T-3785-75
Variety Textile Manufacturers Ltd. (Demande-
resse)
c.
Les propriétaires et les affréteurs du navire City
of Colombo, Ellerman Lines Ltd. et The Canadian
City Line (Défendeurs)
Division de première instance, le juge Walsh—
Montréal, le 20 mai; Ottawa, le 25 juin 1976.
Douanes et accise—Responsabilité contractuelle et délic-
tuelle—La demanderesse allègue qu'elle a versé $1,426.59 à
titre de droits de douane relativement à 34 balles non livrées
parmi un chargement de 50 appartenant à la demanderesse—
Les défendeurs nient toute responsabilité—Loi sur les doua-
nes, S.R.C. 1970, c. C-40, art. 11, 13, 19, 20, 101, 112, 114.
La réclamation de la demanderesse résulte des droits de
douane versés relativement à 34 balles, non livrées, de coton. La
loi canadienne exige le paiement des droits avant la livraison de
la cargaison, donc avant que la perte ne soit constatée. Les
défendeurs allèguent que le paiement des droits excédentaires
n'était pas nécessaire et que la demanderesse aurait pu recou-
vrer ces dits droits. Les défendeurs prétendent aussi que les
directives émises par le ministère du Revenu national, dans le
Mémorandum D16-3, sont injustes et dépassent le pouvoir
discrétionnaire accordé au Ministre par la Loi sur les douanes
et les règlements. Enfin, les défendeurs allèguent que le con-
naissement limitait la responsabilité du transporteur au prix net
de facture et aux débours du chargeur excluant ainsi les droits
et la taxe de vente de tous dommages-intérêts.
Arrêt: jugement rendu en faveur de la demanderesse pour la
somme de $1,426.59 avec intérêt et dépens.
(1) Le Mémorandum D16-3, qui prévoit un délai de 30 jours
à l'intérieur duquel on doit faire constater une perte de mar-
chandises, n'est pas compatible avec l'article 112 de la Loi sur
les douanes, qui indique un délai de 90 jours et les défendeurs
ne peuvent s'appuyer sur ledit Mémorandum afin de justifier
leur omission de remplir, à l'expiration du délai de 30 jours, une
déclaration de marchandises débarquées en moins.
(2) Les défendeurs se sont reconnus responsables de la perte
des marchandises en remboursant à la demanderesse la valeur
de facture. Dans Club Coffee Company Limited c. Moore -
McCormack Lines, Inc., il fut jugé que les droits de douane
versés pour des marchandises non livrées étaient un des élé-
ments de la perte subie par la demanderesse par suite de ce
défaut de livraison.
(3) Les défendeurs ne peuvent maintenant prétendre que les
marchandises manquantes doivent être évaluées suivant leur
valeur marchande puisqu'ils ont remboursé à la demanderesse
la valeur de facture, par suite de la perte des marchandises. Le
connaissement prévoit simplement le calcul de la valeur des
marchandises comme élément des dommages-intérêts en cas de
non-livraison et le droit de recouvrer les droits de douane est un
autre élément et ne s'en trouve pas touché.
Arrêt appliqué: Club Coffee Company Limited c. Moore -
McCormack Lines, Inc. [1968] 2 R.C. E . 365.
ACTION.
AVOCATS:
Marc de Man pour la demanderesse.
E. Baudry pour les défendeurs.
PROCUREURS:
Stikeman, Elliott, Tamaki, Mercier & Robb,
Montréal, pour la demanderesse.
Brisset, Bishop & Davidson, Montréal, pour
les défendeurs.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE WALSH: A l'ouverture de l'audience,
les défendeurs en l'instance se sont désistés de la
demande reconventionnelle qu'ils avaient intro-
duite. La demanderesse déclare que le montant de
sa demande a été réduit de $2,119 $1,426.59
parce qu'il a été établi qu'elle n'avait pas eu à
payer de taxe de vente sur les marchandises non
livrées du fait qu'elle est munie d'une licence aux
fins de la taxe de vente. Les parties ont convenu
qu'il n'y avait pas lieu de déterminer lequel des
trois défendeurs serait tenu responsable dans le cas
d'un jugement favorable à la demanderesse. De
même, l'avocat des défendeurs reconnaît que ces
derniers s'étaient tout d'abord prévalus de la limi
tation de responsabilité établie par les Règles de
La Haye à cause de l'inclusion dans le connaisse-
ment de la clause 1, la clause «paramount» qui
aurait limité la responsabilité à 100 livres sterling
par colis de marchandises transporté du Pakistan,
c'est-à-dire moins que la valeur des marchandises
augmentée du montant du fret. Les défendeurs ont
dû renoncer à invoquer les Règles de La Haye, vu
l'impossibilité de trouver un jurisconsulte en droit
pakistanais pour témoigner en la matière. Le droit
du tribunal devra donc s'appliquer et la Loi sur le
transport des marchandises par eau' du Canada
prévoit que l'Article VI des Règles autorisant des
conditions spéciales relatives à la limitation de
responsabilité s'applique seulement au transport
des marchandises à partir d'un port du Canada.
