T-888-76
William (Billy) Solosky (Demandeur)
c.
La Reine (Défenderesse)
Division de première instance, le juge Addy—
Toronto, le 28 octobre; Ottawa, le 19 novembre
1976.
Emprisonnement—Privilège attaché à la correspondance
entre un avocat et son client—La censure exercée par les
autorités de la prison viole-t-elle ce privilège ou contrevient-
elle à la Loi sur les Postes? Loi sur les pénitenciers, S.R.C.
1970, c. P-6, art. 29(1) et (3)—Règlement sur le service des
pénitenciers, art. 2.18, DORS/62-90—Loi sur les Postes,
S.R.C. 1970, c. P-14, art. 43—Déclaration canadienne des
droits.
Le demandeur soutient que le directeur du pénitencier où il
est détenu n'a pas le droit d'ordonner la censure du courrier,
plus spécialement, celui entre un détenu et son avocat. Son
action a pour objet de faire déclarer que toute correspondance
adressée à son avocat ou reçue de ce dernier soit considérée
comme communication privilégiée et lui soit remise sans être
ouverte par les autorités de la prison.
Arrêt: l'action est rejetée avec dépens. Bien que les directives
données en vertu de l'article 29(3) de la Loi sur les pénitenciers
n'aient pas force de loi, les règlements établis par le gouverneur
en conseil, en vertu de l'article 29(1) de la Loi, ainsi que
l'article 2.18 du Règlement sur le service des pénitenciers,
donnent légalement le droit et l'autorité au chef d'une institu
tion d'ordonner la censure de la correspondance. Le Règlement
n'est pas en contravention avec l'article 43 de la Loi sur les
Postes puisque cet article ne se réfère qu'à des objets «en cours
de transmission».
Un détenu ne possède pas plus de droits et de privilèges
découlant de la common law—et consacrés dans la Déclaration
canadienne des droits—que n'en possède un citoyen ordinaire
et, de fait, à cause de son incarcération, le détenu en perd
quelques-uns. Quoi qu'il en soit, le privilège existant entre un
avocat et son client ne s'applique qu'à une communication ou
partie de communication visant la recherche ou l'octroi d'un
avis juridique et la question de savoir si la teneur de la
communication est ou non privilégiée ne peut être constatée que
par l'ouverture et la lecture de la correspondance. Enfin, il n'y a
aucune raison pour que le demandeur bénéficie d'une meilleure
situation que le citoyen ordinaire relativement aux dépens. A
moins qu'il n'existe des circonstances qui justifient une décision
contraire, les dépens doivent suivre le résultat.
Arrêts appliqués: R. c. Institutional Head of Beaver Creek
Correctional Camp, Ex parte MacCaud [1969] 1 O.R.
373; R. c. Bencardino (1974) 2 O.R. (2e) 351; O'Shea c.
Wood [1891] L.R. (P.D.) 286 et Clergue c. McKay (1902)
3 O.L.R. 478.
ACTION en jugement déclaratoire.
AVOCATS:
David Cole pour le demandeur.
J. P. Molette pour la défenderesse.
PROCUREURS:
David Cole, Toronto, pour le demandeur.
Le sous-procureur général du Canada pour la
défenderesse.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE ADDY: L'action du demandeur, un
détenu à l'institution de Millhaven, a pour objet de
faire déclarer que toute correspondance valable-
ment identifiée comme adressée à son avocat ou
reçue de ce dernier, soit considérée comme com
munication privilégiée et lui soit remise sans être
ouverte par les autorités de la prison.
Le directeur de l'institution de Millhaven a
ordonné que le courrier du demandeur soit ouvert
et lu. L'ordre a été appliqué au courrier émanant
de son avocat aussi bien qu'à tout autre. La direc
tive 219, en date du 26 septembre 1974, du com-
missaire des pénitenciers, modifiée le 28 juin 1976,
se lit en partie comme suit:
5. DIRECTIVE
a. La correspondance entre les détenus et leurs parents, leurs
amis et les autres personnes et organismes doit être encoura
gée par le personnel pénitentiaire lorsque la communication
est nécessaire ou désirable, et spécialement lorsque l'on croit
qu'elle peut contribuer à la réadaptation du détenu.
c. Sous réserve du paragraphe 14, chaque détenu sera auto-
risé à correspondre avec qui il voudra et sera responsable du
contenu de chaque envoi qu'il expédiera. Aucune restriction
ne sera imposée quant au nombre de lettres envoyées ou
reçues par les détenus, à moins qu'il ne soit évident qu'il y ait
production en masse.
d. Sous réserve du paragraphe 8, chaque pièce de correspon-
dance envoyée ou reçue par un détenu peut être ouverte par
la direction de l'institution qui est chargée de prévenir l'intro-
duction d'objets de contrebande.
