T-210-75; T-339-76
Alberta and Southern Gas Co. Ltd. (Demande-
resse)
c.
La Reine (Défenderesse)
Division de première instance, le juge Cattanach—
Calgary, les 7 et 8 juin et 19 et 20 août 1976;
Ottawa, le 10 septembre 1976.
Impôt sur le revenu Interprétation des dispositions
d'exemption La demanderesse a-t-elle acquis des «avoirs
miniers canadiens» au sens de l'art. 65 de la Loi de l'impôt sur
le revenu L'opération entre la demanderesse et une tierce
partie est-elle un trompe-l'œil ou un subterfuge Les motifs
du contribuable ne sont pas pertinents si les accords créent des
droits et des obligations juridiques Les exceptions prévues à
l'art. 66 s'appliquent-elles à la demanderesse Il incombe au
contribuable de prouver sa situation exceptionnelle en vertu de
la Loi L'intérêt sur de l'argent emprunté peut-il être déduit
aux termes de l'art. 20(1)c)—La demanderesse est-elle un
«exploitant» et a-t-elle une «participation» au sens de l'art.
1202 des Règlements pour bénéficier des déductions pour
épuisement des ressources—Loi de l'impôt sur le revenu, S.C.
1970-71-72, c. 63, art. 20, 65, 66, 245—Règlements de l'impôt
sur le revenu, art. 1201 et 1202.
La défenderesse a refusé d'accorder à la demanderesse un
dégrèvement pour des frais d'exploration et d'aménagement au
Canada pour 1972 et 1973 et, conséquemment, une allocation
pour épuisement des ressources et des déductions pour ces deux
années concernant l'intérêt sur de l'argent emprunté en vue de
tirer un revenu d'un bien. L'objet de la demanderesse—l'appro-
visionnement de la compagnie mère aux États-Unis en gaz
naturel—était limité par la demande du gouvernement de
répondre aux besoins des consommateurs canadiens avant d'ob-
tenir un permis d'exportation. La demanderesse est tenue de
s'approvisionner régulièrement et de constamment rechercher
de nouvelles ressources pour assurer le remplacement du gaz
utilisé et répondre à la demande croissante. Ainsi, d'après la
demanderesse, les paiements anticipés faits pour la prospection
sont, en fait, des prêts pour l'exploitation des ressources futures
et pour des activités de prospection comportant des risques
d'échec et sont donc des objectifs légitimes et accessoires à
l'achat et à la revente de gaz. Les fonds affectés 1. cette fin sont
tirés d'un montant de $0.03 inclus par convention dans le prix
du gaz vendu à la compagnie mère. Les fonds ainsi exigés en
1972 et 1973 n'ont pas été utilisés de cette façon et devraient
donc normalement constituer un revenu. Cependant, la deman-
deresse a convenu, pour chacune de ces années, avec une
compagnie productrice de gaz («Amoco») qu'en contrepartie du
paiement de $4 millions, Amoco remettrait à la demanderesse
un pourcentage de sa participation active, identifiée comme un
droit'de produire et d'aliéner le pétrole des terrains spécifiés qui
étaient en fait des terrains dont la demanderesse extrayait le
gaz en vertu de contrats concernant l'achat de gaz. Ces droits
étaient incessibles jusqu'à ce que la demanderesse reçoive $4
millions ou du pétrole pour une valeur de $4 millions. En
réalité, le montant était remboursé chaque année en espèces; en
vertu des accords, la demanderesse était propriétaire du pétrole
mais elle a autorisé Amoco à l'extraire et à le vendre à ses
propres frais et à lui payer en espèces sa part de la participation
active. Les terrains spécifiés appartenaient principalement mais
non uniquement à Amoco et les autres parties intéressées ont
approuvé de façon informelle la succession de la demanderesse
à la participation que lui avait transmise Amoco.
Arrêt: les appels sont accueillis. La demanderesse a prouvé
qu'elle avait acquis des «avoirs miniers canadiens» en 1972 et
1973 tels que définis par l'article 66(15)c)(i) et (vi) de la Loi et
les frais d'acquisition peuvent être déduits comme frais d'explo-
ration et d'aménagement au Canada aux termes de l'article
66(15)b)(iii) payés par une «corporation exploitant une entre-
prise principale» telle que définie aux articles 66(15)h) et
66(1)a). La demanderesse a prouvé également que ses activités
constituaient une «mise en vente» au sens de l'article
66(15)h)(i) et qu'elle n'était pas simplement le mandataire de
la compagnie mère puisqu'elle avait une existence corporative
distincte. Les accords entre la demanderesse et Amoco devaient
créer et ont effectivement créé des droits et des obligations
juridiques; ils ne constituaient donc pas des trompe-l'oeil. Fina-
lement, la demanderesse a emprunté de l'argent pour payer
Amoco et l'intérêt à payer était un intérêt sur de l'argent
emprunté dans le but de tirer un revenu de biens. Les déduc-
tions pour épuisement des ressources sont accordées conformé-
ment à l'article 1202(1) des Règlements puisque la demande-
resse n'est pas un «exploitant» au sens de l'article 1202(1)a) des
Règlements.
Arrêts mentionnés: Harris c. M.R.N. [1965] 2 R.C.É. 653.
Arrêts approuvés: Snook c. London & West Riding Invest
ments, Ltd. [1967] 1 All E.R. 518 et The Commissioners
of Inland Revenue c. His Grace The Duke of Westminster
[1936] A.C. 1.
APPEL en matière d'impôt sur le revenu.
AVOCATS:
M. A. Putnam et F. R. Matthews pour la
demanderesse.
J. A. Scollin, c.r., et N. W. Nichols pour la
défenderesse.
PROCUREURS:
MacKimmie, Matthews, Calgary, pour la
demanderesse.
Le sous-procureur général du Canada pour la
défenderesse.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE CATTANACH: La demanderesse inter-
jette appel de cotisations à l'impôt sur le revenu
établies par le ministre du Revenu national pour
les années d'imposition 1972 et 1973. A cette
occasion, le Ministre a refusé d'accorder à la
demanderesse un dégrèvement pour des frais d'ex-
ploration et d'aménagement au Canada au mon-
tant de $4,000,000 pour chacune de ces années et,
à la suite de ce refus, le Ministre lui a également
refusé une allocation pour épuisement des ressour-
ces en vertu des règlements d'application de la Loi
de l'impôt sur le revenu, et a rejeté sa demande de
déduction concernant l'intérêt sur des emprunts
effectués au cours de l'année d'imposition 1972,
mais il n'a pas rejeté une demande semblable pour
l'année d'imposition 1973.
L'avocat du Ministre a déclaré que si celui-ci
n'avait pas rejeté la demande concernant l'intérêt
pour l'année d'imposition 1973, c'était par oubli.
