Company, bailleur, et
159 Bay Street Limited, preneur. Voici la clause
de cession: [TRADUCTION] «Il a été convenu qu'eu
égard aux loyers, conventions et accords à l'égard
desquels une réserve est stipulée ci-après et que le
Locataire devra payer, observer et exécuter, le
Propriétaire a cédé à bail et loué et par les présen-
tes cède à bail et loue au Locataire TOUS les
terrains situés dans la ville de Toronto, dans le
comté de York, décrits plus en détail à l'annexe `A'
ci-jointe; lesdits terrains, à l'exclusion de tous bâti-
ments ou de toutes améliorations, seront ci-après
appelés `terrains cédés à bail'.»
D. Cession de bail ne portant que sur les ter-
rains—Cession (Pièce A-8) datée du 17 mai 1962,
conclue entre 159 Bay Street Limited, cédant, et
Plan A Leasing Limited, cessionnaire. Voici la
clause de cession: [TRADUCTION] «Il a été convenu
qu'eu égard à une autre contrepartie et à la somme
de DEUX ($2)—Dollars payée par le Cessionnaire
au Cédant (dont il est par les présentes accusé
réception), le Cédant transfert au Cessionnaire la
totalité du terrain situé dans la ville de Toronto,
dans le comté de York, décrit plus en détail à
l'annexe `A' ci-jointe; il lui cède également le
reliquat non échu des années sur lesquelles porte
ledit bail, ainsi que ledit bail et tout avantage qui
en découle.»
En résumé et en me reportant aux pièces produi-
tes au dossier, les contrats de vente, de bail et de
cession de bail pertinents sont les suivants:
Les conte ats de vente et de bail intéressant la
demanderesse:
A. Les pièces A-1, A-3, A-4 et A-5 montrent que
Lunenfeld a séparé la propriété du terrain de celle
de l'édifice,
(i) en cédant la propriété du terrain à Great-
West Life Assurance Company (Pièce A-3); et
(ii) en cédant la propriété de l'édifice à 159 Bay
Street Limited (Pièce A-4).
B. En même temps qu'elle est devenue proprié-
taire de l'édifice (Pièce A-4), 159 Bay Street
Limited a loué les terrains' à Great-West Life
Assurance Company (Pièce A-5).
C. La demanderesse, Plan A Leasing Limited a
acquis ensuite tous les droits de 159 Bay Street
Limited,
(i) en achetant l'édifice (Pièce A-7), et
(ii) en acceptant une cession du bail relatif aux
terrains (Pièce A-8).
Suite aux opérations mentionnées en A ci-des-
sus, la demanderesse soutient qu'elle est proprié-
taire de l'édifice et qu'aux fins de l'impôt sur le
revenu, elle peut à ce titre réclamer une allocation
à l'égard du coût en capital, conformément aux
Règlements édictés sous l'empire de la Loi de
l'impôt sur le revenu.
Compte tenu des opérations effectuées en 1962
et mentionnées ci-dessus, certains aspects du droit
immobilier devront être étudiés pour trancher cet
appel.
L'avocat de la défenderesse soutient que selon le
droit ontarien il est impossible d'effectuer des opé-
rations comme celles qu'on prétend avoir réussies
en l'espèce, soit signer, sceller et remettre des actes
de cession distincts pour le terrain et l'édifice sis
sur ce terrain et ce, après la construction de l'édi-
fice sur le terrain (comme c'est le cas en l'espèce).
Selon l'avocat, l'acte de cession de l'édifice n'a
conféré au concessionnaire qu'une tenure à bail sur
l'édifice et non un droit de pleine propriété fon-
cière. Il soutient que si un édifice est transféré sans
le terrain (comme c'est le cas en l'espèce), cette
cession donne au cessionnaire un droit de propriété
sur l'édifice en tant qu'immeuble par destination,
et comporte le droit de déplacer l'édifice ou de le
démolir dans un délai raisonnable; il affirme en
outre que si au contraire l'acte de cession prévoit,
même dans un contrat accessoire et simultané
comme par exemple, un bail, le droit de conserver
l'édifice sur le terrain sur lequel il se trouve, ce
droit relève uniquement du bail relatif aux ter
rains. Il en conclut alors que la cession de l'édifice
n'a conféré à la demanderesse qu'une tenure à bail
sur celui-ci.
L'avocat de la défenderesse prétend subsidiaire-
ment que si la cession de l'édifice, (séparé du
terrain comme en l'espèce) accorde plus de droits
au cessionnaire que ceux mentionnés ci-dessus, ces
droits sont soumis aux conditions du bail en ques
tion (conclu accessoirement au contrat relatif à
l'édifice) qui stipule notamment qu'à l'expiration
du bail relatif aux terrains, le cessionnaire de
l'édifice devra céder celui-ci sans dédommagement
au bailleur du terrain sur lequel est sis l'édifice.
