T-1385-76
In re Supinder Singh Manhas et in re la Loi sur
l'immigration
Division de première instance, le juge suppléant
Smith—Edmonton, les 19 mai et 9 juillet 1976.
Immigration—Bref de prohibition et certiorari—Le requé-
rant est entré à titre de non-immigrant et a épousé une
citoyenne canadienne—Permis du Ministre accordé jusqu'à ce
que l'épouse du requérant ait atteint l'âge de 18 ans pour être
autorisée à le parrainer—L'épouse a fait une demande en vue
de le parrainer, puis elle a obtenu un divorce et renoncé à le
parrainer—Le requérant a consulté un fonctionnaire à l'immi-
gration—Le fonctionnaire a rédigé le rapport prévu à l'article
22 sans faire part des résultats de son enquête au requérant—
On a demandé au requérant de se présenter à une audition—Il
s'y est opposé au motif que l'enquêteur spécial n'avait pas
compétence pour tenir cette audition—Loi sur l'immigration,
S.R.C. 1970, c. I-2, art. 7(3), 8(9), 22, 23 et le Règlement, art.
31(1)a).
Le requérant, qui est entré au Canada à titre de non-immi
grant, a épousé une Canadienne de 17 ans et obtenu un permis
du Ministre l'autorisant à demeurer au Canada jusqu'à ce que
son épouse ait atteint l'âge de 18 ans et soit autorisée à
parrainer son admission. L'épouse a fait une demande de
parrainage mais a par la suite obtenu un divorce et alors
renoncé à sa demande. Son permis ayant expiré, le requérant a
consulté un fonctionnaire à l'immigration qui a rédigé le rap
port prévu à l'article 22 sans lui faire part des résultats de son
enquête. On a alors demandé au requérant de se présenter à
une audition; il a comparu mais objecté que l'enquêteur spécial
n'avait pas compétence. Il a alors présenté une demande de bref
de prohibition interdisant de poursuivre l'enquête et un certio-
rari en vue d'invalider le rapport.
Arrêt: la demande est rejetée. A l'expiration d'un permis du
Ministre, son détenteur cesse d'avoir le droit de demeurer au
Canada. Il n'est plus un non-immigrant et n'appartient plus à la
catégorie particulière dans laquelle il a été admis en qualité de
non-immigrant et relève donc des dispositions de l'article 7(3)
de la Loi qui l'obligent, s'il demeure au Canada, à se présenter
pour examen au fonctionnaire à l'immigration le plus rappro-
ché; il est en outre réputé être une personne qui cherche à être
admise au Canada. Bien que le fonctionnaire puisse être criti-
qué si, comme on l'a prétendu, il a rédigé un rapport en vertu
de l'article 22 sans faire part des résultats de son enquête au
requérant, une omission de ce genre ne lui enlève pas la
compétence requise pour rédiger ce rapport. Le fonctionnaire
en question n'a pas non plus excédé ses pouvoirs en ordonnant
au requérant de se présenter à une audition. L'article 23(2)
prévoit que, lorsqu'un enquêteur spécial reçoit un rapport prévu
à l'article 22 sur une personne (sauf certaines exceptions), il
doit l'admettre ou la laisser entrer au Canada ou la faire
détenir en vue d'une enquête immédiate. L'enquêteur spécial a
donc le pouvoir d'ordonner la tenue d'une enquête et l'article
23(2) s'applique au requérant (qui est venu de l'Inde). Il n'y a
donc pas lieu en l'espèce de rendre une ordonnance de prohibi
tion ou de certiorari et le requérant ne subira pas de préjudice
si l'audition suit son cours.
DEMANDE.
AVOCATS:
J. A. Sutherland pour le requérant.
R. N. Dunne pour les intimés.
PROCUREURS:
J. A. Sutherland, Calgary, pour le requérant.
Le sous-procureur général du Canada pour
les intimés.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE SUPPLÉANT SMITH: Il s'agit d'une
demande présentée au nom du requérant en vue
d'obtenir un bref de prohibition adressé à C. J.
