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T-1029-76
Clifford Burnell (Demandeur) c.
La Commission mixte internationale (Défende- resse)
Division de première instance, le juge en chef adjoint Thurlow—Ottawa, les 22 juin et 9 juillet 1976.
Juridiction—Le demandeur prétend que la défenderesse a modifié et permis à d'autres de modifier les niveaux d'eau du Saint-Laurent en violation de l'art. 4 de la Loi du Traité des eaux limitrophes internationales—Le demandeur réclame des dommages-intérêts à la suite de la prétendue inondation—La défenderesse demande la radiation de la déclaration en vertu de la Règle 419(1)a) pour incompétence de la Cour, alléguant que le demandeur a mal interprété la Loi, que la Commission est un tribunal judiciaire et non une personne ou une entité que l'on peut poursuivre en justice et que l'art. 4 de la Loi ne crée aucun droit ni obligation à une partie lésée de la poursuivre— Règle 419(1)a) de la Cour fédérale—Loi du Traité des eaux limitrophes internationales, S.R.C. 1970, c. I-20, art. 2 et 5.
Le demandeur a réclamé des dommages-intérêts de la défen- deresse à la suite de la prétendue inondation de sa propriété, alléguant que la défenderesse était mandataire de Sa Majesté la Reine et était autorisée à maintenir les niveaux d'eau du Saint-Laurent et qu'elle a modifié ou permis à d'autres de modifier ces niveaux et a ainsi violé l'art. 4 de la Loi du Traité des eaux limitrophes internationales. La défenderesse a demandé la radiation de la déclaration en vertu de la Règle 419(1)a) pour incompétence de la Cour, alléguant que l'inter- prétation du demandeur de la Loi, particulièrement de l'art. 4, était mal conçue, et que la défenderesse était un tribunal judiciaire et non pas une personne ou une entité que l'on peut poursuivre en justice et que l'art. 4 ne crée aucun droit ni obligation en vertu desquels une partie lésée peut intenter un procès contre elle. Le demandeur prétend que la Cour, même si la déclaration ne mentionne que l'art. 4, est compétente en vertu de l'art. 5 pour faire appliquer tout droit résultant de la Loi et qu'il a le droit d'apporter une modification pour faire une réclamation en vertu de l'article 3 qui confère le même droit au titulaire lésé d'une propriété au Canada que celui attribué par l'article 4 à un propriétaire lésé aux États-Unis de poursuivre la Commission en tant que partie provoquant des dommages au Canada et que la Commission peut être poursui- vie en justice et représente la personne mentionnée à l'article 5.
Arrêt: l'action est rejetée. L'article 4 se limite aux dommages aux É.-U. et ne constitue aucun fondement à la présente action. Le paragraphe 2 de la déclaration, traitant de l'article 4, est radié; c'est au juge de première instance de décider si la réclamation est conforme à la Loi de sorte qu'elle relève de la compétence conférée par l'article 5 ou si elle relève uniquement de la compétence d'une cour provinciale.
Même s'il est douteux que l'objection selon laquelle la Com mission n'est ni une personne ni une partie susceptible d'être poursuivie en justice relève de la Règle 419(1)a), la question devrait être examinée par la Cour en raison de sa compétence
propre à l'égard des procédures pour mettre fin à une procédure nulle ou invalide. Même si la question ici ne concerne pas un défendeur décédé ou inexistant, le même principe s'applique si le seul défendeur désigné n'est ni une personne physique ni un corps auquel le droit reconnaît une personnalité morale dis- tincte, ni un corps à qui la loi a conféré le droit de poursuite ou le droit d'être poursuivi. Les fonctions de la défenderesse sont consultatives et quasi judiciaires. Ni la Loi ni le Traité ne parle de personnalité morale, ni ne lui confère la capacité d'exercer des poursuites ou d'être poursuivie. Et ils ne permettent pas de conclure que les Hautes parties contractantes en ont eu l'inten- tion. Il ne s'agit pas d'une erreur dans le nom du défendeur, ni d'une action que l'on peut considérer comme intentée contre les commissaires individuellement ou que l'on peut traiter comme telle. Cependant, si l'action était mal conçue, il en va de même pour l'acceptation de la signification, la demande d'autorisation de comparution conditionnelle, la comparution et la requête en radiation.
Arrêt appliqué: Lazard Brothers & Co. c. Midland Bank [1931] 1 K.B. 617; [1933] A.C. 289. Arrêt approuvé: Hollinger Bus Lines Limited c. Ontario Labour Relations Board [1952] O.R. 366.
