T-2274-76
Ray Ford (Demandeur)
c.
La Commission nationale des libérations condi-
tionnelles (Défenderesse)
Division de première instance, le juge Walsh—
Montréal, le 24 novembre 1976, Ottawa, le 17
décembre 1976.
Examen judiciaire—Loi sur la libération conditionnelle de
détenus et son Règlement—La libération conditionnelle est-
elle un privilège ou un droit?—La décision de la Commission
des libérations conditionnelles est-elle d'une nature adminis
trative ne relevant pas normalement de la compétence de la
Cour?—Le droit à l'examen peut-il être renvoyé par un règle-
ment postérieur? Loi sur la libération conditionnelle de déte-
nus, S.R.C. 1970, c. P-2, art. 21(1)—Règlement sur la libéra-
tion conditionnelle de détenus, art. 2(1)a)—Loi d'inter-
prétation, S.R.C. 1970, c. I-23, art. 35.
En 1965, le demandeur a été condamné à dix années d'empri-
sonnement et la libération conditionnelle lui a été accordée le 9
juin 1969. En 1971, alors qu'il était encore sous libération
conditionnelle, il a à nouveau été déclaré coupable et condamné
à dix années d'emprisonnement. A cette époque, il devait
encore purger au moins quatre années d'emprisonnement avant
que la libération conditionnelle puisse lui être accordée en
1975. En 1973, le Règlement sur la libération conditionnelle de
détenus fut modifié avec l'effet que la date la plus proche à
laquelle le demandeur pourrait demander la libération condi-
tionnelle serait en 1978. Son dossier fut néanmoins examiné par
la défenderesse en 1975 et il fut informé qu'il serait étudié à
nouveau en 1977. Le demandeur fait valoir que l'examen de
1975 a été fait en vertu de l'article 2(2) du Règlement sur la
libération conditionnelle de détenus, qui exige l'existence de
«circonstances particulières» pour l'octroi de la libération condi-
tionnelle au lieu des critères normaux, et qu'en conséquence, il
subit un préjudice si ces critères normaux ne peuvent plus être
appliqués avant 1977.
La défenderesse soutient que l'octroi de la libération condi-
tionnelle est un privilège et non un droit et que les décisions de
la Commission des libérations conditionnelles sont des actes
administratifs dans lesquels on ne doit pas intervenir, sauf s'il y
a eu infraction aux règles de la justice naturelle.
Arrêt: la Cour ne dispose d'aucun renseignement sur le point
de savoir si l'examen du 5 août 1975 a été fait en vertu de
l'article 2(1)a) ou de l'article 2(2) du Règlement ou si des
critères différents seraient appliqués, mais si l'examen n'a pas
été fait en vertu de l'article 2(1)a) en conformité des critères
normalement appliqués, il faudrait le faire. Il existe une distinc
tion entre l'octroi de la libération conditionnelle, qui est un
privilège que la Commission nationale des libérations condition-
nelles peut exercer à sa seule discrétion après avoir examiné le
dossier du détenu, et le fait de procéder à cet examen aux
époques prescrites par la Loi et son règlement d'application, qui
est un droit. Un droit, contrairement à un privilège, ne peut pas
être supprimé rétroactivement sauf s'il apparaît clairement que
telle était l'intention de la législature.
Arrêts appliqués: Upper Canada College c. Smith (1921)
61 R.C.S. 413; Boyer c. Le Roi [1949] R.C.S. 89 et
Colonial Sugar Refining Co. c. Irving [1905] A.C. 369.
ACTION.
AVOCATS:
J. F. Boulais pour le demandeur.
Pierre Loiselle pour la défenderesse.
PROCUREURS:
Bertrand, Boulais, Lemaitre-Auger Allard,
Joly-Ryan et Grenier, Montréal, pour le
demandeur.
