A-1 32-74
David Cooper (Appelant)
c.
Le ministre du Revenu national (Intimé)
Cour d'appel, les juges Urie et Le Dain et le juge
suppléant MacKay—Toronto, le 15 décembre
1976 et le 8 février 1977.
Impôt sur le revenu — Calcul du revenu Bénéfices
provenant de la vente d'actions minières L'intérêt dans une
propriété minière a-t-il été acquis en vertu d'une entente de
prospection entrant dans le cadre de l'art. 83(3) de la Loi de
l'impôt sur le revenu? — L'appelant a-t-il cédé ses actions
pendant ou après la tenue d'une campagne en vue de les vendre
au public, l'excluant ainsi de l'exemption visée à l'art. 83(4) de
la Loi? — Appel rejeté — Loi de l'impôt sur le revenu, S.R.C.
1952, c. 148, art. 10(1)j) et 83.
L'intimé prétend que les bénéfices réalisés par l'appelant
provenant de la vente, par ce dernier, d'actions du capital social
d'une corporation font partie de son revenu. L'appelant fait
valoir que les actions ont été acquises en contrepartie de la
transmission à la corporation d'un intérêt dans une propriété
minière acquis par suite d'une entente visant à avancer ou à
rembourser les frais de prospection encourus par un prospec-
teur, et que les montants reçus étaient, par conséquent, exclus
du calcul de son revenu imposable en raison de l'article 10(1)j)
et de l'article 83 de la Loi de l'impôt sur le revenu. L'intimé
prétend, au contraire, que l'appelant a cédé ses actions pendant
ou après la tenue d'une campagne en vue de vendre les actions
de la corporation au public de sorte que, en raison du paragra-
phe 83(4) de la Loi, les alinéas 83(2)b) et 83(3)b) ne s'appli-
quent pas.
Arrêt: l'appel est rejeté. Bien que l'appelant ait acquis un
intérêt dans une propriété minière en vertu d'une entente afin
de prospecter et qu'il y ait réellement eu prospection, il a cédé
ses actions pendant la tenue d'une campagne en vue de vendre
des actions d'une corporation au public.
Arrêt appliqué: Appleby c. M.R.N. [1972] C.F. 703. Dis
tinction faite avec l'arrêt: Appleby c. M.R.N. [1975] 2
R.C.S. 805.
APPEL.
AVOCATS:
Paul J. Sullivan pour l'appelant.
J. R. Power et C. Fien pour l'intimé.
PROCUREURS:
Shibley, Righton & McCutcheon, Toronto,
pour l'appelant.
Le sous-procureur général du Canada pour
l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE LE DAIN: Nous avons à connaître de
l'appel d'un jugement de la Division de première
instance rejetant un appel d'une décision de l'an-
cienne Commission d'appel de l'impôt, qui elle-
même avait rejeté l'appel interjeté d'une deuxième
cotisation d'impôt relative aux années d'imposition
1965 et 1966. Lors de la seconde cotisation, le
ministre intimé avait inclus dans le revenu de
l'appelant certains bénéfices provenant de la vente
par ce dernier d'actions du capital social d'une
corporation. L'appelant prétend que lesdites
actions ont été données en contrepartie de la trans
mission à la corporation d'un intérêt dans une
propriété minière acquis par suite d'une entente
avec un prospecteur, par laquelle il lui avait
avancé ou remboursé les frais de prospection.
Le litige porte sur l'application de l'article
10(1)j) et d'une partie de l'article 83 de la Loi de
l'impôt sur le revenu, S.R.C. 1952, c. 148, applica
ble aux années d'imposition 1965 et 1966 et dont
voici le texte:
10. (1) Ne sont pas inclus dans le calcul du revenu d'un
contribuable pour une année d'imposition:
j) un montant reçu à la suite de la prospection qui, d'après
l'article 83, ne doit pas être inclus, ... .
83. (1) Dans le présent article, l'expression
a) «minéraux» ne comprend pas le pétrole ni le gaz naturel;
b) «propriété minière» signifie un droit de prospecter, explo
rer ou faire des travaux pour trouver des minéraux, ou une
propriété dont la principale valeur dépend de ce qu'elle
contient en minéraux;
c) «prospecteur» signifie un particulier qui prospecte ou
explore pour trouver des minéraux, ou qui développe une
propriété en vue de trouver des minéraux en son nom, pour
son compte et celui d'autres personnes, ou comme employé.