Cependant, même si je devais conclure que la
demanderesse a présenté à tort une demande pour
les intérêts de cette année-là et que le Ministre
aurait dû la rejeter, alors que je suis saisi de la
même question pour l'année d'imposition 1972,
cette question précise n'est pas en litige pour l'an-
née d'imposition 1973.
Dans l'affaire Harris c. M.R.N.' mon collègue
le juge Thurlow a statué que, lorsqu'un contribua-
ble interjette appel, il interjette appel de la cotisa-
tion du Ministre. Ce dernier ne peut interjeter
appel de la cotisation; par conséquent, si l'on auto-
rise le Ministre à rejeter la demande concernant la
déduction de l'intérêt pour l'année d'imposition
1973 et à augmenter ainsi la cotisation de la
demanderesse, on autorise le Ministre à interjeter
appel de la cotisation qu'il a lui-même établie. Je
n'ai pas compétence sur cette question. Lorsqu'elle
a été soulevée, l'avocat du Ministre n'a pas proposé
ni demandé le contraire et ceci à juste titre.
Les parties ne sont pas en désaccord sur les
montants impliqués ni sur les faits essentiels. Le
litige porte sur les conclusions appropriées qu'il
faut tirer des faits non contestés.
La demanderesse a été constituée en compagnie
par actions conformément aux lois de la province
de l'Alberta le 25 mars 1957. La demanderesse est
une filiale à cent pour cent de Pacific Gas and
Electric Co., corporation sans doute constituée
conformément aux lois d'un des États-Unis
d'Amérique; cette compagnie est un distributeur
important de gaz naturel et d'électricité en Cali-
fornie du nord et du centre.
1 [1965] 2 R.C.É. 653.
La preuve démontre, si je me souviens bien,
qu'avant la constitution en corporation de la
demanderesse, Pacific Gas and Electric Co. a
acheté du gaz naturel en Alberta pour approvision-
ner ses clients en Californie, mais pour diverses
raisons, elle a estimé opportun de constituer la
demanderesse à cette fin.
Pacific Gas and Electric Co. a également contri-
bué à assurer la constitution en corporation de
Pacific Gas Transmission, ou elle a acquis la majo-
rité des actions de cette compagnie. Par consé-
quent, Pacific Gas Transmission est également une
filiale de Pacific Gas and Electric Co.
Pacific Gas Transmission exploite un gazoduc
qui relie Kingsgate (États-Unis), près de la fron-
tière de la Colombie-Britannique, à la frontière de
l'Oregon et de la Californie. Alberta Natural Gas
Co., dont Pacific Gas Transmission possède 45%
des actions, exploite un gazoduc qui relie un point
situé au sud-ouest de l'Alberta, au gazoduc de
Pacific Gas Transmission près de la frontière des
États-Unis et de la Colombie-Britannique. La
demanderesse traite avec Alberta Gas Trunk Lines
pour transporter le gaz naturel que la demande-
resse achète sur les lieux de production vers le
sud-ouest de l'Alberta et pour desservir les clients
sur le parcours; le gaz qui reste à la demanderesse
au sud-ouest de l'Alberta est transporté par Alber-
ta Natural Gas Co. jusqu'au gazoduc exploité par
Pacific Gas Transmission par lequel le gaz est
acheminé en Californie aux consommateurs finals
de cet état.
La demanderesse a pour objet d'acheter le gaz
naturel aux producteurs de l'Alberta pour répon-
dre à la demande de sa compagnie mère afin de
fournir un approvisionnement régulier en gaz
naturel destiné à satisfaire les besoins des clients
de la compagnie mère en Californie. La demande-
resse ne vend pas directement ce gaz à la compa-
gnie mère mais elle le vend à la société soeur en
Alberta, Pacific Gas Transmission.
A cette fin, la demanderesse a conclu environ
300 350 contrats portant sur l'achat de gaz
auprès de quelque 83 100 producteurs de gaz.
Ces chiffre sont approximatifs et diffèrent de
temps en temps selon les fluctuations des disponi-
bilités en gaz et, naturellement, la demanderesse
conclut plus d'un contrat avec le même producteur
de gaz.
Les deux clients principaux de la demanderesse,
pour le gaz à l'exportation, sont Pacific Gas Trans
mission et Canadian Montana Pipeline Company.
La demanderesse vend également du gaz naturel
qu'elle achète en Alberta à Columbia Natural Gas
Limited et celui-ci est distribué en Colombie-Bri-
tannique. Par suite de la politique des gouverne-
ments concernés, les permis d'exportation ne peu-
vent être accordés avant que les besoins internes ne
soient déjà satisfaits. Par conséquent, la demande-
resse vend du gaz à deux distributeurs importants
en Alberta, Northwestern Utilities Limited et
Canadian Western Natural Gas Limited, et à
d'autres clients canadiens sur le parcours des gazo-
ducs tels que des municipalités, des coopératives de
gaz et des agriculteurs. Elle vend également du
gaz à une entreprise d'extraction de l'Alberta.
Cependant, Pacific Gas Transmission est de loin
son client le plus important en Alberta; ce gaz est
destiné aux clients de la société mère de la deman-
deresse, Pacific Gas and Electric Co. en
Californie.
En 1972, environ 86% des ventes totales de gaz
de la demanderesse ont été effectuées à Pacific
Gas Transmission Company et, en 1973, 83%.
Durant la même période, environ 6.27% des ventes
totales de gaz de la demanderesse ont été consen-
ties à Canadian Montana Pipeline Company, l'au-
tre client important. Le reste des ventes de la
requérante, soit entre 8 et 11% concernait les
clients canadiens mentionnés précédemment.
Il est tout à fait évident que la demanderesse est
tenue de s'approvisionner régulièrement en gaz
naturel pour sa compagnie mère et, pour assurer
cet approvisionnement, elle doit également répon-
dre aux besoins des consommateurs canadiens, ce
qui crève l'approvisionnement de la requérante en
raison de la politique du gouvernement. Il est très
probable que les besoins du marché canadien aug-
menteront et, même si ceux de la compagnie mère
de la demanderesse demeuraient simplement cons
tants, la demanderesse devrait veiller à s'assurer
qu'elle est en mesure de satisfaire ces deux mar-
chés obligatoires. La demanderesse doit donc s'as-
surer que les contrats en cours portant sur l'achat
du gaz sont appropriés et veiller à s'assurer des
nouvelles sources d'approvisionnement lorsque les
sources existantes seront insuffisantes ou épuisées.
A cette fin, la demanderesse fournit aux produc-
teurs des avances de prospection comportant des
risques d'échec, dans l'espoir de nouvelles décou-
vertes, et elle participe activement à l'exploitation.
