T-3915-76
In re la Loi sur l'immigration et in re les deman-
des d'immigration aux fins de résidence perma-
nente de Johnnie Dale McDonald, Martha McDo-
nald et Mark McDonald et in re l'enquête spéciale
contre Johnnie Dale McDonald
Division de première instance, le juge Walsh—
Vancouver, les 18 et 21 octobre 1976.
Immigration—Requête pour bref de mandamus aux fins de
statuer sur une demande de résidence permanente—Requête en
injonction visant à suspendre une enquête spéciale autorisée en
vertu de l'art. 18 de la Loi sur l'immigration--La décision de
l'enquêteur spécial doit-elle être prise pendant que le requé-
rant est «détenu» en prison? L'enquête peut-elle être pour-
suivie avant qu'il soit statué sur la demande de résidence
permanente?—Loi sur l'immigration, S.R.C. 1970, c. I-2, et
ses modifications, art. 18—Loi sur la Commission d'appel de
l'immigration, S.R.C. 1970, c. I-3, et ses modifications, art. 11
et 15.
Le requérant, Johnnie Dale McDonald, a demandé un bref
de mandamus ordonnant au ministre de la Main-d'oeuvre et de
l'Immigration de statuer sur sa demande de résidence perma-
nente ainsi que sur celle de son épouse en son nom personnel et
en celui de son fils. Il a demandé, en outre, une ordonnance
interdisant au Ministre de poursuivre l'enquête spéciale insti-
tuée contre lui en vertu d'un rapport daté du 12 juillet 1976 et
établi conformément à l'article 18. L'expulsion du requérant
avait été ordonnée à la suite d'une enquête spéciale tenue en
1972 et instituée en vertu d'un rapport établi conformément à
l'article 22; mais cette ordonnance fut annulée par la Commis
sion d'appel de l'immigration en décembre 1974. En juillet
1974, le requérant fut condamné pour avoir fait de fausses
déclarations au sujet de sa demande d'admission au Canada; la
Cour d'appel de la Colombie-Britannique a confirmé, en mars
1976, cette décision et il fut condamné à six mois d'emprisonne-
ment. Ainsi, en date du rapport établi en vertu de l'article 18, le
requérant était détenu dans une prison, mais il ne l'est plus
présentement. L'avocat du Ministre plaide qu'une ordonnance
d'expulsion ne pourrait pas être décernée en vertu de l'article
18(1)e)(iii), à moins que l'enquête spéciale soit terminée au 22
octobre 1976, date à laquelle la condamnation de six mois
imposée à McDonald vient à expiration. L'avocat du requérant
soutient que c'est une question d'impartialité et de loyauté que
de statuer d'abord sur la demande de résidence permanente
puisque la position d'un immigrant reçu au regard d'un appel
contre une ordonnance d'expulsion diffère de celle d'une per-
sonne non résidante, aux termes des articles 11(1)a) et 15 de la
Loi sur la Commission d'appel de l'immigration. Il soutient, en
outre, que le retard apporté à l'examen de la demande du
requérant a causé à ce dernier un préjudice et qu'il préfère
procéder en base de sa première demande, avec ses prétendues
fausses déclarations, et conserver ses droits d'appel, plutôt que
de déposer une demande révisée et perdre sesdits droits d'appel.
Arrêt: les deux demandes sont accueillies. Le bref de manda-
mus est accordé à l'audience, sans objection de la part de
l'avocat du Ministre. La demande en injonction est accordée
pour plusieurs motifs. Premièrement, il ne semble exister aucun
arrêt consacrant le principe selon lequel la décision de l'enquê-
teur spécial doit être prise pendant que la partie est encore
détenue, et même s'il en est ainsi, McDonald n'est probable-
ment plus un «détenu» et la période d'emprisonnement serait
venue à expiration avant la fin de l'enquête. Deuxièmement, il
est très important, pour le requérant, de devenir un résident
permanent, si cela est possible, avant que l'enquête prévue par
l'article 18 soit terminée, vu l'effet de la résidence permanente
sur ses droits d'appel. Troisièmement, le requérant a le droit
incontestable de faire procéder immédiatement à l'examen de
sa première demande, quels que soient ses défauts. Enfin, la
privation du droit d'appel est une considération importante et le
requérant ne doit pas en être privé puisque ce n'est ni de sa
faute ni de celle de son avocat si sa demande de résidence
permanente, ainsi que celle de son épouse et de son fils, n'ont
pas été examinées.