(2) Un montant qui autrement entrerait dans le calcul du
revenu d'un particulier pour une année d'imposition, ne doit pas
être inclus dans le calcul de son revenu pour l'année s'il
représente la contrepartie
a) d'une propriété minière ou d'un intérêt dans cette der-
nière, qu'il a acquis par suite de ses efforts à titre de
prospecteur, soit seul, soit avec d'autres, ou
b) d'actions du capital social d'une corporation, qu'il a
reçues en rémunération de la propriété décrite à l'alinéa a),
dont il a disposé en faveur de la corporation,
à moins que ce ne soit un montant qu'il a reçu dans l'année à
titre de loyer, de redevance ou de paiement analogue ou à valoir
sur ceux-ci.
(3) Un montant qui autrement entrerait dans le calcul du
revenu pour une année d'imposition d'une personne ayant, soit
en vertu d'une entente avec le prospecteur intervenue avant les
travaux de prospection, d'exploration ou de développement, soit
comme employeur du prospecteur, avancé de l'argent pour
subvenir aux frais de prospection ou d'exploration pour trouver
des minéraux, ou aux frais de développement d'une propriété en
vue de trouver des minéraux, ou ayant payé une partie ou la
totalité desdits frais, ne doit pas être inclus dans le calcul de son
revenu pour l'année s'il représente la contrepartie
a) d'un intérêt dans une propriété minière acquis d'après
l'entente par laquelle elle a effectué l'avance ou payé les
frais, ou, si le prospecteur était son employé, qu'elle a acquis
par les efforts de l'employé, ou
b) d'actions du capital social d'une corporation qu'elle a
reçues en considération de la propriété décrite à l'alinéa a),
dont elle a disposé en faveur de la corporation,
à moins que ce ne soit un montant qu'elle a reçu dans l'année à
titre de loyer, de redevance ou de paiement analogue ou à valoir
sur ceux-ci.
(4) L'alinéa b) du paragraphe (2) et l'alinéa b) du paragra-
phe (3) ne s'appliquent pas
a) dans le cas d'une personne qui dispose des actions pendant
qu'elle fait ou après avoir fait une campagne en vue de la
vente des actions de la corporation au public, ou
b) aux actions acquises par l'exercice d'une option pour
acheter des actions reçues à titre de cause ou considération
pour des biens décrits à l'alinéa a) du paragraphe (2) ou à
l'alinéa a) du paragraphe (3).
Voici les points litigieux de l'appel:
1. Y a-t-il eu convention afin de prospecter et y
a-t-il eu réellement prospection?
2. L'appelant a-t-il acquis son intérêt dans la pro-
priété minière en vertu de l'entente?
3. L'appelant a-t-il cédé ses actions de la corpora
tion pendant ou après la tenue d'une campagne en
vue de vendre les actions de la corporation au
public?
Voici les faits. L'appelant était depuis peu
employé à titre de vendeur à la commission par
Greene and Associates Limited, négociants en
valeurs mobilières, (ci-après appelés «Greene &
Associates»), lorsqu'il rencontra un certain W. N.
Ingham, expert géologue qui à l'époque effectuait
pour le compte de Greene & Associates des tra-
vaux reliés à une propriété minière à laquelle ils
s'intéressaient. La preuve n'établit pas comment
Ingham est entré en contact avec l'appelant,
notamment si quelqu'un d'autre chez Greene &
Associates lui a suggéré de s'adresser à lui.
Ingham était alors connu comme un géologue et
un prospecteur compétent et expérimenté. L'appe-
lant n'avait jamais conclu d'entente avec un pros-
pecteur et Ingham fut frappé par son ignorance en
ce domaine. Ils ont parlé de questions minières en
général et l'appelant a demandé à Ingham s'il
connaissait des régions prometteuses à cet égard.