Le Ministre a autorisé la demanderesse à déduire
des dépenses de ce genre. Pour encourager les
producteurs à prospecter, la demanderesse leur a
fait des paiements anticipés, leur permettant ainsi
de faire de la prospection; cela lui permettait par
la même occasion d'acheter la clientèle de ses
producteurs pour rester un client concurrentiel.
La demanderesse a également consenti des prêts
aux producteurs sous réserve d'un remboursement
en nature sous forme de gaz découvert.
Ce sont les trois méthodes utilisées par la
demanderesse pour promouvoir la prospection de
gaz: (1) paiements anticipés pour les réserves con-
nues, (2) prêts accordés aux producteurs pour les
aider à exploiter des ressources futures consacrées
à la demanderesse et (3) activités de prospection
comportant des risques d'échec. Il s'agit pour la
demanderesse d'un objectif légitime et accessoire à
son activité d'achat et de revente de gaz.
Un montant de trois cents inclus dans le prix du
gaz que la demanderesse vend à la compagnie
mère par l'intermédiaire de Pacific Gas Transmis
sion fournit les fonds affectés à cette fin. Elle
vendait à la compagnie mère le gaz au plus élevé
des prix suivants: .31 ¢ les mille pieds cubes pour ce
qui est du gaz conforme aux caractéristiques, ou le
coût de service. Des accords ont été conclus avec
Canadian Montana Pipeline Company pour accor-
der à la demanderesse un fonds de prospection et
d'aménagement des ressources en gaz au Canada.
Cependant, les trois cents inclus dans le prix de
vente demandé par la demanderesse à la compa-
gnie mère constituaient la source principale de
liquidités pour les dépenses de prospection et
d'aménagement. Cela faisait l'objet d'un accord
particulier au moment où a été fixé le prix de vente
du gaz et il est également prévu que les fonds ainsi
obtenus seraient affectés exclusivement à cette fin.
Au cours des années d'imposition 1972 et 1973,
la demanderesse a retiré chaque année un produit
de $4,000,000 de ses ventes de gaz à la compagnie
mère, ou plus exactement à sa filiale soeur. Au
cours de ces deux années, la demanderesse n'a
jamais affecté ces montants à la prospection et à
l'aménagement des ressources selon l'une des trois
méthodes usuelles adoptées et décrites précédem-
ment. Par conséquent, si ces deux montants
n'étaient pas affectés aux dépenses de prospection
et d'aménagement avant la fin des années respecti-
ves d'imposition, ils constitueraient sans aucun
doute un revenu au cours de chaque année et
seraient imposables en tant que tels. Les dirigeants
de la demanderesse en sont tout à fait conscients.
Celle-ci a cherché les moyens de contourner cette
conséquence inévitable au cours de ces deux
années.
Comme les témoins l'ont fait remarquer avec
justesse, le moyen utilisé pour [TRADUCTION]
«soustraire ces montants à l'emprise du fisc et pour
conserver les fonds et les utiliser dans le but prévu
à l'origine» (c'est-à-dire pour des dépenses de pros-
pection et d'aménagement), consistait à conclure
des accords «sur mesure» avec Amoco Petroleum
Company Ltd. (ci-après appelée «Amoco»), com-
pagnie productrice de gaz avec laquelle la deman-
deresse avait également conclu des accords concer-
nant l'achat de gaz. Ce fait n'avait apparemment
aucune importance pratique sur la volonté qu'avait
Amoco de conclure ces accords avec la demande-
resse. Ces accords «sur mesure» étaient bien
connus dans l'industrie du pétrole et Amoco en
avait conclu plusieurs avec d'autres contractants.
Le premier de ces accords a été conclu entre la
demanderesse et Amoco le 27 décembre 1972; il a
été produit comme pièce sous la cote 7-2, et il
s'applique à l'année d'imposition 1972. Le
deuxième accord a été conclu le 27 décembre
1973; il s'applique à l'année d'imposition 1973 et a
été déposé sous la cote 12. Sous réserve de diffé-
rences mineures, les deux accords sont par ailleurs
identiques en substance.
Les accords prévoient essentiellement qu'en con-
trepartie du paiement de $4,000,000 effectué par
la demanderesse à Amoco, celle-ci [TRADUCTION]
«attribue, vend, cède, transmet et remet» à la
demanderesse un pourcentage (59% en 1972 et
43.6% en 1973) de la «participation active»
d'Amoco qui consiste, aux termes des accords, en
[TRADUCTION] «droit, permis ou privilège» que
détient Amoco de [TRADUCTION] «produire,
extraire et aliéner le pétrole» provenant des ter
rains énoncés à l'annexe de chaque accord. Il
s'agissait en réalité des terrains dont le gaz con-
forme aux caractéristiques était extrait au profit
de la demanderesse et qu'elle achetait à Amoco en
vertu de contrats existants concernant l'achat de
gaz intervenus entre elles et, par conséquent, la
demanderesse en connaissait les ressources et elle
exerçait un contrôle sur les terrains qui devaient
être inclus dans les annexes.
Les accords prévoient que la demanderesse est
autorisée à bénéficier à jamais des droits cédés
sous réserve que le droit dont elle dispose à l'égard
de la participation d'Amoco s'achève avec la livrai-
son à la demanderesse de pétrole pour une valeur
de $4,000,000 ou la remise de $4,000,000, ces
sommes portant un intérêt annuel de 3%. En réa-
lité, le montant de $4,000,000 était remboursé
chaque année en espèces et non pas en nature
l'année suivant l'exécution de chaque accord. Je le
répète, les accords conféraient à la demanderesse
la propriété du pétrole ainsi que le droit de l'ex-
traire sans frais et de le vendre. La demanderesse
n'a pas choisi d'agir de cette façon mais, comme le
prévoient ces accords, elle a autorisé Amoco à
poursuivre l'extraction de pétrole sur les lieux, à le
raffiner et à en vendre les produits finis, et après le
paiement en espèces, la demanderesse a obtenu
paiement de la totalité du pétrole auquel elle avait
droit. Ceci étant, la participation remise par
Amoco à la demanderesse revenait à Amoco.
Les accords prévoient en particulier que tous les
frais et dépenses de production de pétrole seront
supportés par Amoco et non pas par la
demanderesse.
Si Amoco faillit à ces obligations concernant
l'extraction de pétrole et affecte le produit de la
vente pour rembourser ses dettes à la demande-
resse, les accords prévoient que cette dernière a le
droit d'entrer en possession des lieux, d'être substi-
tuée aux droits d'Amoco concernant la prospec-
tion, et d'exploiter les champs de pétrole, de
vendre les produits pétroliers et d'en affecter le
produit d'abord aux dépenses qu'elle a engagées
pour procéder à cette production et ensuite au
paiement des montants dus par Amoco à la
demanderesse en vertu des accords.