L'avocat prétend qu'en conséquence les droits con-
férés au cessionnaire à la suite de ces opérations
n'équivalent juridiquement à rien de plus qu'une
tenure à bail sur l'édifice.
A l'appui de ces prétentions, l'avocat de la
défenderesse cite la jurisprudence suivante:
Stack c. Eaton'; Holland c. Hodgson 2 ; Hobson
c. Gorringe 3 ; Haggert c. Town of Brampton°;
Reynolds c. Ashby & Son 5 ; Crossley Brothers
Limited c. Lee 6 ; Seeley c. Caldwell'; Devine c.
Callery 8 ; Scarth c. Ontario Power and Flat
Co. 9 ; Davy c. Lewis 10 ; Agricultural Develop
ment Board c. Ricard"; Liscombe Falls Gold
Mining Co. c. Bishop 12 ; In re Morrison, Jones &
Taylor Limited 13 ; Struthers c. Chamandy 14 ;
Ville de Vancouver c. Le procureur général du
Canada's; Re Hornell 16 ; Cohen c. M.R.N. 17 ;
Reitman c. M.R.N. 18 ; Rudnikoff c. La Reine 19 ;
La Banque D'Hochelaga c. The Waterous
Engine Works Company 20 ; Megarry et Wade,
The Law of Real Property, 3e édition, pages 68
1 (1902) 4 O.L.R. 335.
2 (1872) L.R. 7 C.P. 328.
[1897] 1 Ch. 182.
4 (1897) 28 R.C.S. 174.
5 [1904] A.C. 466.
6 [1908] 1 K.B. 86.
7 (1908) 18 O.L.R. 472.
8 (1918) 38 D.L.R. 542.
9 (1894) 24 O.R. 446.
10 (1860) 18 U.C.Q.B. 21.
11 (1927) 32 O.W.N. 140.
12 (1905) 35 R.C.S. 539.
13 [1914] 1 Ch. 50.
14 (1918) 42 O.L.R. 508.
15 [1944] R.C.S. 23.
16 [1945] 1 D.L.R. 440.
17 [1968] 1 R.C.É. 110.
18 [1968] 1 R.C.É. 120.
19 [1974] 2 C.F. 807.
20 (1897) 27 R.C.S. 406.
à 83, 141, 556 et 557, et 715 723; Brown, The
Law of Personal Property, 2e édition, pages 725
à 28.
L'avocat de la demanderesse prétend que les
opérations susmentionnées ont entraîné les consé-
quences suivantes: (1) le bail relatif aux terrains
sur lesquels se trouve l'édifice a conféré à la
demanderesse Plan A Leasing Limited un droit de
pleine propriété foncière sur ledit édifice et non sur
les terrains (2) Great-West Life Assurance Com
pany a acquis un droit de pleine propriété foncière
sur lesdits terrains et non sur l'édifice; et (3) la
demanderesse Plan A Leasing Limited est devenue
locataire à bail desdits terrains par voie de cession
de bail.
Cela résume les plaidoiries des avocats.
Une lecture attentive des pièces A-1 à A-14
indique clairement que les parties intéressées ont, à
toutes les époques en cause, soigneusement précisé
leurs intentions et les ont exécutées en concluant
les contrats de vente, de bail et de cession de bail.
Juridiquement, il est possible de céder séparé-
ment le droit de propriété sur un terrain et le droit
de propriété sur un édifice sis sur ce terrain lorsque
les parties ont conclu un contrat spécial à cette fin.
Lorsque les parties agissent ainsi par des contrats
appropriés, elles peuvent, comme il fut jugé dans
l'affaire Davy c. Lewis (précitée) à la page 30,
établir une loi qui régit leurs rapports en ce qui
concerne les terrains et l'édifice. En d'autres mots,
l'accord des parties peut abroger la règle de droit
générale selon laquelle l'édifice est lié à la pro-
priété foncière perpétuelle. Elles peuvent complète-
ment disjoindre le droit de propriété sur l'édifice
du droit de propriété sur le terrain sur lequel est sis
l'édifice, même si celui-ci se trouve toujours sur ce
terrain.
Cette exception à la règle de common law
remonte à l'époque de lord Coke. (Voir Challis,
The Law of Real Property, 3e édition, page 54).
Megarry et Wade déclarent à la page 70 de la 3e
édition de The Law of Real Property:
[TRADUCTION] Un propriétaire peut, s'il le désire, morceler
son terrain en tranches horizontales ou de toute autre façon. Il
peut aliéner les minéraux du sous-sol, ou l'étage supérieur d'un
édifice pour en faire des biens distincts.