Ingham, pensant au canton de Malartic qu'il con-
naissait bien à cause de travaux antérieurs, a
répondu par l'affirmative. L'appelant a laissé
entendre qu'il serait intéressé à acheter une pro-
priété minière et Ingham lui a proposé de conclure
un contrat de prospection en commandite. Le con-
trat a été rédigé par un avocat, Me C. Marshall
Hames, puis signé par l'appelant et Ingham le 1e'
mars 1965. Ni l'un ni l'autre n'a pu produire copie
du contrat et on n'a pas demandé à M. Hames de
le faire. Toutefois dans leur témoignage respectif
l'appelant et Ingham en reconnaissent l'existence
et s'entendent sur ses modalités essentielles. Tous
deux ont déclaré dans leur déposition qu'Ingham
devait, en faisant appel à son expérience et à ses
connaissances, choisir la région lui paraissant pro-
metteuse et commencer à la prospecter afin d'être
à même de faire ses recommandations quant au
jalonnage des concessions minières. L'appelant a
convenu de verser à Ingham $800, dont $200
d'avance, la différence devant être versée une fois
les travaux effectués. Dans son témoignage,
Ingham a déclaré qu'il devait recevoir les $800,
qu'il soit procédé ou non au jalonnement.
Ingham a choisi pour la prospecter une région
du comté de Malartic située à 15 milles de son
bureau de Val d'Or. Son choix reposait sur ce qu'il
avait appris de la région entre 1944 et 1956 alors
qu'il était employé du ministère des Mines du
Québec à titre de géologue résidant à Val d'Or. A
cette époque, il avait levé la carte géologique de
tout le comté de Malartic. Ayant cessé de travail-
ler pour le gouvernement du Québec, il avait conti-
nué de s'intéresser à la région comme expert géolo-
gue installé à Toronto, mais conservant un bureau
à Val d'Or à partir de 1964 environ. Il connaissait
donc très bien la géologie de la région et son
potentiel en minerai. Il avait également choisi cette
région à cause de l'activité et de l'intérêt créés par
la Camflo Matagami Mines, installée à quatre
milles à peine du lieu choisi. En outre, à cette
époque environ 12 compagnies minières
extrayaient de l'or ou du minerai métallifère dans
la région de Malartic ou de Val d'Or. Il s'agissait
d'une région minière prospère où l'on pouvait nor-
malement espérer découvrir d'autres gisements.
Le contrat avec l'appelant conclu, Ingham s'est
rendu à Val d'Or, a engagé un autre prospecteur,
James House, pour l'aider dans les durs travaux de
creusage et de déneigement et il est parti le long de
la berge du lac Malartic à la recherche de tran-
chées abandonnées qu'il se rappelait avoir vues au
cours d'explorations précédentes. Le premier jour
il n'a rien trouvé, mais le deuxième il a réussi à
localiser l'une des tranchées et, les jours suivants, à
déneiger et à mettre la roche à nu. C'est House qui
a fait la plus grande partie du travail et Ingham
s'est contenté d'inspecter de temps en temps. Il a
exploré aussi une formation géologique située dans
la région, mais sans prélever d'échantillon. Il a
prélevé cinq échantillons de roches dans la tran-
chée située près du rivage du lac et les a fait
analyser. Un seul avait une teneur en or apprécia-
ble. Ce succès était encourageant, quoique
modeste. Ingham a dit qu'à cause de l'activité dans
la région et de la ruée vers les concessions à
jalonner, on n'avait pu prospecter davantage. Il a
fait part à l'appelant des résultats de son travail et
a recommandé de jalonner des claims en prenant
pour centre la tranchée qui avait fourni les échan-
tillons. L'appelant lui donna le feu vert. Ingham a
dit que sa recommandation s'appuyait sur l'ana-
lyse des échantillons de la vieille tranchée, sur ses
recherches d'ordre géologique sur la région et sur
l'activité qui y régnait. Il parle des résultats de
l'échantillonnage comme [TRADUCTION] «d'un
petit encouragement» et «d'un petit échantillon
aurifère». Il semble qu'outre l'étude de la région
effectuée avant de rencontrer l'appelant, Ingham
ait fait, après la conclusion du contrat avec ce
dernier, d'autres recherches géologiques sur la
région choisie aux fins de prospection.
Il a fait jalonner vingt-quatre claims au profit de
l'appelant, soit une superficie de 1,200 acres. Il en
a remis les titres à l'appelant avec une lettre en
date du 26 avril 1965, dans laquelle il disait:
[TRADUCTION] «Je vous remets ces documents en
exécution finale du contrat conclu le ler mars entre
David Cooper en tant que `commanditaire' et moi-
même à titre de `prospecteur'». L'appelant lui
versa alors le solde de $600 prévu au contrat.