Amoco ne détenait pas 100% de la participation
active dans les terrains mentionnés en annexe des
accords. Ces terrains étaient soumis à des accords
unitaires, c'est-à-dire qu'un certain nombre de pre-
neurs regroupent leurs baux, que l'un des preneurs
devient l'exploitant et que tous les preneurs qui
participent à l'accord d'exploitation en commun se
partagent le profit selon leur contribution
respective.
L'examen des terrains mentionnés dans les
annexes montre que dans la plupart des cas Amoco
était le participant le plus important du regroupe-
ment et qu'elle était l'«exploitant» des champs aux
termes des accords d'exploitation conclus par les
participants. Par conséquent, lorsque Amoco a
cédé à la demanderesse un certain pourcentage de
sa participation active dans ces terrains, cette der-
nière était substituée à cette participation que lui
avait transmise Amoco et participait ainsi aux
différents accords unitaires avec l'approbation des
autres parties. Habituellement, cette approbation
était donnée d'une façon très informelle au cours
d'entretiens téléphoniques. C'est ce qu'a déclaré
M. Goudie, vice-président de la demanderesse.
Malgré tous ces événements, la demanderesse a
sollicité, dans ses déclarations d'impôt sur le
revenu pour les années 1972 et 1973, la déduction
des montants respectifs de $4,000,000 pour chaque
année en faisant valoir qu'ils avaient été affectés à
l'acquisition d'«avoirs miniers canadiens» tels que
définis par l'article 66(15)c)(1) et (vi) de la Loi de
l'impôt sur le revenu. Elle a fait également valoir
qu'aux termes de l'article 66(15)b)(iii), les frais
d'acquisition d'avoirs miniers canadiens consti
tuent des frais d'exploration et d'aménagement au
Canada et qu'à ce titre, ils peuvent être déduits
conformément à l'article 66(1)a) par une «corpora-
tion exploitant une entreprise principale», lors du
calcul de son revenu pour une année d'imposition.
Pour bénéficier de cette déduction, la demande-
resse doit d'abord répondre à la définition d'une
«corporation exploitant une entreprise principale»
que donne l'article 66(15)h).
Il convient à ce stade d'exposer les articles préci-
tés de la Loi de l'impôt sur le revenu. Voici
l'article 66(1)a):
66. (1) Une corporation exploitant une entreprise principale
peut déduire, lors du calcul de son revenu pour une année
d'imposition, le moins élevé des montants suivants:
a) le total des frais d'exploration et d'aménagement qu'elle a
engagés au Canada avant la fin de l'année d'imposition, dans
la mesure où ils n'étaient pas déductibles lors du calcul de
son revenu pour une année d'imposition antérieure, ou
Voici l'article 66(15)b)(iii):
b) «frais d'exploration et d'aménagement au Canada» enga-
gés par une contribuable signifie
(iii) le prix auquel lui revient tout avoir minier canadien
dont il a acquis la propriété,
L'article 66(15)c)(1) et (vi) se lit comme suit:
c) «avoirs miniers canadiens» d'un contribuable signifie tout
bien que celui-ci a acquis après 1971 et qui est
(i) un droit, permis ou privilège afférent aux travaux
d'exploration, de forage ou d'extraction, relatifs au pétrole,
au gaz naturel ou à d'autres hydrocarbures apparentés au
Canada,
(vi) tout droit afférent à des biens visés à l'un ou l'autre
des sous-alinéas (i) à (y);
et l'article 66(15)h)(1):
h) «corporation exploitant une entreprise principale» signifie
une corporation dont l'entreprise principale est
(i) soit la production, le raffinage ou la mise en vente du
pétrole, de ses dérivés ou du gaz naturel, soit la recherche
du pétrole ou du gaz naturel par exploration ou forage,
La Loi de l'impôt sur le revenu a comme objec-
tif général de prévenir la déduction d'un paiement
à titre de capital au moment du calcul du revenu.
Normalement, le paiement effectué par la deman-
deresse pour acquérir une participation dans un
gisement de gaz ou dans un gisement susceptible
de produire du gaz constitue une dépense pour
l'acquisition d'un actif immobilisé; il s'agit donc
d'une dépense en capital qui n'est pas déductible.
Les articles précités de la Loi de l'impôt sur le
revenu expriment une intention particulière incom
patible avec l'économie générale de la loi et, en
tant que tels, il faut les considérer comme une
exception.
Pour bénéficier d'une exception, un contribuable
doit répondre précisément à l'énoncé de la disposi
tion d'exemption.
Dans son exposé de défense, Sa Majesté a
d'abord expressément nié une prétention avancée
par la demanderesse dans sa déclaration selon
laquelle elle était une «corporation exploitant une
entreprise principale» telle que cette expression est
définie dans la loi. Ensuite, la défenderesse a nié le
fait que la demanderesse ait acquis des «avoirs
miniers canadiens» aux termes des accords qu'elle
a conclus avec Amoco.
Il incombe à la demanderesse de prouver l'exis-
tence de ces conditions préalables pour bénéficier
des déductions demandées au titre des frais qu'elle
a engagés pour l'acquisition des droits d'Amoco et
pour bénéficier des autres déductions résultantes
qui lui ont été refusées comme cela a été expliqué
au début. Si la demanderesse ne s'acquitte pas de
cette preuve, la question est réglée et les deux
appels doivent être rejetés à leur totalité.
Par conséquent, il faut d'abord se pencher sur la
question de savoir si la définition d'une «corpora-
tion exploitant une entreprise principale» de l'arti-
cle 66(15)h)(i) précité s'applique à la
demanderesse.
Selon M. Goudie, les activités de la demande-
resse consistent à acheter et à vendre du gaz
naturel. Il faut alors se demander s'il s'agit de
«mise en vente» au sens de l'article 66(15)h)(i).
L'expression «mise en vente» de cet article ne vise
pas et ne déclare pas qu'elle vise un art ou une
science déterminés. A mon avis, l'expression n'est
pas utilisée dans un sens technique et elle n'a pas
de signification technique. Il faut donc attribuer à
cette expression le sens consacré par l'usage.
Je sais que les dictionnaires ne constituent pas
une référence sûre pour la signification des mots
utilisés dans les lois; cependant, il est de jurispru
dence constante que, lorsqu'un mot est utilisé dans
son sens ordinaire, comme c'est le cas pour l'ex-
pression «mise en vente», il faut alors se référer au
dictionnaire pour avoir des explications.
Le Shorter Oxford English Dictionary, 3 e éd.,
définit le mot «vente» de la façon suivante: [TRA-
DUCTION] «activité ou entreprise ayant pour objet
l'achat ou la vente» et il définit «la mise en vente»,
substantif du verbe «vendre», comme «les activités
ayant pour objet la vente».
