T-2393-75
La Reine (Demanderesse)
c.
H. Griffiths Company Limited (Défenderesse)
Division de première instance, le juge Dubé—
Toronto, le 8 juin; Ottawa, le 18 juin 1976.
Impôt sur le revenu—La défenderesse a constitué une filiale
principalement pour demeurer en concurrence—Elle a conclu
une grande partie de ses achats d'acier avec d'autres fournis-
seurs que sa filiale—Pour fournir à la filiale «un fonds de
roulement temporaire», «G» personnellement et la compagnie
défenderesse ont consenti des prêts de $50,000 et $75,000
respectivement—La défenderesse a remboursé à la banque les
$75,000 après la faillite de la filiale et elle a essayé de déduire
cette somme au titre de dépense engagée en vue de produire un
revenu—Loi de l'impôt sur le revenu, S.R.C. 1952, c. 148, art.
12(1).
La défenderesse a constitué une filiale surtout en vue d'obte-
nir la capacité d'approvisionnement en tôle requise pour demeu-
rer en concurrence sur le marché des entreprises de construc
tion mécanique. La filiale, tout en étant «une succursale» de
Griffiths était une personne juridique distincte. Afin d'obtenir
«un fonds de roulement temporaire» des emprunts ont été
contractés. Griffiths a personnellement garanti un prêt de
$50,000, et la défenderesse a garanti un prêt de $75,000. Lors
de la faillite de la filiale, la défenderesse a remboursé les
$75,000 à la banque, et a essayé de déduire cette somme au
titre de dépense engagée en vue de produire un revenu en vertu
de l'article 12(1)a) de la Loi de l'impôt sur le revenu. Le
Ministre a considéré que la somme ne constituait pas un
débours ou une dépense, mais la Commission de révision de
l'impôt a annulé cette décision.
Arrêt: l'appel est accueilli; ce genre de prêt a été qualifié de
«prêt différé» vu que la compagnie mère pourrait à un moment
donné «se substituer à la banque». La compagnie mère n'a pas
volontairement remboursé ce prêt en vue de garder la clientèle
des tiers mais afin de s'acquitter d'une obligation légale. Un tel
débours visait «à créer un avantage durable» en faveur de
l'entreprise de la défenderesse. La constitution de la filiale
visait à assurer une source d'approvisionnement certaine et
permanente, en tôle, ce qui est considéré un avantage spécial.
Le cautionnement visait à avancer le fonds de roulement néces-
saire afin d'assurer la durée de cet avantage spécial; la constitu
tion de la filiale n'était pas une simple fantaisie passagère. Le
remboursement constitue donc une dépense de capital et n'est
pas déductible en vertu du paragraphe 12(1) de la Loi.
Arrêts analysés: D. J. MacDonald Sales Limited c.
M.R.N. 56 DTC 481; La Reine c. F. H. Jones Tobacco
Sales Ltd. [1973] C.F. 825; Heap & Partners (Nfld.)
Limited c. M.R.N. 66 DTC 772; L. Berman & Co. Ltd. c.
M.R.N. 61 DTC 1150; D.W.S. Corporation c. M.R.N.
[1968] 2 R.C.É. 44; Minas Basin Pulp & Power Company
Limited c. M.R.N. 69 DTC 62 et Stewart & Morrison
Limited c. M.R.N.. [ 1947] R.C.S. 477. Arrêts appliqués:
M.R.N. c. Steer [1967] R.C.S. 34; Algoma Central Rail-
way c. M.R.N. [1967] 2 R.C.É. 88 et Canada Safeway
Limited c. M.R.N. [1957] R.C.S. 717.
APPEL en matière d'impôt sur le revenu.
AVOCATS:
R. B. Thomas et N. Helfield pour la
demanderesse.
F. J. C. Newbould pour la défenderesse.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour la
demanderesse.
Tilley, Carson & Findlay, Toronto, pour la
défenderesse.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE DUBE: Il s'agit, dans cet appel, de
déterminer si, dans le calcul de son revenu pour
l'année d'imposition 1971, la contribuable défen-
deresse (ci-après appelée «Griffiths») a le droit de
déduire à titre de dépense une somme de $75,000
versée à la Banque de la Nouvelle-Écosse en règle-
ment de la caution fournie en faveur de sa filiale,
Hartwil Sheet Metal (1967) Limited (ci-après
appelée «Hartwil») qui a fait faillite.