Les Articles IV et V des Règles prévoient une
limite de $500 par colis, ce qui dépasse la valeur
des marchandises. Ce plafond correspond à la
1 S.R.C. 1970, c. C-15.
Clause 24 du connaissement, laquelle [TRADUC-
TION] «limite la réclamation aux débours et au
prix net de la facture du chargeur ou à $500 en
devises canadiennes par colis ou unité, moins les
frais non encourus, le chiffre le moins élevé étant
retenu». La question de la limitation de responsabi-
lité ne constitue donc plus un point litigieux en
l'espèce.
Dans la présente action, la réclamation de la
demanderesse résulte des droits de douane qu'elle
a versés relativement à 34 balles qui ne lui ont pas
été livrées. Un connaissement en date du 29 mai
1974 atteste qu'un chargement de 50 balles appar-
tenant à la demanderesse a été embarqué au Pakis-
tan sur le City of Colombo en vue de son transport
à Montréal. La demanderesse prétend que les
balles ont été reçues en bon état à bord du navire,
ce que les défendeurs reconnaissent, mais que ces
derniers ne lui ont pas livré 34 de ces balles à
Montréal. Selon la demanderesse, la loi cana-
dienne exige le paiement des droits et de la taxe de
vente avant la livraison de la cargaison, de sorte
qu'ils ont dû être payés avant que la perte ne soit
constatée. La demanderesse invoque la responsabi-
lité contractuelle et délictuelle des défendeurs à
concurrence du montant versé.
Les défendeurs reconnaissent que 34 balles man-
quaient lors de la livraison à Montréal mais ils
invoquent la Clause 2 du connaissement qui les
exonère de toute responsabilité pour les pertes
survenues avant le chargement ou après le déchar-
gement. Ils soutiennent qu'ils ont exercé toute
diligence raisonnable en ce qui concerne la garde
des marchandises, que celles-ci n'ayant jamais été
importées, les droits ont été payés à tort, et que les
pertes subies par la demanderesse en raison de leur
paiement ne sont pas imputables à l'inexécution
des obligations des défendeurs résultant du contrat
de transport mais plutôt à l'omission par la deman-
deresse de recouvrer du ministre du Revenu natio
nal le montant qu'elle serait en droit de réclamer,
selon eux. Les défendeurs prétendent aussi que les
directives émises par le ministère du Revenu natio
nal (Mémorandum D16-3 du 23 décembre 1963),
énonçant les preuves jugées nécessaires pour con-
vaincre le Ministre que les marchandises n'ont pas
été importées au Canada, sont injustes, exorbitan-
tes, et dépassent le pouvoir discrétionnaire accordé
au ministre du Revenu national par la Loi sur les
douanes 2 et les règlements car elles ont pour effet
pratique d'empêcher le recouvrement des droits et
des taxes de vente payés par l'importateur à
l'égard de marchandises manquantes même si elles
manquaient effectivement à l'arrivée au Canada
du navire qui les transportait.
Les défendeurs soutiennent que même si les
marchandises avaient été importées au Canada, ce
qu'ils nient, il reste que les pertes constatées lors
de la livraison sont survenues après déchargement
du navire, lorsque les marchandises n'étaient plus
sous la garde effective du transporteur, et qu'ils
sont donc exonérés de toute responsabilité en vertu
des termes du connaissement. Ils soutiennent en
outre qu'ils ont déjà versé à la demanderesse la
somme de $9,883 représentant la valeur de facture
(c.a.f.) desdites 34 balles et que si, en principe, la
demanderesse est en droit de réclamer le rembour-
sement des droits et de la taxe de vente, ce qui est
nié, lesdits droits et taxe de vente doivent être
exclus de tous dommages-intérêts recouvrables en
vertu du contrat de transport en raison de la
Clause 24 du connaissement mentionné ci-dessus
qui limite la responsabilité du transporteur au prix
net de facture et aux débours du chargeur.
Fred Avery, directeur du service des transports
de la demanderesse atteste que le chargement en
question comprenait un achat de 60,000 verges de
toiles blanchies réparties en 50 balles, de 1,200
verges d'une valeur c.a.f. de $14,535. D'après le
poids indiqué sur la facture, il semble que chaque
balle pesait environ 300 livres. Une formule de la
facture approuvée par les douanes canadiennes et
délivrée par le Superintendent of the Measurement
Department of Overseas Investors Chambers of
Commerce and Industry à Karachi indique que
selon les documents qui ont été présentés à ce
dernier, la déclaration faite par le chargeur, Khair-
pur Textile Mills Ltd. de Khairpur, Pakistan occi
dental, paraît exacte. Une lettre du lei juin 1974
de Forbes Campbell & Co. Ltd., agent du navire à
Karachi, indique que les 50 balles en question ont
été chargées à bord du S.S. City of Colombo qui a
appareillé de Karachi le 31 mai 1974. En temps et
lieu, la demanderesse a reçu de McLean Kennedy
2 S.R.C. 1970, c. C-40.
Limited, l'agent des défendeurs, un avis d'arrivée
relatif à cette cargaison fixant la date d'arrivée
probable du navire aux environs du 14 juillet 1974.