Selon M. Goudie, l'entreprise de la demande-
resse consiste à acheter et à vendre du gaz naturel;
il a également expliqué comment ces activités
étaient dirigées. La demanderesse devait acheter
suffisamment de gaz naturel pour satisfaire la
demande de ses clients. Elle a conclu avec environ
100 producteurs de gaz naturel quelque 350 con-
trats d'achat au cours de chaque année financière.
A mon sens, cela représente des achats importants.
La demanderesse vend le gaz qu'elle achète à un
client important, la compagnie mère. Cette der-
nière achète environ 83% du gaz acheté par la
demanderesse. Un autre client important achète
environ 6%; il reste donc 11% répartis entre divers
clients. Il ne fait aucun doute qu'il y a un nombre
important de clients et que la compagnie mère
n'est pas le client exclusif de la demanderesse. Ceci
est impossible en raison de la politique du gouver-
nement selon laquelle la demanderesse doit
d'abord satisfaire les demandes des clients cana-
diens avant d'obtenir un permis d'exportation. La
demanderesse doit donc acheter suffisamment de
gaz pour satisfaire les besoins de la compagnie
mère, mais elle doit surtout acheter suffisamment
de gaz pour satisfaire les besoins du marché cana-
dien qu'elle doit desservir.
L'avocat de la défenderesse prétend que la
demanderesse ne s'est pas acquittée de l'obligation
de prouver que son activité constitue une «mise en
vente» étant donné qu'elle n'a pas mené une cam-
pagne active pour rechercher de nouveaux clients.
La demanderesse n'avait pas à le faire. Elle avait
trois clients importants dont la compagnie mère
qui lui achetait la majeure partie de ses achats.
Elle devait acheter le gaz pour satisfaire les
besoins de la compagnie mère et ceux des autres
clients qu'elle devait desservir soit en vertu d'un
contrat soit pour obtenir un permis d'exportation.
La compagnie mère de la demanderesse était cer-
tainement le client principal mais il y en avait
d'autres, dont certains lui étaient imposés mais
qu'elle devait approvisionner. La demanderesse a
donc acheté du gaz à de nombreux producteurs et
l'a revendu à de nombreux consommateurs, même
si la majeure partie de ses achats était destinée à
un seul client. Il s'agissait donc d'achats et de
ventes et, par conséquent, de «mise en vente».
L'avocat de la défenderesse soutient également
que la demanderesse était simplement le manda-
taire de la compagnie mère. Cette prétention est
erronée dans la mesure où elle méconnaît la doc
trine de l'existence distincte de la compagnie et le
fait que la compagnie mère n'était pas l'unique
client de la demanderesse. Une compagnie peut
diriger l'entreprise d'un acheteur mandataire de
plusieurs mandants; la demanderesse n'est toute-
fois pas le mandataire de ses autres clients (à
supposer qu'elle soit l'acheteur mandataire de la
compagnie mère, ce que je n'accepte pas à cause
du concept d'existence distincte) et, par consé-
quent, ses activités ne sont pas celles d'un acheteur
mandataire; elles consistent plutôt à acheter et
vendre du gaz naturel. Pour les motifs qui précè-
dent, j'estime donc qu'il s'agit de «mise en vente».
J'en conclus donc que la demanderesse s'est
acquittée du fardeau de la preuve qui lui incombe
à cet égard.
On a également prétendu que la demanderesse
n'a pas acquis des «avoirs miniers canadiens» aux
termes des accords qu'elle a passés avec Amoco,
parce que ces accords ne prévoyaient pas l'acquisi-
tion d'«un droit, permis ou privilège afférent aux
travaux ... d'extraction, relatifs au pétrole, au gaz
naturel ou à d'autres hydrocarbures», mais simple-
ment l'acquisition de la propriété de la participa
tion d'Amoco dans le pétrole gisant sous les ter
rains mentionnés dans les annexes des accords et
parce qu'en réalité les opérations mentionnées dans
les accords conclus entre la demanderesse et
Amoco concernaient des prêts temporaires
garantis.
A mon avis, il ne s'agit pas de prêts temporaires
accordés par la demanderesse à Amoco puisqu'il
manque un élément essentiel du prêt. Dans un
prêt, l'avance doit être remboursée. Or les accords
prévoient qu'aucune de ses dispositions ne peut
être interprétée comme créant une responsabilité
personnelle pour Amoco de rembourser le capital
ainsi que l'intérêt sur ce capital, mais que la
demanderesse ne peut exiger qu'un remboursement
en nature, c'est-à-dire du pétrole, jusqu'à concur
rence de la participation d'Amoco cédée à la
demanderesse. Si le pétrole venait à s'épuiser, ou si
il n'y en avait plus de disponible, ce qui est une
autre possibilité même si la demanderesse a choisi
avec un soin particulier les champs mentionnés
dans les annexes des accords dont elle connaissait
le gisement potentiel et évalué, alors la demande-
resse n'aurait plus aucun recours contre Amoco. Je
n'ai pas oublié la disposition prévoyant qu'Amoco
serait responsable de dommages-intérêts pour
inexécution de contrat mais, compte tenu de la
clause contraire, cette disposition ne peut com-
prendre un accord de remboursement.
J'estime pour ces raisons qu'il est impossible
d'interpréter ces opérations comme un prêt réel.
En contrepartie des deux paiements de $4,000,-
000 chacun, la demanderesse a reçu un pourcen-
tage de la participation d'Amoco dans ce qui est
sans aucun doute des avoirs miniers canadiens
pour Amoco et dont le coût pour la demanderesse
constitue des frais d'exploration et d'aménagement
au Canada.
Amoco avait tout à fait le droit de prendre sa
participation concernant le pétrole, le gaz naturel
ou d'autres hydrocarbures apparentés, en propor
tion de ses droits et la demanderesse a donc acquis
un pourcentage des droits d'Amoco ou de ses
intérêts dans des avoirs miniers canadiens. La
demanderesse a donc acquis ce bien et elle était
autorisée à le 'conserver jusqu'à ce qu'Amoco la
rembourse avec le pétrole extrait et, à cette
époque, les intérêts revenaient à Amoco.
Amoco a cédé à la demanderesse une partie de
la propriété du pétrole et elle lui a également
transféré le droit de prendre ce pétrole en nature.
Un droit essentiel d'«extràire» est affirmé sur la
propriété. La demanderesse n'a pas exercé le droit
d'extraire le pétrole en prenant possession des ter
rains et en procédant elle-même à son extraction;
elle a préféré autoriser Amoco à poursuivre l'ex-
traction du pétrole sur les terrains exploités par
Amoco en vertu d'un accord unitaire entre les
propriétaires de ressources regroupées; la deman-
deresse en avait d'ailleurs le droit en vertu de
l'accord conclu avec Amoco.
