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T-282-76
Mary Mastronardi, Deanna Louise Bucko et Armando Mastronardi, Exécuteurs testamentaires du défunt, Umberto Mastronardi (Défendeurs)
c.
La Reine (Défenderesse)
Division de première instance, le juge Gibson— Windsor, le 29 juin; Ottawa, le 16 juillet 1976.
Impôt sur le revenu—Réalisation présumée d'un gain en capital—Sens donné à l'expression «immédiatement avant son décès» en matière d'évaluation des biens—Loi de l'impôt sur le revenu, S.C. 1970-71-72, c. 63, art. 70(5) et ses modifications.
Le propriétaire de certaines actions est décédé en 1973; l'appel porte sur la réalisation présumée d'un gain en capital concernant les actions. Depuis 1972, la compagnie du défunt avait une assurance-vie de cinq ans sur le défunt d'un montant stipulé de $500,000 diminué de $100,000 chaque année. Les demandeurs ont prétendu que les actions avaient une juste valeur marchande de $323.58 l'action immédiatement avant le décès et qu'il ne fallait pas tenir compte de la valeur que pouvait y ajouter ladite assurance. La défenderesse a soutenu que la police valait $500,000 immédiatement avant le décès et qu'il fallait en tenir compte pour établir la juste valeur mar- chande. Elle a prétendu également que l'expression «immédiate- ment avant son décès» à l'article 70(5) de la Loi de l'impôt sur le revenu désigne le moment du décès, et dans cette hypothèse la juste valeur marchande des actions se serait élevée à $778.59 l'action puisqu'un acheteur informé aurait su, au moment du décès, que la compagnie devait recevoir $500,000 de la police.
Arrêt: l'appel est accueilli. En l'espèce, la compagnie a perçu après le décès le produit de la police qui a augmenté la juste valeur marchande des actions de $323.58 à $778.59. Il existe une double fiction dans l'interprétation de l'article 70(5). Pre- mièrement, après son décès, le contribuable est réputé avoir disposé du bien en question «immédiatement avant ... décès», et deuxièmement, la réalisation du produit est réputée «égale à sa juste valeur marchande à cette date-là». On ne doit pas attribuer à l'expression «immédiatement avant ... décès» le même sens qu'au moment du décès, et cette expression n'oblige pas d'évaluer le bien en immobilisations en prenant en considé- ration l'imminence du décès. Il ne faut pas tenir compte du montant de la police pour établir la juste valeur marchande des actions.
APPEL en matière d'impôt sur le revenu. AVOCATS:
J. Bail pour les demandeurs.
G. W. Ainslie, c.r., et O. A. Pyrcz pour la
défenderesse.
PROCUREURS:
Gignac, Sutts, Nosanchuk, Windsor, pour les demandeurs.
Le sous-procureur général du Canada pour la défenderesse.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE GIBSON: Cet appel est interjeté d'une cotisation portant sur la réalisation d'un bénéfice sur un bien en immobilisations, en l'occurrence, des actions ordinaires dans Mastronardi Produce Limited, par suite du décès du propriétaire de ces actions le 20 février 1973, alors qu'il résidait en Ontario. En effet, aux termes de l'article 70(5) de la Loi de l'impôt sur le revenu, le contribuable est réputé avoir réalisé ce bénéfice.
En vertu de l'article 70(5) de la Loi, le proprié- taire défunt est «réputé avoir disposé, [de ces actions qui constituent un bien en immobilisations] immédiatement avant son décès, ... et en avoir reçu du fait de sa disposition un produit égal à sa juste valeur marchande à cette date-là».
La disposition applicable «en matière de trans- fert de biens» au légataire ou donataire de ces actions provenant de la succession du propriétaire défunt était, à l'époque pertinente, l'alinéa 70(5)c) de la Loi de l'impôt sur le revenu, S.C. 1970- 71-72, c. 63, art. 1, dont voici le texte:
c) toute personne qui, en raison du décès du contribuable, a acquis un bien en immobilisations déterminé, appartenant au contribuable (autre qu'un bien amortissable) et dont il est réputé, en vertu de l'alinéa a), avoir disposé, est réputée l'avoir acquis à un prix égal à sa juste valeur marchande immédiatement avant le décès du contribuable;
Depuis lors, les alinéas 70(5)a) et c) de la Loi de l'impôt sur le revenu ont été modifiés par S.C. 1973-74, c. 14, art. 19, dont voici le texte:
a) le contribuable est réputé avoir disposé, immédiatement avant son décès, de chacun des biens lui appartenant à cette date-là et qui était un bien en immobilisations lui apparte- nant (autre qu'un bien amortissable d'une catégorie pres- crite) et en avoir reçu du fait de sa disposition un produit égal à sa juste valeur marchande à cette date-là;
c) toute personne qui, en raison du décès du contribuable, a acquis un bien en immobilisations déterminé, appartenant au contribuable (autre qu'un bien amortissable d'une catégorie prescrite) et dont il est réputé, en vertu de l'alinéa a), avoir disposé à une date quelconque, est réputée l'avoir acquis, immédiatement après cette date, à un prix égal à sa juste valeur marchande immédiatement avant le décès du contribuable;
Les parties sont d'accord sur certains faits, et notamment sur les faits suivants:
[TRADUCTION] Les demandeurs ont été confirmés comme exécuteurs et fiduciaires par le testament d'Umberto Mastro- nardi, (dénommé ci-après le défunt), homologué le 5 juillet 1973 par le tribunal des successions du comté d'Essex dans la province de l'Ontario ... .