7. CENSURE
b. On évitera de censurer la correspondance sous quelque
forme qu'elle soit, mais rien dans la présente ne sera consi-
déré comme limitant l'autorité du Commissaire ou du direc-
teur de l'institution d'ordonner la censure de la correspon-
dance sous quelque forme qu'elle soit, lorsque cette mesure
sera jugée nécessaire ou souhaitable pour la réadaptation
sociale du détenu ou la sécurité de l'institution (art. 2.18 du
RSP). Toute forme de censure ne sera entreprise que sur
l'approbation du directeur de l'institution.
8. CORRESPONDANCE PRIVILÉGIÉE
a. La «correspondance privilégiée» est définie comme se rap-
portant à des pièces dont les identificateurs et adresses sont
indiqués comme il se doit et dont la destination ou la
provenance est une des suivantes:
(1) les sénateurs
(2) les députés fédéraux
(3) les députés provinciaux
(4) les Membres des conseils législatifs du Yukon et des
Territoires du Nord-Ouest
(5) le Solliciteur général
(6) le Commissaire des pénitenciers
(7) le Président de la Commission nationale des libérations
conditionnelles
(8) l'Enquêteur correctionnel fédéral
(9) les Ombudsmans provinciaux (voir Annexe «A»)
b. La correspondance privilégiée sera adressée au destina-
taire sans avoir été ouverte.
c. Dans des cas exceptionnels où le personnel de l'institution
soupçonne qu'un envoi privilégié contient des objets de con-
trebande, on obtiendra l'approbation du Commissaire avant
d'ouvrir l'envoi.
Bien que ces directives du commissaire des péni-
tenciers soient données en vertu de l'article 29(3)
de la Loi sur les pénitenciers', elles visent unique-
ment la bonne administration de l'institution qui
relève de son autorité. Elles n'ont pas force de loi
et ne sont pas attributives de compétence ou créa-
trices de droits qui permettent le recours, dans le
but précité, à des actes qui ne sont pas autrement
autorisés par la loi. Voir Regina c. Institutional
Head of Beaver Creek Correctional Camp, Ex
parte MacCaud 2 , aux pages 380 et 381:
[TRADUCTION] Ses directives, qui sont d'application interne au
service pénitentiaire, peuvent gouverner—et probablement gou-
vernent—en tant que partie de la structure administrative, les
relations employeurs-employés entre le membre du personnel et
ses supérieurs. Elles définissent la manière dont le membre du
personnel et les autres membres de ce service doivent accomplir
leurs tâches et les limites dans lesquelles ils doivent le faire. Un
manquement aux directives peut constituer une violation des
obligations du membre du personnel à l'égard de son supérieur;
cependant, toute action d'un membre du personnel qui, en
l'absence de directives, ne constitue pas une atteinte à un droit
civil ou à un droit dévolu au détenu par la loi et ses règlements
d'application, ne devient pas une atteinte à ces droits par l'effet
des directives. En d'autres termes, le membre du personnel n'est
pas tenu, à l'égard du détenu, de se conformer aux directives.
Les obligations du membre du personnel envers le détenu sont
indiquées dans la loi et les règlements.
' S.R.C. 1970, c. P-6.
2 [1969] 1 O.R. 373.
Toutefois, outre le droit du commissaire d'éta-
blir des directives, l'article 29(1) de la Loi sur les
pénitenciers prévoit que le gouverneur en conseil
peut établir des règlements. Voici le texte de cette
déposition:
29. (1) Le gouverneur en conseil peut édicter des règlements
a) relatifs à l'organisation, l'entraînement, la discipline, l'ef-
ficacité, l'administration et la direction judicieuse du Service;
b) relatifs à la garde, le traitement, la formation, l'emploi et
la discipline des détenus; et
c) relatifs, de façon générale, à la réalisation des objets de la
présente loi et l'application de ses dispositions.