J'estime donc que la demanderesse a confié à
Amoco le mandat d'extraire le pétrole en son nom.
Suivant le principe du mandat, ce que l'on fait par
l'intermédiaire d'un mandataire, on le fait pour
son propre compte. Ceci étant, outre qu'elle avait
le droit d'extraire du pétrole, la demanderesse a de
fait extrait du pétrole; la demanderesse a autorisé
Amoco à le conserver et à vendre la part de la
demanderesse pour son compte, et le produit a
servi à acquitter l'obligation d'Amoco à l'égard de
la demanderesse. A mes yeux, il n'est pas incompa
tible de céder la propriété de pétrole en même
temps que le droit de l'extraire. Il me semble que
la propriété est une condition préalable au droit
d'extraction.
J'en conclus par conséquent que la demande-
resse a acquis des avoirs miniers canadiens au sens
de la définition de cette expression à l'article
65(15)c) et non pas simplement la propriété de
pétrole comme la défenderesse le prétend.
Les conclusions auxquelles je suis parvenu à ce
stade ne résolvent pas la question. A l'affirmation
selon laquelle la demanderesse n'était pas une
corporation exploitant une entreprise principale et
selon laquelle la demanderesse n'a pas acquis des
avoirs miniers canadiens, l'avocat du Ministre a
ajouté la prétention selon laquelle l'accord inter-
venu entre la demanderesse et Amoco (élégam-
ment qualifié d'accord «sur mesure») constituait un
trompe-l'oeil et un subterfuge et que, quel que soit
le lustre donné au libellé de l'accord, son but
réel—éviter le paiement d'impôt—transparaît à
travers ce voile artificiel; il a prétendu en outre que
la demanderesse a conclu ces accords non pas dans
un but commercial, mais dans l'intention de
demander une déduction pour frais d'exploration
et d'aménagement ainsi qu'une déduction pour
amortissement réduisant ainsi indûment ou de
façon factice son revenu, contrairement à l'article
245(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu, modifiée
par les S.C. 1970-71-72, c. 63 (ancien article
137(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu, S.R.C.
1952, c. 148).
Voici l'article 245 (1) de la Loi de l'impôt sur le
revenu:
245. (1) Dans le calcul du revenu aux fins de la présente loi,
aucune déduction ne peut être faite à l'égard d'un débours fait
ou d'une dépense faite ou engagée, relativement à une affaire
ou opération qui,\si elle était permise, réduirait indûment ou de
façon factice le revenu.
La nature de ces prétentions laisse à penser que
les thèses respectives se chevauchent considérable-
ment et qu'il est impossible de faire une distinction
entre l'une et l'autre.
M. Goudie et M. Clark, deux dirigeants de la
demanderesse, ont été cités comme témoins et ils
ont reconnu franchement que la demanderesse
avait conclu ces accords «sur mesure» avec Amoco
dans l'intention de soustraire au fisc les deux
montants de $4,000,000 qui auraient été imposa-
bles en tant que revenu au cours des années 1972
et 1973, afin de conserver ces sommes destinées
aux frais d'exploration et d'aménagement et dans
le but de les utiliser à cette fin plus tard d'une
manière plus directe, plus active et plus réaliste
que celle traduite par les accords sur mesure.
En l'espèce, et dans la mesure seulement où ces
opérations ne constituaient pas des trompe-l'oeil, il
me paraît que si la demanderesse est parvenue, en
invoquant les dispositions expresses de la Loi de
l'impôt sur le revenu, à entrer précisément dans le
champ d'application de ces dispositions, quels que
soient les motifs qui l'ont incitée à y recourir,—il
est admis qu'elle recherchait à réduire son impôt,
et en l'espèce elle l'a réduit à zéro. L'affaire est
donc close et les motifs qui l'ont incitée ne sont pas
pertinents.
Le lord juge Diplock (titre qu'il détenait alors) a
fait un exposé classique du trompe-l'oeil en décla-
rant dans l'affaire Snook c. London & West
Riding Investments, Ltd. 2 page 528:
[TRADUCTION] En ce qui concerne l'allégation de la deman-
deresse Auto-Finance Ltd. que ses transactions avec les défen-
deurs étaient un «trompe-l'oeil», il me semble nécessaire d'exa-
miner quelle notion juridique peut renfermer ce mot d'usage
courant et de sens péjoratif. Je croirais que, s'il a quelque
signification en droit, il désigne ces actes faits, ou passés par les
parties au «trompe-l'oeil» et qui visent à simuler, aux yeux des
tiers ou du tribunal, la création de droits ou d'obligations
juridiques différents des droits ou obligations juridiques que les
parties ont véritablement entendu créer (dans la mesure où elles
ont voulu en créer). Cependant, il est, me semble-t-il, clair en
droit, en morale et dans la jurisprudence (voir Yorkshire
Railway Wagon Co. c. Maclure ((1882) 21 Ch. D. 309);
Stoneleigh Finance, Ltd. c. Phillips ([1965] 1 All E.R. 513 et
[1965] 2 Q.B. 537) que, pour que des actes ou documents
soient un «trompe-l'oeil», avec toutes les conséquences juridiques
qui peuvent en découler, toutes les parties doivent avoir en
outre l'intention commune de ne pas créer par ces actes les
droits et obligations juridiques qu'elles paraissent y créer.
Les accords intervenus entre la demanderesse et
Amoco ont créé entre les parties les droits qu'elles
ont précisément envisagés et qu'elles ont respectés
conformément aux conditions prévues par les
2 [1967] 1 All E.R. 518.
accords. Ceci étant, les parties n'avaient pas envi-
sagé de créer par ces accords des droits et obliga
tions juridiques différents de ceux prévus en réalité
par les accords. En 1972 et 1973 Amoco a reçu
$4,000,000 qu'elle a pu utiliser comme fonds de
roulement à un taux d'intérêt de moitié inférieur
au taux bancaire alors en vigueur. C'est ce que
souhaitait Amoco et c'est ce dont elle a bénéficié.
Simultanément, la demanderesse a obtenu
d'Amoco une partie de sa participation au pétrole.
Pendant l'application de ces accords «sur
mesure», des contrats étaient en vigueur entre la
demanderesse et Amoco concernant l'achat de gaz.
Il est exact que ces contrats portaient sur du gaz
répondant à certaines caractéristiques et extrait
des mêmes champs que ceux dont la demanderesse
obtenait des dérivés du pétrole en vertu des
accords sur mesure, mais néanmoins ces dérivés
sont différents. Alors que l'essentiel du pétrole
extrait du gisement était transformé en gaz répon-
dant aux caractéristiques, il se peut qu'il restait
des produits pétroliers autres que ce gaz et c'est ce
que la demanderesse a reçu. Elle a reçu le gaz
répondant aux caractéristiques conformément aux
accords concernant l'achat de gaz et elle a reçu le
résidu en vertu des accords sur mesure, ou le
produit de leur vente si l'on suppose que le résidu
de ce pétrole a été vendu à d'autres acheteurs que
la demanderesse, ce qui a été le cas si mes souve
nirs sont exacts.