Le défunt est décédé subitement d'un arrêt cardiaque le 20 février 1973 alors qu'il résidait dans la province de l'Ontario.
(Depuis 1972, Mastronardi Produce Limited avait une assurance-vie de cinq ans sur le défunt Umberto Mastronardi d'un montant stipulé de $500,000 diminué de $100,000 à chaque anniversaire.)
(Il est admis qu'avant le décès du défunt, et en raison des dispositions spéciales de son assurance- vie à terme, un acheteur des actions de Mastronar- di Produce Limited, qui serait informé, ne paierait pas plus pour les actions de cette compagnie qu'il ne l'aurait fait si celle-ci n'avait pas cette assu- rance-vie à terme.) (En tant que propriétaire de cette assurance à terme sur la vie du défunt, Mastronardi Produce Limited l'avait cédée à la banque au moment du décès du défunt, mais cette cession n'est d'aucun intérêt aux fins de cet appel.)
[TRADUCTION] Conformément au paragraphe 70(5) de la Loi de l'impôt sur le revenu en vigueur pendant l'année d'impo- sition 1973, le défunt était réputé avoir disposé, immédiatement avant son décès, de 311.4 actions ordinaires de Mastronardi Produce Limited et avoir reçu, du fait de sa disposition, un produit égal à sa juste valeur marchande à cette date-là.
Abstraction faite de toute valeur attribuable à la police d'assurance-vie en question immédiatement avant le décès du défunt, chaque action ordinaire en question aurait une juste valeur marchande de $323.58.
Si la valeur des actifs de la société était réputée avoir augmenté du montant stipulé de l'assurance-vie en question immédiatement avant le décès du défunt, chaque action ordi- naire détenue par celui-ci aurait une juste valeur marchande de $778.59.
Le ministre du Revenu national en a conclu que la police ne valait pas moins de $500,000 avant le décès du défunt et qu'il fallait tenir compte de ce montant pour calculer la valeur nette de la compagnie et par conséquent la valeur des actions ordinai-
res immédiatement avant le décès du défunt.
En établissant une nouvelle cotisation à l'égard de la succes sion du défunt pour l'année d'imposition 1973, dont l'avis a été daté du 21 juillet 1975, le ministre du Revenu national a ajouté
au revenu imposable un gain en capital de $70,845.05 pour la réalisation des 311.4 actions de Mastronardi Produce Limited à $778.59 l'action, moins la valeur par action de $323.58 au jour d'évaluation.
Les demandeurs ont prétendu entre autres que les biens en immobilisations du défunt représentés par les actions ordinaires de Mastronardi Produce Limited détenues par le défunt avaient une juste valeur marchande de $323.58 l'action immédiate- ment avant son décès et qu'il ne fallait pas tenir compte de la valeur que pouvait y ajouter ladite assurance-vie à terme de $500,000 de Mastronardi Produce Limited.
Au cours des plaidoiries, la, défenderesse a pré- tendu que:
[TRADUCTION] ... l'assurance-vie à terme de Mastronardi Produce Ltd. valait $500,000 immédiatement avant le décès du défunt et que par conséquent il fallait en tenir compte pour établir la juste valeur marchande des actions de Mastronardi Produce Ltd. dont le défunt était réputé avoir disposé confor- mément au paragraphe 70(5) de la Loi de l'impôt sur le
revenu.
Pour la première fois, la Loi de l'impôt sur le revenu actuelle a prévu un régime d'imposition des gains et pertes en capital. (Simultanément, l'impôt fédéral sur les successions était aboli.) Les disposi tions concernant les gains en capital s'appliquent à la disposition de biens qui ne figurent pas dans le revenu en vertu de l'article 3a) de la Loi. Certaines dispositions que prévoit la Loi sont fictives.
Le gain en capital qui fait l'objet de cet appel est constitué par la réalisation présumée de ces actions, prévue par les dispositions de l'article 70(5) de la Loi de l'impôt sur le revenu.
Aux termes de l'article 70(5) de la Loi, la valeur de ces actions (1) est égale à leur valeur «immédia- tement avant» le décès du défunt, et (2) «égal[e] à [la] juste valeur marchande [de ces actions] à cette date-là».