Arrêt appliqué: Leiba c. M.M.&I. [1972] R.C.S. 660.
Distinction faite avec les arrêts: Smogor c. M.M.&I.
[1973] C.F. 350 et Pereira c. M.M.&I. (Cour suprême de
l'Ontario, non publié).
REQUÊTE pour bref de mandamus et injonction.
AVOCATS:
D. J. Rosenbloom pour les requérants.
G. O. Eggertson pour l'intimé.
PROCUREURS:
Rosenbloom, Germaine & Jackson, Vancou-
ver, pour les requérants.
Le sous-procureur général du Canada pour
l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs
de l'ordonnance rendus par
LE JUGE WALSH: Cette requête demande un
bref de mandamus ordonnant au ministre de la
Main-d'oeuvre et de l'Immigration du Canada de
statuer sur la demande de résidence permanente de
Johnnie Dale McDonald, déposée auprès du
Ministère le 14 juillet 1972, ainsi que sur la
demande de résidence permanente de Martha
McDonald et Mark McDonald, déposée le 10 octo-
bre 1972. A l'ouverture de l'audience, l'avocat du
Ministre a déclaré que, tout en ne consentant pas à
l'émission du susdit bref de mandamus, il ne s'y
opposerait pas. Les observations faites pendant
l'audience m'ayant convaincu que le bref devait
être consenti, je l'ai, en conséquence, accordé.
La deuxième partie de la requête demande une
ordonnance interdisant au ministre de la Main-
d'oeuvre et de l'Immigration et à l'enquêteur spé-
cial Smith de poursuivre l'enquête spéciale insti-
tuée contre le requérant Johnnie Dale McDonald
en vertu d'un rapport daté du 12 juillet 1976 établi
en vertu de l'article 18. L'avocat du Ministre s'y
est opposé.
Pour la compréhension de la situation, il est
nécessaire d'exposer le cours des événements, bien
que la question de se prononcer sur les requêtes de
résidence permanente ne se pose plus. Johnnie
Dale McDonald a été interrogé au sujet de sa
demande de résidence permanente du 14 juillet
1972 et, en temps opportun, suite à une enquête
spéciale tenue le 17 novembre 1972 et instituée en
vertu d'un rapport établi en vertu de l'article 22,
son expulsion a été ordonnée parce qu'il apparte-
nait à la catégorie interdite décrite à l'alinéa 5p)
de la Loi sur l'immigration'. Il y eut appel de
cette décision devant la Commission d'appel de
l'immigration laquelle, par décision datée du 18
décembre 1974, a accueilli l'appel et annulé l'or-
donnance d'expulsion. Depuis cette date, les efforts
déployés pour faire examiner sa requête par le
Ministère ont été vains. En temps opportun, des
accusations ont été portées contre lui pour avoir
fait de fausses déclarations au sujet de sa demande
d'admission au Canada et il a été condamné le 10
juillet 1974. La Cour d'appel de la Colombie-Bri-
tannique, en date du 31 mars 1976, a confirmé
cette condamnation sur cinq chefs et il a été
condamné à six mois d'emprisonnement. L'autori-
sation d'interjeter appel devant la Cour suprême
du Canada lui a été refusée. Il est notoire que le 12
juillet 1976, date du rapport établi en vertu de
l'article 18, il était détenu dans une prison, mais
qu'il ne l'est plus présentement.
Le motif avancé par le Ministère pour n'avoir
pas examiné plus tôt sa demande de résidence
permanente était qu'on attendait le résultat de son
appel qui, s'il lui avait été favorable, aurait montré
que ses prétendues fausses déclarations n'étaient
pas pertinentes au regard de sa demande. Par la
suite, comme il résulte d'une lettre du 24 septem-
bre 1976, le motif fourni a été qu'une demande
d'admission ne pouvait pas être examinée pendant
que l'enquête aux fins d'expulsion, qui avait déjà
commencé à cette date, était en cours.