A mon avis, les accords «sur mesure» n'avaient
pas pour but de donner au tiers, y compris le
ministre du Revenu national, l'impression qu'ils
créaient des droits et des obligations autres que de
ceux créés et envisagés dans ces accords. Conclure
autrement irait à l'encontre des motifs réels qui
ont incité la demanderesse à conclure ces accords.
Il n'y a pas eu de dissimulation. En d'autres
termes, et d'une façon plus succincte et plus fami-
lière, si les parties à un contrat font précisément ce
à quoi elles s'engagent, il n'y a pas de trompe-l'oeil.
Par conséquent, si les parties font ce qu'elles
s'engagent de faire, ceci constitue le fond du con-
trat. Les accords étaient réels et non pas fictifs; ils
entraient dans le cadre des activités de la deman-
deresse, comme accessoires à son entreprise de
vente de gaz naturel.
Lord Tomlin déclarait dans l'affaire The Com
missioners of Inland Revenue c. His Grace The
Duke of Westminster', page 20:
[TRADUCTION] Cette doctrine dite du «fond» équivaut à mon
avis à vouloir faire payer une personne malgré les dispositions
que celle-ci a prises pour que le montant d'impôt qui lui est
réclamé ne soit pas légalement exigible.
Je conclus donc pour ces motifs que les accords
intervenus entre la demanderesse et Amoco ne
constituent pas des trompe-l'oeil ni des subterfuges.
Quant à l'application de l'article 245 aux résul-
tats de ces accords conclus entre la demanderesse
et Amoco, je pense que l'article 245 ne peut être
appliqué à juste titre à ces appels.
Je le répète, une règle de droit constant en
matière d'interprétation des lois indique qu'en pré-
sence d'un article particulier et d'un article général
dans la loi, une affaire à laquelle l'article particu-
lier est applicable doit être régie par cet article et
non pas par l'article général.
L'article 66 et les articles qui le suivent immé-
diatement (précités) en matière de frais d'explora-
tion et d'aménagement engagés par les corpora
tions exploitant une entreprise principale sont des
articles particuliers qui expriment clairement une
intention précise du Parlement. D'autre part, l'ar-
ticle 245 est un article général qui exprime une
intention générale.
En l'espèce, la demanderesse s'est elle-même
précisément soumise à l'intention législative parti-
culière exprimée dans l'article 66. L'intention
générale de l'article 245 est incompatible avec
l'intention particulière de l'article 66; il en résulte
donc que l'article 66 doit s'appliquer et non pas
l'article 245.
Le Ministre a également refusé à la demande-
resse la déduction de l'intérêt payé sur les
emprunts.
Voici l'article 20(1)c):
20. (1) Nonobstant les dispositions des alinéas 18(1)a),b) et
h), lors du calcul du revenu tiré par un contribuable d'une
entreprise ou d'un bien pour une année d'imposition, peuvent
être déduites celles des sommes suivantes qui se rapportent
entièrement à cette source de revenus ou la partie des sommes
suivantes qui peut raisonnablement être considérée comme s'y
rapportant:
[1936] A.C. 1.
c) une somme payée dans l'année ou payable pour l'année
(suivant la méthode habituellement utilisée par le contribua-
ble dans le calcul de son revenu), en exécution d'une obliga
tion légale de verser des intérêts sur
(i) de l'argent emprunté et utilisé en vue de tirer un
revenu d'une entreprise ou d'un bien (autre que l'argent
emprunté et utilisé pour acquérir un bien dont le revenu
serait exonéré d'impôt ou pour prendre une police
d'assurance-vie), -
Bien que Pacific Gas Transmission ait eu une
dette d'environ $4,000,000 à l'égard de la deman-
deresse au cours de l'année d'imposition 1972, ces
fonds n'étaient pas entre les mains de la demande-
resse et par conséquent elle a dû les emprunter à
son banquier pour payer les $4,000,000 qu'elle
devait à Amoco en vertu de l'accord de 1972.
La demanderesse a effectivement tiré un revenu
de ces opérations et par conséquent l'intérêt a été
payé sur de l'argent emprunté dans le but de tirer
un revenu de biens. Le revenu provient du taux
d'intérêt de 3% négocié par la demanderesse et
Amoco sur la contrepartie que lui a versée la
demanderesse. Il est exact que le taux d'intérêt
payé par la demanderesse sur l'emprunt à sa
banque dépasse le taux obtenu par la demande-
resse auprès d'Amoco, mais il n'en demeure pas
moins que l'intérêt versé par Amoco à la demande-
resse constitue un revenu. Si je me souviens bien,
la demanderesse a rapidement remboursé le prêt
bancaire tandis que la dette d'Amoco s'est prolon-
gée pendant une année ce qui peut avoir occa-
sionné un bénéfice pour la demanderesse. Le béné-
fice est différent du revenu. Le bénéfice est le
revenu moins les frais engagés pour gagner ce
revenu. Par conséquent, l'intérêt versé à la deman-
deresse demeure un revenu même en l'absence de
bénéfice.
Une redevance de $12,842.43 versée par Amoco
figure dans la déclaration fiscale de la demande-
resse pour 1972 et une redevance de $4,074,050.93
versée par Amoco figure dans la déclaration de
1973; sur chacune de ces sommes et au cours de
ces deux années, les amortissements pour épuise-
ment des ressources ont été demandés pour des
montants respectifs de $3,210.61 et $1,018,512.73;
ils représentent 25% de la redevance conformé-
ment à l'article 1202(1) des Règlements. Encore
une fois, l'exactitude de ces chiffres n'est pas
contestée. La déduction de l'intérêt sollicitée par la
demanderesse pour l'année d'imposition 1972 est
donc fondée.
La demanderesse a également sollicité une
déduction pour épuisement des ressources au cours
des années d'imposition 1972 et 1973 pour des
montants respectifs de $3,210.61 et de $1,018,-
512.73, ce qui représente 25% de la redevance
conformément à l'article 1202(1) des Règlements
et le Ministre a rejeté ces deux demandes de
déduction. Seul le caractère déductible de ces
montants est contesté et non pas le montant pro-
prement dit. Les déductions pour épuisement des
ressources sollicitées par la demanderesse pour les
années d'imposition 1972 et 1973 à l'égard du
revenu provenant de la production tirée de ressour-
ces au Canada sont prévues par l'article 1202(1)
des Règlements de l'impôt sur le revenu dont voici
le texte:
1202. (1) Lorsqu'une personne, autre que l'exploitant,
a) a une participation à une ressource et aux recettes décou-
lant de la vente des produits de ladite ressource, ou
b) touche un loyer ou une redevance calculés en fonction du
montant ou de la valeur de la production d'une ressource,
la déduction permise est de 25 p. 100 du montant compris dans
le calcul de son revenu pour l'année à l'égard de la participation
aux recettes ou à l'égard du loyer ou de la redevance, suivant le
cas.