Aux termes de cette formule, la demanderesse
devait procéder aux formalités de la déclaration en
douane et prendre immédiatement livraison de la
marchandise. Le 19 juillet, le courtier en douane
de la demanderesse, United Customs Brokers Lim
ited, a rempli la formule voulue à partir des docu
ments en sa possession et a payé des droits de
douane s'élevant à $2,483.10. La formule porte la
note suivante «sous réserve de la détermination
définitive»; il s'agit en l'occurrence de la formule
B-3, la banque de la demanderesse n'ayant pas
encore reçu le connaissement. Environ un mois
plus tard la documentation est arrivée de la
banque et a été envoyée au courtier en douane qui
a ensuite rempli, le 27 septembre, la formule B-2
modifiant la déclaration initiale en ce qui concerne
l'évaluation des marchandises aux fins des droits
exigibles, ce qui entraîna une demande de rem-
boursement au montant de $408.70, lequel rem-
boursement a été effectué en temps et lieu.
La procédure établie est la suivante: le courtier
en douane remet les formulaires de dédouanement
conformément aux directives de la demanderesse,
à Shulman Cartage qui prend livraison des mar-
chandises aussitôt qu'il lui est possible de le faire.
Le bulletin de livraison de Shulman Cartage en
date du 19 août 1974 indique que ses gens ont pris
livraison de 16 balles, les 34 autres étant man-
quantes. Il semble qu'ils aient pris livraison de 13
balles le 9 août et de trois autres, le 16 août. On
s'est rendu compte que le hangar ne contenait pas
le reste du chargement. Le 26 août, la demande-
resse a fait un rapport pour perte de cargaison
auprès du Conseil des ports nationaux et le 28 août
une réclamation pour les 34 balles manquantes a
été adressée à McLean Kennedy Limited, repré-
sentante des défendeurs. Un règlement a eu lieu le
18 août 1975 lorsque la demanderesse a confirmé à
McLean Kennedy Limited qu'elle acceptait la
somme de $9,883 titre de dédommagement de la
valeur c.a.f. de ses pertes, ajoutant toutefois que ce
montant ne comprenait pas les taxes et droits
afférents. Il reste à régler la présente réclamation
de $1,426.59 représentant la fraction afférente aux
34 balles manquantes des droits payables pour la
totalité du chargement ($2,074.40).*
Le témoin a de plus attesté qu'il n'avait pas jugé
nécessaire de faire une réclamation auprès du ser
vice des douanes car, en tout état de cause, celui-ci
ne l'aurait pas réglée sans preuve de la perte du
chargement; il a ajouté qu'en vertu des règlements
douaniers c'est le transporteur qui est tenu de faire
la réclamation dans les 30 jours.
Un témoin, David Western, qui était à l'époque
le Surintendant des opérations maritimes au minis-
tère du Revenu national (Douanes) a témoigné que
l'agent maritime, McLean Kennedy, avait présenté
un manifeste A 6, c'est-à-dire le rapport du navire
City of Colombo en provenance de Durban, Afri-
que du Sud, dont l'arrivée était prévue pour le 13
juillet 1974; le manifeste mentionnait que le navire
transportait notamment les 50 balles de toiles
blanchies expédiées à la demanderesse. Comme en
fait foi le timbre de la douane, les droits ont été
payés et la cargaison dédouanée. David Western a
témoigné que l'importateur a, en pratique, 30 jours
pour dédouaner la marchandise se trouvant dans
un entrepôt d'attente. Toutefois l'importation des
marchandises est réputée parfaite lorsque le navire
entre dans les limites territoriales du Canada; dès
lors, à moins que les marchandises n'aient jamais
été à bord, c'est-à-dire qu'elles n'aient été déchar-
gées ailleurs, perdues en mer, ou à moins qu'elles
n'aient été exportées par la suite, il ne peut y avoir
de remboursement des droits. Le témoin a déposé
que le relevé des marchandises débarquées en
moins était habituellement rempli par la compa-
gnie de navigation ou par ses agents; ce relevé est
connu sous le nom de formule A 6 1 / 2 . S'il n'est pas
déposé dans les 30 jours, il est trop tard pour
demander remboursement et ce relevé des mar-
chandises débarquées en moins ne donne pas droit
en soi à une réclamation sans une preuve supplé-
mentaire. Cette interprétation est tirée du Mémo-
randum D16-3 du 24 décembre 1963, publié par le
ministère du Revenu national (Douanes et Accise)
intitulé: «Certificats de manquant et d'avaries pour
marchandises expédiées par voie d'eau». Ce
Mémorandum dispose notamment:
• Suivant la pièce P-13, le montant des droits est de
$1,410.59; cette différence n'est pas expliquée.
A compter du lei janvier 1964, les exigences suivantes régi-
ront l'octroi de certificats de manquant à l'égard des arrivages
par bateau.
1. Le contrôle de la cargaison incombe à la compagnie de
navigation et toute différence entre la déclaration d'entrée ou le
manifeste et les chiffres résultant de la vérification des mar-
chandises doit être déclarée à la douane sur la formule A 6 1 / 2 ,
dans les trente jours de la date de la première déclaration
d'entrée. Lorsqu'un manquant d'un ou plusieurs colis ou unités
est constaté, et qu'il donne lieu à un remboursement des droits
et des taxes, un certificat de manquant au déchargement visant
chaque envoi doit être produit selon la formule A 6 1 / 2 qui
modifie la déclaration d'entrée.
