T-4296-76
Waterside Ocean Navigation Company, Inc.(De-
manderesse)
c.
International Navigation Ltd., le navire Lauren-
tian Forest et les propriétaires et les affréteurs du
navire Laurentian Forest (Défendeurs)
Division de première instance, le juge en chef
adjoint Thurlow—Halifax, les 19, 20 et 21 janvier;
Ottawa, le 3 février 1977.
Droit maritime Pratique Demande en radiation de la
déclaration présentée par le propriétaire du navire défendeur
— La déclaration révèle-t-elle une cause d'action? La
demande constitue-t-elle un emploi abusif des procédures de
la Cour? Autre demande de la défenderesse aux fins
d'annuler le mandat de saisie du navire et d'annuler ou de
restituer la garantie qu'elle a déposée Demande de la
demanderesse de joindre le propriétaire «B», la compagnie-
mère du propriétaire «F» et l'affréteur «S» comme parties
défenderesses Règles 2(1 )n), 324, 419, 421(1) et 422 de la
Cour fédérale.
B, le propriétaire du navire poursuivi, sur une requête en
radiation de la déclaration dit que celle-ci ne révèle aucune
cause raisonnable d'action in rem et qu'elle est vexatoire en ce
que le premier défendeur nommé n'est ni le propriétaire imma-
triculé ni le propriétaire réel du navire. La demanderesse
sollicite la permission d'amender sa déclaration de façon à,
joindre B, F et S comme parties défenderesses.
Arrêt: la demande de B est rejetée. Pour justifier la radiation
d'une déclaration, la Cour doit être convaincue qu'elle ne révèle
aucune cause raisonnable d'action (Règle 419(1)a)) ou qu'elle
constitue un emploi abusif des procédures de la Cour (Règle
419(1)c) ou j)). La Cour procédera à la radiation d'une
déclaration en vertu de la Règle 419(1)a) seulement s'il est
clair qu'elle ne peut aucunement être amendée de façon à
révéler une cause raisonnable d'action. En l'espèee, même si
aucune allégation ne révèle matière à engager la responsabilité
personnelle de quelqu'un, sauf celle du premier défendeur
nommé, elle fait valoir une réclamation défendable, pour viola
tion de contrat, contre les propriétaires et contre le navire. La
demande de radiation présentée en vertu de la Régie 419(1)c)
ou j) doit être jugée sur les preuves qui l'appuient et sur celles
qui y sont opposées. B serait une partie défenderesse appropriée
à l'action et il s'ensuit que la réclamation contre le navire, qui
est essentiellement une réclamation contre les propriétaires,
n'est pas vexatoire.
La demande de la demanderesse aux fins de joindre B, F et S
comme parties défenderesses et d'amender à nouveau la décla-
ration est accueillie et les mots «Les propriétaires et les affré-
teurs du navire Laurentian Forest» seront supprimés de l'inti-
tulé de l'action.
Arrêts appliqués: Westcan Stevedoring Ltd. c. Le navire
»Armai:» [1973] C.F. 1232 et Le St. Elefterio [1957] P.
179. Distinction faite avec l'arrêt: Le St. Merriel [ 1963] 1
Lloyd's Rep. 63.
DEMANDE de radiation et DEMANDE aux fins
d'amender la déclaration.
AVOCATS:
James E. Gould et W. Wylie Spicer pour la
demanderesse.
Arthur R. Donahoe pour la défenderesse
International Navigation Ltd.
Donald A. Kerr, c.r., et John D. Murphy pour
la défenderesse Burnett Steamship Co. Ltd.
PROCUREURS:
McInnes, Cooper & Robertson, Halifax, pour
la demanderesse.
Pace, Macintosh & Donahoe, Halifax, pour
la défenderesse International Navigation Ltd.
Stewart, MacKeen & Covert, Halifax, pour la
défenderesse Burnett Steamship Co. Ltd.
Ce qui suit est la version française des motifs
des ordonnances rendus par
LE JUGE EN CHEF ADJOINT THURLOW: Il s'agit
d'une demande d'ordonnance présentée par Bur-
nett Steamship Company Limited, (ci-après appe-
lée Burnett), le propriétaire immatriculé du navire
Laurentian Forest, aux fins
a) de rejeter la demande de la demanderesse
contre le navire défendeur,
b) d'annuler le mandat daté du 29 octobre 1976
en vertu duquel le navire a été saisi à Halifax
(Nouvelle-Écosse), et
c) d'annuler ou de restituer la garantie (un
cautionnement de Guarantee Company of North
America au montant de $1,000,000) déposée
par le navire défendeur.