L'article 2.18 du Règlement sur le service des
pénitenciers 3 , établi en vertu de l'article 29(1) de
la Loi sur les pénitenciers, prescrit ce qui suit:
2.18. Dans la mesure où cela est pratique, la censure de la
correspondance doit être évitée et l'intimité des visites doit être
respectée, mais rien aux présentes ne doit être considéré comme
limitant l'autorité du Commissaire de réglementer, ou du chef
d'une institution d'ordonner, la censure de la correspondance ou
la surveillance des visites selon les modalités tenues pour néces-
saires ou utiles à la rééducation et à la réadaptation des détenus
ou à la sécurité de l'institution.
Il est clair que le chef d'une institution, comme
celle de Millhaven, a légalement le droit et l'auto-
rité «d'ordonner la censure de la correspondance
... selon les modalités tenues pour nécessaires ou
utiles pour ... la sécurité de l'institution».
Le demandeur conteste que le chef de l'institu-
tion ait le droit d'ordonner la censure du courrier
et, plus spécialement, celui entre un détenu et son
avocat.
Le droit général de censurer la correspondance
est contesté pour le motif qu'il est en contravention
avec l'article 43 de la Loi sur les postes 4 qui
dispose que «. nul objet ne peut être ... saisi ...
pendant qu'il est en cours de transmission par la
poste, sauf de la manière prévue par la présente loi
ou les règlements». Cette prétention est sans fonde-
ment. Pour autant qu'il s'agit du courrier émanant
des détenus, il n'est pas «en cours de transmission»
tant qu'il n'est pas déposé dans une boîte aux
lettres ou dans un bureau de poste. Quand il s'agit
du courrier adressé à un détenu, il n'est plus en
cours de transmission une fois qu'il a été livré à
l'institution dans laquelle réside le détenu, car
l'article 2 de la Loi sur les postes se lit partielle-
ment comme suit:
3 DORS/62-90.
4 S.R.C. 1970, c. P-14.
2. (1) Dans la présente loi
«livraison», relativement au courrier, signifie la livraison au
destinataire de ce courrier, et, aux fins de la présente loi,
a) le fait de laisser le courrier à la résidence ou au siège
d'affaires du destinataire.....
Le second motif de la contestation, est que
l'ouverture du courrier entre un détenu et son
avocat constitue une violation d'un privilège de
common law, établi depuis longtemps et très jalou-
sement protégé, au sujet des communications entre
un avocat et son client.
Il est évidemment important de bien comprendre
que, sous l'empire du common law même, un
prisonnier qui a été incarcéré à la suite de sa
condamnation pour une infraction criminelle, ne
jouit pas de tous les droits et privilèges accordés
par le common law à un citoyen ordinaire libre.
Par exemple, il perd son droit élémentaire à la
liberté et son droit de communiquer librement avec
ses concitoyens est nécessairement considérable-
ment réduit. La Déclaration canadienne des droits
ne vise pas, de quelque manière que ce soit, à
étendre les droits et privilèges traditionnels de
common law, mais constitue plutôt une redéclara-
tion ou une codification de ces droits et privilèges.
Elle les consacre d'une manière solennelle, tout en
les assujettissant aux réserves et limitations qui les
ont toujours caractérisés. La principale attaque
innovatrice de la Déclaration canadienne des
droits est contre tout acte législatif passé, présent
et futur, qui tend à abroger des droits ou privilèges
autrement reconnus par la loi ou à les limiter ou à
y déroger.
En tout cas et plus spécifiquement, la Déclara-
tion canadienne des droits ne contient pas de
dispositions qui, en l'espèce, puissent créer au
profit du demandeur un droit ou ajouter aux droits
et privilèges découlant du common law.
En supposant qu'une personne déclarée coupable
continue de jouir du droit de communiquer en
privé avec son avocat pendant qu'elle est incarcé-
rée comme criminel (je ne vois d'ailleurs pas com
ment ce droit peut lui être complètement refusé,
bien que pour la bonne administration de l'institu-
tion pénale ou pour d'autres raisons telles que
réduction du personnel et des installations, le droit
peut être sujet à certains contrôles et limitations,
tels que le moment de la journée ou la fréquence à
laquelle le droit peut être exercé), il me semble que
c'est un truisme que de dire que tout privilège
attaché au droit du détenu de communiquer avec
son avocat ne sera pas plus étendu que celui dont
bénéficie n'importe quel autre citoyen.