D'une façon générale, le paragraphe 70(5) de la Loi de l'impôt sur le revenu s'applique de la même manière aux immobilisations dont la valeur aug- mente après le décès et celles dont la valeur dimi- nue après le décès. Dans le cas d'une copropriété de terrain, par exemple, la participation d'un
copropriétaire disparaît à son décès et son bien en immobilisations durant sa vie subit donc une dépréciation de 100% après son décès. C'est ce qui se produit également dans d'autres situations, par exemple dans le cas d'un usufruit qui n'est pas garanti par une fiducie ou tout autre droit repré- sentatif d'une immobilisation qui cesse lors du décès.
En l'espèce, Mastronardi Produce Limited a perçu après le décès du défunt le produit de ladite assurance-vie à terme de $500,000 qui a augmenté la juste valeur marchande des actions de cette compagnie de $323.58 l'action à une juste valeur marchande de $778.59 l'action.
Dans l'interprétation de ces dispositions légales en fonction des faits de l'espèce, il semble que le paragraphe 70(5) de la Loi prévoit une double fiction.
La première énonce que le contribuable est réputé après son décès avoir disposé du bien en question «immédiatement avant son décès».
La deuxième prévoit qu'il est réputé «avoir reçu du fait de sa disposition un produit égal à sa juste valeur marchande à cette date-là».
Il s'agit d'étudier le concept législatif du para- graphe 70(5) de la Loi et de l'appliquer en l'espèce.
La défenderesse prétend qu'il ne faut pas consi- dérer la valeur des actions de Mastronardi Produce Limited avant le décès du défunt. Elle soutient au contraire que l'expression «immédiatement avant son décès», au paragraphe 70(5) de la Loi, équi- vaut dans son sens et dans son intention au moment du décès. Dans cette hypothèse, on pré- tend que le prix payé pour chaque action dans une opération intervenue entre un vendeur et un ache- teur informés se serait élevé à $778.59 puisqu'un acheteur informé aurait su, au moment du décès, que la compagnie devait recevoir $500,000 de l'assurance-vie à terme.
D'autre part, les demandeurs prétendent que l'expression «immédiatement avant son décès» se rapporte à une période antérieure au décès qu'il
importe de prendre en considération pour établir la juste valeur marchande des actions de la compa- gnie privée en question.
Les parties ont cité des jugements anglais, aus- traliens et canadiens, mais aucun d'eux ne permet de préciser le concept législatif du paragraphe 70(5) de la Loi de l'impôt sur le revenu.
Mais, après un examen attentif de cette juris prudence, des dispositions du paragraphe 70(5) de la Loi de l'impôt sur le revenu, dans S.C. 1970- 71-72, c. 63 et S.C. 1973-74, c. 14 et après examen des faits de l'espèce, je suis parvenu aux conclu sions suivantes:
On ne doit pas attribuer à l'expression «immé- diatement avant son décès» au paragraphe 70(5) de la Loi de l'impôt sur le revenu le même sens qu'«au moment du décès»; et cette expression n'oblige pas d'évaluer le bien en immobilisations en prenant en considération l'imminence du décès.
En l'espèce, le paragraphe 70(5) de la Loi, (S.C. 1970-71-72, c. 63) disposait, à la date du décès du défunt Umberto Mastronardi, que la réalisation avait lieu «immédiatement avant ... décès [du défunt]» et qu'il était réputé à cette époque, en tant que propriétaire, «en avoir reçu du fait de sa disposition un produit égal à [la] juste valeur marchande [du bien] à cette date-là».
L'alinéa 70(5)c) de la Loi de l'impôt sur le revenu, S.C. 1970-71-72, c. 63 était donc la dispo sition applicable «en matière de transfert de biens» aux donataires ou aux légataires de ces actions appartenant à la succession du défunt au moment de son décès. Cet article disposait que les person- nes qui ont «acquis» ces actions «dont il est réputé, en vertu de l'alinéa a), avoir disposé» sont «répu- tée[s] l'avoir acquis [ces actions] à un prix égal à [leur] juste valeur marchande immédiatement avant le décès du contribuable».
J'estime, par conséquent, nécessaire de considé- rer que ces évaluations ont été effectuées à un moment différent et non pas au moment du décès du défunt et l'imminence du décès ne doit pas intervenir dans ces évaluations.
Par conséquent, j'estime insoutenable la plaidoi- rie de la défense, selon laquelle «immédiatement avant le décès du défunt, l'assurance-vie à terme de Mastronardi Produce Ltd. avait une valeur de $500,000 et il faut tenir compte de ce montant pour établir la juste valeur marchande des actions de Mastronardi Produce Ltd. dont le défunt est réputé avoir disposé conformément au paragraphe 70(5) de la Loi de l'impôt sur le revenu». Je conclus au contraire qu'il ne faut pas tenir compte du montant de cette assurance pour établir la juste valeur marchande de ces actions.
Par conséquent, cet appel est accueilli et la cotisation est renvoyée pour qu'une nouvelle coti- sation soit établie conformément à ces motifs.
Les demandeurs ont droit aux dépens.
Les parties peuvent présenter une requête en jugement conformément à ces motifs par comparu- tion des avocats ou conformément à la Règle 324.
Le jugement ne sera pas prononcé avant que la Cour ait décidé de son libellé.
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