Le Ministre a considéré que la somme ne consti-
tuait pas un débours ou une dépense; la Commis
sion de révision de l'impôt a statué en faveur de la
contribuable et, maintenant, le Ministre interjette
appel.
A toutes les époques en cause, Griffiths était
une entreprise de mécanique à Toronto, soumis-
sionnant en vue d'obtenir des contrats de plombe-
rie, de chauffage, d'installation d'extincteurs auto-
matiques, de calorifugeage, surtout pour des
écoles, des hôpitaux et d'autres institutions du
genre. Jusqu'à cinquante pour cent des activités de
cette entreprise consistait à installer de la tôle.
Ainsi, la possibilité de se procurer et de s'assurer
un approvisionnement en tôle à un coût relative-
ment peu élevé paraissait très important en raison
de la forte concurrence sur le marché de la cons
truction mécanique dans la région de Toronto. La
plupart des concurrents les plus prospères de la
région avaient déjà leur propre filiale qui leur
fournissait la tôle.
Ainsi, à l'automne 1967, Griffiths a fait en sorte
que Hartwil soit constituée en corporation en vue
d'acheter l'actif de son prédécesseur, Hartwil
Sheet Metal Limited, à savoir l'outillage et le
matériel en stocks seulement. Le prix d'achat de
$20,000 pour l'outillage et de $4,255.43 pour le
matériel existant, devait être ainsi versé:
$14,255.43 la conclusion du contrat et le solde de
$10,000 dans un délai de deux ans. (En l'occur-
rence, le solde de $10,000 n'a jamais été versé.)
Hartwil a émis 2,000 actions comportant un droit
de vote à 10 cents chacune et Griffiths, actionnaire
majoritaire, en détenait 1,598.
Le propriétaire de l'ancienne compagnie Hart-
wil, Andrew Hartman, est resté à titre de directeur
de l'usine et de président du conseil d'administra-
tion de Hartwil. Robert Facey, qui était à l'époque
un ami de Paul Griffiths, président et président
d'assemblée du conseil d'administration de Grif-
fiths, est devenu président de Hartwil. Il convient
de signaler à ce propos que Robert Facey est à
l'origine de l'achat de Hartwil et qu'il a par la
suite été déclaré coupable d'avoir fraudé la filiale.
Hartman a aussi été inculpé mais non déclaré
coupable.
Griffiths et Hartwil partageaient les mêmes
locaux et avaient le même directeur des services
financiers, mais elles avaient chacune leurs propres
bureaux, registres et employés et une administra
tion distincte. Griffiths achetait en général son
acier à Hartwil, mais pas toujours. La pièce D-5,
portant sur la période allant du 1e' octobre 1967 au
31 août 1969, montre que Griffiths a acheté 44%
de son acier à Hartwil et 56% d'autres sources.
On n'a déposé aucun état détaillé des ventes de
Hartwil mais, d'après le témoignage de Paul Grif-
fiths, les ventes conclues avec d'autres clients que
Griffiths étaient plus importantes.
Paul Griffiths a aussi déclaré qu'il avait envi-
sagé de faire de Hartwil une division de Griffiths
mais que ses avocats lui avaient recommandé de
constituer une compagnie distincte afin de limiter
sa responsabilité [TRADUCTION] «étant donné les
traquenards de l'industrie de la construction». Il
considérait qu'une filiale pour l'approvisionnement
en tôle rendrait Griffiths plus concurrentielle,
mieux établie et que [TRADUCTION] «un meilleur
prix de revient nous aiderait à présenter des prix
moins élevés dans nos soumissions». A son avis,
Hartwil est devenue [TRADUCTION] «une succur-
sale de Griffiths».
Mais bientôt la filiale a éprouvé des difficultés
financières: des grèves ont eu lieu dans l'industrie,
la rentrée des prélèvements provenant de privilèges
de constructeurs se faisait lentement et le prési-
dent, Facey, était en train d'épuiser les réserves.
Comme l'a dit Paul Griffiths, la filiale avait besoin
[TRADUCTION] «d'un fonds de roulement tempo-
raire»; aussi a-t-elle emprunté de l'argent à la
banque, y compris un prêt de $50,000 personnelle-
ment garanti par Paul Griffiths le 28 novembre
1969 et un prêt de $75,000 garanti par Griffiths le
22 décembre 1969.