Williams, enquêteur spécial du bureau de l'immi-
gration canadienne situé dans la ville de Calgary
(Alberta), interdisant audit C. J. Williams, enquê-
teur spécial, de poursuivre une enquête tenue
devant lui au bureau de l'immigration canadienne
à Calgary (Alberta); cette demande vise aussi à
obtenir une autre ordonnance de cette honorable
cour, adressée audit C. J. Williams, enquêteur
spécial du bureau de l'immigration canadienne de
Calgary (Alberta), afin qu'il indique pour quelle
raison il n'y aurait pas lieu d'émettre un bref de
certiorari en vue d'évoquer l'affaire devant cette
honorable cour et d'invalider un rapport daté du
26 mars 1976, et rédigé en vertu de l'article 22 de
la Loi sur l'immigration, S.R.C. 1970, c. I-2 et ses
modifications, par D. R. Schow, fonctionnaire à
l'immigration du bureau de l'immigration cana-
dienne, à Calgary (Alberta) et adressé audit C. J.
Williams, enquêteur spécial; enfin, il demande en
outre l'émission d'un bref de certiorari en vue
d'invalider ce rapport du 26 mars 1976, établi en
vertu de l'article 22 de la Loi sur l'immigration
par D. R. Schow, fonctionnaire à l'immigration du
bureau de l'immigration canadienne, à Calgary
(Alberta).
L'avis de requête invoque treize moyens spécifi-
ques à l'appui de la demande dont le résumé qui
suit comprend ceux qui semblent les plus
importants.
Le requérant est une personne à charge parrai-
née au sens du Règlement sur l'immigration, vu
que son épouse, Jasveer Kaur Victoria Manhas
(Parhar), une citoyenne canadienne résidant au
Canada, a parrainé son admission au Canada en
vue de la résidence permanente.
A ce titre, il est exempté de l'application des
dispositions de l'article 28(1) et (2) du Règlement.
Le requérant détient un permis périmé du
Ministre et c'est pourquoi, conformément à l'arti-
cle 8(4) de la Loi sur l'immigration, ni le fonction-
naire à l'immigration (Schow) ni l'enquêteur spé-
cial (Williams) n'ont compétence pour déterminer
si le requérant a le droit de demeurer au Canada.
En vertu de cet article 8(4), seul le ministre de la
Main-d'oeuvre et de l'Immigration ou, si le Minis-
tre l'autorise, le sous-ministre ou le directeur de la
Division de l'immigration au Ministère a compé-
tence pour rendre une ordonnance d'expulsion
visant une personne dont le permis a été annulé ou
a expiré.
Le requérant a le droit d'être admis au Canada.
Il n'est pas une personne pouvant faire l'objet d'un
rapport en vertu de l'article 22 de la Loi sur
l'immigration et le fonctionnaire à l'immigration
n'avait pas la compétence requise pour rédiger le
rapport du 26 mars 1976.
L'enquêteur spécial n'avait pas la compétence
légale ou autre pour convoquer ou tenir une
enquête spéciale en vertu de la Loi sur l'immigra-
tion, à l'égard du requérant.
On peut énoncer de la façon suivante les faits
contenus dans l'affidavit du requérant et qui n'ont
pas été contestés par les intimés:
Le 12 août 1974, le requérant est entré au
Canada avec un visa valide de non-immigrant. Le
8 décembre 1974, Nanaimo (Colombie-Britanni-
que), il a épousé Jasveer Kaur Victoria Parhar qui
est née à Duncan (Colombie-Britannique) et avait
dix-sept ans le jour de son mariage.
En attendant que son épouse ait l'âge de dix-
huit ans, pour être autorisée à parrainer son
admission au Canada en vue de la résidence per-
manente, le requérant a obtenu, le 24 décembre
1974, un permis du Ministre l'autorisant à demeu-
rer au Canada, en vertu de l'article 8 de la Loi sur
l'immigration; ce permis a été prorogé le 25 juillet
1975. Ce permis a maintenant expiré (paragraphe
D de l'affidavit du requérant). La date d'expira-
tion n'a pas été révélée à la Cour, mais était
probablement antérieure au 3 février 1976.