' S.R.C. 1970, c. I-2.
En ce qui concerne la demande de son épouse
Martha McDonald, en son nom personnel et en
celui de son fils Mark McDonald, le Ministère a
donné comme motif qu'il n'était pas prêt à exami
ner cette demande alors que son mari avait un
appel pendant devant les tribunaux de la Colom-
bie-Britannique. Ceci résulte d'une lettre en date
du 19 octobre 1975.
Le 19 février 1976, le Ministère a invité Johnnie
Dale McDonald à déposer une formule mise à
jour, parce qu'il prenait des mesures pour terminer
l'examen de sa demande à titre d'immigrant-reçu;
cette indication que l'examen serait terminé
toutefois été retirée ultérieurement. Quoi qu'il en
soit, il n'a pas rempli la nouvelle formule. Suite au
rapport du 12 juillet 1976 établi en vertu de
l'article 18, l'enquête spéciale ayant pour objet
l'expulsion de Johnnie Dale McDonald a débuté le
19 juillet 1976. Plusieurs séances ont été tenues,
mais l'enquête n'est pas encore terminée.
Se référant à l'arrêt Smogor c. M.M.&I. 2 , l'avo-
cat du Ministre soutient qu'il y a quelque danger
qu'une ordonnance d'expulsion ne puisse pas être
émise par un enquêteur spécial en vertu de l'article
18(1)e)(iii) de la Loi, qui est l'article invoqué dans
le rapport du fonctionnaire à l'immigration qui a
commencé l'enquête, à moins que celle-ci ne soit
terminée au 22 octobre 1976. Bien que cela n'ap-
paraisse pas au dossier, cette date est apparem-
ment celle à laquelle la condamnation de six mois
imposée à Johnnie Dale McDonald viendrait à
expiration. L'article 18(1)e)(iii) de la Loi prescrit:
18. (1) Lorsqu'il en a connaissance, le greffier ou secrétaire
d'une municipalité au Canada, dans laquelle une personne
ci-après décrite réside ou peut se trouver, un fonctionnaire à
l'immigration ou un constable ou autre agent de la paix doit
envoyer au directeur un rapport écrit, avec des détails complets,
concernant
e) toute personne, autre qu'un citoyen canadien ou une
personne ayant un domicile canadien, qui
(iii) est devenue un détenu dans un pénitencier, une geôle,
une maison de correction ou une prison, ou pensionnaire
d'un asile ou hôpital d'aliénés,
L'arrêt précité de la Cour d'appel a clairement
décidé que le rapport (c'est-à-dire, le rapport du
fonctionnaire à l'immigration) doit être fait pen
dant que la partie est encore détenue. Je doute,
2 [1973] C.F. 350.
toutefois, qu'il consacre le principe selon lequel la
décision de l'enquêteur doit aussi être prise au
cours de cette période. En rapportant l'arrêt de la
Cour, le juge en chef Jackett déclare aux pages
353 et 354:
J' estime aussi que mon interprétation de l'article
19(1)e)(iii) 3 est justifiée par le contexte de cet article. Les
alinéas b),d) et e)(ii) du même paragraphe énoncent les catégo-
ries d'infractions qui peuvent entraîner l'expulsion d'une per-
sonne qui en est déclarée coupable. Lorsqu'une personne a été
trouvée coupable de l'une de ces infractions, il n'est pas néces-
saire de recourir à l'article 19(1)e)(iii). De même, si l'on
rapproche l'article 19(1)e)(v) et l'article 5s), il devient évident
que, si certaines déficiences mentales peuvent empêcher une
personne d'être admise au Canada, la découverte de ces défi-
ciences après l'admission ne suffit pas, à elle seule, à rendre la
personne sujette à expulsion. L'article 19(1)e)(iii) vise donc la
catégorie des personnes qui, pour quelque raison que ce soit,
sont détenues dans des prisons et des asiles. Si j'ai bien compris
la politique qui ressort de cette loi, il faut entendre que si l'on
est détenu dans un tel établissement, même pour un motif qui
ne serait pas susceptible d'entraîner l'expulsion si l'on n'était
pas détenu, l'on est tout de même sujet à expulsion.