ACTION. AVOCATS:
F. J. McDonald et C. A. Murphy pour le demandeur.
G. Henderson, c.r., et E. Binavince pour la défenderesse.
PROCUREURS:
Hewitt, Hewitt, Nesbitt, Reid, McDonald & Tierney, Ottawa, pour le demandeur.
Gowling et Henderson, Ottawa, pour la défenderesse.
Ce qui suit est la version française des motifs de l'ordonnance rendus par
LE JUGE EN CHEF ADJOINT THURLOW: Par ces procédures commencées le 17 mars 1976 avec le dépôt d'une déclaration, le demandeur réclame des dommages-intérêts à la suite de la prétendue inon- dation de sa propriété dans l'île Renshaw sur le Saint-Laurent résultant de la hausse du niveau d'eau. L'île est située dans la province de l'Ontario entre le barrage de contrôle des eaux de Long Sault (Ontario) et l'usine hydro-électrique Beau- harnois et le barrage Coteau dans la province de Québec.
Au paragraphe 2 de cette déclaration, il est prétendu que:
[TRADUCTION] 2. La défenderesse est mandataire de Sa Majesté la Reine du chef du Canada, et en vertu de la loi habilitante et du Traité des eaux limitrophes internationales, elle est autorisée à maintenir les niveaux d'eau de toutes les voies navigables du Saint-Laurent y compris leur profondeur pour permettre une navigation appropriée à travers la voie maritime du Saint-Laurent. La défenderesse contrôle le niveau d'eau de la voie maritime du Saint-Laurent entre le port de Montréal et le lac Érié. La défenderesse a modifié les niveaux d'eau du Saint-Laurent ou elle a permis à d'autres de modifier ces niveaux et par conséquent, elle a violé l'article 4 de la Loi du Traité des eaux limitrophes internationales, S.R.C. 1970, chapitre I-20 et son annexe.
et aux paragraphes 6, 7 et 8:
[TRADUCTION] 6. Le demandeur déclare, ce qui est exact, que l'immeuble et ses annexes ont subis des dommages irréparables à la suite de l'inondation de sa propriété décrite ci-dessus et qu'il a perdu la jouissance des terrains à la suite de la modifica tion par la défenderesse des niveaux d'eau du Saint-Laurent. Le demandeur déclare, ce qui est exact, que la défenderesse a élevé le niveau d'eau du Saint-Laurent pour permettre aux navires utilisant cette voie d'eau de transporter un tonnage supérieur. Lorsque les niveaux d'eau ont commencé à s'élever, le deman- deur a avisé la défenderesse des dommages en cours mais celle-ci n'a pris aucune mesure pour éviter les dommages ou arrêter le changement des niveaux d'eau qui provoquait les dommages.
7. Le demandeur déclare, ce qui est exact, que ses droits de riverain ont subi le préjudice mentionné ci-dessus à la suite de la violation par la défenderesse des dispositions de la Loi du Traité des eaux limitrophes internationales, S.R.C. 1970, cha- pitre I-20 et son annexe.
8. Le demandeur déclare que la défenderesse a provoqué un acte préjudiciable qui a conduit directement aux dommages mentionnés ci-dessus et qui empêche le demandeur d'utiliser aux fins prévues le terrain.
Le 3 juin 1976, les avocats de la défenderesse, après avoir accepté signification de la déclaration, ont demandé et obtenu l'autorisation de déposer un acte de comparution conditionnelle pour s'opposer à la compétence de la Cour, ce qui a été fait le jour même.
Le 22 juin 1976, la présente demande a été présentée conformément à la Règle 419(1)a) dans le but de rejeter l'action au motif que la Cour est incompétente pour en connaître contre la défende- resse. La Règle 419(1)a) dispose que:
Règle 419. (1) La Cour pourra, à tout stade d'une action ordonner la radiation de tout ou partie d'une plaidoirie, avec ou sans permission d'amendement, au motif
a) qu'elle ne révèle aucune cause raisonnable d'action ou de défense, selon le cas,
En vertu de la Règle 419(2), aucune preuve n'est admissible sur une telle demande.
