T-1758-73
La Reine (Demanderesse)
c.
Jean-Marc Poulin (Défendeur)
Division de première instance, le juge Walsh—
Montréal, le 17 septembre; Ottawa, le 24 septem-
bre 1976.
Impôt sur le revenu—Paiement à un associé démissionnai-
re—S'agit-il d'une vraie société?—Les montants payés au
défendeur lors de son départ de la société sont-ils des recettes
du compte capital ou un revenu imposable?—Les sommes
payées au défendeur par la société l'ont-elles été à titre de
capital ou constituent-elles des dépenses de la société
déductibles?
Le défendeur a quitté une société qu'il avait formée avec
M.P. et M.C. en vertu d'un accord écrit stipulant comme
condition de son départ, un paiement global de $20,000 paya-
bles en 1967 et 1968. Il soutient qu'il s'agit là de recettes du
compte capital et non pas de revenu imposable. En 1968, la
société comptait comme associés: M.P. et H.-P.L. Les paie-
ments au défendeur ont été cotisés comme dépenses refusées de
la société et les appels de ces cotisations interjetés par H.-P.L.
et M.P. ont été entendus en même temps que la présente action.
La demanderesse a cotisé le défendeur en considérant qu'il a
reçu les sommes à titre de revenu et a refusé à H.-P.L. et à
M.P. la déduction de ces paiements parce qu'ayant été faits à
titre de capital. La succession M.P. prétend que le contrat de
société entre M.P. et H.-P.L. l'exonère de toute responsabilité à
l'égard des paiements faits au défendeur. H.-P.L. affirme qu'il
n'y a jamais eu de vraie société entre lui et le défendeur, car ce
dernier n'a jamais fait d'apport de capital dans la société.
Arrêt: l'appel de la demanderesse est rejeté, ainsi que les
appels interjetés par H.-P.L. et M.P. (Quant aux deux derniè-
res causes, le Ministre ne peut pas être lié par un arrangement
entre les parties et la cotisation doit donc être la même pour les
deux). Il ressort de la preuve qu'une société a existé entre le
défendeur et H.-P.L., même si le défendeur n'a fait aucun
apport de capital. Il ressort de l'accord écrit en vertu duquel le
défendeur a quitté la société qu'il a vendu sa participation pour
une somme nettement inférieure à celle qu'il aurait obtenue s'il
avait insisté à l'époque pour qu'un bilan soit rédigé. Sa part
dans les profits nets de la société n'a pas été déterminée et le
calcul de la somme à lui payer n'a certainement pas été fait sur
la base d'une attribution de profits au moment de la liquidation
de la société. C.-à-d., en l'absence d'autres ententes et pour
éviter une liquidation physique de la société, le défendeur a
vendu ses intérêts dans la société pour un prix arbitraire qui
n'était aucunement basé sur la valeur de l'actif capital ni sur un
pourcentage des comptes à recevoir ni sur le revenu net de la
société.
Arrêts appliqués: Gresham Life Assurance Society c.
Styles [1892] A.C. 309 et M.R.N. c. Ouellette [1971]
C.T.C. 121. Distinction faite avec les arrêts: Bourboin c.
Savard (1926) 40 B.R. (Qué.) 68; M.R.N. c. Wahn [1969]
R.C.S. 404 et M.R.N. c. Sedgwick [1964] R.C.S. 177.
APPEL en matière d'impôt sur le revenu.
AVOCATS:
C. Blanchard pour la Reine.
J.-M. Poulin, défendeur, pour son propre
compte.
H.-P. Lemay, demandeur (T-4131-74), pour
son propre compte.
M. Paquin, demandeur (T-4132-74), pour son
propre compte.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour la
Reine.
J. -M. Poulin, Montréal, défendeur, pour
lui-même.
Lemay, Paquin & Gilbert, Montréal, deman-
deurs, pour eux-mêmes (T-4131-74 &
T-4132-74).
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE WALSH: Par ordonnance du juge en
chef adjoint Thurlow, en date du 24 août 1976, la
présente action a été entendue conjointement sur
preuve commune avec les affaires Lemay c. La
Reine (T-4131-74) et Paquin c. La Reine
(T-4132-74). En l'espèce, il s'agit d'un appel inter-
jeté par Sa Majesté la Reine d'une décision rendue
le 7 février 1973 par la Commission de révision de
l'impôt, qui accueille en partie l'appel interjeté par
le défendeur d'une cotisation établie par le minis-
tre du Revenu national pour les années d'imposi-
tion 1967 et 1968, où celui-ci a inclus dans le
revenu imposable du défendeur un montant de
$5,000 pour l'année d'imposition 1967 et un de
$10,000 pour l'année d'imposition 1968.
Le défendeur est un avocat qui a exercé sa
profession dans la province de Québec, de 1959 au
le mai 1967, en société avec Me Henri-Paul
Lemay et Me Micheline Corbeil.
Il a quitté la société après un échange de corres-
pondance, qui a consisté en deux lettres adressées à
ses associés, le 11 et le 17 avril, où il leur propose
les modalités de son départ, et une lettre d'accep-
tation qui émane de Me Henri-Paul Lemay et de
Me Micheline Corbeil.