Ayant atteint l'âge de dix-huit ans, l'épouse du
requérant a fait une demande, conformément à
l'article 31(1)a) du Règlement sur l'immigration,
en vue de le parrainer en qualité de personne à
charge aux fins de l'obtention du statut d'immi-
grant reçu. Aucune preuve soumise à la Cour
n'indique l'existence d'une décision finale sur cette
demande.
Le requérant, dans son affidavit du 9 avril 1976,
déclarait que son épouse attendait un enfant au
cours de ce mois.
A la suite de malheureux désaccords entre le
requérant et son épouse, cette dernière a intenté
des procédures de divorce. Avant la date de l'affi-
davit, elle avait obtenu un jugement conditionnel
de divorce mais le requérant avait retenu les servi
ces d'un avocat de Vancouver afin d'interjeter
appel contre ce jugement, vu qu'il cherchait à se
réconcilier avec son épouse.
Le 3 février 1976, le requérant, en présence de
son avocat, John A. Sutherland, a consulté un
fonctionnaire à l'immigration, D. R. Schow, à
Calgary (Alberta); celui-ci l'a informé qu'il
demanderait à Ottawa de plus amples renseigne-
ments sur le statut du requérant et l'aviserait avant
de faire d'autres démarches.
Le 29 mars 1976, ledit D. R. Schow a rédigé, à
l'égard du requérant, un rapport prévu à l'article
22 de la Loi sur l'immigration et au Règlement,
sans faire part des résultats de son enquête au
requérant ou à son avocat.
Par une lettre portant la même date, soit le 29
mars 1976, mais reçue au plus tôt le 7 avril 1976,
C. J. Williams, un enquêteur spécial du bureau de
l'immigration canadienne à Calgary a demandé au
requérant de se présenter à une audition de l'immi-
gration qui devait avoir lieu à ce même bureau le 8
avril 1976. Le requérant a comparu, comme on le
lui avait demandé et s'est opposé à l'audition au
motif que l'enquêteur spécial n'avait pas compé-
tence pour procéder à l'enquête. Cette demande a
été présentée le jour suivant.
Il y a lieu de rappeler en outre qu'à une date
antérieure à ces procédures, l'épouse du requérant
avait écrit au ministère de la Main-d'oeuvre et de
l'Immigration pour l'informer, qu'elle renonçait à
parrainer l'admission du requérant au Canada.
En premier lieu, il s'agit de déterminer si le
requérant est une personne à charge parrainée
pour être admise au Canada en vue d'y résider en
permanence. La preuve soumise à la Cour indique
seulement que l'épouse du requérant a demandé à
le parrainer. On ne nous a révélé aucune décision
relative à cette demande. Si elle avait été acceptée,
il est très peu probable que Schow, après avoir
déclaré le 3 février 1976 qu'il demanderait à
Ottawa des renseignements supplémentaires sur le
statut du requérant, aurait rédigé un rapport à son
sujet le 29 mars 1976 conformément à l'article 22
de la Loi sur l'immigration et au Règlement. La
preuve relative aux procédures de divorce renforce
mon opinion selon laquelle aucune décision favora
ble n'a été rendue sur la demande de parrainage.
L'avocat du requérant prétend, sans invoquer de
moyens à l'appui de sa thèse, que l'épouse du
requérant ne pouvait pas renoncer à son parrai-
nage. Je n'ai pas besoin d'examiner la validité de
cette thèse puisque, quoi qu'il en soit, le fait que
l'épouse du requérant a intenté des procédures de
divorce et a obtenu un jugement conditionnel
entraînerait vraisemblablement une décision défa-
vorable. Compte tenu des témoignages présentés à
l'occasion de cette requête, la situation réelle est
difficile à définir, mais une enquête devant un
enquêteur spécial permettrait de le faire.
Je ne puis admettre la thèse de l'avocat selon
laquelle, puisque le requérant détient un permis
périmé du Ministre l'autorisant à être au Canada,
seul le Ministre (ou le sous-ministre ou le directeur
quand le Ministre les y autorise) a le pouvoir de
rendre une ordonnance d'expulsion contre lui.