Il a été prétendu au nom de la défenderesse que l'action est mal conçue à la fois en ce qui concerne l'interprétation de la Loi mentionnée au paragra- phe 2 de la déclaration et en particulier de l'article 4 de cette Loi, et, pour ce qui est de la nature de la Commission défenderesse, que cette Commission est un tribunal judiciaire et non pas une personne ou une entité que l'on peut poursuivre en justice et que l'article 4 de la Loi ne crée aucun droit ni obligation en vertu desquels une personne lésée peut intenter un procès contre la Commission.
Le demandeur prétend, si j'ai bien compris, que le pouvoir d'élever le niveau d'eau appartient à la Commission et que la Cour, même si le paragraphe 2 de la déclaration ne mentionne que l'article 4 de la Loi, est compétente en vertu de l'article 5 pour faire appliquer tout droit résultant de la Loi. Il prétend en outre avoir le droit d'apporter une modification pour faire une réclamation en vertu de l'article 3 qui confère le même droit au titulaire lésé d'une propriété au Canada que celui attribué par l'article 4 à un propriétaire lésé du côté des Etats-Unis de poursuivre la Commission en tant que partie provoquant des dommages dans ce pays, et enfin que la Commission est susceptible d'être poursuivie en justice et représente la personne mentionnée à l'article 5.
Voici les articles mentionnés ainsi que l'article 2:
2. Le traité relatif aux eaux limitrophes et aux questions originant le long de la frontière entre le Canada et les États- Unis, conclu entre Sa Majesté le Roi Édouard VII et les États-Unis, signé à Washington le 11 janvier 1909, et le protocole du 5 mai 1910, figurant à l'annexe de la présente loi, sont par les présentes ratifiés et sanctionnés. 1911, c. 28, art. 1.
3. Les lois du Canada et des provinces sont par la présente loi modifiées et changées de manière à permettre, autoriser et ratifier l'accomplissement des obligations prises par Sa Majesté dans ledit traité et sous son autorité; et de manière à sanction- ner, conférer et imposer les différents droits, devoirs et incapa- cités que le traité entend conférer, imposer ou créer au Canada. 1911, c. 28, art. 2.
4. Toute ingérence ou tout détournement dans le cours natu- rel des eaux du Canada dont le cours naturel traverse la frontière entre le Canada et les États-Unis ou se jette dans des eaux limitrophes (telles que définies dans le traité), qui cause un préjudice du côté de la frontière des États-Unis, confère les mêmes droits et accorde aux parties lésées les mêmes recours en justice que si ce préjudice était causé dans la partie du Canada une telle ingérence ou un tel détournement s'était produit, mais le présent article ne s'applique pas aux cas existant le 11 janvier 1909 ni aux cas expressément couverts par la convention
spéciale intervenue entre Sa Majesté et le gouvernement des Etats-Unis. 1911, c. 28, art. 3.
5. La Cour fédérale du Canada a compétence, à la demande de toute personne lésée ou de toute personne présentant une réclamation sous le régime de la présente loi, dans tous les cas il est demandé de mettre à exécution ou de déterminer contre quelque personne quelque droit ou obligation originant ou réclamé sous le régime de la présente loi. 1911, c. 28, art. 4.
Il est clair à mon avis que l'article 4, qui se limite aux dommages du côté américain de la frontière, ne constitue aucun fondement à la pré- sente action. Par contre, on peut se demander s'il est impossible de plaider une cause d'action fondée sur l'article 3 et sur l'inobservation par la Commis sion de l'exigence prévue à l'avant-dernier para- graphe de l'Article VIII du Traité'. Par consé- quent, si l'affaire devait être jugée conformément à la Règle 419(1)a), je procéderais à la radiation du paragraphe 2 de la déclaration qui ne révèle aucune cause raisonnable d'action, mais je laisse- rais le soin au juge de première instance de statuer sur le reste de la déclaration et sur la responsabi- lité éventuellement démontrée après examen des faits. Je lui laisserais également le soin de décider, après avoir examiné les faits et le fondement de la responsabilité, si la réclamation est conforme à la Loi de sorte qu'elle relève de la compétence attri- buée à cette cour par l'article 5 ou si elle résulte simplement de la common law de l'Ontario et relève uniquement de la compétence d'une cour provinciale.