Aux termes de cet arrangement, il devait rece-
voir $20,000 en huit versements trimestriels de
$2,500, dont deux payables en 1967 (soit $5,000)
et quatre, en 1968 (soit $10,000) qu'il a prétendu
être en l'occurrence des recettes du compte capital,
donc non imposables à titre de revenu. Avant son
départ, et avec son assentiment, un certain Louis
Gilles Gagnon, dont l'imposition n'est pas en cause
dans les présentes procédures, est entré dans la
société le ler janvier 1967. Le 1" janvier 1968, M e
Lemay s'est associé avec M e Maurice Paquin et Me
Corbeil a quitté la société. Les modalités de son
départ ne constituent pas un point litigieux en
l'espèce et il n'est plus fait allusion à Me Gagnon.
Il semble donc qu'après le 1e" janvier 1968, Mes
Lemay et Paquin soient restés les deux seuls asso-
ciés. L'état des recettes et des dépenses arrêté au
31 décembre 1967 a comme en-tête Lemay,
Paquin et Corbeil, puis Lemay, Corbeil et Gagnon,
et fait figurer au poste des dépenses «une distribu
tion d'honoraires sur liquidation» de $5,000. Un
état analogue pour l'année prenant fin le 31
décembre 1968, a comme en-tête Lemay, Paquin
et Corbeil et indique une distribution d'honoraires
sur liquidation de $15,335. Un autre état pour
l'année prenant fin le 31 décembre 1969 a encore
comme en-tête Lemay, Paquin et Corbeil et indi-
que une distribution d'honoraires sur liquidation
de $8,960. Bien qu'après le départ de Me Poulin en
mai 1967, M e Lemay n'ait pas bénéficié de l'en-
semble du revenu net de la société, la nouvelle
cotisation de sa déclaration d'impôt ajoutait les
$5,000 versés à Me Poulin, comme dépenses refu
sées. Pour son année d'imposition 1968, une
somme de $5,760.45 a été ajoutée comme dépenses
refusées, représentant sa part des paiements effec-
tués à M e Poulin. Sa cotisation 1969 n'est pas en
litige dans les présentes procédures, mais il est
intéressant de noter qu'on y a appliqué le même
procédé et que la somme de $3,076.92 a été ajou-
tée comme dépenses refusées représentant sa part
de paiement à Me Poulin. Apparemment, rien
n'explique pourquoi les $5,000 refusés comme
dépenses de la société, ont été ajoutés au revenu
1967 de Me Lemay ni non plus pourquoi les mon-
tants de $15,335 et $8,960 figurent respectivement
dans l'état des recettes et des dépenses de 1968 et
de 1969 comme distribution d'honoraires sur liqui
dation, alors que Me Poulin a reçu pour lesdites
années, respectivement, $10,000 et $5,000. Il se
peut que les autres postes représentent des paie-
ments effectués à Me Corbeil, qui semble avoir
quitté la société lorsque Me Paquin y est entré,
puisque le partage du revenu pour les années 1968
et suivantes a eu lieu seulement entre ce dernier et
Me Lemay, bien que le nom de Me Corbeil figure
dans l'en-tête des états financiers. Son nom a sans
doute été conservé dans la raison sociale de la
société après son départ, comme semble l'indiquer
le contrat de société signé par Me Lemay et Me
Paquin, le 12 décembre 1967, et qui a pris effet le
1" janvier 1968. Il y est question d'une somme de
$20,000 payable à Me Corbeil aux termes d'un
contrat passé entre les susnommés et elle-même,
qui n'a pas été produit devant cette Cour.
Quant à Me Paquin, il n'est devenu associé qu'en
1968; ce sont donc ses déclarations d'impôt 1968 et
1969, qui ont donné lieu à de nouvelles cotisations
et non pas celles de 1967 et de 1968 comme dans
le cas de Me Poulin et de Mc Lemay. Dans la
nouvelle cotisation 1968 de Me Paquin, la somme
de $4,239.55 a été ajoutée comme dépenses refu
sées représentant sa part des paiements faits à Me
Poulin; en 1969, la somme ajoutée à sa déclaration
au même titre s'est élevée à $1,924.08. Si nous
additionnons les $4,239.55 ajoutés à son revenu
1968 et les $5,760.45 ajoutés au revenu 1968 de
W Lemay, nous atteignons le chiffre de $10,000,
qui correspond au total des paiements faits à Me
Poulin au cours de ladite année. De même, si nous
additionnons les $1,924.08 refusés à Me Paquin en
1969 et les $3,076.92 refusés la même année à Me
Lemay (dont toutefois la déclaration d'impôt 1969
n'est pas en litige dans les présentes procédures),
nous arrivons au chiffre de $5,000, qui correspond
au total des paiements faits à W Poulin en 1969.
Ces chiffres concordent donc et, de toute évidence,
Me Corbeil n'a participé à aucun de ces paiements.