Dans l'affaire Rudnikoff c. La Reine (précitée),
le juge en chef Jackett a déclaré devant cette cour
à la page 809:
Cependant, à mon avis, quoiqu'en règle générale—tant dans
les provinces de common law que dans la province de Québec—
un édifice soit lié au terrain et appartienne au propriétaire du
terrain, on peut modifier cette situation, par contrat ou autre-
ment, pour que la propriété de l'édifice soit distincte de la
propriété du terrain et, dans ce cas, le bail ne porterait pas sur
l'édifice. Un tel effet ne peut toutefois découler que d'une
clause claire et, à mon avis, les termes du bail emphytéotique
en l'espèce ne sont pas rédigés de manière à produire un tel
effet.
Également devant cette cour, le juge en chef
adjoint Noël a jugé dans l'affaire Cohen c.
M.R.N. 21 que le Code civil du Québec permet de
modifier les conditions d'un bail emphytéotique.
Aux pages 116 et 119, il déclare:
[TRADUCTION] L'examen du bail et de l'accord passés entre
les Ecclésiastiques du séminaire de St-Sulpice de Montréal et
The Transportation Building Company Limited, et du contrat
de vente aux appelants des droits spécifiés au bail et à l'accord
initiaux d'une part et des droits portant sur l'édifice construit
sur le terrain d'autre part révèle que certaines des clauses du
bail et de l'accord constituent des clauses emphytéotiques types
alors que d'autres n'en sont pas et sont inhabituelles.
J'examinerai maintenant seulement les clauses qui se rappor-
tent à la présente affaire et qui peuvent s'avérer utiles afin de
déterminer la nature des droits que les appelants ont acquis de
The Transportation Building Company Limited.
Il me semble donc, quels que soient les droits d'un preneur
emphytéotique ordinaire au Québec ou quelles que soient les
difficultés qui peuvent exister dans les provinces de common
law parce que la propriété du terrain emporte propriété de tout
ce qui est construit sur ce terrain, que je peux, d'après les
preuves de l'espèce, seulement conclure que les appelants
étaient les propriétaires de l'édifice construit sur le terrain du
séminaire.
De plus en l'espèce, le fait que le premier con-
trat relatif à la cession de propriété de l'édifice
(Pièce A-4) n'ait stipulé aucune cession de servitu-
des comme la servitude d'appui et le droit de
passage, etc., ne modifie pas les conséquences juri-
diques de cet acte. En 1962, une autre opération,
le bail avec Great-West Life Assurance Company
(Pièce A-5), a été conclue dans le but d'obtenir ces
servitudes. Le résultat correspond à celui qu'aurait
entraîné une cession de ces servitudes au contrat
relatif à la cession de propriété de l'édifice (Pièce
A-4).
21 [1968] 1 R.C.É. 110.
Il reste à déterminer si juridiquement les con-
trats en question correspondent aux intentions des
parties en l'espèce.
Dans les contrats et les baux, la clause de ces
sion a force de loi entre les parties. Toute clause
ultérieure visant à restreindre, abroger ou anéantir
les droits établis par la clause de cession doit être
rejetée en droit puisqu'elle lui est contradictoire et
la clause de cession prévaut. (Voir Ouston c.
Williams 22 ; Forbes c. Git 23 ; Armour, Real Pro
perty, 2e édition, 1916, page 350, Anger et Hons-
berger, Canadian Law of Real Property, 1959,
pages 16 et 17.)
L'examen des contrats, baux et transferts de
propriété, mentionnés ci-dessus révèle que les clau
ses de cession stipulées dans tous les contrats, baux
et cessions, pertinents ont été correctement libel-
lées en droit et que ces documents ont été valable-
ment souscrits et remis.
En conséquence, juridiquement, la demande-
resse Plan A Leasing Limited détient la pleine
propriété foncière de l'édifice 159 Bay Street
Limited, situé à Toronto et connu sous le nom de
Commercial and Transportation Building et ce,
durant toutes les années d'imposition pertinentes.
Elle a donc droit, pour les années d'imposition
pertinentes, à une allocation du coût du capital,
calculée selon un mode dégressif au taux annuel de
5%, à l'égard du coût engagé relativement à cet
édifice.
L'appel est donc reçu avec dépens, et j'ordonne
que l'affaire soit renvoyée afin qu'une nouvelle
cotisation soit établie conformément à ces motifs.
22 (1857) 16 U.C.Q.B. 405 la page 406.
23 (1922) 61 D.L.R. 353.
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