Le sous-procureur général du Canada pour la
défenderesse.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE WALSH: La présente action porte sur
les effets du décret du conseil 1973-1432, en date
du 5 juin 1973 1 , modifiant le décret du conseil
1964-1827, en date du 3 décembre 1974 2 , sur le
droit d'un prisonnier, condamné le 5 août 1971, de
voir son admissibilité à la libération conditionnelle
examinée par la Commission nationale des libéra-
tions conditionnelles le 5 août 1975, date à laquelle
ladite admissibilité aurait été examinée, conformé-
ment au premier de ces décrets du conseil, au lieu
de l'être le 5 août 1978, date la plus proche à
laquelle il deviendrait admissible, selon les disposi
tions du décret en conseil modificatif. Les parties
sont d'accord quant aux faits. En 1965, le deman-
deur a été condamné à dix années d'emprisonne-
ment, mais la libération conditionnelle lui a été
accordée le 9 juin 1969. Le 5 juin 1971, alors qu'il
était encore sous libération conditionnelle, il a, à
nouveau, été déclaré coupable et condamné à dix
années d'emprisonnement. Cette période devait,
évidemment, être ajoutée à la partie restant à
courir de la précédente condamnation, conformé-
ment à l'article 21(1) de la Loi sur la libération
conditionnelle de détenus 3 . A cette date, l'article
2(1)a) du Règlement en vigueur en vertu du décret
du conseil du 3 décembre 1964 prescrivait:
' DORS/73-298.
2 DORS/64-475.
3 S.R.C. 1970. c. P-2.
2. (1) La partie de la sentence d'emprisonnement qu'un
détenu doit ordinairement purger, dans les cas mentionnés au
présent paragraphe, avant qu'on puisse accorder la libération
conditionnelle, est la suivante:
a) Lorsque la sentence d'emprisonnement n'est pas une sen
tence d'emprisonnement à perpétuité ni une sentence de
détention préventive, un tiers de la durée de l'emprisonne-
ment imposé ou quatre ans, suivant la moindre de ces deux
périodes, mais dans le cas d'une sentence d'emprisonnement
de deux ans ou plus dans une institution pénale fédérale, au
moins neuf mois.
Il résulte de ce texte, que la période minimale que
le demandeur devait purger avant que la libération
conditionnelle puisse lui être accordée, était de
quatre années, venant à expiration le 5 août 1975,
ce dont la défenderesse l'a informé.
La modification du 8 juin 1973 a abrogé l'alinéa
2(1)a) du Règlement sur la libération condition-
nelle de détenus, qu'elle a remplacé par le suivant:
a) lorsque la sentence d'emprisonnement n'en est pas une
d'emprisonnement à perpétuité ou de détention préventive et
(i) que l'emprisonnement n'est pas imposé aux termes du
paragraphe 21(1) de la Loi sur la libération conditionnelle
de détenus, le tiers de la période d'emprisonnement impo
sée ou sept ans, en prenant la moindre de ces deux
périodes, ou
(ii) que l'emprisonnement est imposé aux termes du para-
graphe 21(1) de la Loi sur la libération conditionnelle de
détenus, la moitié de là période d'emprisonnement imposée
ou sept ans, en prenant la moindre de ces deux périodes,
mais, dans le cas d'une sentence d'emprisonnement de deux
ans ou plus dans une institution pénale fédérale, au moins
neuf mois;
Par application de cette modification, la date la
plus proche à laquelle la libération conditionnelle
pourrait être accordée au demandeur, serait le 5
août 1978, ce dont il a été informé.
En dépit de cette modification, son dossier a été
examiné par la défenderesse le 5 août 1975 et, en
temps opportun, il a été informé qu'il serait étudié
à nouveau le 5 août 1977. Le demandeur fait
valoir que cela a pu être fait en vertu de l'article
2(2) du Règlement sur la libération conditionnelle
de détenus contenu dans C.P. 1964-1827 4 , qui n'a
pas été modifié par C.P. 1973-1432 et qui prescrit:
2. (2) Nonobstant le paragraphe (1), lorsque, de l'avis de la
Commission, il existe des circonstances particulières, la Com
mission peut accorder la libération conditionnelle à un détenu
avant qu'il ait purgé la partie de sa sentence d'emprisonnement
qu'il est tenu, aux termes du paragraphe (1), d'avoir purgé
antérieurement à l'octroi d'une libération conditionnelle.
4 DORS/64-475.
mais, qu'en l'espèce, la Commission aurait recours
à des critères différents, ayant à établir que des
«circonstances particulières» existent avant d'ac-
corder la libération conditionnelle, alors que dans
un examen en vertu de l'article 2(1)a) les membres
de la Commission seraient guidés par les critères
qu'ils adopteraient normalement pour décider de
l'octroi de la libération conditionnelle; et que, par-
tant, le demandeur subit un préjudice si cet
examen peut être fait seulement après l'expiration
d'une période de sept ans à partir de sa condamna-
tion du 5 août 1971, conformément au nouveau
règlement, plutôt qu'à l'expiration de quatre
années, conformément au précédent règlement. Le
fait que le demandeur a été une première fois
informé qu'il serait éligible pour la libération con-
ditionnelle le 5 août 1975, puis qu'il a été subsé-
quemment informé que cela ne serait pas le cas
avant le 5 août 1978, est conforme aux dispositions
de l'alinéa 3(1)a) du Règlement contenu dans C.P.
