A-678-76
In re la Loi sur la Commission du tarif et in re
une demande de la Commission du tarif présentée
en vertu de l'article 28 de la Loi sur la Cour
fédérale
Cour d'appel, le juge en chef Jackett, les juges
Pratte et Urie—Ottawa, les 2 et 3 février 1977.
Renvoi introduit conformément à l'art. 28(4) de la Loi sur la
Cour fédérale — Décès de l'un des membres de la Commission
après audition de certaines affaires mais avant qu'une décision
soit rendue — Les deux autres cdmmissaires ont-ils compé-
tence pour faire validement une déclaration? Loi sur la
Commission du tarif, S.R.C. 1970, c. T-1, art. 3(1),(8) et (9) et
5(7) — Loi d'interprétation, S.R.C. 1970, c. 1-23, art. 21(2) —
Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), c. 10, art.
28(4).
Après le décès de l'un de ses membres, la Commission du
tarif a introduit un renvoi devant la Cour d'appel fédérale,
conformément à l'article 28(4) de la Loi sur la Cour fédérale,
afin de savoir si les deux autres commissaires qui ont présidé les
auditions peuvent validement faire une déclaration.
Arrêt: les deux autres membres du jury en cause n'ont pas
compétence pour faire validement une déclaration. L'affaire
dont est saisi le tribunal est un .appel» régi par l'article 3(8) de
la Loi sur la Commission du tarif qui exige la participation de
trois membres ou plus pour que la Commission rende une
décision relative à une procédure à laquelle s'applique la dispo
sition. L'article 3(9) ne réduit pas le nombre de commissaires
requis mais dispose simplement, de même que l'article 21(2)c)
de la Loi d'interprétation, que les fonctions d'un tribunal ne
sont pas suspendues par une vacance qui se produit en son sein.
REN VOI introduit conformément à l'article
28(4).
AVOCATS:
H. Soloway, c.r., et J. L. Shields pour la
Commission du tarif.
E. A. Bowie pour le sous-procureur général du
Canada.
G. Greenwood pour Kipp Kelly Ltd.
PROCUREURS:
Soloway, Wright, Houston, Greenberg,
O'Grady & Morin, Ottawa, pour la Commis
sion du tarif.
Le sous-procureur général du Canada pour
lui-même.
Maclaren, Corlett & Tanner, Ottawa, pour
Kipp Kelly Ltd.
Ce qui suit est la version française des motifs
de la décision de la Cour rendus à l'audience par
LE JUGE EN CHEF JACKETT: Nous avons à
connaître d'un renvoi introduit par la Commission
du tarif en application de l'article 28(4)' de la Loi
sur la Cour fédérale. L'ordre de renvoi de la
Commission énumère d'abord certains faits, dont
le décès de l'un de ses membres, M. René Labelle,
décès survenu avant que décision soit rendue dans
certaines affaires du domaine de la Loi sur les
douanes' et de la Loi sur la taxe d'accise', affai-
res dont M. Labelle était saisi de concert avec
deux autres commissaires. La demande d'avis
objet du renvoi nous soumet ensuite la question
suivante:
' L'article 28(4) se lit comme suit:
(4) Un office, une commission ou un autre tribunal fédé-
ral auxquels s'applique le paragraphe (1) peut, à tout stade
de ses procédures, renvoyer devant la Cour d'appel pour
audition et jugement, toute question de droit, de compétence
ou de pratique et procédure.
2 Voir l'article 47 de la Loi sur les douanes (S.R.C. 1970, c.
C-40), qui dit entre autres:
47. (1) Une personne qui se croit lésée par une décision
du sous-ministre,
a) sur la classification tarifaire ou la valeur imposable,
b) établie selon l'article 45, ou
c) sur la question de savoir si quelque drawback de droits
douaniers est payable ou sur le taux d'un tel drawback,
peut appeler de la décision à la Commission du tarif en
déposant par écrit un avis d'appel entre les mains du secré-
taire de la Commission du tarif dans les soixante jours qui
suivent la date à laquelle la décision a été rendue.