En vertu d'un contrat en date du 28 avril 1965,
l'appelant a vendu les claims à la Hampshire
Mines Limited, qui ultérieurement a changé son
nom en celui de Kaiser Mines of Canada Limited
et sera ci-après appelée la «Kaiser» pour plus de
commodité. En contrepartie, il a reçu 800,000
actions, réduites à 700,000 par la suite, du capital
social de la Kaiser, dont 70,000 actions libres et
630,000 actions en dépôt fiduciaire.
La Kaiser a contracté avec Greene & Associates
une option de souscription à forfait en date du 28
avril 1965. L'appelant estime qu'au cours de la
vente des actions de la Kaiser au public il avait
probablement vendu entre 75,000 et 100,000
actions pour le compte de Greene & Associates. Il
croit que cela représente environ de 30 50 ventes
différentes. A l'automne 1965, il avait vendu par
l'intermédiaire de ses propres courtiers les 70,000
actions libres pour $32,796.14. L'automne suivant,
il a vendu 630,000 actions en dépôt fiduciaire pour
$57,000 la compagnie qui avait le contrôle de la
Kaiser.
Dans son avis de nouvelle cotisation du 3 juin
1969, l'intimé incluait dans le revenu de l'appelant
pour les années d'imposition 1965 et 1966 des
bénéfices d'un montant respectif de $32,796.14 et
de $56,460, provenant de la vente des actions de la
Kaiser. La Commission d'appel de l'impôt a rejeté
l'appel interjeté par l'appelant contre la cotisation
et la Division de première instance de la Cour a
rejeté l'appel interjeté par lui contre cette décision.
Il n'est pas contesté que Dr. Ingham soit pros-
pecteur. Mais ce que prévoyait le contrat de pros-
pection en commandite conclu par lui avec l'appe-
lant et ce qu'il a réellement fait pendant une ou
deux semaines au début de mars constituait-il
vraiment de la prospection au sens de l'article 83
de la Loi? C'est là une autre question qu'il nous
faut d'abord éclaircir. L'éminent juge de première
instance ayant conclu que l'appelant n'avait pas
acquis son intérêt dans la propriété minière grâce
aux travaux effectués sur le terrain par Ingham et
House, mais grâce à la décision de jalonner les
claims pour d'autres raisons, ne se prononce pas
expressément sur le point de savoir s'il s'agissait là
de prospection. Mais il a dit en douter fortement.
Il s'est exprimé ainsi: [TRADUCTION] «En outre, je
doute fort que le prélèvement de cinq échantillons
de roches à quelques pieds les uns des autres dans
une région de 1,200 acres sans exploration du reste
de cette région puisse constituer de la `prospection'
au sens de l'article 83.» Je dirai respectueusement
que je ne souscris pas à cette opinion. Je ne pense
pas qu'il faille établir la nature de ce qui a été fait,
en présumant que ce soit un effort sincère, unique-
ment en fonction de l'espace parcouru et du temps
passé. Manifestement, il s'agissait d'une forme
admise de prospection: visite du terrain, prélève-
ment d'échantillons, examen et analyse de ceux-ci.
Plusieurs facteurs permettaient de limiter l'en-
quête sur le terrain: la connaissance qu'Ingham
avait de la région, les conditions du sol et la
nécessité de se hâter. Les connaissances et l'expé-
rience d'Ingham lui permettaient de concentrer ses
efforts. Il faut se souvenir qu'outre le prélèvement
des échantillons de la tranchée, il a effectué dans
les archives publiques des recherches géologiques
sur la morphologie de la région; cela aussi, c'est
une forme de prospection.
Toutefois, suivant la principale conclusion à
laquelle le juge de première instance est arrivé, que
l'on puisse ou non qualifier de prospection les
travaux qu'a effectués Ingham en exécution du
contrat de prospection en commandite, la décision
de procéder au jalonnement ne résulte pas de ces
travaux, mais de la connaissance préalable qu'Ing-
ham avait de la région ainsi que de l'activité qui
s'y déroulait alors, et en particulier de l'existence
de l'exploitation Camflo à environ quatre milles de
l'endroit choisi pour le jalonnement. Le passage
suivant du jugement l'indique clairement:
Pour avoir droit à l'exemption, l'appelant doit prouver:
a) que les travaux de prospection relatifs à la propriété en
question ont été effectués par le prospecteur avant l'acquisi-
tion de la propriété; et
b) que la propriété a été acquise par suite de ces efforts.