Avis de la requête a été donné par un procureur
prétendant agir au nom du navire lui-même, mais
après discussion à l'audience au sujet de la capa-
cité d'un navire de présenter une requête à la
présente cour et indication, par la Cour, de son
opinion qu'un navire ne peut présenter une
requête, l'avocat a demandé et obtenu la permis
sion d'amender l'avis de façon que la demande soit
faite au nom de Burnett.
L'avis de requête demandait également la per
mission de déposer une comparution condition-
nelle. A la fin des débats sur cette partie de la
demande, j'ai indiqué que je ne pensais pas qu'il
s'agissait d'un cas permettant une comparution
conditionnelle et l'audition de cette demande s'est
poursuivie comme si Burnett avait comparu sans
condition.
La demande d'ordonnance visant le rejet de la
réclamation contre le navire est basée sur la pré-
tention de la requérante suivant laquelle il n'y a
aucune cause d'action contre le navire. On dit que
le droit de poursuivre in rem, sauf lorsque le
demandeur invoque un privilège maritime, dépend
de la responsabilité personnelle du propriétaire du
navire à l'égard du demandeur et ce n'est pas le
cas en l'espèce. Le rejet d'une action sur un tel
motif, à ce stade-ci, peut cependant être justifié, si
je comprends bien, seulement si
1) la déclaration ne révèle aucune cause raison-
nable d'action, ou
2) la demande est si désespérée que l'action
constitue un emploi abusif des procédures de la
Cour et il ne devrait pas lui être permis de suivre
son cours.
Relativement à (1), on doit prendre la décision en
se basant sur les allégations de la déclaration'.
Quant à (2), que la demande soit présentée en
vertu de la Règle 419(1)c) ou f) ou en vertu de la
compétence inhérente de la Cour, une preuve est
admissible. En aucun cas, cependant, il n'est facile
pour un requérant de s'acquitter de ce fardeau. La
Cour est toujours réticente à radier une déclara-
tion et à rejeter une action en vertu de la Règle
419(1)a) et elle ne le fera que s'il est clair qu'au-
cun amendement ne peut modifier la déclaration
de façon à révéler une cause raisonnable d'action.
Ce critère est aussi rigoureux, sinon plus, lorsqu'on
demande le rejet d'une action au motif que la
procédure est futile ou vexatoire ou constitue un
emploi abusif des procédures de la Cour. La Cour
ne mettra pas fin à une procédure et ne privera pas
un demandeur du droit de faire entendre sa cause
à moins qu'il soit clair que l'action est futile ou
vexatoire ou que le demandeur n'a aucune cause
raisonnable d'action et que permettre à l'action de
suivre son cours constitue un emploi abusif de ses
procédures 2 .
' Règles 419(1 )n) et 419(2).
2 Voir les notes de l'O. 18, r. 19 dans Suprenre Cour!
Practice 1973 (Angleterre), Vol. 1, Partie I, aux pages 302 à
307 et 919.
Je passe maintenant aux faits.
L'action, qui est à la fois une procédure in rem
et in personam, a pris naissance le 29 octobre 1976
par le dépôt d'une déclaration. Le même jour, on a
obtenu un mandat et le navire a été saisi. Le ler
novembre, il y avait mainlevée de la saisie du
navire, les procureurs de la demanderesse et des
parties intéressées au navire s'étant entendues sur
la garantie mentionnée dans l'avis de requête.
L'avis de la présente demande a été signifié et
déposé le jour suivant, le 2 novembre 1976. Le 3
novembre, la demanderesse a déposé une déclara-
tion amendée.
La première déclaration alléguait que la défen-
deresse, International Navigation Ltd., (ci-après
appelée International), une compagnie des Baha-
mas, était à toutes les époques pertinentes et était
encore
[TRADUCTION] ... le propriétaire, le propriétaire disposant,
l'affréteur en coque nue, ou l'affréteur à long terme du défen-
deur, le navire «LAURENTIAN FOREST», et en tout état de
cause et à toutes les époques pertinentes, International était et
est demeurée le propriétaire et le propriétaire réel du défen-
deur, le navire «LAURENTIAN FOREST» (ainsi que d'une
partie ou de la totalité des intérêts dans ce navire).