L'article 8 de la Loi sur l'immigration prévoit que
le Ministre peut délivrer un permis (pour une
période déterminée d'au plus douze mois), le pro-
roger ou l'annuler et, lors de son annulation,
rendre une ordonnance d'expulsion concernant la
personne en cause. Le Ministre peut exercer
chacun de ces pouvoirs sans recourir à des procé-
dures formelles, à savoir un rapport d'un fonction-
naire à l'immigration et une enquête tenue par un
enquêteur spécial. Par contre, ces pouvoirs confé-
rés au Ministre n'empêchent pas l'emploi de ces
procédures formelles quand les circonstances les
justifient. En fait, selon l'avocat de la Couronne,
on suit toujours ces procédures formelles parce que
leurs règles assurent une audition impartiale et
complète à la personne qui désire entrer ou demeu-
rer au Canada.
A l'expiration d'un permis du Ministre autori-
sant son détenteur à demeurer au Canada, ce
dernier cesse d'avoir le droit de demeurer au
Canada. Il n'est plus un non-immigrant et n'appar-
tient plus à la catégorie particulière dans laquelle
il a été admis en qualité de non-immigrant. Il
relève donc des dispositions de l'article 7(3) de la
Loi sur l'immigration qui l'obligent, s'il demeure
au Canada, à «signaler ces faits au fonctionnaire à
l'immigration le plus rapproché et se présenter
pour examen au lieu et au temps qui lui sont
indiqués» et prévoient en outre qu'il est réputé,
pour les objets de l'examen et à toutes autres fins
de la présente loi, être une personne qui cherche à
être admise au Canada.
Dans son affidavit, le 3 février 1976, le requé-
rant indique que, après l'expiration de son permis
du Ministre, il est allé voir D. R. Schow, un
fonctionnaire à l'immigration, à Calgary. Il appert
qu'il avait des inquiétudes au sujet de son statut au
Canada puisque, d'après son affidavit, Schow l'a
informé qu'il demanderait à Ottawa de plus
amples renseignements à son sujet et l'aviserait
avant de faire d'autres démarches.
S'il est exact, comme le requérant le déclare
dans son affidavit, que Schow a rédigé un rapport
sur le requérant en vertu de l'article 22, sans faire
part des résultats de ses recherches ni à celui-ci ni
à son avocat, il peut être critiqué sur ce point mais
une omission de ce genre ne signifie pas qu'il
n'avait pas la compétence pour faire le rapport
prévu à l'article 22.
Après avoir considéré les faits qui m'ont été
soumis dans cette requête, analysé les dispositions
pertinentes de la Loi sur l'immigration et étudié
certains des arrêts cités par les deux avocats, je ne
vois aucune raison de conclure que le fonctionnaire
à l'immigration, D. R. Schow, a excédé ses
pouvoirs.
En outre, j'estime que l'enquêteur spécial, C. J.
Williams, en ordonnant au requérant de se présen-
ter à une audition de l'immigration à Calgary, a
aussi agi dans le cadre de sa compétence. L'article
23(2) de la Loi sur l'immigration prévoit que,
lorsqu'un enquêteur spécial reçoit un rapport prévu
à l'article 22 sur une personne (autre qu'une per-
sonne qui cherche à venir au Canada des États-
Unis ou de Saint-Pierre-et-Miquelon), il doit l'ad-
mettre ou la laisser entrer au Canada ou il peut la
faire détenir en vue d'une enquête immédiate sous
le régime de la Loi. L'enquêteur spécial a donc le
pouvoir d'ordonner la tenue d'une enquête. Le
paragraphe (2) de l'article 23 s'applique au requé-
rant qui est entré au Canada en provenance de
l'Inde.
Il n'y a donc pas lieu en l'espèce de rendre une
ordonnance de prohibition et de certiorari. A mon
avis, l'enquête devant l'enquêteur spécial doit
suivre son cours. Le requérant ne subira pas de
préjudice puisque tous les faits relatifs aux raisons
pour lesquelles il demande à être admis au Canada
en vue d'y résider en permanence seront soumis à
l'enquêteur spécial.
Je rejette la demande.
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