(Voir M.R.N. c. Karfilis [1967] 1 R.C.E. pp. 129 154. Voir
aussi Winchell c. M.R.N. précité [74 DTC 6152].)
En l'espèce, le prospecteur Ingham, comptant pour son tra
vail sur les renseignements et la documentation obtenus lors-
qu'il était géologue en résidence employé par le gouvernement
du Québec, avait remarqué, avant même d'entreprendre ses
explorations et prospections, qu'une région entourant certaines
tranchées ouvertes semblait prometteuse pour la découverte de
minéraux. Fort de ces données, et s'appuyant sur le fait que
Camflo Matagami Mines Ltd. exploitait avec profit une mine
d'or à quatre milles seulement de là, il a recommandé à
l'appelant le jalonnement des claims. La preuve m'oblige, je
crois, à conclure que, si les cinq échantillons n'avaient pas été
prélevés et analysés, on aurait quand même jalonné les claims.
Par conséquent, je suis d'avis que les claims n'ont pas été acquis
par suite de travaux de prospection comme l'exige le paragra-
phe b) ci-dessus. En outre, je doute fort que le prélèvement de
cinq échantillons de roches à quelques pieds les uns des autres
dans une région de 1,200 acres sans exploration du reste de
cette région puisse constituer de la «prospection» au sens de
l'article 83. Je déduis de la preuve qu'Ingham a toujours eu
l'intention de jalonner les claims dans cette région et que le
prélèvement de quelques échantillons de roches ne change en
rien la vraie nature de sa mission. Ingham était un géologue
d'expérience et il a admis qu'il connaissait bien les dispositions
de l'article 83. A mon sens, le prélèvement des échantillons de
roches constituait de sa part une tentative de se conformer
audit article 83; une prospection ou une exploration symbolique
du genre de celle-ci ne satisfait pas aux exigences de
l'article 83.
L'appelant prétend que le juge de première ins
tance était dans l'erreur lorsqu'il a dit, évoquant le
paragraphe 83(3), que la propriété minière doit
avoir été acquise par suite des efforts de prospec-
tion. On a allégué que ce critère s'applique plutôt
au paragraphe (2), libellé ainsi: «par suite de ses
efforts à titre de prospecteur», qu'au paragraphe
(3) où il est dit: «d'après l'entente par laquelle elle
a effectué l'avance ou payé les frais». Quoique la
formulation du critère adopté par le juge de pre-
mière instance s'applique plus facilement au para-
graphe (2), où le prospecteur achète la propriété
minière, qu'au paragraphe (3), il n'a pas à mon
avis commis d'erreur en présumant, dans le cas du
paragraphe (3), l'existence d'une relation causale
entre les efforts de prospection et l'achat de la
propriété. L'article 10(1)j) de la Loi nous indique
que l'article 83 vise un montant reçu «à la suite de
la prospection». L'objet évident de l'article 83 est
d'encourager la prospection comme moyen de
découvrir des ressources minérales. L'entente évo-
quée au paragraphe (3) doit avoir pour objet une
activité que le paragraphe intitule «prospection ou
exploration pour trouver des minéraux», ou «déve-
loppement d'une propriété en vue de trouver des
minéraux». Lorsque le paragraphe parle d'un inté-
rêt dans une propriété minière acquis «d'après»
l'entente, cela doit vouloir dire par suite de la
prospection effectuée en exécution de l'entente. Si
la prospection n'influe pas sur l'achat de la pro-
priété, alors cela n'aurait pas de sens de dire que
celle-ci a été acquise en vertu d'une entente du
genre de celle qu'envisage la Loi. Le jalonnement
de claims en exécution d'un contrat prévoyant ce
jalonnement ainsi que la prospection est une chose
faite «d'après» le contrat, mais le jalonnement en
lui-même n'est pas ce que régit l'article 83. La
question est alors de savoir si la prospection a
influencé la décision de procéder au jalonnement.
Il n'est pas nécessaire à mon avis qu'elle constitue
le seul motif de la décision, ni même un motif
important de celle-ci. Il suffit que la prospection
ait constitué un facteur pris en considération lors
de la décision de jalonner. Statuer autrement
serait risquer d'exclure du champ de l'exemption
une prospection entreprise de bonne foi ayant réel-
lement contribué à localiser des gisements de
minerai, et ce seulement en raison de la connais-
sance préalable que le prospecteur aurait eue de la
région.