2. Lorsqu'un ou plusieurs colis ou unités accusent un man-
quant, mais qu'ils sont indiqués dans le manifeste du navire et
dans le connaissement, ces documents devront être considérés
comme une preuve que les colis manquants ont été mis à bord
dans le pays d'exportation. Les certificats de manquant au
déchargement seront agréés seulement pour les colis entiers qui
manquent, sur présentation de la documentation requise, attes-
tée ou signée par une personne responsable outre-mer, à l'appui
de la preuve de l'existence des manquants au point de charge-
ment, ou d'une documentation de la douane confirmant que les
marchandises ont été déchargées dans un port étranger, ou des
extraits du livre de bord confirmant la perte en mer.
Cependant l'article 112 de la Loi sur les douanes
énonce ce qui suit:
112. (1) Il n'est pas remboursé de droits payés pour cause
de prétendue infériorité ou de prétendu déficit dans la quantité
des effets importés et déclarés, et passés sous la garde de
l'importateur en vertu d'un permis du receveur, dont l'effet
pourrait être de diminuer la quantité ou la valeur de ces
marchandises pour les droits, à moins qu'il n'en soit fait rapport
au receveur dans les quatre-vingt-dix jours de la date de la
déclaration, de la livraison ou du débarquement, que les mar-
chandises n'aient été examinées par le receveur ou par un
appréciateur ou autre préposé compétent, et que le véritable
taux ou montant de la réduction n'ait été certifié par lui après
cet examen; et, si le receveur ou autre préposé compétent
signale que les marchandises en question ne peuvent pas être
identifiées comme étant celles que mentionnent la facture et la
déclaration en question, nul remboursement total ou partiel des
droits ne peut être accordé.
et il est difficile de concilier la validité du Mémo-
randum fixant à trente jours le délai pour présen-
ter le relevé, avec l'article 112 de la Loi' qui fixe
un délai de quatre-vingt-dix jours.
En temps et lieu, McLean Kennedy a déposé
une «déclaration d'entrée, de marchandises débar-
quées en trop, de manquant et d'avaries» relative-
ment au voyage du City of Colombo arrivé à
Montréal le 15 juillet 1974, laquelle indique un
3 En fait, l'article 112 de la Loi, jusqu'à ce qu'il soit modifié
par les S.C. 1968-69, c. 18, art. 6, prévoyait un délai de 30
jours. Le Mémorandum D16-3 n'a pas été modifié en
conséquence.
manquant de cargaison très important, y compris
celle de la demanderesse. Les autorités douanières
ont reçu une copie de l'avis d'arrivée de la cargai-
son qui est envoyé également au destinataire. Lors-
que le connaissement portant déclaration de
douane est reçu en double exemplaire, un exem-
plaire est renvoyé au manutentionnaire portuaire
après paiement des droits, en guise de preuve, et le
double est déposé dans les archives du ministère du
Revenu national (Douanes). En ce qui concerne ce
voyage, Western a témoigné que ses services
avaient reçu une formule A 6' déposée relative-
ment au connaissement n° 59 et se rapportant à
196 balles de caoutchouc. Il a souligné que ces
formules ne peuvent pas être signées par l'importa-
teur car elles ont pour effet de modifier le mani-
feste du navire, ce que seul l'agent maritime peut
faire. La formule elle-même prévoit la signature
du capitaine, du commissaire ou de l'agent. Cepen-
dant le témoin a déposé que si les marchandises
n'avaient pas été importées et qu'une formule A
6' avait été remplie à temps, une demande de
remboursement aurait encore pu être formulée.
Fred Anderson, un contrôleur des cargaisons
auprès de la police du Conseil des ports nationaux
depuis 18 ans a témoigné qu'il connaissait les
relevés dits A 6 1 / 2 , qui ont pour effet de transférer
la charge de la preuve des manutentionnaires por-
tuaires aux propriétaires des navires. De nombreux
relevés de marchandises débarquées en moins ont
été établis à la suite du voyage du City of
Colombo, un total de 273 lots embarqués à Kara-
chi ayant été perdus, sans que l'on n'ait jamais
déterminé où la perte s'était produite. Cependant
selon Anderson, les balles en question étaient lour-
des et trop volumineuses pour avoir été enlevées
après le déchargement et, en 1974, une double
barrière entourait le hangar. Le témoin a déclaré
que les débardeurs ne pointent pas les marchandi-
ses au cours du déchargement, se bornant à déli-
vrer une déclaration d'avaries en cas de dommages
apparents. D'après lui, les marchandises en ques
tion n'auraient jamais été chargées à bord du
navire; il s'agit là d'une simple présomption, qui
n'a jamais pu être vérifiée.
Anton Schein directeur du contentieux depuis
12 ans chez McLean Kennedy, a témoigné qu'il
était impossible de déterminer si les 34 balles
manquantes avaient été déchargées ou non. Une
enquête qui s'est révélée infructueuse a été menée
par la suite à Toronto et à Hamilton où le navire a
été finalement déchargé, dans le but de déterminer
si la cargaison avait été transportée à ces endroits.