Même avec ces nouveaux fonds, la filiale n'a pas
repris le dessus. Les mauvaises nouvelles ont éclaté
le 1e` janvier 1970 la suite d'un appel téléphoni-
que du directeur des services financiers à Paul
Griffiths. Des réunions précipitées ont eu lieu avec
les vérificateurs comptables dont Griffiths conteste
maintenant leur évaluation de la situation finan-
cière devant une autre cour. Le 16 février 1970,
une assemblée de créanciers a mis Hartwil en
faillite et les créanciers chirographaires sont restés
impayés.
Au cours de l'année d'imposition 1971, Griffiths
a remboursé les $75,000 dont elle s'était portée
caution à la Banque de la Nouvelle-Ecosse et
essayé de déduire cette somme au titre de dépense
engagée en vue de produire un revenu en vertu de
l'alinéa 12(1)a) de la Loi de l'impôt sur le reve-
nu'. Voici le texte du paragraphe 12(1):
12. (1) Dans le calcul du revenu, il n'est opéré aucune
déduction à l'égard
a) d'une somme déboursée ou dépensée, sauf dans la mesure
où elle l'a été par le contribuable en vue de gagner ou de
produire un revenu tiré de biens ou d'une entreprise du
contribuable,
b) d'une somme déboursée, d'une perte ou d'un remplace-
ment de capital, d'un paiement à compte de capital ou d'une
allocation à l'égard de dépréciation, désuétude ou d'épuise-
ment, sauf ce qui est expressément permis par la présente
Partie,
Par conséquent, s'il est établi que le rembourse-
ment de $75,000 constitue une dépense engagée en
vue de produire un revenu, il est déductible. Mais
si ce remboursement constitue une dépense de
capital, il n'est pas déductible.
S.R.C. 1952, c. 148.
Un bref examen de la jurisprudence nous fournit
certains principes directeurs utiles à ce sujet:
1. Dans D. J. MacDonald Sales Limited c.
M.R.N. 2 , la Commission d'appel de l'impôt a
conclu que le paiement, au profit d'un fournisseur,
d'un billet garanti qui visait à assurer une source
continue d'approvisionnement, avait été fait en vue
de produire un revenu et était par conséquent
déductible. Le fournisseur n'était pas une filiale.
2. Dans La Reine c. F. H. Jones Tobacco Sales
Co. Ltd. 3 , la Cour fédérale a jugé que le paiement
d'un prêt garanti consenti au client le plus impor
tant de la compagnie en échange de l'engagement
pris par ce dernier de lui acheter son tabac, consti-
tuait une perte d'exploitation subie en vue de
produire un revenu et était donc déductible. Le
juge en chef adjoint Noël a déclaré [à la page 834]
que les tribunaux étaient enclins à se fonder «non
pas tellement sur la transaction du point de vue
juridique mais bien plutôt du point de vue pratique
et commercial».
3. Dans Heap & Partners (Nfld.) Limited c.
M.R.N. 4 , la Commission d'appel de l'impôt a
décidé que les paiements versés par la compagnie
mère afin de couvrir les prêts garantis consentis à
sa filiale avaient été faits en vue de produire un
revenu et étaient donc déductibles. La Commission
a cité l'affaire Berman 5 comme fondement de cette
décision.
4. Dans L. Berman & Co. Ltd. c. M.R.N. (pré-
cité) la Cour de l'Échiquier a statué que le paie-
ment volontaire de dettes d'une filiale envers des
fournisseurs était déductible parce qu'il était à
l'avantage de la compagnie mère de conserver la
clientèle de ses fournisseurs.
5. Dans M.R.N. c. Steer 6 , la Cour suprême du
Canada a accueilli un pourvoi d'un jugement de la
Cour de l'Échiquier et statué que le rembourse-
ment d'un prêt garanti consenti pour forer trois
puits était un prêt différé. Le juge Judson a
déclaré [à la page 37] que [TRADUCTION] «la
garantie signifiait qu'à un moment donné l'intimé
2 56 DTC 481.
3 [1973] C.F. 825.
4 66 DTC 772.
5 61 DTC 1150.
6 [1967] R.C.S. 34.
pourrait devoir se substituer à la banque pour
autant». La Cour a jugé que la perte constituait
une perte de capital et que la déduction en était
interdite.
