T-1958-76
B. Keith Penner, Norman Cafik, Harry Assad et
the Northwestern Ontario Municipal Association
(Requérants)
c.
Le commissaire à la représentation du Canada
(Intimé)
Division de première instance, le juge en chef
adjoint Thurlow—Ottawa, les 27 et 28 mai 1976.
Compétence—Injonction—Les requérants cherchent à inter-
dire à l'intimé de préparer et de transmettre un projet d'ordon-
nance de représentation au secrétaire d'État jusqu'à ce que la
Cour d'appel au étudié leurs oppositions au rapport de la
Commission et statué sur sa portée juridique Loi sur la
revision des limites des circonscriptions électorales, S.R.C.
1970, c. E-2, art. 22 et 23 Loi sur la Cour fédérale, art. 2, 18
et 28(3).
Les requérants cherchent à interdire à l'intimé de préparer,
de transmettre ou de s'occuper autrement du projet d'ordon-
nance de représentation défini à l'article 22 de la Loi sur la
revision des limites des circonscriptions électorales jusqu'à ce
que la demande d'examen et d'annulation, en vertu de l'article
28, d'une décision de la Commission de délimitation des cir-
conscriptions électorales de l'Ontario ait été entendue et
tranchée.
Arrêt: la demande est rejetée; elle ne vise pas le rapport mais
un acte futur de l'intimé. Toutefois, la cause des requérants
dépend entièrement des effets juridiques et de la validité de la
décision de la Commission qui constitue l'objet de la demande
prévue par l'article 28. En l'espèce, si cette demande est
accueillie, elle doit impliquer la prise en considération de la
validité de la décision de la Commission, et entraîner aussi une
modification de cette décision. Donc, la demande constitue en
principe et en fait une procédure «relative à» la décision au sens
de l'article 28(3) de la Loi sur la Cour fédérale et cette cour
n'a pas compétence pour l'entendre. L'article 28(3) a pour effet
de retirer à la Division de première instance la compétence pour
accorder un redressement interlocutoire par voie d'injonction ou
autrement dans les cas où l'on invoque sa compétence à l'appui
ou accessoirement à une procédure intentée devant la Cour
d'appel en vertu de l'article 28. Même si le libellé de cette
disposition ne justifie pas une interprétation aussi large de
l'article 28(3), celui-ci semble s'appliquer dans les cas où,
comme en l'espèce, le seul moyen._invoqué_en vue d'obtenir ce
redressement interlocutoire se fonde sur la prétendue invalidité
de l'ordonnance qui fait l'objet de - la demande prévue à l'article
28. - La Division de prernièréinstânce n'a pas compétence et, de
plus, à supposer qu'une injonction interlocutoire constitue une
forme régulière de redressement à l'instance des justiciables
dans une affaire de ce genre, enjoindre à l'intimé de ne pas
faire avant un certain temps ce que la Loi lui ordonne d'accom-
plir «immédiatement» consisterait à remplacer la prescription
statutaire par une prescription décrétée par la Cour, ce que la
Cour n'a pas le pouvoir de faire.
REQUÊTE.
AVOCATS:
John D. Richard, c.r., et G. Fisk pour les
requérants.
J. Nesbitt et C. P. Hughes pour l'intimé.
PROCUREURS:
Gowling & Henderson, Ottawa, pour les
requérants.
Le sous-procureur général du Canada pour
l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE EN CHEF ADJOINT THURLOW: Il s'agit
d'une demande par voie d'avis introductif d'ins-
tance présenté à la Division de première instance
en vue d'obtenir:
[TRADUCTION] une injonction interlocutoire interdisant au
commissaire à la représentation du Canada de préparer, de
transmettre ou de s'occuper autrement du projet d'ordonnance
de représentation défini à l'article 22 de la Loi sur la revision
des limites des circonscriptions électorales, S.R.C. 1970, c.
E-2, jusqu'à ce que la Cour d'appel fédérale ait entendu et
tranché une demande soumise le même jour que la présente
demande, en vertu des dispositions de l'article 28 de la Loi sur
la Cour fédérale, d'examen et d'annulation d'une décision ou
ordonnance de la Commission de délimitation des circonscrip-
tions électorales pour l'Ontario.
Le 11 mai 1976, la Cour rejetait la demande
portant le numéro du greffe: T-1708-76 que les
trois premiers requérants susmentionnés avaient
présentée en vue d'obtenir un bref de prohibition
interdisant à l'intimé de «préparer et transmettre
au secrétaire d'État du Canada une ordonnance de
représentation relative audit rapport». A cette
époque, la Commission n'avait pas encore statué,
comme le prévoit l'article 21(1) de la Loi, sur les
oppositions soulevées à la Chambre des communes
au sujet du rapport de la Commission de délimita-
tion des circonscriptions électorales pour l'Ontario
déposé à la Chambre le 27 février 1976. Depuis
lors, la Commission a statué sur ces oppositions et
l'intimé a renvoyé un exemplaire certifié du rap
port modifié à l'Orateur de la Chambre des com
munes. En vertu de l'article 22, l'intimé doit alors
«immédiatement» préparer et transmettre au secré-
taire d'État du Canada un projet d'ordonnance de
représentation et, cela fait, aux termes de l'article
' [1976] 2 C.F. 614.
23, modifié par les Statuts du Canada de 1973-74,
c. 23, art. 8:
23. Dans les cinq jours qui suivent la date à laquelle le
secrétaire d'État a reçu le projet d'ordonnance de représenta-
tion, le gouverneur en conseil doit, par proclamation, déclarer
que le projet d'ordonnance de représentation est en vigueur à
compter de la première dissolution du Parlement survenant au
moins un an après la date de la promulgation de cette procla
mation; dès sa promulgation, l'ordonnance a, en conséquence,
force de loi.