Le juge de première instance a conclu que les
travaux effectués par Ingham en mars 1965 n'ont
eu aucune influence sur la décision de procéder au
jalonnement. Il a déduit de la preuve qu'Ingham
avait toujours eu l'intention, vu ses connaissances
préalables et compte tenu de l'exploitation Camflo,
de procéder à un jalonnement de claims miniers
dans la région, ce qu'il aurait fait de toute façon,
même s'il n'avait prélevé aucun échantillon de
roche dans la tranchée. Je ne crois pas que cette
déduction soit fondée. Il n'existe absolument
aucune preuve qui permette de déduire qu'Ingham
aurait recommandé de procéder au jalonnement
dans cette région si on ne lui avait pas accordé la
possibilité de vérifier, par une prospection subsé-
quente même limitée, les impressions générales
acquises auparavant. L'appréciation des faits par
le juge de première instance en ce qui concerne les
raisons de la recommandation faite par Ingham à
l'appelant n'est pas, à mon avis, conforme à la
preuve. Comme je l'ai signalé ci-dessus, sa conclu
sion est la suivante: «Fort de ces données et s'ap-
puyant sur le fait que la Camflo Matagami Mines
Ltd. exploitait avec profit une mine d'or à quatre
milles seulement de là, il a recommandé à l'appe-
lant le jalonnement des claims».
Ingham a témoigné dans les termes suivants sur
ce qu'il s'était engagé à faire pour l'appelant:
[TRADUCTION] Je me suis engagé à sélectionner une localité
ou zone dans la région de Val d'Or, à m'y rendre, à l'examiner
et à y chercher du minerai exploitable. En outre, je me suis
engagé aussi, si je pensais avoir trouvé quelque chose de
prometteur et qui paraissait intéressant, à le lui dire, à le
conseiller et, s'il le désirait, à jalonner des claims sur la
propriété.
Voici comment dans sa déposition il explique
pourquoi il sélectionna cette région pour la
prospecter:
[TRADUCTION] Q. Je me demande ce qui vous a fait décider
par où commencer à chercher?
R. Bien! plusieurs choses. Premièrement une connaissance
générale de la région que j'avais acquise en cartogra-
phiant et en étudiant certains autres documents portant
sur les lieux. Et, deuxièmement, le souvenir d'y avoir
aperçu certaines vieilles tranchées sur lesquelles aucun
renseignement n'avait été publié; mon idée était donc
d'aller prospecter cet endroit précis dans l'espoir d'y
trouver quelque chose et c'est ce qui m'a conduit là.
Voici la partie de son témoignage concernant le
rapport qu'il fait à l'appelant:
[TRADUCTION] ... Je lui ai téléphoné et lui ai dit que l'une des
vieilles tranchées avait donné des échantillons légèrement
encourageants et qu'en outre j'avais étudié de près la géologie
de cet endroit précis de Malartic que j'estimais favorable, un
bon emplacement pour poursuivre les recherches ....
... Je lui ai dit que je confirmais la présence d'or à cet endroit,
que les autres conditions paraissaient favorables et qu'il devrait
procéder au jalonnement.
... Je lui ai dit que j'avais obtenu un échantillon d'or par suite
de la prospection et que, compte tenu de ce qui se passait dans
la région et de mes propres recherches en cet endroit, je croyais
qu'il valait la peine de procéder au jalonnement des claims
miniers. Je lui ai demandé s'il voulait le faire. Il a répondu:
«Oui, allez-y».
D'après ce témoignage donc, Ingham n'avait pas
au départ reçu d'instructions précises lui deman-
dant de procéder au jalonnement des claims à
l'endroit de son choix dans une région qu'il sélec-
tionnerait lui-même. Selon l'accord, il devait pros-
pecter une région qu'il estimerait prometteuse et
faire rapport à l'appelant. La recommandation de
procéder au jalonnement des claims s'appuyait au
moins en partie sur les résultats de la prospection,
laquelle comprenait des recherches subséquentes
effectuées dans les registres publics sur la géologie
de la région. J'ai l'impression que cette recherche
subséquente a échappé complètement à l'attention
du juge de première instance, ou qu'il ne lui a pas
accordé d'importance. La preuve m'interdit de
déduire que ni Ingham ni l'appelant n'estimait
désirable, voire nécessaire, de poursuivre la pros-
pection pour décider où et quand procéder au
jalonnement. La prospection de surface effectuée
fut concentrée sur un site particulier, mais il ne
s'agissait pas, en tout respect pour le juge du fond,
d'un effort superficiel, fait pour la forme, méritant
le qualificatif de «symbolique». Ingham a pris la
peine d'engager House qui a déployé beaucoup
d'efforts pendant plusieurs jours pour localiser la
tranchée, puis mettre la roche à nu comme Ingham
le voulait. Il ne s'agit pas là d'un faux semblant.