Elle alléguait ensuite qu'au moyen d'une formule
de charte-partie à temps de la New York Produce
Exchange datée du 3 octobre 1975, International a
frété à temps le navire à la demanderesse; qu'In-
ternational, sans cause raisonnable, s'est retirée de
la charte-partie le 28 octobre 1976 ou vers cette
date; qu'International «et tous les défendeurs»
avaient contrevenu à la charte-partie relativement
a) au rejet des crédits pour les périodes de
non-location,
b) à l'incapacité du navire de respecter la
garantie donnée quant à la vitesse et à la con-
sommation, et
c) à l'incapacité du navire de transporter une
cargaison sur le pont exposé sans perdre sa
classification,
et que la demanderesse a subi des dommages
totalisant $1,760,000 qu'elle réclame «des défen-
deurs ou de l'un ou l'autre d'entre eux».
Vu l'allégation voulant qu'International soit pro-
priétaire du navire, cette déclaration me semble
révéler une cause d'action qui peut être exécutée
contre le navire au moyen d'une action in rem. En
conséquence, la réclamation contre le navire ne
peut être radiée en vertu de la Règle 419(1)a).
Cependant, il n'est aucunement question de Bur-
nett, et aucune allégation ne révèle matière à
engager la responsabilité personnelle de Burnett ou
d'un autre propriétaire non désigné à l'égard des
contraventions et des dommages allégués. Ceci est
à la base, si je comprends bien, de la présente
demande, car c'est sur la foi de cette déclaration
de la réclamation de la demanderesse et des affida
vits de ses procureurs que la demanderesse a
demandé et obtenu un mandat et que le navire a
été saisi.
L'affidavit ne va pas plus loin sur ce sujet. La
seule partie pertinente sur ce point est le paragra-
phe 2c) qui se lit ainsi:
[TRADUCTION] c) Que par charte-partie signée à Londres
(Angleterre) le 3 octobre 1975, la défenderesse International
Navigation Ltd. a frété à temps le défendeur, le navire
«LAURENTIAN FOREST», à la demanderesse et un diffé-
rend est né à ce sujet entre la demanderesse et la défende-
resse International Navigation Ltd., généralement quant aux
trois points suivants:—
i) La défenderesse International Navigation Ltd. n'a pas
accordé de crédit ou de réduction du loyer pour les pério-
des pendant lesquelles le navire ne pouvait fournir un plein
rendement, ce qui constitue une interruption de location
aux termes de la clause 15 de la charte-partie.
ii) On a fait valoir dans la charte-partie que le navire en
pleine charge était capable de filer, sous de bonnes condi
tions atmosphériques, à environ 18 noeuds avec une con-
sommation d'environ 50 tonnes de mazout de la meilleure
qualité, mais le navire ne pouvait atteindre 18 noeuds sous
de bonnes conditions atmosphériques sur une base cons-
tante ou raisonnablement constante.
iii) La défenderesse International Navigation Ltd. a fait
valoir dans la charte-partie que le navire était capable de
transporter sur son pont exposé une cargaison pouvant
atteindre 716 livres au pied carré, mais le navire ne pouvait
transporter absolument aucune cargaison sur son pont
exposé, et même son certificat de classification aurait pu
être annulé si on avait placé une cargaison à cet endroit.
A cet égard, la réclamation de la demanderesse totalise
$1,760,000.
Si nous en étions restés là, j'aurais pensé qu'il
était difficile de ne pas faire droit à la demande de
Burnett puisqu'il apparaît, et je pense que c'est le
cas, qu'International n'est ni le propriétaire imma-
triculé ni le propriétaire réel du navire'.