Même s'il en était ainsi, il est très douteux que
McDonald puisse être considéré, en ce moment,
comme un «détenu», alors qu'il est ouvertement en
liberté. Il est admis, en l'espèce, contrairement à
l'affaire Smogor, qu'il était détenu quand le rap
port a été établi. Il se peut que sa peine ne soit pas
encore expirée, mais s'il n'est plus un détenu (il
n'est pas dit si c'est suite à une libération condi-
tionnelle ou pour un autre motif), le considérer
comme étant encore détenu au sens de l'article
18(1)e)(iii) parce que sa peine a encore quelques
jours à courir, serait à défaut d'une disposition
légale qui n'a pas été invoquée—étendre le sens du
mot «détenu» au-delà de toute logique. Par consé-
quent, si l'argument du Ministre selon lequel l'en-
quête spéciale doit être terminée pendant qu'il est
encore détenu est valable, il m'apparaît que cette
période est déjà expirée.
Enfin, cette question pourrait n'être que pure-
ment théorique. Au cours de la dernière séance de
l'enquête spéciale, l'enquêteur a assuré l'avocat du
requérant qu'il n'insisterait pas pour poursuivre
l'enquête en son absence; de son côté, l'avocat du
requérant a déclaré à l'audition de la présente
requête le 18 octobre 1976 qu'il serait pris pendant
le reste de la semaine devant la Cour provinciale et
ailleurs par des affaires primant une audition
3 Présentement article 18(1)e)(iii).
devant un enquêteur spécial. A part les disposi
tions de l'article 26(2) de la Loi, qui donne à
l'intéressé le droit d'obtenir un avocat et d'être
représenté par lui lors de son audition, insister
pour procéder en l'absence de son avocat, pourrait
bien constituer un déni de justice naturelle. Bien
que je doute qu'un avocat puisse indéfiniment
renvoyer une enquête en raison d'autres engage
ments, surtout si cette enquête doit être terminée à
une certaine date pour avoir un effet légal, j'ai
déjà indiqué que je doute sérieusement que ce soit
le cas en l'espèce.
Ce que je considère plus sérieux, ce n'est pas de
savoir si l'enquête doit être poursuivie et terminée
avant le 22 octobre 1976, mais si elle doit tout
simplement être poursuivie avant qu'il soit statué
sur la demande de résidence permanente du requé-
rant, qui sera examinée en vertu du bref de man-
damus, et que toutes les voies de recours qui en
découlent soient épuisées.
L'avocat du requérant soutient que la position
d'un immigrant reçu au regard d'un appel contre
une ordonnance d'expulsion diffère beaucoup de
celle d'une personne non résidante; que c'est donc
une question d'impartialité et de loyauté que de
statuer d'abord sur la demande de résidence per-
manente du requérant. De plus, il serait vain, pour
le requérant, de se voir accorder le statut d'immi-
grant reçu, si sa demande est accueillie, alors qu'il
aurait déjà été condamné à l'expulsion et, peut-
être expulsé en conséquence de l'enquête spéciale
en cours.
La loi concernant les appels a été modifiée en
1973 par S.C. 1973-74, c. 27, sanctionné le 27
juillet 1973. Avant cette date, l'article 11 de la Loi
sur la Commission d'appel de l'immigration,
S.R.C. 1970, c. I-3 autorisait une personne frappée
d'une ordonnance d'expulsion de se pourvoir
devant la Commission d'appel de l'immigration, en
se fondant sur un motif impliquant une question de
droit ou une question de fait ou une question mixte
de droit et de fait. Ledit article 11 a été remplacé
par la modification qui rend cet appel possible
seulement si la personne est inter alfa «un résident
permanent» (article 11(1)a)).
