A-578-76
Agustin Pedro Alfonso (Requérant)
c.
Le ministre de la Main-d'oeuvre et de l'Immigra-
tion (Intimé)
Cour d'appel, les juges Urie et Ryan et le juge
suppléant MacKay—Toronto, le 6 octobre 1976.
Examen judiciaire—Immigration--Ordonnance d'expulsion
à la suite d'une enquête spéciale prévue à l'art. 22 de la Loi sur
l'immigration—Le rapport prévu par l'art. 22 n'est pas appro-
prié—L'art. 7(3) ne s'applique pas—Loi sur l'immigration,
S.R.C. 1970, c. I-2, art. 7(3) et 22—Loi sur la Cour fédérale,
art. 28.
Le requérant a été admis au Canada à titre de visiteur
jusqu'au le` février 1974. Le 31 janvier 1974, il s'est rendu au
bureau de l'immigration pour connaître les exigences aux fins
de demeurer au Canada. Il a été avisé qu'il ne pouvait faire une
demande de résidence permanente s'il se trouvait déjà au pays,
mais le fonctionnaire à l'immigration lui a fait remplir à cette
fin une demande d'admission au Canada et a procédé à son
examen pour déterminer s'il était admissible. Ensuite, il a
préparé un rapport prévu à l'article 22 de la Loi sur l'immigra-
tion qui a servi de fondement à l'enquête spéciale et il en
résulta une ordonnance d'expulsion.
Arrêt: l'ordonnance d'expulsion est annulée. Le requérant
n'avait pas cessé d'être un non-immigrant au moment de sa
visite ou cessé d'être membre de la catégorie dans laquelle il
avait été admis en qualité de non-immigrant au sens de l'article
7(3), n'eût été le fait qu'il ait complété sa demande de rési-
dence permanente. Le requérant n'aurait pas signé la demande
s'il avait réalisé les conséquences et n'a pas changé de statut en
agissant ainsi. En conséquence, l'article 7(3) ne s'applique pas
et le rapport prévu par l'article 22 n'était pas approprié au
moment où il a été fait.
DEMANDE d'examen judiciaire.
AVOCATS:
R. J. Gathercole pour le requérant.
T. L. James pour l'intimé.
PROCUREURS:
Richard J. Gathercole, Toronto, pour le
requérant.
Le sous-procureur général du Canada pour
l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement de la Cour prononcés oralement par
LE JUGE URIE: Le requérant, un citoyen de
l'Argentine, a été admis au Canada à titre de
visiteur le 28 décembre 1973, pour une période qui
devait se terminer le 11 janvier 1974 et qui fut par
la suite prolongée jusqu'au ler février 1974. Le 31
janvier 1974 il s'est rendu au bureau de l'immigra-
tion à Toronto [TRADUCTION] «pour connaître les
exigences aux fins de demeurer dans ce pays». Le
fonctionnaire à l'immigration à qui il s'est adressé
l'a apparemment avisé qu'il ne pouvait faire une
demande de résidence permanente s'il se trouvait
déjà au pays; malgré cela, il lui a fait remplir à
cette fin une demande d'admission au Canada et il
a procédé à son examen pour déterminer s'il était
admissible. Immédiatement après, il a préparé un
rapport prévu à l'article 22 qui a. servi de fonde-
ment à l'enquête spéciale qui a finalement com-
mencé le 27 juillet 1976. Il en résulta une ordon-
nance d'expulsion fondée sur le motif que le
requérant était membre d'une catégorie interdite,
en ce qu'il ne possédait pas de visa valide d'immi-
grant. C'est cette ordonnance qui fait l'objet de la
demande présentée en vertu de l'article 28.
Une lecture impartiale de l'ensemble des déposi-
tions démontre qu'au moment de sa visite au
bureau de l'immigration, le 31 janvier 1974, le
requérant était encore un non-immigrant, et qu'à
cette époque, il ne cherchait pas à «entrer au
Canada» pour employer les termes de l'article 22 1
de la Loi sur l'immigration, vu que son séjour ici
était conforme à la loi, mais qu'il cherchait plutôt
à obtenir des renseignements pour demeurer au
pays. Donc, à moins qu'on puisse dire qu'il se
présentait devant le fonctionnaire en vertu de l'ar-
ticle 7(3) 2 et, partant, qu'il était «réputé ... une
personne qui cherche à être admise au Canada»,
un rapport prévu par l'article 22 ne convenait pas
dans les circonstances en l'espèce.
' 22. Lorsqu'un fonctionnaire à l'immigration, après avoir
examiné une personne qui cherche à entrer au Canada, estime
qu'il serait ou qu'il peut être contraire à quelque disposition de
la présente loi ou des règlements de lui accorder l'admission ou
de lui permettre autrement de venir au Canada, il doit la faire
détenir et la signaler à un enquêteur spécial.
2 7. (3) Lorsqu'une personne qui est entrée au Canada en
qualité de non-immigrant cesse d'être un non-immigrant ou
d'appartenir à la catégorie particulière dans laquelle elle a été
admise à ce titre et, dans -l'un ou l'autre cas, demeure au
Canada, elle doit immédiatement signaler ces faits au fonction-
naire à l'immigration le plus rapproché et se présenter pour
examen au lieu et au temps qui lui sont indiqués, et elle est
réputée, pour les objets de l'examen et à toutes autres fins de la
présente loi, une personne qui cherche à être admise au
Canada.
On ne pouvait dire le 31 janvier 1974 si le
requérant avait cessé d'être un non-immigrant, ou
cessé d'appartenir à la catégorie particulière dans
laquelle il avait été admis en qualité de non-immi
grant au sens de l'article 7(3), n'eût été le fait qu'il
ait complété sa demande de résidence permanente.
A nouveau, une lecture impartiale de l'ensemble
des témoignages mène à la conclusion que la
demande a été complétée à la suite de ce qui peut
être le mieux décrit comme un malentendu entre le
requérant et le fonctionnaire à l'immigration. Mais
il est également clair à notre avis que le fonction-
naire à l'immigration, ayant bien avisé le requé-
rant qu'il ne pouvait faire une demande de rési-
dence permanente pendant qu'il était au Canada,
n'aurait pas dû lui faire compléter la demande. Le
requérant ne l'aurait pas signée s'il avait réalisé
l'étendue des conséquences que cela pouvait avoir.
Donc, dans les circonstances, nous ne croyons pas
que l'on puisse dire que le requérant, à la suite de
l'acte qu'il a accompli, a changé de statut. Ainsi,
l'article 7(3) ne s'appliquerait pas et le rapport
prévu par l'article 22 n'était pas approprié au
moment où il a été fait.
Nous n'exprimons aucune opinion sur ce qui se
serait produit si la demande avait été complétée
dans d'autres circonstances que celles en l'espèce,
qui sont pour le moins exceptionnelles.
A notre avis, l'ordonnance d'expulsion doit donc
être annulée.
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