Le Ministre, certainement pour des motifs de
garantie, a décidé d'établir des cotisations contra-
dictoires. D'une part, il a cotisé Me Poulin en
considérant qu'il a reçu les sommes à titre de
revenu et, d'autre tart, il a refusé à Me Lemay et à
W Paquin la déduction de ces paiements parce
qu'ayant été faits à titre de capital. La Commis
sion de révision de l'impôt a estimé qu'il s'agissait
de paiements que Me Poulin a reçus à titre de
capital; si cette opinion est confirmée, elle aura
pour effet d'empêcher Me Lemay et Me Paquin de
déduire leur part de ces paiements de leur revenu
imposable pour les années en question, leurs appels
échoueront donc et les nouvelles cotisations de leur
déclaration d'impôt établies par le Ministre, seront
confirmées. Donc, le jugement qui sera rendu en
l'espèce s'appliquera aussi aux deux autres affai-
res. Lors de son contre-interrogatoire des témoins,
l'avocat du Ministre a été acculé à soutenir des
points de vue opposés et incompatibles, tout en
étant lui-même dans une position presque neutre
car, si la Couronne réussit dans l'appel Poulin, les
contribuables réussiront dans les deux autres
appels, et vice versa si la Couronne perd dans
l'appel Poulin, alors le jugement rendu en l'espèce
rejettera les deux autres appels. Il existe en l'oc-
currence une modification possible, qu'il convien-
drait de régler. L'avocat de la succession Paquin
(Me Paquin étant décédé après l'introduction des
procédures) prétend qu'aucune partie des paie-
ments faits à Me Poulin en 1968 et 1969 n'aurait
dû être refusée ni ajoutée au revenu de Me Paquin
puisqu'il n'était ni associé ni partie au contrat de
mai 1967 en vertu duquel il a fallu effectuer les
paiements à Me Poulin.
Le contrat de société signé par Me Lemay et Me
Paquin, le 12 décembre 1967, qui a pris effet le ler
janvier 1968, contient une clause révisée en écri-
ture manuscrite et initialée par les deux personnes
susmentionnées, dont voici le libellé:
Lorsque les vérificateurs auront établi les montants prévus à
l'Annexe A et suivant ses stipulations et que la valeur totale de
l'apport de H.P.L. aura été établi il faudra en soustraire le
montant de $15,000 payable à J. M. Poulin à raison de
versements trimestriels de $2,500, dont le prochain échoira le
ler février prochain 1968 ainsi que le montant de $20,000
payable à Micheline Corbeil selon les termes d'une convention
passée ce jour entre H. P. Lemay, Maurice Paquin et Micheline
Corbeil, ces dits montants de $15,000 et $20,000 devant être
payés à même les recettes de la présente société.
Ce texte établit clairement que Me Paquin n'est
pas responsable de ces paiements, qui doivent être
déduits de la participation de Me Lemay dans le
capital de la société, mais qu'ils seront prélevés sur
le revenu de la nouvelle société. Un tel contrat ne
saurait lier le Ministre ni entraîner la conversion
de paiements de capital (si on les considère comme
tels, en l'occurrence) en paiements censés être
prélevés sur le revenu aux fins d'imposition. Voir,
par exemple, le principe énoncé par le lord chance-
lier Halsbury dans Gresham Life Assurance
Society c. Styles [1892] A.C. 309, la page 315:
[TRADUCTION] La chose à imposer, c'est le montant des
profits ou des gains. A mon avis, il faut comprendre le mot
«profit» dans son sens propre et naturel (dans un sens qui soit
compris de tout commerçant). Mais une fois qu'une personne
ou une compagnie a ainsi vérifié les profits de son entreprise ou
de son commerce, la destination de ces profits ou les charges
qui découlent de contrats précédents ou d'autres sources, sont
parfaitement secondaires. L'impôt est payable sur les profits
réalisés et, à mon avis, l'expression «payable sur les profits» fait
ressortir clairement le sens.
Il n'en est pas moins vrai que les paiements faits
à M» Poulin ont été déduits des états financiers
1968 et 1969 de la société Lemay et Paquin au
poste des dépenses et ont donc réduit le revenu net
distribuable aux associés aux termes de leur con-
trat de société. Lorsque le Ministre a refusé ces
paiements comme dépenses déductibles du revenu,
la part attribuable à M» Paquin a été ajoutée à son
revenu, comme pour M» Lemay. Le répartiteur ne
pouvait pas faire autrement et si la nouvelle cotisa-
tion de M» Lemay est confirmée, il doit en être de
même pour celle de M» Paquin. Ces nouvelles
cotisations n'ont fait qu'augmenter le revenu dont
la société disposait aux fins de distribution et si M»
Paquin est devenu redevable d'une imposition sup-
plémentaire consécutive aux paiements faits à M»
Poulin sur le revenu de la société, paiements que
M» Lemay était obligé de faire, c'est en raison des
termes de leur contrat. Sa succession est-elle ou
non en droit de présenter une réclamation contre
M» Lemay? Cette question n'a pas place dans le
litige dont cette Cour est saisie. Quant aux nouvel-
les cotisations, j'estime la situation identique.
La présente cause diffère d'une grande partie de
la jurisprudence antérieure sur un point qu'il n'est
pas facile de trancher d'après les faits, à savoir: il
n'y a jamais eu de contrat écrit entre les associés,
et le partage des profits entre eux s'effectuait sur
une base plutôt complexe. Chacun d'eux procédait
à des retraits hebdomadaires prédéterminés, qui
augmentaient occasionnellement lorsque le revenu
net encaissé par la société le permettait, et c'est
seulement l'excédent de ces montants qui était
divisé sur une base de pourcentage. Pour 1966 et
1967, en tous cas, ces pourcentages ont été les
suivants: 55% pour M» Lemay, 35% pour M»
Poulin et 10% pour M» Corbeil. Leurs retraits
hebdomadaires, d'ailleurs inégaux, n'étaient pas
basés sur les mêmes pourcentages. S'il en avait été
ainsi, la part de Me Corbeil par exemple, aurait été
excessivement faible. Lorsque Me Poulin est entré
dans la société, Me Lemay avait déjà sa bibliothè-
que et la plupart de son équipement de bureau.