Il a déclaré qu'il est impossible de délivrer des
formules A 6 1 / 2 tant que les pertes n'ont pas été
constatées et que, si 30 jours se sont écoulés, il est
alors trop tard pour déposer les formules. Il est
fréquent que l'on mette ce laps de temps à effec-
tuer la livraison. Anton Schein a également
déclaré que l'avis d'arrivée expédié se basait sur le
manifeste du navire qui indiquait que les 50 balles
étaient à bord. Quant à la réclamation adressée à
la société McLean Kennedy le 28 août et à
laquelle celle-ci n'a répondu que le 3 octobre,
Schein a nié avoir jamais reçu la lettre du 28 août,
déclarant que la réclamation était venue à sa
connaissance la première fois dans une lettre plus
récente du demandeur, en date du 30 septembre.
Des messages ont été envoyés par télex à tous les
ports où le navire avait relâché, sans qu'il fût
possible de trouver trace des marchandises per-
dues. Durban ne disposait pas de pointages exacts.
Schein a reconnu qu'une formule A 6 1 / 2 en date du
12 septembre 1974 avait été acceptée par le service
des douanes deux mois après l'arrivée du navire.
Elle avait trait aux balles de caoutchouc. Il ne sait
pas pourquoi une formule A 6 1 / 2 n'a pas été déli-
vrée relativement au présent chargement, mais
normalement il considère inutile de faire cette
démarche après l'expiration du délai de trente
jours. Pendant l'enquête, il a été établi qu'à Kara-
chi, au cours de la période de chargement, un
chaland entier avait été déchargé le long du navire
sur l'ordre de la police qui était apparemment à la
recherche de marchandises de contrebande. On a
supposé que le manifeste du navire avait été modi-
fié en conséquence, mais le témoin doute que ceci
ait été fait.
Le capitaine Donald Brown, capitaine du City
of Colombo au cours du voyage en question, a
témoigné que le navire était à l'ancre à Karachi et
que le chargement s'effectuait à l'aide d'allèges.
Après qu'on eut commencé à charger dans la cale
n° 1, le préposé de la douane de Karachi a déclaré
que son service croyait à la présence de marchan-
dises de contrebande et il fit recharger les mar-
chandises sur l'allège, qui se dirigea alors vers la
terre ferme. L'allège transportait environ 100
tonnes de marchandises. Le chargement prit fin
trois jours plus tard et les feuilles de pointage ainsi
que les déclarations de chargement ont été reçues
des agents maritimes et des débardeurs, qui appar-
tenaient à la même firme. L'officier en second
avait demandé si les reçus avaient été modifiés
pour tenir compte des marchandises déchargées et
on lui avait répondu par l'affirmative. Le capitaine
ainsi que l'officier en second avaient des doutes car
ils avaient l'impression que le chargement porté au
manifeste ne prenait pas tout l'espace qu'il aurait
pu occuper. D'autres marchandises ont été char
gées à Mombasa et à Durban et, dans ce dernier
port, une partie de la cargaison, y compris certai-
nes balles, a été déchargée puis rechargée en vue
de modifier la stabilité du navire. Le décharge-
ment à Montréal a pris 9 jours, le dimanche exclu.
Cinquante balles étant portées au connaissement et
le certificat de chargement indiquant qu'elles se
trouvaient à bord, le manifeste a été établi en
conséquence. Le capitaine Donald Brown n'a vu
aucune modification sur les feuilles de pointage.
La feuille de pointage indiquant que la cargaison
se trouvait à bord avait été signée par McLean
Kennedy, qui savait que l'officier en second envisa-
geait la possibilité que les marchandises n'aient
jamais été chargées à Karachi.
Les faits qui viennent d'être mentionnés sont les
seuls éléments de preuve relatifs à la perte de la
cargaison mais selon toute probabilité, la cargaison
ne se trouvait pas à bord. La question de savoir si
les autorités douanières auraient accepté une telle
conclusion alors que les documents indiquaient lé
contraire, la réclamation eût-elle été faite dans les
délais, est matière à conjecture.
L'article 101 de la Loi sur les douanes, tel qu'il
était formulé à l'époque, énonce que l'importation
de marchandises, si elle a lieu par mer «est censée
avoir été complétée à compter du moment où les
effets ont été apportés dans les limites du Canada,
c'est-à-dire lorsqu'il ne s'agit pas des eaux interna-
tionales, à moins de trois milles de côtes ou rivages
du Canada ...». L'article 11 énonce qu'à l'arrivée
du navire au Canada, le capitaine doit se rendre
sans délai à la douane et y faire une déclaration,
par écrit, au receveur en donnant une description
complète des marchandises à bord et les noms des
personnes à qui elles sont consignées, et l'article 13
énonce que lorsqu'il fait sa déclaration, le capi-
taine doit, s'il en est requis par le préposé, lui
fournir les connaissements de la cargaison ou des
copies conformes de ces connaissements. Suivant
l'article 19, tout importateur doit faire, dans les
trois jours de l'arrivée du navire importateur, une
déclaration d'entrée en bonne et due forme des
effets et les débarquer et l'article 20 dispose qu'il
doit en même temps délivrer au receveur une
facture décrivant les marchandises et en indiquant
la quantité et la valeur, ainsi qu'une déclaration
d'entrée en la forme voulue précisant leur quantité
et leur valeur.