6. Dans Algoma Central Railway c. M.R.N.',
la Cour de l'Échiquier a conclu que la somme
versée par une compagnie de chemins de fer en vue
de procéder à une enquête sur le service ferroviaire
dans une région non peuplée était déductible à
titre de dépense d'entreprise à court terme. Le
président Jackett, maintenant juge en chef de la
Cour fédérale, a déclaré [à la page 92] que le
[TRADUCTION] «critère habituel» pour déterminer
si ce paiement équivaut à une dépense de capital
est celui-ci: [TRADUCTION] «Visait-il à créer un
avantage durable en faveur de l'entreprise de l'ap-
pelante?» Dans une note écrite au bas de la page
95, il a cité l'arrêt Canada Safeway» et déclaré:
[TRADUCTION] «Il y a des dépenses qui, dans un
sens large, sont engagées en vue d'améliorer la
situation de l'entreprise et qui, néanmoins,
n'échappent pas à l'interdiction de l'article
12(1)a)».
7. Dans Canada Safeway Limited c. M.R.N.
(précité) la question en litige devant la Cour
suprême du Canada se réduisait à déterminer dans
l'alinéa 5(1)b) de la Loi de l'impôt de guerre sur
le revenu», le sens de l'expression «le capital
emprunté et employé dans le commerce pour pro-
duire le revenu» qui, à son tour, dépend de la
portée des termes «employé dans le commerce». Le
juge Rand a déclaré [à la page 726] que [TRADUC-
TION] «en l'espèce, l'interposition d'une capacité
juridique nouvelle et distincte, celle d'actionnaire,
fait que l'acte de la compagnie ne continue plus à
être relié à son propre commerce» et plus loin [à la
page 728] il ajoute que [TRADUCTION] «le com
merce de la filiale est distinct de celui de la
compagnie».
8. Dans D.W.S. Corporation c. M.R.N. 10 , le
juge Thurlow de la Cour de l'Échiquier, mainte-
nant juge en chef adjoint de la Cour fédérale, s'est
fondé sur l'arrêt Canada Safeway (précité) pour
conclure que l'argent emprunté n'a pas servi à
' [1967] 2 R.C.É. 88.
8 [ 1957] R.C.S. 717.
» S.R.C. 1927, c. 97 modifié, art, 4, 5 et 6.
'° [1968] 2 R.C.É. 44.
gagner un revenu tiré de l'entreprise de l'appelante
au sens de la Loi.
9. Dans Minas Basin Pulp & Power Company
Limited c. M.R.N. 11 , la Commission d'appel de
l'impôt a décidé que le paiement versé par suite
d'un cautionnement consenti en faveur d'une filiale
ne pouvait, en aucune façon, augmenter le revenu
à recevoir de l'entreprise appelante elle-même, et
qu'il n'était donc pas déductible. Il ne s'agissait
pas d'une filiale en propriété exclusive et ses activi-
tés commerciales étaient indépendantes de celles
de l'appelante.
10. Dans Stewart & Morrison Limited c.
M.R.N. 12 , la Cour suprême du Canada a statué
que la mise de fonds provenant d'un prêt bancaire
obtenu par la compagnie mère, consentie à une
filiale américaine qu'elle «dirigeait» et perdue dans
une mauvaise affaire, constituait une dépense de
capital et n'était pas déductible. Le juge Judson a
déclaré [à la page 479] que la Cour n'a pas à se
demander «quelles auraient été les conséquences si
la contribuable appelante avait décidé d'ouvrir sa
propre succursale à New York .... Elle a financé
une filiale et elle a perdu l'argent investi».
D'après le juge Judson, l'arrêt Berman (précité)
ne s'appliquait pas parce que, dans cette affaire,
«la contribuable avait volontairement effectué des
paiements à des tiers, soit aux fournisseurs de sa
filiale, afin que sa propre clientèle n'ait pas à subir
d'inconvénients». A la page 479, il conclut:
Le savant juge de première instance a bien qualifié ces
opérations que la compagnie mère a conclues avec sa filiale
américaine. La compagnie mère fournissait un fonds de roule-
ment à sa filiale au moyen de prêts. Ces derniers constituaient
le seul fonds de roulement que la filiale américaine ait jamais
eu à l'exception de la somme de $1,000 que Stewart & Morri-
son Limited avait investie pour l'acquisition de tout le capital-
actions émis de sa filiale. Cet investissement a été perdu, ce qui
constituait une perte en capital pour Stewart & Morrison
Limited. C'est avec raison qu'il a été conclu que l'art. 12(1)b)
de la Loi de l'impôt sur le revenu interdisait la déduction de ces
pertes.
