T-2448-76
Vernon A. Phillips (Demandeur)
c.
La Reine (Défenderesse)
Division de première instance, le juge Dubé—
Ottawa, les 17 et 24 août 1976.
Pratique—Fonction publique—Requête en radiation de la
déclaration conformément à la Règle 419 au motif qu'elle ne
révèle aucune cause raisonnable d'action—On a mis fin à
l'emploi du demandeur pour incompétence—Tous les autres
moyens de recours utilisés—Omission d'interjeter appel con-
formément à l'art. 31(3) en l'absence d'avis d'un conseil juridi-
que—Tous les privilèges créés par la Loi doivent être appli-
qués comme le prévoit cette loi—L'argument de la violation de
la justice naturelle a été évoqué—La déclaration est radiée et
le demandeur est autorisé à solliciter le dépôt d'une nouvelle
déclaration—Loi sur l'emploi dans la Fonction publique,
S.R.C. 1970, c. P-32, art. 25 et 31—Règle 419 de la Cour
fédérale.
Arrêts appliqués: Union Bank of Canada c. Boulter
Waugh Ltd. (1919) 58 R.C.S. 385 et R. c. County Court
Judge of Essex and Clarke (1887) 18 Q.B.D. 704.
DEMANDE de radiation de la déclaration.
AVOCATS:
W. R. Hunter pour le demandeur.
P. B. Annis pour la défenderesse.
PROCUREURS:
Vice et Hunter, Ottawa, pour le demandeur.
Le sous-procureur général du Canada pour la
défenderesse.
Ce qui suit est la version française des motifs
de l'ordonnance rendus par
LE JUGE DUBÉ: La défenderesse demande la
radiation de la déclaration du demandeur confor-
mément à la Règle 419 au motif qu'elle ne révèle
aucune cause raisonnable d'action.
Dans sa déclaration, le demandeur prétend avoir
exercé un emploi dans la Fonction publique du
Canada de 1953 au 21 juin 1974 au moment où,
[TRADUCTION] «en vertu de l'article 31 de la Loi
sur l'emploi dans la Fonction publique, S.R.C.
1970, chapitre P-32 modifié, on a mis fin, à tort,
pour incompétence» à son emploi classé CR-5 au
ministère des Approvisionnements et Services.
Le demandeur déclare également qu'il a eu
recours à toutes les autres procédures dont il dispo-
sait pour obtenir un redressement «à l'exception
d'un appel concernant la recommandation de
renvoi faite par le sous-chef conformément à l'arti-
cle 31(3) de la Loi sur l'emploi dans la Fonction
publique qui a été refusé au demandeur parce que
celui-ci n'a pas interjeté cet appel dans les délais
prescrits par la Commission de la Fonction publi-
que». Il prétend qu'il n'a pas interjeté appel parce
qu'il n'avait pas «de conseil juridique à cette
époque».
Dans sa déclaration, le demandeur prétend en
outre qu'il «exerçait son emploi avec compétence»,
que son congédiement était «fautif» et que la
défenderesse ne lui a pas donné de motifs suffi-
sants. Par conséquent, il demande $26,258.25 et
d'autres dommages-intérêts pour congédiement
fautif.
La défenderesse prétend que la procédure d'ap-
pel prescrite par l'article 31 de la Loi était la seule
voie de recours ouverte au demandeur et que son
action est désormais sans cause puisqu'il n'a pas
exercé son droit d'appel. Voici l'article pertinent:
31. (1) Lorsque, de l'avis du sous-chef, un employé est
incompétent dans l'exercice des fonctions de son poste, ou qu'il
est incapable de remplir ces fonctions, et qu'il devrait
a) être nommé à un poste avec un traitement maximum
inférieur, ou
b) être renvoyé,
le sous-chef peut recommander à la Commission que l'employé
soit ainsi nommé ou renvoyé, selon le cas.
(2) Le sous-chef doit donner à un employé un avis écrit de
toute recommandation visant la nomination de l'employé à un
poste avec un traitement maximum inférieur ou son renvoi.