Dans le cas d'un citoyen ordinaire, le privilège
n'existe pas simplement parce que la communica
tion est entre un avocat et son client. La recherche
d'un avis juridique ou son octroi doit faire l'objet
de la communication et n'est privilégié que dans
cette mesure. Voir La Reine c. Bencardinos, à la
page 358:
[TRADUCTION] Toute communication d'un client à son avocat
n'est pas privilégiée. Pour l'être, la communication doit interve-
nir au cours de la recherche d'un avis juridique et avec l'inten-
tion d'en conserver le caractère confidentiel. Comme le dit
Wigmore dans On Evidence 3e éd., vol. 8, art. 2311:
Une demande expresse de secret n'est certainement pas
nécessaire. Mais la simple relation d'avocat à client ne
permet pas de présumer le caractère confidentiel de la com
munication et les circonstances indiqueront implicitement si
celle-ci était de nature confidentielle. Évidemment, ces cir-
constances varieront selon les individus et la décision doit
donc dépendre du cas sous examen.
A mon avis, le nouveau juge du fond devrait procéder à un
interrogatoire préliminaire pour se rendre compte de ce que
Quaranta a dit à Me Greenspan. S'il en découle que Quaranta
ne cherchait pas un avis juridique, mais plutôt une assistance
contre l'intimidation qu'il subissait en prison, ou s'il apparaît
que Quaranta a expressément ou implicitement autorisé Me
Greenspan à divulguer sa condition aux autorités, je crois qu'on
peut demander à Me Greenspan de témoigner devant le jury de
ce que Quaranta lui a dit à ce sujet.
Voir également O'Shea c. Wood 6 à la page 289:
[TRADUCTION] Les lettres ne sont pas nécessairement privilé-
giées parce qu'elles passent de l'avocat à son client: un élément
professionnel doit exister dans la correspondance pour qu'elle
soit privilégiée.
Et aussi à la page 290:
[TRADUCTION] Des lettres contenant de simples exposés de
faits ne sont pas privilégiées: elles doivent revêtir un caractère
professionnel et confidentiel. En l'espèce, l'affidavit ne prouve
pas suffisamment que la correspondance est privilégiée.
Voir aussi Clergue c. McKay 7 à la page 480:
[TRADUCTION] Il est donc nécessaire que l'affidavit produit
ne déclare pas simplement que la correspondance est confiden-
tielle et de caractère professionnel, il doit montrer, sans aucune
ambiguïté, que la nature de cette correspondance est, sans
aucun doute, privilégiée.
5 (1974) 2 O.R. (2e) 351.
6 [1891] L.R. (P.D.) 286.
7 (1902) 3 O.L.R. 478.
Il semble évident que le privilège ne peut être
invoqué que pour chaque document pris individuel-
lement et que chaque document peut être consi-
déré privilégié uniquement dans la mesure où il
répond au critère qui permettra d'y rattacher le
privilège. Il a été aussi fréquemment jugé, à cet
égard, que bien qu'une partie d'un document
puisse être privilégiée, une autre partie du même
document peut ne pas l'être.
Quand une lettre est adressée par le demandeur
à un avocat ou reçue par lui de ce dernier, il est
évident que la question de savoir si la lettre con-
tient effectivement une communication privilégiée
ne peut pas être solutionnée avant que la lettre ait
été ouverte et lue.
Il ne peut y avoir aucune justification logique ou
juridique à ce qu'une correspondance, qui paraît
avoir émané d'un avocat ou lui avoir été adressée,
jouisse d'une aura protectrice. Il est trop facile
pour une personne de se procurer des enveloppes et
du papier à lettre à en-tête portant le nom ou le
titre d'un avocat, vrai ou imaginaire. Il est égale-
ment facile pour un détenu de camoufler la vraie
identité d'un destinataire. A tout prendre, à part
les strictes limitations apportées au privilège par le
common law, il faut être simplement naïf, même si
la correspondance est effectivement échangée avec
un avocat, pour croire que parce qu'une personne a
été suffisamment habile ou fortunée pour répondre
aux exigences académiques pour être inscrite
comme procureur ou être membre du barreau,
qu'elle a atteint un plus haut degré de perfection
morale que le citoyen ordinaire et qu'elle serait, en
quelque sorte, incapable d'engager avec des per-
sonnes une correspondance susceptible de mettre
en danger la sécurité de l'institution ou de son
personnel. Malheureusement, la profession
d'homme de loi a sa part de personnages louches et
même de criminels. En tout cas, il est évident que
le privilège appartient au prisonnier et non à
l'avocat.