Quelle que soit la faiblesse de la demande qui ne
contient aucune allégation pouvant engager la res-
ponsabilité personnelle de quelqu'un, sauf celle
d'International, elle fait néanmoins valoir une
réclamation contre les propriétaires quels qu'ils
soient et contre le navire pour les dommages résul-
tant des prétendues contraventions à la charte-par-
tie et, en amendant la déclaration, on a fait appa-
raître, à ce qu'il me semble, un fondement possible
pour une telle réclamation. La déclaration amen-
dée fait notamment valoir, à titre subsidiaire, que
Federal Commerce and Navigation Limited, une
compagnie canadienne, (ci-après appelée Federal)
dont Burnett est une filiale et un agent, était, à
toutes les époques pertinentes, propriétaire réelle
du navire, que la charte a été négociée par Federal
et qu'International lui servait d'agent. Comme
plaidoirie, la déclaration a un effet de dispersion
en alléguant, à l'égard de quatre compagnies à
titre subsidiaire, des points qui peuvent ou ne
peuvent pas soulever une cause d'action contre
l'une ou l'autre ou quelques-unes d'entre elles,
mais il ne s'agit pas ici d'une demande de radiation
basée sur ce motif ou pour obliger la demanderesse
à faire des amendements ou à donner des indica
tions plus précises.
Je dois mentionner à ce stade-ci que l'avocat de
Burnett soutient que son avis de requête constitue
une plaidoirie au sens de la définition donnée à ce
mot à la Règle 2(1)n) et, puisqu'il avait été déposé
le 2 novembre, il n'était pas possible à la demande-
resse de l'amender le 3 novembre sans obtenir une
permission conformément à la Règle 421(1). Cette
Règle prescrit:
Règle 421. (1) Une partie peut, sans permission, amender
n'importe laquelle de ses plaidoiries à tout moment avant que
l'autre partie n'y ait répondu.
La définition mentionnée est la suivante:
Règle 2. (1) .. .
n) «plaidoirie écrite» désigne tout acte par lequel une action
devant la Division de première instance a été engagée ou par
lequel une demande dans une telle action a été définie, ainsi
que tout acte par lequel une demande a été contestée ou par
lequel il y a été fait réponse, et s'entend aussi d'un consente-
ment à jugement et d'un désistement,
3 Voir Westcan Stevedoring Ltd. c. Le navire «Armar»
[1973] C.F. 1232, une décision du juge Collier dont j'accepte
l'opinion au sujet de la loi. Cette décision, cependant, a été
rendue après fixation des faits pertinents au procès.
Il prétend que l'avis de requête constitue une
réponse à la déclaration. Un tel avis, cependant, ne
constitue pas une plaidoirie au sens courant du
terme et, à mon avis, n'est pas une réponse à une
plaidoirie. Qu'il soit déposé ou non, il n'a aucun
effet tant que la demande pour laquelle l'avis est
donné n'est pas faite devant la Cour. Même si on
peut considérer la demande comme une sorte de
réponse à la réclamation, ce n'est pas un document
et, selon moi, cela demeure vrai, que la Cour soit
tenue ou non de se prononcer sur la demande sans
comparution en personne aux termes de la Règle
324. En conséquence, je suis d'avis que la deman-
deresse avait le droit de faire des amendements le
3 novembre 1976 en vertu de la Règle 421(1) et,
comme aucune demande n'a été formulée confor-
mément à la Règle 422 pour désavouer l'amende-
ment, la déclaration amendée déposée ce jour-là
tient lieu de déclaration dans la présente action.