De plus, l'article 15 de la Loi sur la Commission
d'appel de l'immigration distingue entre la per-
sonne qui est un résident permanent et celle qui ne
l'est pas, quand elle stipule:
15. (1) Lorsque la Commission rejette un appel d'une
ordonnance d'expulsion ou rend une ordonnance d'expulsion en
conformité de l'alinéa 14c), elle doit ordonner que l'ordonnance
soit exécutée le plus tôt possible. Toutefois,
a) dans le cas d'une personne qui était un résident perma
nent à l'époque où a été rendue l'ordonnance d'expulsion,
compte tenu de toutes les circonstances du cas, ou
b) dans le cas d'une personne qui n'était pas un résident
permanent à l'époque où a été rendue l'ordonnance d'expul-
sion, compte tenu
(ii) l'existence de motifs de pitié ou de considérations d'ordre
humanitaire qui, de l'avis de la Commission, justifient l'oc-
troi d'un redressement spécial,
la Commission peut ordonner de surseoir à l'exécution de
l'ordonnance d'expulsion ou peut annuler l'ordonnance et
ordonner d'accorder à la personne contre qui l'ordonnance avait
été rendue le droit d'entrée ou de débarquement.
Il est donc très important, pour le requérant, de
devenir un résident permanent, si cela est possible,
avant que l'enquête prévue par l'article 18 visant
son expulsion soit terminée. Son avocat plaidera à
une audience examinant sa demande de résidence
permanente, que si les condamnations du requé-
rant, aux termes de l'article 46 de la Loi, pour
avoir fourni de faux renseignements, peuvent
réduire le nombre de points alloués pour son
appréciation personnelle, elles ne peuvent pas per
se empêcher son admission, ne s'agissant pas de
condamnations pour infractions relevant du Code
criminel. Le rapport établi en vertu de l'article 18,
qui fait actuellement l'objet de l'enquête spéciale,
ne mentionne pas de fausses déclarations, mais se
base sur la détention du requérant (malgré que la
condamnation a résulté de fausses déclarations).
L'avocat du Ministre soutient que de grands
égards ont été démontrés envers le requérant,
d'abord en tenant en suspens sa demande de rési-
dence permanente jusqu'à épuisement de ses droits
d'appel contre les condamnations résultant de l'ar-
ticle 46 et, ensuite, en l'invitant à présenter une
nouvelle demande qui n'aurait probablement pas
contenu les fausses déclarations qui avaient
entraîné sa condamnation; l'avocat du requérant
conteste cette assertion et déclare que le retard
apporté à l'examen de la demande du requérant a
causé à ce dernier un préjudice grave et qu'il
préfère procéder en base de sa première demande,
avec ses prétendues fausses déclarations, et conser-
ver ses droits d'appel, plutôt que de déposer,
comme il en a été requis, une demande révisée
postérieure à 1973 et perdre ses susdits droits
d'appel. Je ne trouve pas qu'il soit justifié de
conclure, comme le fait l'avocat du requérant, que
le Ministère n'a pas les mains nettes; le requérant
a, cependant, le droit incontestable, s'il le désire,
de faire procéder immédiatement à l'examen de sa
première demande, avec ses défauts, et c'est ce qui
doit être fait maintenant en vertu du mandamus.
Le litige dont je suis saisi doit être jugé sur la
base de la Loi, sans imputer de motifs aux parties.
Ces dernières ont, l'une et l'autre, invoqué la juris
prudence: des affaires ayant pour objet des ordon-
nances d'expulsion prématurées dans l'attente qu'il
soit statué sur un autre article de la Loi, dont:
Jafri c. M.M.&I. (Cour d'appel n° A-229-74, 7
octobre 1975), Shahzad c. M.M.&I. [1975] C.F.
317, Anwar c. M.M.&I. (Cour d'appel n°
A-422-75, 17 septembre 1975), Tsiafakis c.
M.M.&I. [1976] 2 C.F. 407, Tsakiris c. M.M.&I.
(T-1007-76, non publié) et Okolakpa c. M.M.&I.