Bien entendu, des adjonctions et des remplace-
ments sont intervenus d'année en année et ont été
payés sur les fonds de la société. Me Lemay, selon
son témoignage a apparemment jugé qu'il ne fal-
lait pas capitaliser ces frais, mais les faire figurer
comme dépenses courantes normales, d'autant plus
qu'une grande partie des ouvrages achetés consis-
tait en publications récentes des services de l'impôt
et autre services qui, chaque année, devenaient
périmées à la parution des nouvelles éditions. La
société n'a jamais fait préparer de déclaration
financière vérifiée, ses déclarations comptables aux
fins de l'impôt sur le revenu étant rédigées par ses
services. Jusqu'à l'arrivée de Me Paquin, qui a eu
lieu après le départ de Me Poulin, lesdites déclara-
tions ne comportaient aucun bilan et se bornaient
simplement à un état des dépenses et des recettes
accompagné de diverses annexes. Me Lemay pré-
tend qu'il n'y a jamais eu une véritable société
entre lui, Me Poulin et Me Corbeil, ces derniers
n'ayant jamais fait de mise de capital, et que les
pourcentages qui leur on été alloués en sus des
retraits hebdomadaires ne représentaient qu'un
simple partage des profits et ne correspondaient à
aucune participation dans le capital de la société.
Il prétend aussi qu'à partir du ler janvier 1968, Me
Paquin et lui-même ont formé une véritable
société, comme il ressort des états comptables
vérifiés des années 1969 et 1970 qui, eux, com-
prennent un bilan.
Les conditions auxquelles Me Poulin a quitté la
société qu'il formait avec Me Lemay et Me Corbeil,
sont énoncées dans ses lettres du 11 et du 17 avril
et dans la réponse de ses associés en date du 20
avril. Cette correspondance est le seul accord de
dissolution qu'il y ait jamais eu entre eux. En voici
les parties importantes:
Lettre du I l avril
Je n'ai pas l'intention présentement de provoquer une liqui
dation de la société car j'entrevois qu'un tel mode de procéder
pourrait causer un tas d'embêtements qui ne sont pas
souhaitables.
Il fait alors les propositions suivantes:
1. Établissement de mon intérêt dans la Société Lemay, Poulin
& Corbeil
Puisque nous n'avons jamais eu de contrat de société écrit et
que les intérêts des 3 associés ont varié depuis 1959, j'accepte-
rais pour l'établissement de mon intérêt dans la société mon
pourcentage dans les revenus nets de la société au 31 décembre
1965 tels que montrés aux états financiers.'
Il est à noter que dans le contrat que nous avons signé avec
M° L. Gilles Gagnon nous avons prévu cette méthode pour
l'établissement du nombre de parts sociales appartenant à
chacun des associés. 2
2. Solde à percevoir sur les revenus de 1965 et de 1966
Ce solde pour 1965 s'établit à: $ . Le solde de 1966
n'est pas encore connu puisque les chiffres pour cette année
1966 ne sont pas encore disponibles. 3
3. Établissement de mon capital dans la société.
Sous ce titre, il déclare qu'ils pourraient rédiger
un bilan montrant les actifs physiques, les comptes
à recevoir moins la réserve prévue pour les comptes
douteux, les travaux en cours et ceux pour lesquels
leurs services ont été retenus, mais il reconnaît que
cette méthode ne serait ni pratique ni avantageuse
pour la continuation de la société. A la place, il est
prêt, sans vérification ni liquidation des actifs, à
céder ses parts aux conditions énoncées sous la
rubrique:
4. Conditions et montants.
Il se réfère ici au paiement, après acceptation de
son offre, du solde qui lui revient sur la part à
laquelle il a droit dans les revenus nets de la
société; à la vente de sa part dans les actifs de la
société pour la somme de $20,000 payable dans les
douze mois sous forme de quatre versements tri-
mestriels de $5,000; ainsi qu'à diverses autres con
ditions, notamment: être déchargé de toute respon-
sabilité provenant du contrat passé avec Me
Gagnon, n'intervenir en aucune façon dans la con
' Ce chiffre était 35%.
2 Le contrat des trois associés avec Me Gagnon en date du 5
janvier 1967, stipule dans le paragraphe 12 D:
Le prix des parts sociales transportées au nouvel associé par
les associés au prorata de celles qu'ils détiennent sera établi
en tenant compte de tous les actifs de la société, incluant
actifs physiques, comptes recevables, travaux en cours.
(Cette clause devait prendre effet si M° Gagnon était autorisé à
acheter une participation dans la société).
3 Les chiffres figurent dans la lettre du 17 avril et les
montants, qui s'élèvent au total à $4,725.94, ont été dûment
versés à Me Poulin en deux chèques émis le 1" mai et le 1" juin
1967, qu'il a déclarés comme revenu dans sa déclaration d'im-
pôt 1967.
duite future du bureau, le droit de retirer, s'il le
désire, son mobilier de bureau, la cession en sa
faveur d'un moteur Evinrude à son coût en capital,
et un règlement définitif de toutes les
réclamations.