1960-681 5 qui n'a été modifié par aucun des
décrets du conseil mentionnés précédemment et
qui prescrit:
3. (1) Dans le cas de tout détenu purgeant une sentence
d'emprisonnement de deux ans ou plus, la Commission doit
a) étudier le cas du détenu aussitôt que possible après que
celui-ci a été admis dans une prison, et, quoi qu'il arrive,
dans les six mois qui suivent, et fixer une date pour l'examen
de sa libération conditionnelle;
Les alinéas b) et c) du paragraphe (1) de l'article 3
ont été abrogés et remplacés par le décret du
conseil 1964-1827, mais n'ont pas été modifiés par
le décret du conseil 1973-1432. Voici le texte de
ces alinéas:
b) examiner le cas du détenu afin de décider s'il convient ou
non d'accorder la libération conditionnelle et, si celle-ci doit
être accordée, choisir la date à laquelle commencera la
libération conditionnelle, à ou avant la plus rapprochée des
deux dates suivantes:
(i) la date établie pour l'examen de la libération condition-
nelle conformément à l'alinéa a), ou
(ii) le dernier jour de la partie pertinente de la période
d'emprisonnement mentionnée au paragraphe (1) de l'arti-
cle 2; et
c) continuer, si la Commission, après avoir examiné le cas
d'un détenu conformément à l'alinéa b), n'accorde pas à cette
époque la libération conditionnelle au détenu, d'examiner le
cas de ce dernier au moins une fois durant chaque période de
deux ans qui suit la date où le cas a été examiné auparavant
jusqu'à ce que la libération conditionnelle soit accordée ou
que la sentence du détenu ait été purgée.
5 DORS/60-216.
Conformément à ces alinéas, le demandeur a été
informé que son dossier, après avoir été examiné le
5 août 1975, le serait, à nouveau, le 5 août 1977.
On s'est également référé à l'article 8 de la Loi
sur la libération conditionnelle de détenus qui
prévoit que «La Commission doit, aux époques
prescrites par les règlements» examiner le cas d'un
détenu condamné pour deux ans ou plus, sauf s'il a
avisé par écrit qu'il ne désire pas que la libération
conditionnelle lui soit accordée. L'article 9 autorise
le gouverneur en conseil à édicter des règlements
prescrivant «a) la partie des sentences d'emprison-
nement que les détenus doivent purger avant qu'on
puisse accorder la libération conditionnelle; b) les
époques où la Commission doit examiner les cas de
détenus purgeant des sentences d'emprisonne-
ment;». Ainsi, la Loi autorise la promulgation de
règlements déterminant la période minimale qu'un
détenu doit purger avant qu'on puisse accorder la
libération conditionnelle. Toutefois, cela ne résout
pas la question de l'effet rétroactif d'une modifica
tion apportée aux règlements, ni celle de savoir si
une modification apportée aux règlements est sim-
plement une question de procédure ou si elle
touche au fond des droits du demandeur.
L'argument principal de la défenderesse est que
l'octroi de la libération conditionnelle est un privi-
lège et non un droit. Cela est évident, comme l'est
également l'argument selon lequel la décision de la
Commission d'accorder ou de refuser la libération
conditionnelle à un détenu, est un acte administra-
tif dans lequel les tribunaux ne doivent pas interve-
nir, sauf s'il y a eu infraction aux règles de la
justice naturelle, ce qui n'est pas allégué en l'es-
pèce. Toutefois, je ne trouve aucune difficulté à
faire une distinction entre l'octroi de la libération
conditionnelle, qui est un privilège que la Commis
sion nationale des libérations conditionnelles peut
exercer à sa seule discrétion après avoir examiné le
dossier du détenu, et le fait de procéder à cet
examen aux époques prescrites par la Loi et son
règlement d'application, que je considère être un
droit. Il s'agit de décider, quand le droit à l'exa-
men à une certaine date est accordé en vertu du
règlement en vigueur à l'époque où le détenu est
emprisonné, si un nouveau règlement peut avoir
pour effet de reporter à plus tard la date à laquelle
cet examen doit avoir lieu (sauf pour un examen
fait plus tôt; auquel il peut aussi être procédé en
tout temps, si la Commission considère que des
«circonstances particulières» existent, selon l'article
2(2) du Règlement).