Dans la présente demande, les requérants sollici-
tent une injonction interdisant àl'intimé . d'exécu-
ter 1'obligâtiôn - _ïinposée par l'article 22 jusqu'à ce
que la Cour d'appel ait étudié leurs oppositions au
rapport de la Commission et statué sur sa portée
juridique.
L'article 18 de la Loi sur la Cour fédérale dit
que:
18. La Division de première instance a compétence exclusive
en première instance
a) pour émettre une injonction, un bref de certiorari, un bref
de mandamus, un bref de prohibition ou un bref de quo
warranta, ou pour rendre un jugement déclaratoire, contre
tout office, toute commission ou tout autre tribunal fédéral;
et
b) pour entendre et juger toute demande de redressement de
la nature de celui qu'envisage l'alinéa a), et notamment toute
procédure engagée contre le procureur général du Canada
aux fins d'obtenir le redressement contre un office, une
commission ou à un autre tribunal fédéral.
L'expression «office, commission ou autre tribu
nal fédéral» désigne, d'après la définition de
l'article 2:
... un organisme ou une ou plusieurs personnes ayant, exerçant
ou prétendant exercer une compétence ou des pouvoirs conférés
par une loi du Parlement du Canada ou sous le régime d'une
telle loi, à l'exclusion des organismes de ce genre constitués ou
établis par une loi d'une province ou sous le régime d'une telle
loi ainsi que des personnes nommées en vertu ou en conformité
du droit d'une province ou en vertu de l'article 96 de l'Acte de
l'Amérique du Nord britannique, 1867;
Mais aux termes du paragraphe 28(3):
28. (3) Lorsque, en vertu du présent article, la Cour d'appel
a compétence pour entendre et juger une demande d'examen et
d'annulation d'une décision ou ordonnance, la Division de
première instance est sans compétence pour connaître de toute
procédure relative à cette décision ou ordonnance.
La demande soumise à la Cour d'appel en vertu
de l'article 28 et mentionnée dans l'avis introductif
de la présente demande, vise une décision ou
ordonnance de la Commission dé délimitation des
ctrconscripti fiselectoralespour flOntario ,._puais
l'affidavit déposé à l'appui de cette demande indi-
que qu'on s'oppose en fait au rapport de la Com
mission. Dans les m ifs" - âü jugement sur la
emd n a de cfe bref de prohibitiôri, â diqne-qû'à
mon a — is la validité du rapport aurait _pu._faire
l'objet d'un ex ien en vertu de l'article 2$.
Apparemment la présente demande ne vise pas
le rapport - mais un dctë futur de l'intimé. Toute-
_ __.___m_._� _._..___m_n....__..
fois; `ia question de savoir si cet acte doit être
exécuté ainsi que, de fait, toute la cause des requé-,
rants, dépendent entièrement des effets juridiques
ou de la validité de la décision de la Commission
qui constitue l'objet de la demande prévue par
l'article 28. En l'espèce, la demande d'une ordon-
nance interdisant à la Commission de_ s'acquitter
de son obIieffenMdë - de conformée a s� decision ou
d'y _donner suite, si' elfe. est_accueillie,_me semble
impliquer la prise en considération de la validité de
la décision de la Commission et entraîner aussi : une
modification de la portée de cette décision. Donc,
Selon mô '_ a présente demande constitue en,prin-
cipe et en cr ait tune prôcédûrénrelative à» la déci-
sion de la Commission - aü sens du a paragraphe
28(3) et cette - division n'a pas compétence pour
l entendre.
A mon avis, le paragraphe 28(3) a pour effet de
retirer à la Division de première instance la com-
pétence pour accorder un redressement interlocu-
toire par voie d'injonction ou autrement dans les
cas où ron_ invoq-ue_sa _-compétence-_ _pour __accorder
un redressement_ interlocutoire de_ce genre _à l'ap-
pui ou accessoirement à une procédure intentée
devant la Cour d'appel en vue de l'examen et de
l'annulation d'une décision ou ordonnance en vertu
de l'article 28. Mais même si le libellé de cette
disposition ne justifie pas une interprétation aussi,
large du paragraph 28 (3) celui-ci s a._pJi-q_ue.,_
à
mon avis, dans les ca ou, comme en l'espèce, le
seül — moyen invoqué en vue d'obtenir ce redresse-
ment interlocutoire se fondé sur la prétendue inva-
lidité _de _L'ordonnance qui_ fait l'objet de _la
demande prévue à l'article 28.
On a allégué, au cours des débats, que la déci-
sion rendue par le juge Addy dans CJTR Radio
Trois-Rivières Limitée c. Le Conseil canadien des
relations du travail (no du greffe: T-965-75, non
publié) 2 allait à l'encontre de cette opinion mais,
selon moi, cette question particulière n'a pas été
soulevée ni décidée dans cette affaire.
Je suis par conséquent d'avis que la demande
doit être rejetée pour défaut de compétence de la
Division de première instance.
Il existe toutefois un autre motif de rejet de
cette demande. A supposer qu'un injonction_.inter-
locutoire constitué une forme régulière de redres-
sement à accorder à l'instance des justiciables dans
une affairé de ce genre, je suis d'avis qu'enjoindre
à l'intimé; ën espèce, -de,ne pas faire avant un
certain temps LLce que la Loi lui, ordonné d'accom-
plir «immédiatement» consisterait àremplacer la
prescription statutaire par une prescription décré-
tée par la Cour. A mon avis, comme je l'ai indiqué
dans la décision relative à la demande antérieure,
la Cour n'a pas le pouvoir de le faire.
La demande est rejetée.
z [Les motifs écrits du jugement n'ont pas été distribués—
Ed.]
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