C'est dans la région de la tranchée que le jalonne-
ment a eu lieu, lequel couvre entre autres le lit du
lac. La prospection, centrée sur la tranchée, a donc
été un facteur directement considéré à mon avis
lors de la décision de procéder au jalonnement.
Il faut maintenant examiner la question de
savoir si l'on peut dire que l'appelant faisait cam-
pagne en vue de vendre les actions de la Kaiser au
public. Le sens de ces mots a été étudié par la
Cour suprême du Canada dans la cause Appleby c.
M.R.N. [1975] 2 R.C.S. 805, où la majorité des
juges, confirmant les jugements rendus par les
divisions de première instance et d'appel de la
Cour fédérale, conclurent qu'un individu, seul
actionnaire véritable de la compagnie qui avait
passé le contrat de souscription à forfait pour la
vente des actions, avait fait campagne en vue de
vendre les actions au public au sens du paragraphe
83(4) de la Loi. Les faits de l'espèce révèlent
qu'Appleby contrôlait et dirigeait lui-même toute
la campagne, y intervenant personnellement; sa
compagnie était en fait l'instrument utilisé pour
faire campagne. Le juge Judson, rendant le juge-
ment de la majorité qui comprenait, outre lui-
même, les juges Ritchie et de Grandpré, a insisté
sur le rôle actif de dirigeant joué par Appleby [aux
pages 810-111:
Le juge de première instance a également conclu que Appleby
avait personnellement participé à la décision prise par les trois
compagnies minières de conclure les contrats de souscription à
forfait dont il s'agit en l'espèce; que s'il n'avait pas personnelle-
ment rédigé les brochures expédiées par courrier par la compa-
gnie de courtage dans le but de promouvoir la vente des actions,
il avait donné des directives à l'égard de leur rédaction et avait
vu à ce que rien ne soit expédié sans que lui-même ne l'ait lu et
approuvé. Enfin, c'est Appleby lui-même qui chaque jour télé-
phonait à W. D. Latimer Company Limited dans le but de fixer
les prix auxquels celle-ci était autorisée à acheter et à vendre
les actions des trois compagnies minières. Le factum de l'appe-
lant déposé en cette Cour énonce la position de Latimer en ces
termes: [TRADUCTION] «Comme on dit dans le métier, Latimer
«gérait le coffret» pour le compte de J. Appleby Securities
Limited.» Il m'apparaît évident que Latimer gérait le coffret
sur les seules instructions de Appleby, qui en même temps avait
ses propres actions à écouler.
Devant ces faits, les deux divisions de la Cour fédérale ont
jugé que Appleby avait disposé de ses actions dans les compa-
gnies minières Winston, Boeing et Marlboro pendant qu'il
faisait une campagne en vue de la vente des actions de ces
compagnies au public. Elles ont aussi été d'avis que le fait qu'il
a utilisé une compagnie, entièrement dominée par lui, afin
qu'elle participe à ses activités, ne lui permet pas d'éviter
l'exclusion d'exemption prévue à l'al. a) du par. (4) de l'art. 83
de la Loi de l'Impôt sur le revenu, déjà cité. Je souscris à ces
conclusions.
Selon le juge Martland, dans son opinion con-
cordante, [à la page 807] Appleby, «s'est servi de
sa propre compagnie comme d'un intermédiaire
pour parvenir à ses fins» et «une personne a fait
une campagne pour la vente d'actions si elle fait en
sorte que sa propre compagnie fasse la campagne
pour elle». Toutefois, il prit soin d'apporter des
réserves à ses conclusions:
A mon avis l'application du par. (4) de l'art. 83 de la Loi de
l'Impôt sur le revenu, S.R.C. 1952, c. 148, aux circonstances en
l'espèce n'implique pas de conclusion suivant laquelle si une
compagnie à responsabilité limitée fait une campagne en vue de
vendre des actions, selon le sens de ce paragraphe, on peut
considérer également que les mandataires de la compagnie ont
fait cette campagne. Ce n'est pas là la position dans la présente
cause.