Les témoins reconnaissent que vu la façon dont
les marchandises sont habituellement empilées
dans le hangar, sans qu'on vérifie au cours du
déchargement si la cargaison correspond à cette
portée au manifeste, il n'est pas exceptionnel que
les pertes soient constatées après plus de 30 jours.
En l'espèce, le navire est arrivé le 15 juillet; il a
fallu attendre le 19 août pour que Shulman Car-
tage signale finalement que 34 balles manquaient
et ce n'est que le 26 août qu'une déclaration de
perte a été faite auprès du Conseil des ports natio-
naux. La réclamation relative aux 34 balles man-
quantes a été envoyée à McLean Kennedy Ltd.,
l'agent des défendeurs le 28 août, et bien que
Schein ait témoigné qu'il ignorait tout de cette
lettre de réclamation, il m'est difficile de croire
que McLean Kennedy a appris la perte seulement
sur réception de la seconde lettre de la demande-
resse, le 30 septembre. Les recherches entreprises
par Shulman Cartage pour retrouver les balles
manquantes ont dû certainement venir à la con-
naissance de certains employés de McLean
Kennedy.
Vu les faits de l'espèce, je ne puis conclure que
la demanderesse n'a pas exercé une diligence rai-
sonnable car, conformément à la procédure suivie
en matière de douanes, il est clair que la déclara-
tion de marchandises débarquées en moins devait
être remplie, non par la demanderesse elle-même,
mais par McLean Kennedy Ltd. en sa qualité
d'agent du transporteur. L'expiration du délai de
30 jours prévu par le Mémorandum D 16-3 ne
suffit pas pour justifier le fait que McLean Ken-
nedy Ltd. n'ait pas jugé utile de remplir la formule
A 6 1 / 2 . J'ai déjà conclu que le délai utile est celui
de 90 jours indiqué à l'article 112 de la Loi plutôt
que celui de 30 jours fixé par le Mémorandum. Du
reste, aussi tard que le 12 septembre, McLean
Kennedy a rempli une formule A 6 1 / 2 pour un autre
connaissement relativement à la perte de balles de
caoutchouc lors du voyage du même navire et cette
formule n'a pas été rejetée par les autorités doua-
nières. La compagnie n'avait donc aucune raison
de ne pas remplir une formule semblable au sujet
des balles manquantes de la cargaison expédiée à
la demanderesse et les explications données dans le
but de justifier son inaction sont inacceptables.
De plus, l'article 114 de la Loi énonce que, sous
réserve de l'article 112 «aucun remboursement de
paiement ou de plus-payé de droit ou taxes, attri-
buables à une cause autre qu'une classification
tarifaire erronée ou une estimation erronée de
valeur, ne doit être opéré à moins qu'une demande
à cette fin ne soit présentée dans les deux ans de la
date du paiement ou du plus-payé». Même à
l'heure actuelle il n'est donc pas trop tard pour
faire une telle réclamation, et, suivant l'article 114
c'est à la demanderesse de s'en charger, (ou peut-
être aux défendeurs au moyen d'une action récur-
soire) mais le problème réside dans l'apparente
impossibilité d'établir que les marchandises n'ont
jamais été débarquées au Canada, bien que ce soit
probablement le cas.
Les défendeurs se sont reconnus responsables de
la perte des marchandises en remboursant à la
demanderesse la valeur de facture, mais nient être
tenus en vertu du contrat de transport au rembour-
sement des droits de douane versés pour la cargai-
son manquante. J'ai déjà renvoyé à la Clause 24
du connaissement qui «limite la réclamation aux
débours et au prix net de facture du chargeur ...»
moins tous les frais non encourus. J'aurais ten-
dance à donner une interprétation large au mot
«débours» et à y inclure les droits de douane versés
en l'espèce qui n'ont pas été recouvrés, à la diffé-
rence de la taxe de vente que la demanderesse n'a
jamais payée sur les marchandises non livrées, vu
sa qualité d'agent de perception.
L'arrêt Club Coffee Company Limited c.
Moore -McCormack Lines, Inc. 4 fait jurisprudence
en la matière; le juge Thurlow, aujourd'hui juge en
chef adjoint, a statué que les droits de douane
versés pour du café qui n'avait pas été livré, étaient
un des éléments de la perte subie par la demande-
4 [1968] 2 R.C.É. 365.
resse par suite du défaut de livraison du café. Dans
cette affaire, le libellé de la Clause 13 était quel-
que peu différent et se lisait comme suit:
[TRADUCTION] Afin de faciliter la fixation de la valeur des
marchandises et d'éviter les incertitudes inhérentes à cette
opération, dans le calcul et le règlement des réclamations, ladite
valeur, lorsqu'elle est inférieure à $500 par colis ou par autre
unité de fret, est réputée être la valeur de facture, augmentée
du fret et du coût de l'assurance le cas échéant, sans tenir
compte de toute autre valeur plus ou moins élevée.