Dans sa lettre du 17 avril, il fixe simplement les
montants des soldes qui lui sont dus pour les
années 1965 et 1966 $665.94 et $4,060 respecti-
vement et pour la fraction de 1967 qui va jusqu'au
ler mai, date de son départ, au lieu de fermer les
livres, il accepte à titre de revenu, les retraits
hebdomadaires qu'il a reçus.
Dans la lettre d'acceptation que Mes Lemay et
Corbeil ont adressé à Me Poulin le 20 avril 1967,
ils se réfèrent à ses deux lettres du 11 et du 17
avril et, dans le second paragraphe, s'expriment
dans les termes suivants:
Aux fins d'un règlement à l'amiable de nos affaires à titre
d'associés, nous t'avons fait part verbalement que nous avions
accepté de te verser $20,000 au lieu de procéder à une liquida
tion ni pratique ni avantageuse pour aucun de nous et qu'en
retour nous conservions, comme tu nous l'as également dit, tous
les avoirs et actifs physiques ou autres de quelque nature qu'ils
soient de la société à laquelle nous avons mis fin d'un commun
accord.
Le paragraphe suivant se réfère au paiement des
$20,000 par billets de $2,500 venant à échéance
tous les trois mois, à compter du Zef août 1967
jusqu'au paiement final en mai 1969, et aussi aux
deux chèques payables le ler mai et le Zef juin 1967,
pour un total de $4,725.94, qui représente le solde
des profits annuels que Me Poulin n'avait pas
encore reçus pour 1965 et 1966.
Outre ces trois lettres qui énoncent les modalités
de la dissolution, d'autres documents présentent un
certain intérêt lorsqu'on considère que Me Lemay
a affirmé qu'il n'y a jamais eu de véritable société
entre les parties, mais un simple accord quant à la
façon de distribuer ce qui reste des profits après les
retraits convenus. En présentant cet argument, il
s'est fondé sur l'arrêt Bourboin c. Savard 4 , où le
juge Rivard, de la Cour d'appel du Québec, souli-
gne que trois éléments sont essentiels pour qu'il y
ait société, dont l'un est la création d'un fonds
commun auquel chaque associé contribue en y
4 (1926) 40 B.R. (Qué.) 68.
apportant des biens, son crédit, son habileté et son
industrie s . A la page 72, il déclare notamment:
Le fait que la rémunération n'aurait pas été une somme fixe,
mais une part des bénéfices ou mieux une part d'une partie
spéciale des bénéfices, ne signifie pas que les parties avaient eu
l'intention de former un contrat de société.
et, plus loin, sur la même page:
La seule participation dans les bénéfices n'entraîne pas
nécessairement l'existence de la société et l'intention de former
un contrat de cette sorte doit apparaître autrement.
Toutefois, il est évident que Me Poulin, même
s'il n'a pas fait de mise de capital dans la société
lorsqu'il y est entré, comme Me Gagnon a été
requis de la faire plus tard, y a néanmoins apporté
son habileté et son industrie. Il n'est donc pas
exclus de la définition d'une société que donne le
Code civil du Québec et sur laquelle le juge Rivard
a basé sa déclaration. En outre, à la dissolution, il
a laissé sa clientèle et les dossiers des travaux en
cours. Il est intéressant de noter que le juge
Pigeon, en rendant l'arrêt de la Cour suprême dans
l'affaire M.R.N. c. Wahn 6 , ne voit aucune diffi
culté à l'existence d'une société dans laquelle l'in-
timé n'a fait aucune mise de capital, car il déclare
à la page 424:
[TRADUCTION] Il convient aussi de noter que lorsque l'in-
timé a été admis dans la société, on ne lui a pas demandé de
faire à ce moment-là ni à aucun autre moment, une contribu
tion au compte de capital. Dans de telles circonstances, il est
parfaitement naturel que le contrat n'ait pas contraint les
autres associés à payer un capital important pour le privilège de
garder des actifs auxquels l'intimé n'avait pas contribué.
Je me référerai à ce jugement plus tard lorsque
j'aborderai le principal point litigieux de la pré-
sente affaire, à savoir si les paiements faits à Me
Poulin l'ont été à titre de capital ou à titre de
revenu, mais j'ai tenu à citer ces commentaires dès
maintenant, car ils indiquent que le fait que Me
Poulin n'ait pas fait de mise de capital dans la
société ne signifie nullement qu'il n'ait pas existé
de véritable société, comme Me Lemay le prétend.
J'ai déjà mentionné dans un renvoi le contrat
passé, le ler janvier 1967, entre Mes Lemay, Poulin,
Corbeil et Gagnon, lorsque ce dernier est entré
dans la société. Il convient d'en citer ici le paragra-
phe 12 E, dont voici le libellé:
5 Il s'agit ici des éléments que l'article 1830 du Code civil du
Québec énonce comme essentiels pour un contrat de société.
6 [1969] R.C.S. 404.
Pour les fins du transport des parts sociales par les Associés
au nouvel associé les 100 parts sont détenues par chaque associé
dans la même proportion qu'ils se sont partagés les revenus nets
pour l'année 1965.