Cela ne résout pas entièrement la question puis- qu'il reste l'objection selon laquelle la Commission n'est ni une personne ni une partie susceptible d'être poursuivie devant cette cour. Je doute fort qu'une telle objection relève de la Règle 419(1)a). Mais si cette objection est valable et si l'on peut dire qu'il n'y a aucun défendeur susceptible d'être poursuivi et de se défendre lui-même, cette ques tion doit et devrait être examinée par la Cour en
' Dans les cas entraînant l'élévation du niveau naturel des eaux de l'un ou l'autre côté de la ligne par suite de la construc tion ou de l'entretien de l'autre côté d'ouvrages de secours ou de protection ou de barrages ou autres obstacles dans les eaux limitrophes ou dans les eaux qui en proviennent ou dans les eaux en aval de la frontière dans des rivières qui coupent la frontière, la Commission doit exiger, comme condition de son approbation, que des dispositions convenables et suffisantes, approuvées par la Commission, soient prises pour protéger contre tous dommages tous les intérêts de l'autre côté de la frontière qui pourraient être par atteints, et payer une indemnité à cet égard.
raison de sa compétence propre à l'égard des pro- cédures pour mettre fin à une procédure nulle ou invalide, que ce soit de son propre chef, à la demande d'un amicus curiae, ou d'une autre façon. Voir Lazard Brothers & Co. c. Midland Bank 2 .
Dans cette affaire dont la Cour d'appel a été saisie, le lord juge Scrutton déclarait (page 624):
[TRADUCTION] L'une des questions essentielles de cette affaire est de savoir s'il existait en octobre ou en novembre 1930, une personne morale connue sous le nom de Banque industrielle de Moscou ou l'équivalent russe de ce nom, à qui une assignation ou un avis pouvait être signifié ou contre qui un jugement par défaut de comparution pouvait être rendu. Je ne suis pas sans ignorer que dans l'affaire Jacques c. Harrison ((1884) 12 Q.B.D. 165), la Cour d'appel a décidé que, si une personne lésée à la suite d'un jugement par défaut et qui n'est pas partie à cette action souhaite annuler le jugement, elle doit le demander soit au nom du défendeur, si elle a le droit de l'utiliser, ou en son proprc nom par une assignation signifiée à la fois au demandeur et au défendeur pour annuler ce juge- ment. Mais je ne connais aucune affaire, et les avocats n'ont pu m'en citer une, dans laquelle ceci a été appliqué à une personne inexistante, ou à un défendeur à qui l'on ne peut signifier aucune assignation. J'estime en fait que, si la Cour vient à savoir qu'elle a rendu un jugement par défaut de comparution contre un homme décédé à cette époque, ou une compagnie alors dissoute, ou inexistante en vertu du droit de son pays d'origine, la Cour doit, après audition des parties concernées, annuler le jugement de sa propre initiative. Un tel jugement est nul et de nul effet: voir Simmons c. Liberal Opinion ([1911] 1 K.B. 966) (compagnie inexistante); Tetlow c. Orela ([19201.2 Ch. 24) (demandeur décédé au moment de l'assignation); voir également les observations de lord Parker dans l'affaire Daiml- er Co. c. Continental Tyre and Rubber Co. (Grande-Bretagne) ([1916] 2 A.C. 307, 337) mentionnées par le vicomte Cave dans l'affaire Russian Commercial and Industrial Bank c. Comptoir d'Escompte de Mulhouse ([1925] A.C. 112, 130): «Mais si la Cour apprend au cours de l'action que le demandeur est incapable de fournir une provision, elle doit interdire la poursuite de l'action.»
A la Chambre des Lords 3 , le principe a été énoncé par lord Wright (page 296):
[TRADUCTION] J'examinerai d'abord la question (2.), qui est très importante et décisive, étant donné qu'il est clair en droit, sans qu'il soit nécessaire de citer expressément la jurisprudence, que la Cour doit annuler un jugement dans l'exercice de sa propre compétence, si et dès que la Cour apprend que la personne désignée comme débiteur n'existait pas à l'époque pertinente, à la date de l'assignation et par la suite: une telle circonstance prévaut sur celle mentionnée par lord Parker dans l'affaire Daimler Co. c. Continental Tyre, etc., Co. ([1916] 2 A.C. 307, 337). Dans cette affaire, les administrateurs ne pouvaient pas verser de provision puisqu'ils étaient des ressor- tissants d'un pays ennemi. Lord Parker déclarait: «Mais si la
2 [1931] 1 K.B. 617.
3 [1933] A.C. 289.