Les affidavits déposés par les parties révèlent les
faits suivants:
1) Burnett est le propriétaire immatriculé du
navire et une filiale de Federal,
2) par charte-partie passée en 1971 alors que le
navire était en construction, Burnett l'a frété
pour huit ans (délai qui a été prorogé en 1975 à
environ douze ans) à Seatrade Limited, une
compagnie des Bermudes, (ci-après appelée Sea -
trade), qui est également une filiale de Federal,
3) par ce qui est désigné sous le nom de charte-
partie Ro/Ro, Seatrade a frété le navire en 1971
pour douze ans à International pour effectuer
des voyages transatlantiques: le navire transpor-
terait les cargaisons d'International en direction
est et celles de Seatrade en direction ouest,
4) l'exécution des obligations de Seatrade pré-
vues à la charte-partie était garantie par Fede
ral, celle d'International était garantie par Inter
national Paper Company Limited dont
International est une filiale,
5) en 1975, le navire étant en excédent des
besoins d'International, Federal a pris part aux
conventions et négociations ayant trait à une
charte-partie pour le navire qui ont abouti à
l'affrètement par International, en qualité de
propriétaire disposant, à la demanderesse: cet
affrètement a donné naissance à la réclamation
de la demanderesse,
6) l'implication du personnel de Federal dans
ces négociations a pu laisser croire que Seatrade
ou Federal cherchait à arrêter le texte de la
charte-partie à son propre avantage ou intérêt,
7) au cours des négociations au sujet de cette
charte-partie, la charte-partie Ro/Ro a été
modifiée pour la période impliquée de façon à
prévoir les mêmes termes et le même taux de
location que la charte-partie en cause,
8) aux termes de la charte-partie accordée par
International à la demanderesse, le loyer devait
être versé à Seatrade et était garanti par une
lettre de crédit de $500,000 en faveur de Sea -
trade et par un dépôt fiduciaire de $157,500 que
Seatrade pouvait, et a effectivement, retiré,
9) le navire porte sur ses cheminées les marques
distinctives de Federal,
10) au cours des négociations concernant le dif-
férend survenu entre la demanderesse et Inter
national au sujet des prétendues contraventions
à la charte, Federal a joué un rôle actif, sinon
dominant, International adoptant plutôt l'atti-
tude d'un simple intermédiaire,
11) la plupart des renseignements sur lesquels
sont basés les énoncés d'opinion contenus dans
les affidavits déposés au nom de la requérante
proviennent de Bash Shetty, une personne
décrite comme dirigeant de Federal qui a parti-
cipé aux négociations mentionnées au paragra-
phe précédent.
Même si Burnett est le propriétaire immatriculé
du navire, il m'apparaît possible, à partir de ces
faits, de soutenir la position de la demanderesse
suivant laquelle Federal exerçait et exerce effecti-
vement le contrôle du navire en se servant de ses
filiales Burnett et Seatrade comme propriétaire et
affréteur respectivement et que Federal est le pro-
priétaire réel du navire et, comme mandant dont le
nom n'apparaît pas, est partie à la charte-partie
qui a donné naissance à la réclamation de la
demanderesse. Compte tenu de la documentation
actuellement devant la Cour, je ne pense pas que
l'action in personam de la demanderesse contre
Federal puisse être considérée comme futile ou
vexatoire ou comme constituant un emploi abusif
des procédures de la Cour. En outre, Burnett, en
qualité de propriétaire immatriculé du navire,
serait, à mon avis, une partie défenderesse appro-
priée dans une telle action puisque, si l'action
réussit, le jugement entraînerait une décision au
sujet de la propriété réelle du navire. Il s'ensuit,
selon moi, qu'on n'a pas démontré que la réclama-
tion de la demanderesse contre le navire dans la
présente action, qui est essentiellement une récla-
mation contre ses propriétaires, quels qu'ils puis-
sent être, est futile ou vexatoire ou constitue un
emploi abusif des procédures de la Cour.
L'avocat de la demanderesse s'est appuyé sur
Le St. Merriel 4 où un bref in rem a été annulé
sur une demande sommaire alors que le navire
était sous saisie à la suite d'une réclamation pour
des réparations qui avaient été demandées par un
affréteur et dont le propriétaire n'était pas person-
nellement responsable. Cependant, cette cause, à
mon avis, concernait l'interprétation des termes
particuliers d'une loi ayant trait au moment où une
action in rem peut être intentée, tels qu'ils s'appli-
quaient à des faits incontestés. Elle ne s'applique
pas à la situation actuelle où les termes des articles
22 et 43 de la Loi sur la Cour fédérales dénotent
une différence marquée et où les faits pertinents ne
sont aucunement contestés. L'arrêt Le St. Elefte-
rio 6 , où une requête aux fins d'annuler un bref a
été rejetée, s'applique davantage. Le juge Willmer
a présenté ainsi la question à la page 185:
[TRADUCTION] Il va sans dire qu'aucune des prétentions
avancées au nom des défendeurs n'a été acceptée par les
demandeurs; mais je n'ai pas l'intention d'étudier maintenant le
fond de ces diverses prétentions ou de décider si les défendeurs
ou les demandeurs ont raison. Il me semble, compte tenu de
mon opinion sur l'interprétation de l'article 3(4) de la Loi, que
ce n'est pas le moment de décider si les défendeurs ont raison
ou s'ils se trompent dans leur exposé sur les points de droit
soulevés. S'ils ont raison sur l'un ou l'autre ou tous les diffé-
rents points soulevés, il est bien possible qu'ils réussissent à
présenter une bonne défense à l'action. Mais ceci, à mon avis,
ne fournit aucune bonne raison pour annuler in limine les
présentes procédures et ainsi priver les demandeurs de leur
droit de faire juger ces questions.