Bien entendu, aucune part n'a jamais été émise
en tant que telle; néanmoins, ce contrat que Me
Lemay a signé, établit clairement que Me Poulin,
qui était à l'époque associé et partie au contrat,
était bien un associé qui participait au capital de la
société dans la même proportion qu'il participait
au revenu net de la société. Le paragraphe 2 du
contrat de société signé le 12 décembre 1967 par
Me Lemay et Me Paquin, avec entrée en vigueur le
ler janvier 1968, déclare que les actifs de la société
seront composés de tous ceux
constituant présentement l'avoir de la société d'avocats existant
entre Henri-Paul Lemay et Micheline Corbeil et comprennent
tous les biens physiques, les dossiers, les comptes recevables, la
valeur des travaux en cours établie selon le mode de facturation
présentement en vigueur, la clientèle et comprendront tous ceux
qui leur seront ajoutés à l'avenir.
Le contrat prévoit qu'un bilan au 31 décembre
1967, sera annexé au contrat et qu'il fixera ces
montants. Bien entendu, Me Poulin n'était pas
partie à ce contrat; par contre, la référence qu'il
contient aux actifs de la société existant entre Mes
Lemay et Corbeil confirme que cette dernière
avait une participation à titre d'associée dans l'ac-
tif immobilisé. Il en était de même pour Me Poulin
avant son départ puisqu'il était associé sur la
même base que Me Corbeil, tout en touchant un
pourcentage plus élevé.
Il ressort de la clause manuscrite dudit contrat,
dont j'ai déjà parlé, que les paiements faits à Me
Poulin ont été des paiements de capital puisque
leur montant réduisait la contribution de capital
apportée par Me Lemay à la société, même s'ils
devaient être prélevés sur le revenu.
Une lettre signée par Me Poulin, le 20 avril
1967, constitue un autre document intéressant.
Elle est de la même date que celle où Mes Lemay et
Corbeil acceptent les modalités qu'il propose pour
la dissolution de la société. Le défendeur y autorise
ses anciens associés à poursuivre en son nom et au
leur pour recouvrer tous les honoraires afférents
aux services professionnels rendus pendant qu'il
était membre de la société et reconnaît ne pas
avoir droit aux montants susceptibles d'être recou-
vrés à la suite de ces procédures.'
Les vérificateurs n'ont terminé que le 10 juin
1971 la rédaction du bilan au 31 décembre 1967,
destiné à donner effet au contrat de société entre
Me Lemay et Me Paquin. Sans lui attribuer plus de
valeur qu'il n'en a, il laisse apparaître les comptes
à recevoir et les travaux en cours, moins les réser-
ves au ler janvier 1968, pour une somme très
importante de $293,797.45, dont la totalité a été
attribuée à Me Lemay dans la nouvelle société. A
cette somme due à ces divers titres au 31 décembre
1970, est venu s'ajouter le montant de $138,-
448.31, dont une moitié ($69,224.15) est attribua-
ble à Me Lemay et l'autre moitié à Me Paquin, ce
qui représente leur quote-part des augmentations
intervenues en 1968, 1969 et 1970. Comme je l'ai
déjà dit, il n'y a eu aucun bilan pour l'année
prenant fin au 31 décembre 1967 avant l'état
financier préparé en 1971, mais une annexe non
vérifiée a été jointe au compte des revenus et
dépenses de la société déposé avec la déclaration
d'impôt 1967; elle a fixé la valeur du mobilier et de
l'agencement à $21,773.28, moins un amortisse-
ment de $12,035.04 soit, à ladite date, une valeur
nette de $9,738.24.
Il ressort clairement de l'échange de lettres sur
lequel repose la dissolution de la société et de la
preuve sur communication que le chiffre de
$20,000 n'est pas basé sur le calcul de la valeur des
comptes à recevoir, des travaux en cours ou du
mobilier et de l'agencement, car ces données
n'étaient pas disponibles à l'époque. Tout au plus,
donne-t-il quelque indication sur la somme que Me
Poulin aurait pu recevoir si la société avait été
dissoute de cette manière, si les associés n'avaient
pas procédé par un règlement amiable arrondi à
$20,000. Si on se rapporte à ces chiffres pour y
chercher quelque indice, il faut faire preuve de la
plus grande prudence. En premier lieu, ils corres
pondent à une valeur au ler janvier 1968 et Me
Poulin a quitté la société le ler mai 1967. Des
différences notables ont donc pu intervenir dans
l'intervalle. En second lieu, pour autant que le
revenu est en cause, Me Poulin n'avait pas droit
' Alors que les documents produits au procès ne contiennent
qu'une copie non signée de cette lettre, la copie signée a été
produite devant la Commission de révision de l'impôt sous la
cote R2.
aux termes du contrat à un taux uniforme de 35%
du revenu net, mais seulement à 35% du montant
résiduel en sus des retraits hebdomadaires fixes
alloués aux associés, montants qui étaient eux-
mêmes occasionnellement augmentés par voie
d'entente et non pas au prorata de la participation
des associés dans la société. Donc, s'il était resté, il
n'aurait pas eu droit à un taux uniforme de 35%
sur les comptes à recevoir ni sur les comptes à
remettre éventuellement pour les travaux en cours.
Tout ce que ces chiffres pourraient indiquer en
définitive, c'est que Me Poulin a vendu sa partici
pation dans la société pour une somme nettement
inférieure à celle qu'il aurait obtenue s'il avait
insisté à l'époque pour qu'un bilan soit rédigé.