(3) Lors d'un appel en vertu du paragraphe (1), la Com
mission du tarif peut rendre telle ordonnance ou prononcer
telle conclusion que la nature du sujet peut exiger et, sans
restreindre la généralité de ce qui précède, peut déclarer
a) le taux de droit qui est applicable aux marchandises
particulières ou à la catégorie de marchalidises concernant
lesquelles l'appel a été interjeté,
b) la valeur imposable des marchandises particulières ou
de la catégorie de marchandises, ou
c) que ces marchandises sont exemptes de droits,
et une ordonnance, conclusion ou déclaration de la Commis
sion du tarif est définitive et péremptoire, sauf nouvel appel
que prévoit l'article 48.
3 Voir l'article 59(1) de la Loi sur la taxe d'accise (S.R.C.
1970, c. E-13) dont voici le texte:
59. (1) Lorsqu'il se produit un différend ou qu'un doute
existe sur la question de savoir si, aux termes de la présente
loi, un article ou un transport aérien sont assujettis à la taxe
ou sur le taux qui leur est applicable, la Commission du tarif,
instituée par la Loi sur la Commission du tarif, peut déclarer
quel taux de taxe est exigible sur l'article ou le transport
aérien ou déclarer que l'article ou le transport aérien sont
exempts de la taxe en vertu de la présente loi.
[TRADUCTION] Les deux commissaires qui avaient présidé de
concert avec feu M. Labelle les auditions publiques des appels
en cause ont-ils compétence pour faire une déclaration valide?
La Commission du tarif doit son existence à
l'article 3(1) de la Loi sur la Commission du tarif
(S.R.C. 1970, c. T-1); elle se compose de sept
commissaires dont un président. Sa loi constitutive
l'oblige, sur demande du ministre des Finances ou
du gouverneur en conseil, à enquêter et consécuti-
vement à faire rapport, en matière de douanes, de
droits d'accise ou d'industrie et de commerce en
général. Par ailleurs elle s'acquitte d'une tâche
tout à fait différente, celle de statuer, en vertu de
diverses autres lois, sur des appels, des différends
ou des difficultés d'interprétation relatifs à des
litiges de nature fiscale. A l'égard de ce que l'on
pourrait appeler sa fonction «inquisitoriale», le pré-
sident peut, en vertu de l'article 5(7), confier
l'enquête à un ou plusieurs commissaires et «le
membre ou les membres ainsi désignés possèdent
et peuvent exercer tous les pouvoirs de la Commis
sion et peuvent accomplir toutes les fonctions dont
cette dernière est chargée». En ce qui concerne un
«appel»' fondé sur une loi différente, voici ce que
prévoit l'article 3(8):
(8) En ce qui concerne un appel à la Commission sous le
régime de toute loi autre que la présente loi, trois membres ou
plus détiennent et peuvent exercer les pouvoirs et les fonctions
de la Commission.
Bien que la Loi ne le dise pas expressément, il
s'agit là de dispositions établissant un «quorum» 5 ,
c'est-à-dire, fixant un nombre minimal de mem-
bres de la Commission devant participer à l'exécu-
tion des deux catégories de fonctions qui lui sont
confiées.
C'est là la seule disposition de la Loi sur la
Commission du tarif sur laquelle on ait attiré
l'attention du tribunal; si l'on considère l'article
3(8) isolément, il appert qu'il faut la participation
d'au moins trois de ses membres pour que la
Commission exerce son pouvoir de «faire une
déclaration valide» accueillant ou rejetant l'appel
ou la procédure auxquels s'applique cette disposi-
° Terme incluant, semble-t-il, le litige dont la commission a à
connaître en vertu de l'article 59 de la Loi sur la taxe d'accise.
5 Voici la définition donnée du terme «quorum» par The
Concise Oxford Dictionary:
[TRADUCTION] Nombre de membres qu'une assemblée, une
société ou une commission doit réunir pour valablement
délibérer.
tion. Si tel est le cas, il faut répondre à la question
posée à la Cour par la négative.
Toutefois l'avocat du procureur général et celui
de Kipp Kelly Limited, l'un des appelants devant
la Commission du tarif, prétendent que l'on
devrait en arriver à la conclusion contraire, vu
l'article 21 de la Loi d'interprétation (S.R.C.
1970, c. I-23), libellé comme suit:
21. (1) Lorsqu'un acte ou une chose doit ou peut être
accompli par plus de deux personnes, une majorité d'entre elles
peut le faire.