Selon le juge Pigeon, dissident, l'expression «fait
une campagne en vue de la vente des actions» du
paragraphe 83(4) vise la personne physique ou
morale qui, en droit, vend les actions ainsi que la
personne ayant droit au produit de ces ventes. Il a
jugé qu'en droit la compagnie de valeurs mobiliè-
res était la personne qui avait effectué les ventes et
qu'on ne pouvait l'assimiler ni l'identifier à son
actionnaire, Appleby.
Je dirai avec respect pour l'opinion contraire
qu'il me paraît découler de la décision majoritaire
de l'affaire Appleby qu'une personne peut en cer-
tains cas être considérée comme faisant campagne
pour vendre des actions au public, même si en
droit elle n'est pas le vendeur ni le bénéficiaire du
produit de la vente. La question qui se pose est
celle de savoir jusqu'où on peut étendre les impli
cations de cet arrêt. Manifestement, dans l'affaire
qui nous occupe les faits sont bien différents.
L'appelant n'est pas actionnaire de Greene &
Associates; à plus forte raison on ne peut dire qu'il
en ait le contrôle. Il a déclaré dans son témoignage
qu'il n'a rien eu à voir avec le contrat de souscrip-
tion à forfait, bien qu'il ait été en mesure, comme
actionnaire de la Kaiser, de faire élire directement
ou non une majorité de son choix au conseil d'ad-
ministration de la compagnie. Son rôle lors de la
campagne de vente fut celui de vendeur à la
commission ayant vendu de 75,000 à 100,000
actions environ de la Kaiser à des clients. A partir
de ces faits, le juge de première instance a conclu
qu'il avait fait campagne en vue de vendre les
actions de la Kaiser au public. Le juge s'est appuyé
plus particulièrement sur un passage du jugement
de la Cour dans l'affaire Appleby, [1972] C.F.
703, où le juge Thurlow (en sa qualité d'alors)
déclarait à la p. 705:
C'est pourquoi, selon nous, lorsque, comme c'est le cas ici, un
dirigeant ou un employé mène une campagne en vue de la vente
d'actions dans le cadre de ses fonctions, il mène effectivement
cette campagne en sa qualité personnelle même s'il le fait dans
le cadre de l'activité commerciale de son employeur.
A mon humble avis, l'arrêt de la Cour suprême
du Canada dans l'affaire Appleby ne rend pas
inapplicable cet énoncé de principes. La question,
bien sûr, est de savoir quand nous devons considé-
rer qu'un dirigeant ou un employé fait réellement
campagne pour vendre au public les actions dont
sa compagnie est première responsable. Il serait
déraisonnable de considérer que tous les employés,
quelles que soient leurs fonctions, d'une personne
morale vendant des valeurs mobilières participent
à la campagne visée par l'article 83(4). On pour-
rait exiger que le dirigeant ou l'employé ait un
certain contrôle sur la campagne pour considérer
qu'il s'agit de sa campagne. Il semble tout aussi
déraisonnable d'exclure celui qui, bien que n'occu-
pant pas un poste de contrôle ou de direction,
participe activement à titre de vendeur à la promo
tion de la vente de ses propres actions. Une «cam-
pagne» de vente d'actions comporte non seulement
des actes juridiques, mais aussi des actes de nature
administrative et commerciale. L'acte juridique de
la vente est le point culminant d'un certain nombre
d'efforts de création et de développement d'un
marché pour les actions et d'incitation à les faire
acheter. Ce sont ces efforts qui constituent la
campagne. Lorsque plusieurs personnes la font,
cela nécessite une certaine organisation. A mon
avis, tous ceux qui sont engagés dans cette organi
sation et dans ces efforts peuvent être considérés
comme faisant la campagne. C'est certainement le
cas d'un vendeur qui vante les mérites des actions
et qui a réussi à en vendre un nombre considérable
à diverses personnes. A mon avis, on doit conclure
que l'appelant a vendu ses actions de la Kaiser
pendant ou après une campagne faite par lui pour
vendre au public les actions de la compagnie. Pour
ces motifs je rejetterais l'appel.
* * *
LE JUGE URIE: Je souscris à ces motifs.
* * *
LE JUGE SUPPLÉANT MACKAY: Je souscris à
ces motifs.
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