Quand, au cours de sa déposition, on l'a pressé
d'indiquer comment il en était arrivé au chiffre de
$20,000, il a répondu que celui-ci représentait plus
ou moins le montant dont il avait besoin pour vivre
pendant un an, selon son niveau de vie habituel et
compte tenu des montants nets dont il avait dis-
posé les années précédentes après avoir payé son
impôt sur le revenu. Il a ajouté qu'il voulait jouir
d'une sécurité suffisante pour avoir le temps d'ou-
vrir un cabinet juridique.' Me Lemay, de son côté,
a déclaré devant la Cour que, sans vouloir intro-
duire dans le litige des sentiments d'animosité
personnelle, il avait estimé à l'époque qu'il valait
bien la peine de payer $20,000 pour être débar-
rassé des ennuis (sous-entendu: que lui causait son
association avec Me Poulin). De toute évidence,
rien dans les deux versions ni dans le chiffre rond
choisi n'indique que ces $20,000 se rattachaient en
quelque façon aux montants qui seraient devenus
ultérieurement payables à titre de parts des asso-
ciés dans les revenus de la société pour les services
au 1 e mai 1967, date de la dissolution. Il a été
établi une nette distinction entre ces $20,000 et les
$4,725.94, qui représentent la part de Me Poulin
dans les revenus de la société pour 1965 et 1966,
encaissés mais pas encore distribués. L'affaire
M.R.N. c. Sedgwick 9 , où la Cour suprême a rendu
un arrêt, diffère, à mon avis, sur les faits de la
présente espèce. Sedgwick et ses associés avaient
prêté de l'argent à un certain Purcell pour acheter
un siège à la Bourse de Toronto et pour un capital
8 Pour l'année se terminant au 31 décembre 1966, ses gains
ont été de $25,107.10.
9 [1964] R.C.S. 177.
d'exploitation, contre un certain pourcentage des
profits. Puis on s'est aperçu que ce contrat était
contraire aux Règles de la Bourse. On en a alors
adopté un autre aux termes duquel Purcell devait
payer $550,000 pour que les autres parties aban-
donnent les droits que le contrat précédent leur
conférait, y compris la somme de $300,000, qui
représentait la part des créanciers dans les profits
nets de l'entreprise pour l'année. En concluant que
ces $300,000 étaient imposables aux bénéficiaires,
le juge Martland a rejeté l'argument de l'intimé
qui prétendait que ladite somme était une recette
du compte capital. A la page 182, le savant juge
déclare:
[TRADUCTION] L'avocat de l'intimé a prétendu que ces pro
fits ne devaient pas être imposés à son client, mais à Purcell,
car l'intimé, aux termes du contrat, lui a vendu sa participation
dans la société et la totalité du paiement auquel il a droit serait
une recette du compte capital. Selon lui, le fait que le prix ait
été déterminé en partie par la part des prêteurs dans les profits
de la société au cours de l'année financière se terminant le 31
mars 1956, ne modifie pas la qualité du paiement que Purcell
leur doit. Il a cité les commentaires de lord Macmillan dans
Van den Berghs, Limited c. Clark [1935] A.C. 431, la p. 442:
Même si un paiement est calculé en fonction des recettes
annuelles, il n'est pas nécessairement en soi un poste de
revenu. Comme lord Buckmaster l'a souligné dans Glenboig
Union Fireclay Co. c. Commissioners of Inland Revenue
((1922) S.C. (H.L.) 112): «Il n'y a toutefois aucune relation
entre la méthode utilisée dans le but de calculer un résultat
particulier et la valeur du chiffre auquel on arrive en appli-
quant ce critère.»
A mon avis, cet argument doit être rejeté et je ne peux pas,
en toute déférence, souscrire aux conclusions du savant juge de
première instance parce que le contrat du 1»" février 1956 ne
peut pas être interprété comme visant la vente de participation
dans une société. Il prévoit plutôt la liquidation de la société,
que la décision du Conseil des gouverneurs de la Bourse de
Toronto a rendue inévitable. Par suite de cette décision, les
prêteurs ont été empêchés de participer aux profits de l'entre-
prise. Ils ont renoncé à ce droit parce qu'ils y ont été contraints.
Cette constatation se base manifestement sur la
dissolution de la société et non pas sur la vente des
droits des associés; le second contrat fixait claire-
ment la part des profits nets à $300,000, tandis
que, dans le cas qui nous occupe, il n'existe aucune
fixation de ce genre pour les $20,000 en question.
L'affaire M.R.N. c. Wahn (précitée) dont la
Cour suprême a été saisie, diffère aussi car elle
traite de paiements étalés sur quatre ans, à un
associé qui avait quitté une société d'avocats en
vertu des dispositions d'un contrat écrit, dont la
clause 14 prévoyait clairement l'évaluation de la
part attribuée dans les profits de la société à
l'associé démissionnaire. En rendant son arrêt, la
Cour a été d'avis que ce paiement était un revenu
imposable au bénéficiaire. Le juge Pigeon déclare
à la page 424:
[TRADUCTION] On soutient que les clauses du contrat relati
ves à l'impôt sur le revenu ne peuvent pas supplanter les
dispositions de la Loi. Cela est parfaitement vrai, mais ne
signifie pas pour autant qu'elles ne doivent pas être considérées
comme l'expression de l'intention des parties. A mon sens, il est
manifeste qu'on a voulu que les paiements effectués à un
associé qui quitte la société, soient une attribution de profits. Il
est vrai que le fait qu'un paiement soit calculé en fonction des
profits, ne l'empêche pas forcément d'être imputable sur le
capital, mais il doit y avoir quelque chose qui indique qu'il
s'agit bien là de sa vraie nature. En l'espèce, je ne trouve aucun
indice de ce genre. Au contraire, la clause 18 stipule clairement
qu'un associé qui quitte la société n'a aucun droit sur son actif
immobilisé.
et, plus loin, aux pages 424-5:
[TRADUCTION] Il ressort du libellé de la disposition concer-
nant l'allocation à un associé démissionnaire qu'on n'a pas
voulu qu'elle constitue un paiement de capital pour l'achalan-
dage, mais une attribution de profits et cela prouve de façon
concluante qu'il s'agit du revenu du bénéficiaire, comme cette
Cour l'a jugé dans l'affaire M.R.N. c. Sedgwick [1964] R.C.S.