(2) Lorsqu'un texte législatif établit un conseil, un office,
une cour, une commission ou un autre organisme composé de
trois membres ou plus (au présent article, appelé une
«association»),
a) le quorum à une réunion de l'association est constitué par
un nombre de membres égal
(i) à la moitié au moins du nombre des membres prévu
par le texte législatif, si ce nombre est fixe, et
(ii) si le nombre de membres prévu par le texte législatif
n'est pas fixe mais est compris dans des limites comportant
un maximum ou un minimum, à la moitié au moins—du
nombre de membres en fonction, si ce nombre est compris
dans ces limites;
b) un acte ou une chose accompli par une majorité des
membres de l'association présents à une réunion, si les mem-
bres présents constituent un quorum, est censé avoir été
accompli par l'association; et
c) une vacance parmi les membres de l'association n'invalide
pas sa constitution ni n'atteint le droit d'agir de ses membres
en fonctions si leur nombre n'est pas inférieur à celui du
quorum.
et vu aussi le texte de l'article 3(9) de la Loi sur la
Commission du tarif, ainsi libellé:
(9) Une vacance au sein de la Commission n'atteint pas le
droit d'agir des autres membres.
L'avocat du procureur général du Canada pré-
tend que la lecture conjuguée de fi article 21(1) de
la Loi d'interprétation et de l'article 3(8) de la Loi
sur la Commission du tarif suffit à nous convain-
cre de l'obligation de répondre par l'affirmative à
la question posée par la Commission à la Cour.
Selon lui, si nous comprenons bien, l'article 3(8)
donne à trois membres au moins le pouvoir de
juger l'appel, alors que l'article 21(1) autorise «une
majorité d'entre [eux]» à le faire. A notre avis, on
ne saurait se servir de l'article 21(1) pour modifier
une disposition prévoyant un «quorum» requis dans
un cas particulier. Bien que nous reconnaissions
qu'une interprétation littérale du paragraphe n'in-
terdise pas de lui donner le sens que veut lui
donner l'avocat, les termes employés ayant une
portée suffisamment large, il nous semble que
l'article 21(1) ne vise que les cas d'exercice du
pouvoir légal par un quorum légal; il a pour effet
de faire de la décision de la «majorité» la décision
du groupe.
L'avocat de Kipp Kelly Limited, suivi par celui
du procureur général, a prétendu si nous compre-
nons bien, que l'article 3(8) de la Loi sur la
Commission du tarif avait pour effet de former,
pour chaque «appel», un nouveau tribunal composé
«de trois membres ou plus». Il se fonde sur l'article
21(2) de la Loi d'interprétation, qui fixe le
quorum à deux membres, et sur l'article 3(9) de la
Loi sur la Commission du tarif pour tenter de
justifier la prétention voulant que deux commissai-
res, survivants d'un groupe de trois ayant eu à
connaître d'un «appel» particulier, puissent rendre
jugement après la mort du troisième. A notre avis,
l'article 3(8) ne crée pas un nouveau tribunal
distinct de la Commission du tarif; il ne fait qu'é-
tablir le mode de composition de la Commission
lors d'un «appel». De plus nous n'interprétons pas
l'article 3(9) de la Loi sur la Commission du tarif
comme réduisant le nombre de commissaires
requis pour exercer telle ou telle attribution. Nous
croyons qu'il dispose simplement, de même que
l'article 21(2)c) de la Loi d'interprétation, que les
fonctions d'un tribunal ne sont pas suspendues par
une vacance qui se produit en son sein.
Pour en arriver à cette conclusion, il nous a fallu
présumer que les affaires dont la Commission du
tarif a à connaître en vertu de l'article 59 de la Loi
sur la taxe d'accise constituent des «appels» au
sens de l'article 3(8) de la Loi sur la Commission
du tarif. Compte tenu de notre conclusion, il n'est
pas nécessaire de statuer sur ce point. 6
A notre avis, il faudrait répondre par la négative
à la question que la Commission du tarif a soumise
à la Cour en application de l'article 28(4) de la Loi
sur la Cour fédérale.
6 Personne n'a prétendu, compte tenu de la composition
actuelle de la Commission, qu'il faudrait en arriver à une
conclusion différente si la procédure en cause ne constituait pas
un «appel» au sens de l'article 3(8).
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