[1977] 1 C.F. 437 et Sudagar Singh Bring (1975)
8 A.I.A. 411. L'affaire Leiba c. M.M.&I. [1972]
R.C.S. 660 présente un intérêt particulier. La
demande de résidence permanente qui en fait l'ob-
jet avait été appréciée et refusée et le demandeur
avait été invité par lettre à quitter le Canada, à
défaut de quoi, une enquête spéciale pouvant
mener à son expulsion serait ouverte. Il a quitté, a
été réadmis et a présenté une nouvelle requête de
résidence permanente qui a été rejetée pour le
motif qu'elle avait été faite après l'expiration de la
période pendant laquelle il avait été autorisé à
séjourner temporairement au Canada. Un rapport
à ce sujet a entraîné une enquête spéciale qui a
abouti à une ordonnance d'expulsion qui a été
maintenue par la Commission d'appel de l'immi-
gration. La Cour suprême a accueilli l'appel. L'ar-
rêt a décidé [voir le sommaire]:
La Commission aurait dû infirmer l'ordonnance d'expulsion
et les procédures qui l'ont entraînée de façon à permettre à
l'appelant de voir à ce que sa première requête soit menée à
terme de la façon régulière, ou elle aurait dû ordonner à
l'enquêteur spécial qui avait rendu l'ordonnance d'expulsion de
reprendre l'audition et de la considérer comme découlant de la
première requête, ou encore elle aurait dû prendre elle-même
des mesures à cet effet, laissant ainsi au requérant la possibilité
de demander une nouvelle appréciation en vue d'obtenir l'auto-
risation de résider en permanence au Canada.
En rendant le jugement, le juge en chef Laskin
déclare à la page 663:
De fait, l'art. 23 de la Loi édicte que lorsqu'un fonctionnaire à
l'immigration, après avoir examiné un requérant (comme en
l'espèce) qui demande à être admis au Canada en vue d'y
résider en permanence, estime qu'il serait contraire à la loi ou
aux règlements de l'admettre, il peut le faire détenir et doit le
signaler à un enquêteur spécial. (Les italiques sont de moi.) De
toute évidence, dans ce cas-ci, le fonctionnaire à l'immigration
ne l'a pas fait.
et de poursuivre à la page 667:
Toutefois, Leiba n'a jamais été recevable à interjeter appel
quant à la première requête qu'il a prétentée le 4 octobre 1967,
parce que le fonctionnaire à l'immigration qui avait examiné
celui-ci n'avait pas rempli l'obligation, que lui imposait l'art. 23
de la Loi, de le signaler à un enquêteur spécial.
En l'espèce, non seulement le rapport prescrit
par l'article 23 n'a pas été établi, mais l'examen
n'a jamais eu lieu. De plus, aucune ordonnance
d'expulsion n'a été rendue et le requérant cherche
simplement à prévenir qu'elle le soit, en attendant
qu'il soit statué sur sa demande de résidence
permanente.
L'avocat du Ministère s'appuie beaucoup sur
une requête d'habeas corpus venue devant la Cour
suprême de l'Ontario, dans laquelle le juge Krever
a prononcé l'arrêt le 16 juillet 1976 (Pereira c.
M.M.&I.). Dans cette affaire, le requérant avait
demandé d'être reçu comme immigrant et avait,
comme prescrit à l'article 7(3), signalé à un fonc-
tionnaire à l'immigration qu'il demeurait au
Canada en attendant qu'il soit statué sur sa
demande de résidence permanente. Le juge Krever
souligne à la page 42:
[TRADUCTION] Toutefois, le statut d'immigrant n'exclut pas
les procédures en vertu des autres paragraphes de l'article 18.
En particulier, l'article 18(1)d) prescrit qu'un rapport peut être
fait contre «toute personne autre qu'un citoyen canadien, qui est
déclarée coupable d'une infraction sous le régime des articles 3,
4, 5 ou 6 de la Loi sur les stupéfiants» et l'article 18(1)e)(ii)
prescrit qu'un rapport peut être fait contre «toute personne,
autre qu'un citoyen canadien ou une personne ayant un domi
cile canadien, qui a été déclarée coupable d'une infraction visée
par le Code criminel». La loi, par conséquent, prévoit qu'une
ordonnance d'expulsion peut être rendue contre une personne
qui, sur enquête, est déclarée une personne décrite à l'article
18(1)d) ou de l'article 18(1)e)(ii), comme c'est le cas en
l'espèce, même si elle est déjà visée par l'article 7(3).
