T-3558-75
La Reine (Demanderesse)
c.
Irene M. Cumming (Défenderesse)
Division de première instance, le juge Mahoney—
Toronto, le 25 juin; Ottawa, le 29 juin 1976.
Impôt sur le revenu—La défenderesse a reçu une prestation
de décès payable à la succession de son mari en vertu du
Régime de pensions du Canada Elle l'a déclarée au titre de
revenu personnel La prestation de décès prévue par le
Régime de pensions du Canada est-elle la prestation consécu-
tive au décès définie par la Loi de l'impôt sur le revenu?—
Régime de pensions du Canada, S.R.C. 1970, c. C-5, art.
44(1)c), 55(1) et 72—Loi de l'impôt sur le revenu, S.C. 1970-
71-72, c. 63, art. 56(1)a)(i)(B),(iii) et 248(1)a)(1).
La défenderesse était l'unique exécutrice testamentaire de
son mari. Après le décès de ce dernier, elle a reçu la prestation
de décès payable à la succession en vertu du Régime de
pensions du Canada et l'a déposée dans son propre compte. Elle
a déclaré cette somme dans sa déclaration personnelle de
revenu. Il s'agit de déterminer si ce montant était une presta-
tion consécutive au décès au sens de la Loi de l'impôt sur le
revenu.
Arrêt: l'appel est accueilli. Le paiement était destiné à la
succession et non à la défenderesse. Mais la veuve l'a «reçu» au
sens de l'article 248(1)a) de la Loi de l'impôt sur le revenu.
Cependant, ce paiement n'a pas été versé en «reconnaissance»
du service rendu par le défunt dans une charge ou un emploi
conformément au sens courant du mot «reconnaissance». La Loi
ne lie pas directement le payeur à l'emploi mais lie le paiement
à une reconnaissance des services fournis dans cet emploi. Cette
somme ne constituait pas une prestation consécutive du décès
au sens de l'article 248(1) mais une prestation versée en vertu
du Régime de pensions du Canada et le sous-alinéa
56(1)a)(i)(B) exige son inclusion dans le revenu du
bénéficiaire.
APPEL en matière d'impôt sur le revenu.
AVOCATS:
C. H. Fryers pour la demanderesse.
D. W. Smith pour la défenderesse.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour la
demanderesse.
Davies, Ward & Beck, Toronto, pour la
défenderesse.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE MAHONEY: Il s'agit de déterminer si
une prestation de décès en vertu du Régime de
pensions du Canada' est une «prestation consécu-
tive au décès» telle que définie par la Loi de
l'impôt sur le revenu 2 . La première loi prévoit:
44. (1) Sous réserve de la présente Partie,
c) une prestation de décès doit être payée à la succession
d'un cotisant qui a versé des contributions pendant au moins
la période minimum d'admissibilité;
55. (1) Une prestation de décès payable à la succession d'un
cotisant est un montant global égal
a) à 6 fois le montant de la pension de retraite du coti-
sant ... ou
b) à 10% du maximum des gains annuels ouvrant droit à
pension, pour l'année au cours de laquelle le cotisant est
décédé
en choisissant le moindre de ces deux montants.
72. (1) Une demande de prestation de décès peut être faite
pour le compte de la succession d'un cotisant par l'exécuteur
testamentaire, l'administrateur, l'héritier ou autre représentant
légal ayant la propriété ou le contrôle des biens compris dans la
succession, ou par toute autre personne à qui la prestation
serait, si la demande était approuvée, payable selon la présente
Partie.
(2) Lorsque le paiement d'une prestation de décès est
approuvé, le montant doit en être payé à la succession du
cotisant en une somme unique ou, si ce montant est inférieur à
ce qui peut être prescrit, il doit être payé à la ou aux personnes
et de la manière qui peuvent être prescrites.
Earl F. Cumming était un cotisant du Régime
de pensions du Canada (ci-après appelé «RPC»). Il
avait travaillé au service du même employeur pen
dant plus de 25 ans avant son décès en 1973. Son
testament désignait son épouse, la défenderesse,
comme unique exécutrice testamentaire et héri-
tière si elle lui survivait pendant plus de 30 jours.
Elle lui a survécu; le testament n'a pas été homolo-
gué. Au nom de la succession, elle a fait une
demande de prestation de décès en vertu du RPC
et a reçu un chèque de $560 payable à «La succes
sion de Earl F. Cumming» à titre de paiement à cet
effet. Elle a personnellement endossé le chèque
sans mentionner la succession dans son endosse-
ment ni sa qualité d'exécutrice testamentaire et a
déposé le montant dans son propre compte de
banque. Évidemment, ce montant de $560 n'a pas
été mentionné comme revenu dans la déclaration
d'impôt personnelle produite au nom de Earl F.