D'après mon évaluation de la preuve en l'espèce,
la compagnie mère a constitué une filiale surtout
en vue d'obtenir la capacité d'approvisionnement
en tôle requise pour demeurer en concurrence sur
le marché des entreprises de construction mécani-
que. Elle voulait que la filiale devienne une [TRA-
" 69 DTC 62.
12 [1974] R.C.S. 477.
DucTION] «succursale» mais aussi une personne
juridique distincte qui lui permettrait de limiter sa
responsabilité [TRADUCTION] «étant donné les
embûches de l'industrie de la construction». La
compagnie mère a conclu une grande partie de ses
achats d'acier avec d'autres fournisseurs et la
filiale a procédé de la même manière avec ses
ventes. Les deux compagnies partageaient les
mêmes locaux mais constituaient des entreprises
distinctes.
La source initiale du capital provenant de la
vente des actions était minime, soit $200 résultant
de la vente de 2,000 actions à dix cents chacune.
On croyait que les ventes rapporteraient un fonds
d'exploitation suffisant mais cela ne s'est pas pro-
duit. Il a fallu contracter des emprunts et Paul
Griffiths, personnellement, ainsi que Griffiths par
la suite ont dû cautionner ceux-ci. Paul Griffiths a
désigné ces emprunts comme étant un [TRADUC-
TION] «fonds de roulement temporaire». Dans l'ar-
rêt Steer (précité), le juge Judson a qualifié ce
genre de prêt garanti de «prêt différé» vu que la
compagnie mère pourrait à un moment donné «se
substituer à la banque» jusqu'à concurrence du
montant prêté, ce qui s'est justement produit.
La compagnie mère n'a pas volontairement rem-
boursé ce prêt en vue de garder la clientèle des
tiers; elle a dû le faire afin de s'acquitter d'une
obligation envers la Banque de la Nouvelle-Écosse.
A mon avis, le débours ou paiement du prêt
garanti ou différé visait [TRADUCTION] «à créer
un avantage durable» en faveur de l'entreprise de
Griffiths (Voir Algoma Central Railway (pré-
cité)). Quand Griffiths a constitué sa filiale, elle
«visait» à s'assurer une source d'approvisionnement
certaine et permanente en tôle, ce qui est considéré
comme un avantage spécial dans un marché très
concurrentiel. Quand Griffiths a cautionné ce prêt,
elle «visait» à avancer le fonds de roulement sup-
plémentaire qui devait permettre à Hartwil de
continuer à fournir cet avantage spécial et d'assu-
rer sa durée. En l'occurrence, cet avantage n'a pas
été de longue durée mais il est bien évident que la
création de la filiale pour l'approvisionnement en
tôle n'était pas envisagée comme une simple fan-
taisie passagère.
Il ne m'appartient pas de déterminer ce qui
serait arrivé si Griffiths avait décidé de faire de
Hartwil sa succursale. Quoi qu'il en soit, la respon-
sabilité limitée qu'apporte la constitution en corpo
ration représente une protection très valable pour
Griffiths à l'encontre des créanciers de Hartwil,
compensant ainsi dans une certaine mesure la
non-déductibilité du cautionnement de $75,000.
Qu'il me suffise de répéter la déclaration du juge
Rand dans l'arrêt Canada Safeway (précité):
[TRADUCTION] «le commerce de la filiale est dis
tinct de celui de la compagnie».
Donc, j'estime que le remboursement de $75,000
constitue une dépense de capital et n'est pas
déductible en tant que dépense en vertu du para-
graphe 12 (1) de la Loi.
Les avocats des deux parties ont convenu que la
demande reconventionnelle portant sur les hono-
raires judiciaires et extrajudiciaires versés par la
défenderesse en l'espèce au cours de l'année d'im-
position 1970 suivrait l'issue de l'action principale.
Ils ont aussi convenu que le montant d'impôt à
verser en raison de l'appel ne dépasserait pas
$2,500 et que la défenderesse aurait droit aux
dépens en vertu du paragraphe 178(2) de la Loi.
L'appel est accueilli.
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