Cour apprend au cours d'une action que le demandeur est incapable de verser une provision elle ne doit pas autoriser la poursuite de l'action.» Dans ce cas, le demandeur ne peut pas se présenter devant la Cour. En l'espèce, si les défendeurs ne peuvent pas se présenter devant la Cour, parce qu'il n'existe aucune personne en droit, je pense que, suivant le même raisonnement, la Cour doit refuser de ne pas considérer ces procédures comme nulles. Les tribunaux anglais ont reconnu depuis longtemps comme personnes juridiques des sociétés éta- blies par des droits étrangers en vertu de leur création et de leur continuation sous le régime de ces droits et ce, conformément à ce que l'on appelle «la courtoisie internationale». Ainsi, dans l'affaire Henriques c. Dutch West India Co. ((1728) 2 Ld. Raym. 1532, 1535), la compagnie hollandaise a pu intenter un procès devant le King's Bench sur la preuve «des actes juridi- ques appropriés selon lesquels une société avait été réellement créée selon le droit hollandais.» Mais étant donné que la constitution dépend de la loi de l'état étranger, l'annulation de l'acte constitutif par la même autorité implique la dissolution et l'inexistence de la société aux yeux de la loi anglaise. La volonté de l'autorité souveraine qui la crée peut aussi la détruire. Le droit anglais reconnaîtra aussi bien ce fait que l'autre.
La présente affaire ne concerne pas un défen- deur décédé ou inexistant dans ce même sens, mais il me semble que le même principe s'applique si le seul défendeur désigné dans la procédure n'est ni une personne physique ni un corps auquel le droit reconnaît la personnalité morale en tant que telle, distincte de celle de ces membres, ni un corps à qui la loi a conféré expressément ou implicitement le droit de poursuite ou le droit d'être poursuivi en son propre nom.
Dans l'affaire Hollinger Bus Lines Limited c. Ontario Labour Relations Board 4 , le juge d'appel Roach, parlant au nom de la Cour d'appel de l'Ontario, a envisagé la question de la façon sui- vante (page 376):
[TRADUCTION] Ce motif n'était pas mentionné dans les détails fournis et n'a probablement pas été plaidé devant le juge Spence, mais cette Cour devrait en prendre connaissance pro- prio motu si elle concluait après la plaidoirie que le défendeur n'était pas susceptible de poursuite: Society Brand Clothes Ltd. c. Amalgamated Clothing Workers of America et autres, [1931] R.C.S. 321, par le juge Cannon, page 326, [1931] 3 D.L.R. 361.
Comme le juge en chef Meredith l'a souligné dans l'affaire The Metallic Roofing Company of Canada c. The Local Union 30, Amalgamated Sheet Metal Workers' International Association et autres (1903), 5 O.L.R. 424, confirmé par 9 O.L.R. 171: «Une société ou un individu ou des individus sont les seules personnes qui peuvent intenter des poursuites ou être poursuivies selon la common law; la Judicature Act et les règles y ont ajouté deux ou plusieurs personnes qui font une réclama- tion ou sont responsables à titre d'associés qui, s'ils exercent
4 [1952] O.R. 366.
leurs activités en Ontario, peuvent poursuivre et être poursuivis au nom de l'entreprise dont ils étaient coassociés au moment la cause d'action est survenue, et toute personne—c'est-à-dire un simple individu—résidant ou non en Ontario, exerçant ses activités en Ontario sous un nom différent, qui peut être poursuivie sous ce nom. Cependant, il incombe au corps législa- tif d'accorder à un groupement d'individus autre qu'une société, une association, ou un individu, la capacité d'être propriétaire de biens et d'agir par des mandataires; et une telle capacité, sauf dispositions législatives expresses contraires, implique comme corollaire nécessaire la responsabilité jusqu'à concur rence de ces biens pour les actes et omissions de ces mandatai- res, selon le juge Farwell, dont le jugement a été approuvé et adopté par la Chambre des Lords, dans l'affaire Taff Vade R.W. Co. c. Amalgamated Society of Railway Servants, [1901] A.C. 426 la page 429....0
La défenderesse ne fait pas partie de ces groupes et n'est pas une personne. La Commission est composée de personnes mais la Commission proprement dite forme une entité. Les membres de la Commission ne sont pas non plus des associés ni des personnes qui exercent leurs activités sous un nom différent du leur. La défenderesse n'est pas non plus une société. La loi qui l'a créée, et ceci importe plus encore, ne la qualifie pas de société. Il y a des commissions créées par le corps législatif, dont certaines sont des sociétés créées par la loi et d'autres non. Par exemple, la Commission des accidents du travail est une personne morale en vertu de la loi qui l'a créée; la Commission Municipale de l'Ontario ne l'est pas.