Il considère que l'affaire Leiba, de même que
l'affaire Pringle à laquelle il se réfère également,
ont pour objet le défaut, par les autorités de
l'immigration, d'exécuter une obligation prévue
par la loi, ce qui semble être aussi le cas en
l'espèce. Il cite des extraits de l'arrêt Regina c.
Pringle, Ex parte Mills [1968] 2 O.R. 129 dans
lequel le juge d'appel Laskin déclare [à la page
133]:
[TRADUCTION] A mon avis, l'appelant avait ce droit [d'être
examiné]. La question n'est pas de savoir si on l'aurait déclaré
admissible à la résidence permanente; c'est là le rôle du fonc-
tionnaire examinateur.
La situation est la même en l'espèce.
A la page 44, l'arrêt Pereira énonce:
[TRADUCTION] La question réellement en jeu est de savoir,
quand deux voies sont offertes aux autorités de l'immigration
pour obtenir l'expulsion d'une personne, si elles doivent recourir
à celle qui permet au requérant d'exercer tous ses droits
d'audition et d'appel dans des circonstances dans lesquelles la
disponibilité de la voie moins favorable est due à un retard qui
est en grande partie imputable audit requérant.
Il poursuit à la même page:
[TRADUCTION] ... à mon avis, la référence du juge Laskin
dans l'arrêt Leiba à l'incapacité du requérant d'interjeter appel
quant à sa première demande, ne constituait pas une considéra-
tion déterminante.
En toute déférence, je ne puis admettre que la
privation d'un droit d'appel n'est pas une considé-
ration déterminante ou n'était pas une considéra-
tion importante dans l'arrêt Leiba.
Le savant juge fait une distinction entre les
affaires Leiba et Pringle d'une part, parce que
dans aucun des deux cas le requérant n'a eu une
audition équitable sur le bien-fondé de son statut
d'immigrant au Canada, tandis que Pereira en a
bénéficié devant un enquêteur spécial, d'autre
part, parce que les autorités n'avaient pas suivi les
procédures prévues par la loi, ce qui n'était pas
imputable au requérant, tandis que dans l'affaire
Pereira le requérant lui-même était, dans une large
mesure, responsable du défaut des autorités d'im-
migration de recourir à une voie qui lui était plus
favorable. Dans la présente espèce, ce n'est certai-
nement pas la faute de McDonald si sa demande
d'obtention du statut d'immigrant n'a pas été exa
minée plus tôt (à moins qu'on invoque qu'il en est
responsable, pour avoir fait les fausses déclarations
qui ont entraîné les accusations aux termes de
l'article 46). Il n'y a pas eu manque de diligence de
sa part ou de celle de son avocat dans la recherche
de l'examen de sa demande, ni de celle de son
épouse en son nom personnel ou en celui de son
fils. Je conclus, en conséquence qu'il faut faire une
distinction avec l'affaire Pereira.
Je conclus que l'enquête spéciale de l'enquêteur
Smith instituée en vertu du rapport du 12 juillet
1976 établi conformément à l'article 18, doit être
suspendue jusqu'à ce qu'une décision finale inter-
vienne sur la demande de résidence permanente
déposée par Johnnie Dale McDonald le 14 juillet
1972.
ORDONNANCE
La Cour ordonne au ministre de la Main-d'oeu-
vre et de l'Immigration et à l'enquêteur spécial
Smith de suspendre l'enquête spéciale instituée
contre Johnnie Dale McDonald en vertu du rap
port en date du 12 juillet 1976 établi conformé-
ment à l'article 18, jusqu'à ce qu'une décision
finale intervienne sur sa demande de résidence
permanente déposée le 14 juillet 1972; les con-
damne aux dépens.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.