Aux pages 374-5, le juge Thurlow fait à ce sujet
les observations suivantes:
[TRADUCTION] La clause et la phrase en question se rappor-
tent sans aucun doute au problème des dommages-intérêts à
verser dans le cas d'avaries ou de perte de marchandises, mais à
mon avis la phrase en question, invoquée par les défendeurs, ne
prétend pas fixer le montant des dommages-intérêts en cas de
perte des marchandises. Le mot «dommages-intérêts» n'y appa-
raît même pas. Selon moi, cette phrase a pour objet de rempla-
cer la valeur marchande calculée au port de débarquement par
la valeur de facture (en y ajoutant le fret et le coût de
l'assurance, le cas échéant) uniquement lorsqu'il s'agit de cal-
culer, en cas de perte de marchandises, les dommages-intérêts
payables au propriétaire, et l'expression «sans tenir compte de
toute autre valeur plus ou moins élevée» me semble se rapporter
à la fluctuation de la valeur marchande au cours du voyage,
valeur qui peut être plus ou moins élevée que la valeur de
facture majorée du fret et du coût de l'assurance au moment où
les marchandises sont attendues au port de déchargement, ou
bien à toutes autres méthodes de calcul de la valeur des
marchandises considérée comme un élément des dommages-
intérêts payables à leur propriétaire. •
Toutefois, je crois que l'expression «la valeur des marchandi-
ses ... dans le calcul et le règlement des réclamations» doit
s'interpréter en tenant compte des obligations contractuelles du
propriétaire du navire, c'est-à-dire le transport des marchandi-
ses au port de destination et leur livraison à cet endroit, laissant
le paiement des droits de douane, le cas échéant, au propriétaire
des marchandises. Ainsi compris, le substantif «valeur» dans
l'expression tirée de la Clause 13 que je viens de citer, se
rapporte à la valeur qui aurait dû être prise en considération
comme étant un des éléments devant entrer dans le calcul des
dommages-intérêts payables pour défaut de livraison, si les
marchandises avaient été perdues en mer ou si leur destination
avait été un endroit où leurs propriétaires eussent été exempts
de droits et, en l'espèce ce mot comprendrait le même élément
dans le calcul des dommages-intérêts pour défaut de livraison.
Il ne me semble pas que la clause traite du droit de la
demanderesse d'inclure, lors du calcul de ses dommages-inté-
rêts résultant de la non-livraison des marchandises à Montréal,
le montant des droits auxquels elle est entretemps devenue
assujettie.
Plus haut dans ce jugement, à la page 368, le juge
mentionne que les défendeurs n'ignoraient pas l'ir-
recevabilité d'une demande d'un importateur ten-
dant au remboursement des droits versés relative-
ment à une cargaison lorsque le propriétaire du
navire n'a pas produit dans les 30 jours une décla-
ration modifiée attestant qu'en fait, les marchandi-
ses perdues, mentionnées dans la déclaration d'en-
trée comme étant à bord du navire, n'ont jamais
été importées au Canada, et un certificat de man-
quant appuyé par des documents établissant que
les marchandises n'ont jamais été chargées à bord
du navire en question, ou qu'elles ont été déchar-
gées avant l'arrivée du navire au Canada ou encore
qu'elles ont été perdues en mer. Le juge Thurlow
ajoute que même si le capitaine et la demanderesse
avaient déclaré que les marchandises avaient été
importées, la demanderesse n'aurait pas été assu-
jettie aux droits de douane à leur égard si la
déclaration s'était révélée erronée, et qu'elle aurait
eu droit à un remboursement après avoir rétabli les
faits à la satisfaction du Ministre. Il poursuit [à la
page 369] [TRADUCTION] «Il est évident d'autre
part que la demanderesse, qui n'a pas reçu livrai-
son de ses marchandises, était dans l'impossibilité
d'en convaincre le Ministre sans que la défende-
resse n'en apporte la preuve, ce qu'elle n'a pas été
en mesure de faire». C'est précisément le cas dans
la présente affaire.
A la page 370, le juge Thurlow cite en les
approuvant les paroles de lord Esher M.R. dans
l'arrêt Rodocanachi c. Milburn (1886) 18 Q.B.D.
67, où il est dit à la page 76:
[TRADUCTION] Je pense que la règle suivie pour évaluer les
dommages-intérêts dans un cas de cette sorte est la suivante: il
s'agit de faire la différence entre la situation dans laquelle se
serait trouvé le demandeur si les marchandises avaient été
livrées en bon état et sa situation en cas de perte.
Le juge Thurlow poursuit [à la page 370]:
[TRADUCTION] Ainsi exprimée, l'évaluation des dommages-
intérêts me semble coïncider avec le principe de la restitutio in
integrum et être assez large comme comprendre la perte glo-
bale du propriétaire y compris, lorsque les marchandises ont
atteint le Canada et qu'il a été assujetti aux versements des
droits de douane, le montant de ces droits.
A la même page, il dit un peu plus loin:
[TRADUCTION] Je pense qu'il est également important de se
rappeler que le propriétaire est en droit de recouvrer des
dommages-intérêts en raison du défaut de livraison de ses
marchandises par le propriétaire du navire, et que la valeur des
marchandises perdues n'est qu'un des facteurs à prendre en
considération dans le calcul des dommages-intérêts. A mon
avis, ceux-ci doivent également comprendre les droits de
douane que le propriétaire a payés ou est tenu de payer sur les
marchandises non livrées.