(3) Dans tel délai subséquent à la réception de l'avis men-
tionné au paragraphe (2) que prescrit la Commission, l'employé
peut en appeler de la recommandation du sous-chef à un comité
établi par la Commission pour faire une enquête au cours de
laquelle il est donné à l'employé et au sous-chef en cause, ou à
leurs représentants, l'occasion de se faire entendre. La Commis
sion doit, après avoir été informée de la décision du comité par
suite de l'enquête,
a) avertir le sous-chef en cause qu'il ne sera pas donné suite
à sa recommandation, ou
b) nommer l'employé à un poste avec un traitement maxi
mum inférieur ou le renvoyer,
selon ce qu'a décidé le comité.
(4) S'il n'est interjeté aucun appel d'une recommandation du
sous-chef, la Commission peut prendre, relativement à cette
recommandation, la mesure qu'elle estime opportune.
(5) La Commission peut renvoyer un employé en conformité
d'une recommandation formulée aux termes du présent article;
l'employé cesse dès lors d'être un employé.
La Cour se montre naturellement réticente à
radier une déclaration et elle ne le fait que dans les
cas où il est évident que la déclaration n'est mani-
festement pas soutenable et que l'action est vouée
à l'échec. Cependant, on ne sert pas mieux la
justice en autorisant la poursuite d'une réclama-
tion impossible au cours d'un procès coûteux et
inutile.
En common law, les nominations de tous les
fonctionnaires étaient soumises au pouvoir discré-
tionnaire de la Couronne et, en général, ils pou-
vaient être congédiés à tout moment sans motif et
sans recours (Voir 7 Halsbury's Laws of England
(3 e édition) 340, paragraphe 732). Ainsi leur droit
à un redressement, le cas échéant, est conféré par
la loi et doit être exercé conformément aux disposi
tions de cette loi. Tous les privilèges créés par la
Loi doivent être appliqués comme le prévoit cette
Loi (Voir Union Bank of Canada c. Boulter
Waugh Ltd. (1919) 58 R.C.S. 385).
L'article 24 de la Loi sur l'emploi dans la
Fonction publique définit de la façon suivante la
charge occupée par l'employé:
24. Un employé occupe sa charge durant le bon plaisir de Sa
Majesté sous réserve de la présente loi et de toute autre loi ainsi
que des règlements établis sous leur régime et, à moins qu'une
autre période ne soit spécifiée, pendant une période
indéterminée.
Lorsqu'une loi prévoit un recours particulier, la
seule voie de recours ouverte est, en règle générale,
celle que la loi prévoit. Comme le déclarait le
maître des rôles, lord Esher, dans l'affaire R. c.
County Court Judge of Essex and Clarke ((1887)
18 Q.B.D. 704 la p. 707) [TRADUCTION] «La
règle d'interprétation habituelle suivante s'appli-
que à cette affaire: lorsque la législature a promul-
gué une nouvelle loi accordant un nouveau recours,
seul ce recours peut être utilisé.»
La Loi sur l'emploi dans la Fonction publique
prévoit un recours pour les fonctionnaires lésés, à
savoir le droit d'appel. S'il n'est interjeté aucun
appel d'une recommandation du sous-chef, le para-
graphe 31(4) prévoit que la Commission peut
prendre la mesure qu'elle estime opportune, y com-
pris le congédiement de l'employé conformément
au paragraphe 31(5).
Par conséquent, il semble évident que le deman-
deur n'a aucun autre droit d'action.
L'argument de la violation de la justice naturelle
parce que le demandeur n'a pas été informé des
motifs de son renvoi, n'a pas été plaidé dans la
déclaration mais a été évoqué par l'avocat du
demandeur. Étant donné que la question n'a pas
été plaidée, je suis dans l'impossibilité de décider,
d'après les informations dont je dispose, si l'on
peut soumettre à bon droit à la compétence à la
Division de première instance une action fondée
sur une telle prétention.
Ceci étant, la déclaration sera radiée, l'action ne
sera pas rejetée immédiatement et le demandeur
sera autorisé à demander dans les trente jours le
dépôt d'une déclaration exposant une telle cause
d'action.
ORDONNANCE
J'ordonne par la présente que la déclaration soit
radiée et que le demandeur soit autorisé à deman-
der le dépôt d'une nouvelle déclaration dans les
trente jours. Les dépens seront accordés à la défen-
deresse si celle-ci souhaite les réclamer.
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