Il s'agit, au fond, du vieux problème qui consiste
à établir un équilibre raisonnable entre des droits
et des privilèges contradictoires: ceux de l'individu,
d'une part, et ceux de la société et de ses institu
tions essentielles, de l'autre. Toutefois, il faut se
rappeler que le citoyen qui a été déclaré coupable
d'une infraction criminelle est présumé avoir
volontairement pris le risque d'être emprisonné
avec d'autres et de subir tout ce que cela comporte.
Si certaines mesures restrictives qui ne sont pas
interdites par la loi doivent être prises, le détenu
doit être considéré comme ayant volontairement
couru le risque de voir ses droits et privilèges
normaux comme citoyen libre de notre société
limités dans la mesure où cela est raisonnablement
nécessaire pour lui assurer, ainsi qu'à ses codéte-
nus, le bien-être et une incarcération continue
conformes aux dispositions de la loi, aussi bien que
d'assurer la sécurité de l'institution et de son per
sonnel. En vérité, chaque citoyen doit s'attendre à
être privé de ses droits et privilèges normaux, dans
la mesure où cela est raisonnablement nécessaire
pour permettre à la société dans laquelle il vit
d'atteindre ses objectifs légitimes.
En l'espèce, il n'y a pas de preuve ni d'allégation
qu'une communication entre le demandeur et son
avocat à laquelle un privilège serait attaché a été
abusivement utilisée ou communiquée à un tiers
par la personne que le chef de l'institution a char
gée de censurer le courrier. De plus, le redresse-
ment recherché par le demandeur n'est pas d'inter-
dire un emploi abusif du courrier censuré, mais
d'en défendre l'ouverture pour l'examen de son
contenu, même quand le chef de l'institution l'es-
time nécessaire. Bien que je ne sois pas tenu de me
prononcer sur la question, je désire néanmoins
exprimer l'opinion qu'il serait illégal et abusif,
pour toute personne chargée de censurer le cour-
rier d'un détenu en vue d'assurer la sécurité de
l'institution ou de son personnel, ou l'incarcération
continue ou le bien-être de ses détenus, d'informer
toute autre personne du contenu d'une communi
cation privilégiée, spécialement une personne qui
ferait l'objet de cette communication ou en serait
directement ou indirectement affectée. C'est une
chose de dire que la loi donne à l'institution le
droit de se protéger et une toute autre chose de
dire que toute communication privilégiée obtenue
dans l'exercice légitime de ce droit peut être utili
sée sans discrimination ou abusivement après que'
sa nature véritable a été établie.
Il ne m'est pas nécessaire, pour trancher cette
affaire, de décider si le privilège demeure absolu
pour peu qu'une communication entre un détenu
condamné et son avocat soit privilégiée, ou s'il ne
peut pas, même dans ce cas, être soumis à d'autres
considérations telles que la sécurité de l'institution
ou le bien-être du détenu lui-même.
Récemment, on semble avoir adopté une prati-
que selon laquelle les dépens, qui sont normale-
ment adjugés contre un plaideur débouté dans une
affaire civile, ne le sont pas quand il s'agit d'un
criminel condamné. A mon avis, cette pratique est
déplorable et doit être abandonnée. Je ne vois
aucune raison pour qu'on accorde à une personne,
telle que le demandeur, un traitement spécial con-
cernant les dépens, dont ne bénéficierait pas un
citoyen ordinaire. De plus, ni la capacité de payer
les dépens, ni la difficulté de les percevoir, ne doit
constituer un facteur déterminant quand il s'agit
de décider si ces dépens doivent ou ne doivent pas
être adjugés à l'encontre d'un plaideur débouté.
Au contraire, l'adjudication des dépens ou leur
dispense, doit être basée sur le bien-fondé de l'ac-
tion. A moins qu'il n'existe des circonstances qui
justifient une décision contraire, les dépens doivent
normalement suivre le résultat. Des circonstances
semblables n'existent pas en l'espèce.
Pour les motifs qui précèdent, l'action sera reje-
tée avec dépens.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.