J'estime que la demanderesse n'est pas un
exploitant et qu'elle est régie par l'article 1202 des
Règlements plutôt que par l'article 1201 qui s'ap-
plique à un exploitant; ces deux articles autorisent
différentes méthodes pour calculer la déduction et
le pourcentage de celle-ci. Aux termes de l'article
1201, est censée être une personne qui exploite une
ressource, une personne qui a une participation
aux recettes tirées de la production d'une ressource
«en vertu d'une convention stipulant qu'elle partici-
pera aux bénéfices restant après déduction des
frais d'exploitation de la ressource». Les accords
conclus entre la demanderesse et Amoco prévoient
en particulier que tous les frais d'exploitation de la
ressource seront supportés par Amoco. C'est la
raison pour laquelle j'ai conclu que la demande-
resse n'est pas un exploitant et qu'elle tombe par
conséquent sous le coup de l'article 1202 applica
ble aux personnes autres que l'exploitant.
Pour les motifs précités, j'ai également conclu
que la demanderesse «a une participation à une
ressource et aux recettes découlant de la vente des
produits de ladite ressource» et que, par consé-
quent, elle est autorisée à demander la déduction
dans les limites prévues à l'article 1202(1) des
Règlements.
Pour montrer que je ne l'ai pas oubliée, je
mentionne la prétention de l'avocat du Ministre
selon laquelle la demanderesse n'a pas enregistré
les résultats de ces opérations d'une manière claire
et sans équivoque dans ses états financiers de façon
à témoigner de sa prétention selon laquelle les
accords intervenus entre elle et Amoco ne signi-
fient pas uniquement ce qu'ils semblent dire. Une
explication a été donnée ainsi qu'une note concer-
nant le bilan, indiquant que les frais de prospection
ont été passés par profits et pertes même lorsqu'ils
créaient un actif. Les vérificateurs-comptables de
la demanderesse ont conçu les états financiers de
manière à refléter au profit de l'actionnaire la
situation financière de la demanderesse à la fin de
l'année financière. Je ne pense pas qu'il faille
approfondir les différences ou les complexités des
pratiques comptables parce que je n'estime pas que
l'on puisse accepter ces inscriptions, bien qu'elles
ne soient pas déterminées, ou l'absence d'inscrip-
tions précises, comme contraires aux dispositions
d'un accord écrit et aux mesures prises pour appli-
quer ces accords lorsque par ailleurs cette exécu-
tion fait l'objet de preuves pertinentes.
Au cours de sa plaidoirie, l'avocat du Ministre a
qualifié ces opérations effectuées par la demande-
resse de «trucs» dans le but avoué d'éviter l'assujet-
tissement à l'impôt. Cette qualification est tout à
fait appropriée. Ces accords «sur mesure» nous
viennent de l'étranger et ils sont bien connus dans
l'industrie. Ils peuvent être utilisés par des person-
nes disposant de fonds et désireuses de participer à
la production de pétrole et de gaz naturel en
collaboration avec un producteur qui dispose d'un
gisement potentiel ou réel qu'il a le droit d'exploi-
ter et qui souhaite vendre une part de ce droit,
mais la planification et l'exécution de ces opéra-
tions ont été conçues par la demanderesse comme
moyen d'éviter l'assujettisement à l'impôt. Avec les
fonds qui seraient taxables comme un revenu s'ils
n'étaient pas dépensés pour la prospection des
aménagements, avec une personne désireuse de
vendre les actions qu'elle détient dans des avoirs
miniers canadiens et avec une connaissance précise
et familière de l'article 66 de la Loi de l'impôt sur
le revenu en particulier et des articles 1201 et 1202
des Règlements, la demanderesse n'avait pas
besoin de faire preuve de beaucoup d'ingéniosité
pour prévoir ce dessein et son résultat probable. A
la décharge de la demanderesse, on peut dire que
les fonds en sa possession provenaient d'une aug
mentation du prix de vente du gaz naturel à la
compagnie mère et qu'ils devaient être consacrés à
la prospection et à l'aménagement. La défende-
resse n'a pas dépensé ces sommes comme elle le
faisait avant et elle envisageait donc de les sous-
traire au fisc et de les utiliser directement dans le
but auquel ils ont été affectés plus tard.
Je n'ai pas à dresser un jugement moral. Il
m'incombe simplement de juger si la demande-
resse, au moyen de ces opérations, s'est placée dans
le cadre de l'article 66. Pour les motifs précités, je
pense qu'elle y est parvenue.
A mon avis, les trois décisions de la Chambre
des Lords Griffiths (Inspector of Taxes) c. J. P.
Harrison (Watford) Ltd. 4 , Finsbury Securities
Ltd. c. Bishop (Inspector of Taxes) 5 et FA & AB
Ltd. c. Lupton (Inspector of Taxes) 6 ne nous
aident pas à résoudre le problème dont je suis saisi.
Ces affaires concernaient le dépouillement des
dividendes par le biais de l'achat et de la vente
d'actions. Dans chaque affaire, il s'agissait de
savoir si l'achat et la vente d'actions constituaient
un commerce d'actions ou non. Dans la première
affaire, on a conclu que oui; dans les deux autres il
a été jugé que, compte tenu de l'ensemble des
opérations, l'achat des actions était étranger au
commerce d'actions mais était prévu et effectué en
réalité dans le but de présenter une réclamation au
Trésor.
A mon avis, le problème en l'espèce n'est pas de
savoir si une opération revêt tel ou tel aspect mais
plutôt de savoir si la demanderesse s'est placée
dans le cadre des dispositions expresses de l'article
66. C'est la conclusion à laquelle je suis parvenu et
puisque la demanderesse est ainsi placée dans le
cadre d'une disposition expresse et particulière de
la Loi de l'impôt sur le revenu qui l'autorise à
demander une déduction comme elle l'a fait, l'arti-
cle 245 n'est donc pas applicable à ces opérations.
4 [1962] 1 All E.R. 909.
5 [1965] 1 All E.R. 530.
6 [1971] 3 All E.R. 948.
Compte tenu de ces conclusions auxquelles je
suis parvenu pour les motifs précités, les appels
interjetés par la demanderesse concernant ces coti-
sations pour les années d'imposition 1972 et 1973
seront accueillis avec dépens.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.