T-3968-76
In re Supinder Singh Manhas et in re une enquête
de l'immigration pendante devant W. M. Wilson
et in re la Loi sur l'immigration et le Règlement
sur l'immigration
Division de première instance, le juge Addy—
Calgary, le 8 novembre; Ottawa, le 18 novembre
1976.
Brefs de prérogative—Demande visant à obtenir un bref de
prohibition interdisant à un enquêteur spécial de mener une
enquête spéciale portant sur le requérant et d'y présider—
L'enquête a été remise sine die en raison de la mauvaise santé
du premier enquêteur spécial—Un autre fonctionnaire peut-il
poursuivre l'enquête ou doit-il en mener une nouvelle?—
Demande rejetée—Loi sur l'immigration, S.R.C. 1970, c. I-2,
art. 11, 18, 22, 23, 25, 27(4) et 28.
DEMANDE visant à obtenir un bref de
prohibition.
AVOCATS:
John A. Sutherland pour le requérant.
Neil Dunn pour l'intimé.
PROCUREURS:
John A. Sutherland, Calgary, pour le
requérant.
Le sous-procureur général du Canada pour
l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs
de l'ordonnance rendus par
LE JUGE ADDY: Les motifs écrits suivants sont
rendus à la requête de l'avocat de l'intimé, enquê-
teur spécial, suite au rejet de la demande prononcé
oralement à l'audience.
Il s'agissait d'une demande visant à obtenir un
bref de prohibition interdisant à un enquêteur
spécial d'un bureau de l'Immigration canadienne
de mener une enquête spéciale portant sur le
requérant et d'y présider.
Un autre enquêteur spécial avait ouvert une
enquête et avait commencé à la mener et à enten-
dre des témoignages à ce sujet. Afin de permettre
au requérant de réunir plus de preuves à l'appui de
son droit de séjourner au Canada, l'enquête a été
remise et, par la suite, en raison semble-t-il de la
mauvaise santé du premier enquêteur spécial, tel
qu'il appert d'une lettre du ministère de la Main-
d'oeuvre et de l'Immigration en date du 16 septem-
bre 1976, annexée à l'affidavit du requérant, l'au-
dition a été remise sine die. Par la suite, le requé-
rant a reçu avis de se présenter le 12 octobre 1976,
aux fins d'une enquête tenue devant l'intimé,
contre qui il désirait obtenir un bref de prohibition.
Le premier paragraphe du procès-verbal de l'ou-
verture de cette procédure le 12 octobre 1976,
établit clairement que le premier enquêteur spécial
était indisposé suite à une maladie grave et qu'il
était improbable qu'il puisse continuer l'enquête.
La seule preuve dont je dispose quant au motif
pour lequel l'intimé s'est chargé de l'enquête est la
déclaration susmentionnée contenue au dossier de
la deuxième enquête, portant que le premier
enquêteur spécial était incapable d'exercer ses
fonctions en raison de sa maladie. Le requérant n'a
pas prouvé que le premier enquêteur spécial pour-
rait continuer l'enquête et puisque c'est à la per-
sonne qui sollicite l'émission du bref d'établir tous
les faits nécessaires à l'appui de sa demande, je
dois supposer que les motifs énoncés par l'intimé
sont vrais et que le premier enquêteur est réelle-
ment incapable de poursuivre son enquête pour
cause de maladie. La question se limite alors à
décider si l'incapacité dans laquelle se trouve le
premier enquêteur spécial de poursuivre l'enquête
constitue un motif suffisant pour interdire à l'in-
timé d'ordonner une enquête.
Le requérant insiste sur le fait que bien qu'il soit
incapable de poursuivre l'enquête, le premier
enquêteur spécial doit rendre une décision fondée
sur les témoignages qu'il a entendus et alors seule-
ment, le deuxième officier pourra-t-il continuer
l'enquête.
L'article 11 de la Loi sur l'immigration énonce
les pouvoirs et l'autorité que possède un enquêteur
spécial dans la poursuite d'une enquête aux termes
de la Loi. Elle dispose également que les fonction-
naires supérieurs de l'immigration sont des enquê-
teurs spéciaux de par leurs fonctions, et que le
Ministre peut nommer d'autres enquêteurs spé-
ciaux. L'article 22 stipule que lorsqu'un fonction-
naire à l'immigration estime qu'une personne ne
devrait pas être admise au Canada, il doit la faire
détenir et la signaler à un enquêteur spécial. Aux
termes de l'article 23, lorsqu'un enquêteur spécial
reçoit un rapport prévu à l'article 22 sur une
personne autre qu'une personne qui cherche à
venir au Canada des États-Unis ou de Saint-Pier-
re-et-Miquelon, il peut la faire détenir en vue
d'une enquête. Aux termes de l'article 25, sous
réserve de toutes autres instructions du Ministre et
sur réception du rapport d'un constable ou d'un
agent de la paix, d'un greffier ou secrétaire d'une
municipalité, ou d'un fonctionnaire à l'immigra-
tion, présenté conformément à l'article 18, le
directeur de la division de l'immigration doit éga-
lement faire tenir une enquête par un enquêteur
spécial. L'article 27(4) prévoit la tenue d'enquêtes
ultérieures et l'article 28 stipule que toute enquête
peut être rouverte et qu'un enquêteur spécial a le
pouvoir, après avoir entendu une preuve supplé-
mentaire, de modifier ou révoquer une décision
antérieure.
La Loi et la jurisprudence ne prévoient pas dans
quelle situation un enquêteur spécial peut être
relevé d'une enquête qu'il a commencée. Cepen-
dant eu égard aux articles susmentionnés relatifs
aux responsabilités d'un enquêteur spécial, au but
de ces enquêtes et à la façon de les mener, je
conclus que lorsqu'une enquête est commencée, on
peut l'interrompre et en commencer une nouvelle
quand le premier enquêteur est incapable de conti-
nuer en raison de sa mauvaise santé. Une telle
décision pourrait être justifiée également dans
d'autres circonstances, par exemple, lorsque l'en-
quêteur spécial meurt, cesse d'être employé, ou
quand, au cours d'une enquête, il appert qu'il
pourrait avoir un intérêt dans les procédures, ce
qui pourrait vraisemblablement créer un véritable
conflit d'intérêt.
Il serait ridicule si, dans de telles circonstances,
la tenue d'une enquête était à jamais interrompue
et qu'aucune autre ne puisse s'y substituer sans
dispositions législatives spéciales.
Cependant, si l'on tient compte des pouvoirs de
l'enquêteur spécial en vertu de l'article 11 et de la
façon dont il est tenu de mener l'enquête, ses
fonctions ne sont pas purement administratives et
il n'aurait pas droit, tel que le suggère le requé-
rant, de faire siennes les conclusions intérimaires
tirées par l'enquêteur spécial précédent qui n'avait
pas terminé l'enquête, sans s'assurer de l'exacti-
tude de ces conclusions. L'enquête du fonction-
naire doit être une nouvelle enquête menée par lui,
fondée sur une preuve qu'il accepte et dont il est
convaincu de l'exactitude, du poids et de la perti
nence. Cependant, rien en l'espèce ne laisse croire
que l'enquêteur spécial avait l'intention d'agir con-
trairement à ce principe.
Pour tous ces motifs, prononcés oralement à
l'audience, la demande a été rejetée.
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