On peut se référer à la Loi d'interprétation 6 . Il
en résulte clairement que les mêmes principes qui
régissent l'effet rétroactif de la loi, s'appliquent
également aux règlements. En effet l'article 2(1)
définit «texte législatif», comme signifiant «une loi
ou un règlement ou toute partie d'une loi ou d'un
règlement». Voici un extrait de l'article 35:
35. Lorsqu'un texte législatif est abrogé en tout ou en partie,
l'abrogation
b) n'atteint ni l'application antérieure du texte législatif ainsi
abrogé ni une chose dûment faite ou subie sous son régime;
c) n'a pas d'effet sur quelque droit, privilège, obligation ou
responsabilité acquis, né, naissant ou encouru sous le régime
du texte législatif ainsi abrogé;
Il faut souligner que l'alinéa c) mentionne un
«privilège» aussi bien qu'un «droit». L'article qui
suit envisage l'abrogation d'un texte législatif et
son remplacement. Il est intéressant de noter que
l'alinéa e) énonce ce qui suit:
36....
e) lorsqu'une peine, une confiscation ou une punition est
réduite ou mitigée par le nouveau texte, la peine, confiscation
ou punition, si elle est infligée ou prononcée après l'abroga-
tion, doit être réduite ou mitigée en conséquence;
Il est significatif qu'alors que ce dernier alinéa ne
s'applique pas directement à la présente espèce, il
se réfère à des peines, confiscations ou punitions
réduites ou mitigées et il n'y a pas d'application
contraire quand elles sont augmentées par le nou-
veau texte législatif, ce qui est le cas dans cette
affaire où le nouveau règlement a porté de quatre
à sept ans la période de temps que le demandeur
doit purger avant d'être considéré comme admissi
ble à une libération conditionnelle normale.
Dans Upper Canada College c. Smith', la Cour
suprême a longuement examiné la question de la
rétroactivité de la loi. L'action tendait au rembour-
sement d'une commission, en vertu d'un contrat
intervenu avant la promulgation d'une loi qui
6 S.R.C. 1970, c. I-23.
7 (1921) 61 R.C.S. 413.
défendait l'introduction de toute action visant à
réclamer une telle commission, sauf si l'accord
invoqué faisait l'objet d'un écrit distinct de l'acte
de vente. La Cour a conclu, avec une opinion
dissidente, que cette loi n'avait pas d'effet rétroac-
tif. Dans son avis, le juge Duff a signalé, à la page
418, que le droit de poursuivre était précieux et
qu'il était sans importance si le droit d'action
n'était pas encore né lors de la promulgation de la
loi. Au cours de son examen approfondi de la
jurisprudence anglaise, il dit aux pages 424 et 425:
[TRADUCTION] Un droit, au sens juridique, non seulement
dans le langage ordinaire des hommes, mais dans le langage
universel des avocats, implique un droit que les tribunaux
protégeront et feront respecter par un redressement approprié.
A titre d'illustration, on peut se reporter à des lois qui
octroient ou suppriment un droit d'appel. Ce dernier est, évi-
demment, un droit correctif et les tribunaux ont souvent été
appelés à se prononcer sur la question de savoir si des lois
octroyant ou supprimant un droit d'appel devaient prima facie
être interprétées comme affectant les parties dans un litige en
cours. Si ces lois doivent être considérées comme régissant
seulement la procédure au sens de la présente règle, leur
application ne devrait pas, prima facie, être restreinte à des
procédures subséquemment entamées. D'une façon générale, les
tribunaux ont refusé avec persistance de voir ces lois sous cet
angle; ces dernières ont presque toujours été considérées comme
n'entrant pas dans la catégorie des lois relatives à la procédure
seulement.
A la page 443, le juge Anglin dit:
[TRADUCTION] Bien qu'on ait parfois considéré que des lois
créant de nouveaux recours pouvaient s'appliquer à l'exécution
de droits nés avant leur promulgation, The Alex Larsen, 1 W.
Rob. 288, page 295; Boodle c. Davis 22 L.J. Ex. 69, c'est une
question bien différente que de considérer, en l'absence d'une
disposition ou d'une intention indiscutable, qu'une loi a pour
effet de supprimer un droit d'action existant. La suppression
d'un droit d'action est plus que simple procédure et une loi qui
a cet effet, obéit prima facie à la règle générale et non à
l'exception.