Il est vrai qu'à la page 371 le juge Thurlow conclut
d'après la preuve dont il dispose, que le café
manquant doit être considéré comme ayant été
importé au Canada, ce qui n'est pas la conclusion
que j'ai tirée de la preuve présentée dans la pré-
sente espèce, mais je ne vois pas comment cette
conclusion diminuerait la responsabilité des défen-
deurs dans la présente affaire, la seule différence
étant qu'en l'espèce, il aurait pu y avoir de meilleu-
res chances d'obtenir un remboursement des
droits, n'eût été l'inertie des agents des défendeurs
qui n'ont même pas rempli une formule de déclara-
tion de manquant ainsi que l'impossibilité pour les
défendeurs d'établir que les marchandises
n'avaient pas été réellement débarquées au
Canada.
En renvoyant à l'arrêt Town of Weston c. Le
«Riverton» 5 dans lequel on a statué que le verse-
ment des droits, comme toute autre somme comp-
tée en trop au demandeur pour la manutention et
le déchargement de la cargaison, justifie une
demande de remboursement à l'encontre de la
personne qui a reçu le paiement en trop et non
contre le navire, le juge Thurlow conclut que,
d'après les faits présentés devant le lord juge d'ap-
pel Maclennan dans l'affaire susmentionnée, la
cargaison manquante n'avait pas été importée au
Canada et que les droits n'étaient donc pas exigi-
bles, et pour cette raison il fait une distinction avec
cet arrêt.
Je ne pense pas que la différence entre le libellé
de la Clause 13 du connaissement qu'a étudié le
juge Thurlow dans l'affaire Club Coffee et celui de
la Clause 24 du présent connaissement, soit suffi-
sante pour donner lieu à une interprétation diffé-
rente. Dans la Clause 13, la valeur des marchandi-
ses aux fins du calcul des dommages-intérêts a été
fixée à la valeur de facture majorée du fret et du
coût de l'assurance, ce qui dispensait de tenir
compte de la valeur marchande. Dans la présente
affaire, l'expression utilisée est «débours et prix net
de facture» et je pense que l'expression «débours»
comprend le fret et le coût de l'assurance et a donc
un sens plus large que le libellé de la Clause 13
citée dans l'affaire Club Coffee. La conclusion à
laquelle le juge est arrivé dans cette affaire s'appli-
que également en l'espèce, c'est-à-dire que l'on
5 [1924] 2 R.C.É. 65.
peut réclamer les droits de douane dans le cadre
des dommages-intérêts en plus du montant fixé
pour la valeur des marchandises.
Les défendeurs ont en outre soulevé que la
Clause 24 ne s'appliquait pas et que les marchan-
dises manquantes devaient être évaluées suivant
leur valeur marchande, au sujet de laquelle aucune
preuve n'a été présentée. A l'appui de cette préten-
tion, l'avocat a renvoyé aux affaires Nabob Foods
Limited c. Le «Cape Corso» 6 et Steamship Ken-
dall Fish, Etc. c. Lykes Bros. Steamship Com
pany, Inc.': ces deux décisions ont été discutées à
la page 373 de l'arrêt Club Coffee. Le deuxième
paragraphe du sommaire résume brièvement les
conclusions du juge Thurlow sur cette question. Il
se lit comme suit:
2. L'article 3(8) du Carriage of Goods by Sea Act des États-
Unis, s'il s'appliquait, annulerait la clause du connaissement
concernant l'évaluation des marchandises, mais cette loi s'appli-
que seulement aux contrats de transport à partir ou à destina
tion d'un port des États-Unis et donc ne s'appliquait pas dans la
présente espèce à la suite de la substitution des connaissements;
quoi qu'il en soit, cette clause prévoit simplement le calcul de la
valeur des marchandises comme un élément des dommages-
intérêts en cas de non-livraison, et le droit également de recou-
vrer au titre des dommages-intérêts les droits de douane versés
relativement à ces marchandises ne s'en trouve pas touché.
En l'espèce, les défendeurs ont déjà réglé la
réclamation de la demanderesse pour la valeur de
la cargaison perdue en se fondant sur la valeur de
facture sans apparemment soulever la question de
la valeur marchande. La seule question qui se pose
maintenant est de savoir s'ils auraient dû ajouter le
montant des droits de douane versés par la deman-
deresse relativement à la cargaison manquante.
J'approuve entièrement la conclusion exposée
dans le deuxième paragraphe du sommaire de
l'arrêt Club Coffee selon laquelle la clause du
connaissement prévoit simplement le calcul de la
valeur des marchandises comme élément des dom-
mages-intérêts en cas de non-livraison, et le droit
de recouvrer également au titre des dommages-
intérêts les droits de douane versés relativement à
ces marchandises, ne s'en trouve pas touché.
Je conclus donc que l'action en dommages-inté-
rêts de la demanderesse à l'encontre des défen-
deurs doit être accueillie et je rends jugement en
faveur de la demanderesse pour $1,426.59 avec
intérêts et dépens.
6 [1954] R.C.É. 335.
[1967] A.M.C. 327.
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