A-245-76
Le Comité régional de sélection—Région de l'At-
lantique—Service canadien des pénitenciers, le
Commissaire des pénitenciers et le Directeur
adjoint (sécurité) de l'institution de Springhill
(Appelants)
c.
Roger Marcotte, John Turner et Jack Whalen
(Intimés)
Cour d'appel, le juge en chef Jackett, les juges
Urie et Ryan—Ottawa, le 22 juillet 1976.
Couronne—Pratique—Motifs pour radier une déclaration—
Les demandeurs réclament un simple jugement déclaratoire de
transfert illégal à une institution à sécurité maximale—Le
pouvoir d'effectuer le transfert est prévu à l'art. 13(3) de la Loi
sur les pénitenciers—Il est inutile d'étudier l'art. 28(3) de la
Loi sur la Cour fédérale—Loi sur les pénitenciers, S.R.C.
1970, c. P-6, art. 13(3)—Loi sur la Cour fédérale, art. 28(3).
Appel du rejet par la Division de première instance d'une
demande de radiation de la déclaration au motif qu'elle ne
révèle aucune cause raisonnable d'action. (Les intimés ont
consenti à amender leur exposé en appel énonçant que l'article
28(3) de la Loi sur la Cour fédérale privait la Division de
première instance de toute compétence.) Les intimés prétendent
qu'il s'agit d'un transfert illégal à une institution à sécurité
maximale en ce qu'ils n'en ont pas été informés et qu'ils n'ont
pas eu la possibilité de répondre aux allégations faites contre
eux, qu'ils ont eu recours sans succès à la procédure de grief
prévue à la Loi sur les pénitenciers, qu'ils ont par la suite été
innocentés des faits allégués contre eux et qu'ils ont été «lésés»
par les transferts. Les intimés cherchent à obtenir une déclara-
tion portant qu'ils auraient dû être avisés de la décision de les
transférer, avec motifs, qu'ils auraient dû avoir une possibilité
de répondre et de contre-interroger les témoins de la partie
opposée et que, ces exigences n'ayant pas été respectées, la
décision de les transférer était illégale.
Arrêt: l'appel est accueilli et la déclaration est radiée. L'ap-
pel n'est pas régi par la décision rendue dans l'arrêt La Reine c.
Wilfrid Nadeau Inc. mais par l'arrêt La Reine c. Douglas car il
est tout à fait manifeste qu'il n'y a aucune cause d'action. Le
pouvoir d'effectuer le transfert est prévu à l'article 13(3) de la
Loi sur les pénitenciers. Le seul redressement demandé est une
déclaration portant qu'il aurait dû être donné aux intimés un
avis de leur transfert et une possibilité de répondre. Il n'y a
aucune allégation que la décision de transférer constituait un
abus des pouvoirs conférés par la Loi sur les pénitenciers. La
décision de cette cour dans l'affaire Martineau c. Le Comité de
discipline de l'institution de Matsqui exclut l'octroi du redres-
sement demandé. Dans les circonstances, il est inutile d'étudier
l'article 28(3) de la Loi sur la Cour fédérale.
Distinction faite avec l'arrêt: La Reine c. Wilfrid Nadeau
Inc. [1973] C.F. 1045. Arrêts appliqués: La Reine c.
Douglas [1976] 2 C.F. 673 et Martineau c. Le Comité de
discipline de l'institution de Matsqui [1976] 2 C.F. 198.
APPEL.
AVOCATS:
George Ainslie, c.r., et Paul Malette pour les
appelants.
Michael Paré pour les intimés.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour
les appelants.
Michael Paré, Sackville, pour les intimés.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement prononcés oralement par
LE JUGE EN CHEF JACKETT: Appel est interjeté
d'une ordonnance de la Division de première ins
tance rejetant avec dépens une demande de radia
tion de la déclaration produite en première ins
tance, au motif qu'elle ne révèle aucune cause
raisonnable d'action.'
Dans la déclaration, on allègue en fait que les
trois intimés, détenus à l'institution de Springhill,
une institution à sécurité moyenne, ont été transfé-
rés au pénitencier de Dorchester, une institution à
sécurité maximale, conformément à des mandats
signés le 30 mai 1975, la suite d'allégations selon
lesquelles ils auraient été impliqués dans des feux
provoqués à l'institution de Springhill et qu'en
outre, ils n'ont pas été informés de ces allégations
et qu'ils n'ont pas eu la possibilité d'y répondre.