177.
En l'espèce, vu l'absence de tout contrat de société,
aucune disposition ne prévoit une attribution de
profits au moment de la liquidation. Le calcul de
la somme à payer n'a certainement pas été fait sur
cette base.
L'arrêt M.R.N. c. Ouellette 10 , confirmé par la
Cour suprême ([1975] C.T.C. 111), traite assez
longuement d'une situation quelque peu analogue
et analyse la jurisprudence. Il s'agissait de savoir si
un paiement de $75,000 fait à un certain Blauer,
que ses anciens associés, Ouellette et Brett, avaient
contraint à quitter la société, était en remplace-
ment de la distribution de sa part estimative dans
les profits anticipés sur certains contrats afférents
un tunnel, comme le prétendaient Brett et Ouel-
lette, et par suite déductible par eux et imposable à
Blauer, ou s'il représentait la valeur de sa part
dans l'achalandage de la société, comme le pré-
voyait le contrat de dissolution. Il y a alors eu
litige entre les deux parties et Blauer a intenté une
action contre ses anciens associés devant les tribu-
10 [1971] C.T.C. 121.
naux civils. Il a aussi déposé contre eux une accu
sation de fraude et de complot. Ces deux actions
ont été retirées à la suite du règlement. La Cour a
statué que le règlement intervenu avec Blauer
n'avait pas été offert par Brett et Ouellette aux
fins de gagner un revenu afférent aux projets de
tunnel qu'ils avaient déjà commencé à exécuter, et
le fait que le règlement ait eu pour effet, entre
autres, de procéder au partage des profits nets
entraînés par ces deux contrats, dans la proportion
d'une moitié pour chaque partie, au lieu d'un tiers,
n'a rien changé. Au contraire, elle a jugé que le
règlement était une forme de transaction visant à
régler le litige et les réclamations formulées par
Blauer contre la société, et incluait sa part dans
l'achalandage de ladite société. Le jugement rendu
dans l'affaire Ouellette, après avoir distingué la
cause de l'affaire Sedgwick (supra) déclare à la
page 150:
En particulier, dans l'affaire Sedgwick, on a jugé que l'ac-
cord devait s'interpréter non pas comme une vente de part
sociale mais plutôt comme un accord prévoyant la liquidation
de la Société, et que l'intimé était assujetti au paiement de
l'impôt sur sa part du revenu de la société pour l'exercice
financier se terminant avec ladite liquidation. En l'espèce, au
contraire, messieurs Brett et Ouellette prétendent qu'il n'y a
jamais eu de société générale donnant à Blauer le droit au
partage des honoraires découlant du projet du tunnel de Bou-
cherville et du projet Sherbrooke; et bien qu'ils aient pu vouloir
que le montant à lui être versé, en retour de la dissolution de la
société et du retrait des diverses actions engagées, soit basé sur
un montant égal à ce qui aurait été, selon eux, sa part des
bénéfices réalisés dans ces deux projets, il est évident qu'un tel
montant ne s'appuyait sur aucune vérification des comptes de la
société (considérée comme société générale) effectuée à la date
de la dissolution et donnant lieu au paiement à Blauer de sa
part du revenu gagné par la société à ladite date.
M. Brett et M. Ouellette ne peuvent prétendre ni l'un ni
l'autre, que le paiement effectué en faveur de M. Blauer était
une dépense faite par eux en vue de gagner un revenu suivant
l'interprétation de l'article 12(1)a) de la Loi de l'impôt sur le
revenu.
Quant à la présente action, je souscris à la
conclusion de Lucien Cardin, alors président
adjoint de la Commission de révision de l'impôt,
qui déclare:
Et je suis d'avis que l'appelant et ses associés, pour éviter une
liquidation physique de la Société, en l'absence d'autres enten
tes, en sont venus à une entente formelle et légale par laquelle
l'appelant a vendu à ses associés tous ses intérêts dans la
Société tant dans les comptes à recevoir que dans les actifs de la
Société pour un prix déterminé, mais arbitraire, qui n'était
aucunement basé sur la valeur de l'actif capital ou sur un
pourcentage quelconque des comptes à recevoir. La somme
reçue par l'appelant était en fait inférieure et nullement reliée
au pourcentage des revenus nets de la Société auxquels il aurait
eu droit après l'entente intervenue entre les associés.
Je rejette donc l'appel avec dépens. Pour les
deux autres affaires entendues sur preuve com
mune, Lemay c. La Reine (T-4131-74) et Paquin
c. La Reine (T-4132-74), je rejette les appels avec
dépens, mais, dans chacune d'elles, en raison de
leur audition conjointe, je n'accorde que la moitié
des honoraires tarifés afférents à la préparation et
à la conduite de ladite audition.
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