Dans certains cas, on a jugé que, même si la loi créant un organisme ne lui attribuait pas expressément la personnalité morale, cet organisme par suite de l'intention nécessaire de la loi qui le crée, était susceptible d'être poursuivi et avait la capacité juridique d'intenter des poursuites. L'affaire Banque de Montréal c. Bole, [1931] 1 W.W.R. 203, constitue un exemple dans lequel on a prétendu que la Régie des alcools de la Saskatchewan pouvait intenter des poursuites ou être pour- suivie bien que la loi qui l'a créée ne lui confère pas expressé- ment la personnalité morale.
La Commission mixte internationale est compo sée de six membres qui constituent une Commis sion en vertu du Traité mentionné dans la loi. Trois des membres sont nommés par le président des États-Unis et trois par le gouverneur en con- seil. En vertu de l'article VIII du Traité, la Com mission est compétente pour juger toutes les affai- res concernant l'utilisation ou l'obstruction ou le détournement des eaux pour lesquelles l'approba- tion de cette Commission est nécessaire aux termes d'autres articles du Traité et la Commission doit se conformer à certaines règles et principes énoncés, y compris ceux qui viennent d'être mentionnés. La Commission rend ses décisions à la majorité. Dans le cas ou la Commission est également partagée, les commissaires doivent faire des rapports séparés et les présenter à leur propre gouvernement et, après consultation et accord entre les gouverne-
ments, l'affaire est soumise à la Commission qui tranche. Il s'agit donc, à mon avis, d'un corps exerçant des fonctions consultatives et quasi judiciaires.
Ni la Loi ni le Traité ne parle de personnalité morale. Ni la Loi ni le Traité ne lui confère expressément la capacité d'exercer des poursuites ou d'être poursuivie.
La Commission est compétente pour employer des ingénieurs et des adjoints administratifs mais il lui est impossible d'acquérir des biens ou d'exécu- ter des travaux. Le Traité prévoit que les salaires et dépenses de la Commission ainsi que ceux des secrétaires américains et canadiens sont versés par leurs gouvernements respectifs et les dépenses communes payées par moitié égale par les Hautes parties' contractantes. J'estime que la Loi et le Traité ne permettent pas de conclure que les Hautes parties contractantes ont eu l'intention de donner à la Commission la capacité de poursuivre en justice ou d'être poursuivie devant les tribunaux des deux pays et la prétention du demandeur selon laquelle la Commission a un tel pouvoir est sans fondement.
L'avocat du demandeur n'a pas proposé de con- sidérer que l'action était intentée contre les com- missaires en personne ni de faire une modification, en vertu de la Règle 1716, pour les constituer codéfendeurs à la place de la Commission en tant que telle et que l'avocat a simplement soutenu qu'elle pouvait faire l'objet de poursuites, je ne pense pas qu'il s'agisse dans cette affaire d'une simple erreur dans le nom du défendeur ou que l'on puisse considérer cette action comme intentée, en fait, contre les commissaires individuellement ni que l'on puisse la traiter comme telle. Voir Annual Practice 1965, la page 245, propos de l'English Order 15, Règle 6, qui correspondait à la Règle 1716 des Règles de la Cour fédérale. Ainsi donc, il n'y a pas vraiment d'action puisqu'il n'y a pas de défendeur susceptible de poursuites et la déclara- tion ainsi que l'action sont nulles et sans effet.
Au cours de sa plaidoirie, l'avocat de la Com mission a prétendu qu'à titre de commission inter- nationale elle bénéficie de l'immunité juridiction-
nelle de ce pays en vertu du droit international. Si tel est le cas, il est tout à fait concevable d'appli- quer cette immunité pour protéger les commissai- res eux-mêmes mais, étant donné la conclusion à laquelle je suis parvenu, il est inutile d'envisager ou d'examiner cette prétention.
Ayant conclu que la procédure devait être consi- dérée comme nulle, je dois rejeter l'action pour en terminer avec cétte affaire. Cependant, j'aimerais faire remarquer que, si l'action était mal conçue, ce que je pense, il en va de même pour l'accepta- tion de la signification, la demande d'autorisation de comparution conditionnelle, l'inscription d'une telle comparution et la présentation d'une requête en vertu de la Règle 419(1)a).
L'action est rejetée avec dépens.
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