On y souligne également que les intimés ont, sans
succès, eu recours à la procédure de grief prévue à
la Loi sur les pénitenciers 2 ; qu'après leur transfert,
des tiers ont fait des admissions et des déclarations
les innocentant; et que les transferts ont les
intimés de la manière indiquée au document. La
déclaration conclut en ces termes:
' L'avocat du sous-procureur général du Canada a invoqué
deux points qui n'apparaissaient pas au dossier produit en son
nom à la Cour, à savoir:
a) que l'action déclaratoire par laquelle la demande de
radiation a été présentée ne nommait pas les parties appro-
priées comme défendeurs, et
b) que l'article 28(3) de la Loi sur la Cour fédérale privait
la Division de première instance de toute compétence relati-
vement à cette action.
Les intimés ayant traité de l'article 28(3) dans leur exposé,
leurs avocats ont consenti à ce que cette question soit considé-
rée. En appel, l'avocat du sous-procureur général n'a pas insisté
sur le premier point.
2 S.R.C. 1970, c. P-6.
[TRADUCTION] 22. Les transferts ont eu un effet sur le droit
de chacun des demandeurs à la liberté et à la sécurité de la
personne et sur le droit de ne s'en voir privés que par l'applica-
tion régulière de la loi.
Les demandeurs réclament:
a) Une déclaration portant que les décisions de transférer les
demandeurs sont de telle nature que la Commission, le Comité
ou le Directeur adjoint aurait dû donner à chaque demandeur
un avis de la décision envisagée, énonçant les motifs justifiant
les transferts et donnant la possibilité suffisante de répondre
oralement, soit en personne soit par l'intermédiaire d'un repré-
sentant, de même que la possibilité suffisante de contre-interro-
ger les témoins de la partie opposée, et une déclaration portant
que les transferts des demandeurs et la décision de les transfé-
rer sont illégaux, lesdites exigences n'ayant pas été respectées.
b) Tout autre redressement que la Cour jugera approprié.
Les motifs de l'ordonnance en appel citent la
déclaration et concluent:
Après avoir étudié les faits allégués dans la déclaration, qui
doivent être considérés comme prouvés, et entendu la plaidoirie
et l'exposé des avocats des défendeurs et des demandeurs, je
suis convaincu que la déclaration révèle une cause raisonnable
d'action qui ne peut équitablement être tranchée que lors d'un
procès.
A mon avis, le présent appel n'est pas régi par
notre décision dans l'affaire La Reine c. Nadeau 3
mais relève du genre d'exceptions mentionnées
dans l'arrêt La Reine c. Douglas 4 car «il est tout à
fait manifeste, après examen des allégations de la
déclaration, de la loi et de la jurisprudence perti-
nente, que la déclaration ne révèle aucune cause
d'action.»
Le pouvoir d'effectuer le transfert en question
est prévu à l'article 13(3) de la Loi sur les péni-
tenciers dont voici le texte:
(3) Lorsqu'une personne a été condamnée ou envoyée au
pénitencier, le commissaire ou tout fonctionnaire agissant sous
les ordres de ce dernier peut, par mandat revêtu de sa signa
ture, ordonner que la personne soit incarcérée dans un péniten-
cier quelconque au Canada ou y soit transférée, que cette
personne ait été ou non reçue dans le pénitencier approprié
désigné dans les règles établies sous le régime du paragraphe
( 2 ).
Il est important de_ souligner que la demande de
redressement formulée dans la déclaration réclame
seulement une déclaration portant que la nature de
la décision de transférer exigeait que les appelants
donnent «un avis de la décision envisagée ...» et «la
3 [1973] C.F. 1045.
4 [1976] 2 C.F. 673 aux pp. 674-5.
possibilité suffisante de répondre ...» et une décla-
ration portant que le transfert et la décision de
transférer sont illégaux, lesdites exigences n'ayant
pas été respectées. Il convient également de rappe-
ler que la déclaration n'allègue aucun fait à l'appui
d'une contestation de la décision de transférer au
motif qu'elle était injuste et inéquitable au point
de constituer un abus des pouvoirs administratifs
conférés par la Loi sur les pénitenciers. En fait,
l'avocat des intimés a, me semble-t-il, clairement
indiqué que toute allégation d'injustice ou d'ini-
quité serait uniquement fondée sur l'absence de
procédures préliminaires à la décision.
A mon avis, dans l'affaire Martineau c. Le
Comité de discipline de l'institution de Matsqui 5 ,
cette cour a rendu une décision incompatible avec
l'octroi du redressement demandé dans la déclara-
tion; et, aussi longtemps que cet arrêt ne sera pas;
contredit, j'estme que nous devrions considérer'
qu'il s'agit d'une bonne décision.
Dans les circonstances, il est à mon avis inutile
d'étudier l'article 28(3) de la Loi sur la Cour
fédérale.
Je suis donc d'avis d'accueillir l'appel avec
dépens, s'ils sont demandés, d'annuler l'ordon-
nance rendue en première instance et d'ordonner la
radiation de la déclaration.
* * *
LE JUGE URIE y a souscrit.
* * *
LE JUGE RYAN y a souscrit.
5 [1976] 2 C.F. 198.
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