' S.R.C. 1970, c. C-5.
2 S.C. 1970-71-72, c. 63.
Cumming pour la partie de 1973 pendant laquelle
il était encore vivant. Aucune déclaration n'a été
produite au nom de la succession elle-même.
Dans sa propre déclaration d'impôt personnelle
pour 1973, la défenderesse a déclaré ces $560 au
titre du revenu et en a réclamé la déduction y
afférente. La Loi de l'impôt sur le revenu édicte
ceci:
56. (1) Sans restreindre la portée générale de l'article 3,
sont à inclure dans le calcul du revenu d'un contribuable pour
une année d'imposition,
a) toute somme reçue au cours de l'année au titre, ou en
paiement intégral ou partiel
(i) d'une pension de retraite ou autre pension, y compris,
sans restreindre la portée générale de ce qui précède,
(B) toute prestation versée en vertu du Régime des
pensions du Canada .. .
(iii) d'une indemnité en cas de décès,
248. (1) Dans la présente loi,
«prestation consécutive au décès», pour une année d'imposition,
signifie la somme ou les sommes reçues dans l'année par une
personne lors du décès d'un employé, ou après ce décès, en
reconnaissance de son service dans une charge ou un emploi,
moins,
a) lorsque la somme ou les sommes ont été reçues par la
veuve, la moins élevée des sommes suivantes:
(i) la somme ou les sommes ainsi reçues, ou
L'article 248(1)a)(ii) prévoit différentes situa
tions; néanmoins, il est incontesté que, selon tous
les calculs possibles prévus audit sous-alinéa, les
$560 reçus représentaient la somme la moins
élevée.
Le montant en cause était payable à la succes
sion et non à la défenderesse. Néanmoins, je n'ac-
cepte pas la thèse de la demanderesse selon
laquelle la Loi de l'impôt sur le revenu requiert
une interprétation aussi stricte de l'expression
«reçues par la veuve» impliquant qu'un versement
qui sans cela constituerait aux fins de la Loi une
prestation consécutive au décès destinée en fait et
en droit à la veuve, serait exclu de cette catégorie
du seul fait qu'il a été versé à la succession avant
qu'elle le reçoive. Les $560 versés par le RPC ont
été «reçus» par la veuve au sens de l'article
248(1)a).
Pour constituer une prestation consécutive au
décès en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu, le
paiement doit notamment avoir été versé en recon
naissance du service rendu par le défunt dans une
charge ou un emploi. Le sens courant du mot
«reconnaissance» dans l'expression «en reconnais
sance de» est
[TRADUCTION] Action de reconnaître ou d'admettre un
bienfait, un service, une obligation, un mérite ou expression de
cette attitude d'une façon ou d'une autre 3 .
action de reconnaître que quelque chose a été fait ou donné,
spécialement en faisant quelque chose en retour (un cadeau
en—d'un service) 4 .
C'est à juste titre que la défenderesse déclare
que la Loi ne lie pas directement le payeur à
l'emploi mais qu'elle lie le paiement à une recon
naissance des services fournis dans cet emploi. Il
est exact que le défunt était un cotisant du RPC à
cause de son emploi et de plus, que la prestation de
décès du RPC était exigible parce qu'il était un
cotisant; mais affirmer que la prestation a été
versée «en reconnaissance de son service dans
un ... emploi», c'est forcer considérablement l'idée
clairement exprimée par ces termes courants de la
langue anglaise.
La prestation de décès payable en vertu du
Régime de pensions du Canada ne constitue pas
une «prestation consécutive au décès» au sens du
paragraphe 248(1) de la Loi de l'impôt sur le
revenu. Il s'agit néanmoins d'une prestation versée
en vertu du Régime des pensions du Canada et
l'article 56(1)a)(i)(B) exige spécifiquement son
inclusion dans le revenu du bénéficiaire.
Quelle que soit l'issue de l'affaire, la défende-
resse a droit en vertu de l'article 178(2), une
ordonnance imposant à la demanderesse de lui
payer «tous les frais raisonnables et justifiés». Je ne
suis pas certain que l'adjudication de frais taxables
satisferait à cette exigence en l'espèce mais, à mon
avis, les parties peuvent s'entendre. La défende-
resse pourra demander une autre ordonnance rela
tive aux dépens, si les parties n'aboutissent pas à
un accord.
L'appel est accueilli avec dépens.
3 The Oxford English Dictionary.
4 Webster's Third New International Dictionary.
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