On n'a pas laissé entendre que les procédures étaient futiles
ou vexatoires de façon à réclamer que la Cour exerce sa
compétence inhérente d'arrêter de telles procédures in limine.
La Cour n'entendra pas une action au fond à
l'occasion d'une requête sommaire; à mon avis, on
n'a rien établi qui justifie le rejet de la réclamation
contre le navire à ce stade-ci. En outre, même si
l'affidavit sur lequel on s'est basé pour délivrer le
mandat est muet sur le fondement de l'allégation
° [1963] 1 Lloyd's Rep. 63.
5 S.R.C. 1970 (2e Supp.), c. 10.
6 [1957] P. 179.
de responsabilité du propriétaire, il ne me paraît
pas énoncer la nature de la réclamation, c'est-à-
dire des dommages-intérêts pour contravention à
une charte-partie et c'est tout ce que la Règle
1003(2), malheureusement peut-être, 7 paraît
exiger à ce sujet. S'il apparaît que les faits ne
justifiaient pas la saisie du navire pratiquée par la
demanderesse, le propriétaire peut remédier à la
situation quant à la saisie en se basant sur les
principes mentionnés dans Admiralty Practice de
Roscoe, 5 e édition, à la page 267 et les arrêts qui y
sont cités et, quant au coût du maintien de la
garantie prévue, sur les principes mentionnés par
le juge Willmer dans Le St. Elefterio à la page
187, comme partie de ses frais de défense.
La requérante a proposé à titre subsidiaire que
l'action soit suspendue en attendant le résultat
d'un arbitrage qui a commencé et se poursuit à
Londres aux termes de la charte-partie intervenue
entre la demanderesse et International. En prenant
cette position, l'avocat de Burnett appuyait une
demande de suspension formulée par International
qui, cependant, a été accordée uniquement pour les
procédures contre cette défenderesse. Les raisons
qui ont motivé cette suspension s'appliqueraient à
Burnett et Federal seulement si elles étaient liées
par le résultat de l'arbitrage et, à moins qu'elles ne
s'engagent de façon satisfaisante à devenir partie à
l'arbitrage et à être ainsi liées, je ne pense pas que
les procédures contre elles ou le navire devraient
être suspendues.
La demande échoue donc et sera rejetée. La
demanderesse obtiendra ses frais contre Burnett.
Au sujet de la demande de la demanderesse aux
fins d'obtenir une ordonnance ajoutant Burnett,
Seatrade et Federal comme défenderesses et accor-
dant la permission d'amender à nouveau la décla-
ration, je suis d'avis, en me basant sur ce que j'ai
dit précédemment, qu'on a démontré une cause
suffisante d'action pour justifier la jonction de
Federal comme défenderesse. Seatrade, selon moi,
est aussi une défenderesse appropriée et devrait
également être jointe puisqu'elle est la bénéficiaire
' Je dis «malheureusement peut-être» parce que, même si
historiquement rien de plus n'a été exigé, les conditions moder-
nes m'incitent à croire que les affidavits devraient contenir
quelque chose de plus pour démontrer qu'il existe des circons-
tances pertinentes justifiant la saisie d'un navire ou d'un bien.
du loyer qui aurait été payé en trop et la partie qui
a annulé le dépôt fiduciaire. Burnett, si j'ai bien
compris, est déjà partie à l'action. Sans examiner
la justesse des renseignements de la déclaration
amendée comme l'a proposé la demanderesse, cel-
le-ci devrait avoir la permission de l'amender de
façon à pouvoir plaider que Federal était et est le
propriétaire réel du navire et était partie à la
charte-partie et de façon à pouvoir plaider égale-
ment la réclamation que j'ai mentionnée contre
Seatrade. L'intitulé de l'action sera amendé par la
suppression des mots
Les propriétaires et les affréteurs du navire «LAURENTIAN
FOREST«
qui seront remplacés par les noms de Burnett,
Seatrade et Federal comme défenderesses. Il n'y
aura aucune adjudication de dépens quant à cette
demande.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.