Dans Wright c. Hale 6 H. & N. 227 la page 231, le baron
Channel] dit:
En traitant des actes du Parlement qui ont pour effet de
supprimer les droits d'action nous ne devons pas les interpré-
ter comme ayant un effet rétroactif, sauf s'il apparaît claire-
ment que telle était l'intention de la législature; mais le cas
est différent quand la loi fixe simplement des règles de
pratique et de procédure;
et le baron Wilde ajoute:
Et la règle applicable à des cas de cette espèce est que
lorsqu'un nouveau texte législatif vise un droit d'action, ce
droit n'est pas supprimé, à moins que cela ne soit expressé-
ment prévu dans la loi. Mais quand le texte législatif vise la
procédure seulement, ce texte s'applique, à moins de disposi
tion contraire expresse, à toutes les actions, qu'elles aient été
introduites avant ou après l'adoption de la loi.
Comme je l'ai déjà dit, bien qu'à l'époque de la
modification de 1973, le demandeur n'ait pas eu
droit à la libération conditionnelle le 5 août 1975,
vu qu'il ne s'agit pas d'un droit mais d'un privilège,
il avait effectivement ce que je considère être un
droit à l'examen de son dossier à cette date; ce
droit lui revenait depuis son incarcération en 1971
et la modification apportée en 1973 a eu pour effet
de l'en priver, en retardant de trois ans son droit de
faire examiner son dossier par la Commission des
libérations conditionnelles. Bien que la procédure
de cette dernière exige l'examen des dossiers des
détenus aux époques spécifiées par les règlements
en vigueur à un certain moment, je ne crois pas
qu'un règlement retardant le droit à l'examen de
façon à priver un détenu, tel que le demandeur, de
son droit à l'examen à une date déjà déterminée,
soit une simple question de procédure.
Dans l'affaire Boyer c. Le Rois, venue ultérieu-
rement devant la Cour suprême, le juge en chef
Rinfret fait aussi un examen approfondi des juris-
prudences tant anglaise que canadienne sur le
sujet, spécialement de l'arrêt Upper Canada Col
lege c. Smith (précité) dont il reproduit de nom-
breux passages aux pages 96 et 97, y compris une
référence au jugement de lord Macnaghten dans
Colonial Sugar Refining Co. c. Irving 9 , dans
lequel il dit à la page 372:
[TRADUCTION] Il n'y avait pas de litige quant aux principes
généraux applicables à l'affaire. D'une part, il n'était pas
contesté que si la question sous examen était une question de
procédure seulement, la demande était bien fondée. D'autre
part, s'il s'agissait de plus que d'une question de procédure, si
l'on touchait à un droit existant lors de l'adoption de la Loi, il
était admis que, conformément à de nombreuses opinions allant
de lord Coke jusqu'à ce jour, l'appel était justifié.
La plaidoirie a également fait valoir le fait qu'en
l'espèce, la Commission nationale des libérations
conditionnelles a effectivement examiné le dossier
du demandeur le 5 août 1975 et se propose de
l'examiner à nouveau le 5 août 1977, mais que, vu
l'attitude prise selon laquelle, en conséquence de la
modification de 1973 apportée au Règlement, le
demandeur n'a pas droit à la libération condition-
nelle en vertu de l'article 2(1)a) avant le 5 août
8 [1949] R.C.S. 89.
9 [1905] A.C. 369.
1978, il est raisonnable de supposer que l'examen
fait le 5 août 1975 avait pour but de déterminer
s'il existait des circonstances particulières justi-
fiant l'octroi de la libération conditionnelle à cette
date, en vertu des dispositions de l'article 2(2) du
Règlement, et que, dans cet examen, la Commis
sion a pu appliquer des normes et des critères
différents de ceux qu'elle aurait normalement
appliqués à un examen en vertu de l'article 2(1)a).
La Cour ne dispose d'aucun renseignement sur le
point de savoir si l'examen du 5 août 1975 a été
fait en vertu de l'article 2(1)a) ou de l'article 2(2)
du Règlement ou si des normes et des critères
différents seraient appliqués; la nature des normes
et des critères appliqués ne relève pas davantage de
la compétence de la Cour; cette question étant de
nature administrative, elle est laissée à la seule
discrétion de la Commission nationale des libéra-
tions conditionnelles. Tout ce que la Cour peut
décider, c'est que, si dans le cas du demandeur
l'examen n'a pas été fait en vertu de l'article
2(1)a) du Règlement et en conformité des normes
et des critères applicables à ces examens, il fau-
drait le faire sans délai.
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