T-4223-76
McDonald's Corporation (Appelante)
c.
Le sous-procureur général du Canada (Intimé)
Division de première instance, le juge Addy—
Ottawa, le 13 décembre 1976 et le 5 janvier 1977.
Marques de commerce — Appel d'une décision du regis-
traire des marques de commerce refusant l'enregistrement —
Demande d'enregistrement d'une marque de commerce pour
emploi projeté au Canada La marque est-elle enregistrable
en vertu de l'art. 12(1)a)? — Les exigences des art. 30(l) et 36
ne sont pas satisfaites Demande modifiée soumise pour
réclamer le bénéfice de l'art. 14(l) et éviter l'application stricte
de l'art. 12 — Le registraire doit-il entendre la preuve du
dépôt antérieur dans un autre pays? Loi sur les marques de
commerce, S.R.C. 1970, c. T-10, art. 12(1)a), 14(l), 16, 29d),
30(l), 36, 46.
L'appelante prétend que le registraire a fait erreur en déci-
dant que la m'arque n'était pas enregistrable en vertu de
l'article 12(1)a) et en refusant d'examiner la preuve de l'enre-
gistrement de la marque dans le pays d'origine de l'appelante.
Arrêt: l'appel est accueilli et l'affaire est renvoyée devant le
registraire. Le registraire n'a pas fait erreur en décidant que la
marque n'est pas enregistrable aux termes de l'article 12(1)a)
puisque la requérante n'a pas établi qu'elle avait satisfait aux
exigences de cet article. Le registraire a fait erreur en refusant
d'examiner la preuve de l'enregistrement de la marque dans le
pays d'origine de l'appelante conformément à l'article 14(1).
La demande est faite uniquement en vue de l'emploi futur de la
marque au Canada, et aux termes de l'article 16 la requérante
peut demander le bénéfice de l'article 14(1) afin d'être libérée
des exigences rigoureuses de l'article 12.
APPEL d'une décision du registraire des marques
de commerce.
AVOCATS:
N. H. Fyfe pour l'appelante.
D. F. Friesen pour l'intimé.
PROCUREURS:
Smart & Biggar, Ottawa, pour l'appelante.
Le sous-procureur général du Canada pour
l'intimé.
Voici les motifs du jugement rendus en français
par
LE JUGE ADDY: Appel est interjeté d'une déci-
sion rendue par le registraire des marques de
commerce, par laquelle il a refusé d'enregistrer la
marque de commerce «RONALD McDONALD»
que l'appelante projetait d'utiliser dans le domaine
de l'alimentation.
Il y a deux motifs d'appel, à savoir que le
registraire a fait erreur en décidant que la marque
n'était pas enregistrable en vertu de l'article
12(1)a) et qu'il a également fait erreur en refusant
d'examiner la preuve déposée au nom de l'appe-
lante et qui établit que la marque est l'objet d'une
marque enregistrée aux États-Unis d'Amérique,
pays d'origine de l'appelante.
A la clôture de l'audience tenue en ma présence,
j'ai remis à plus tard ma décision sur le deuxième
motif d'appel et déclaré qu'en ce qui concerne le
premier motif, je ne pouvais conclure que le regis-
traire avait fait erreur en jugeant que l'appelante
n'avait pas réussi à établir que le nom «RONALD
MCDONALD» n'était pas «principalement ... le
nom ... d'un particulier vivant ou qui est décédé
au cours des trente années précédentes.» Bien
qu'on ait soumis en preuve que ce nom a été utilisé
pour désigner un clown fictif, dont l'image est
maintenant enregistrée comme marque au
Canada, à mon avis, la preuve est loin d'établir
que l'on a satisfait aux exigences de l'article
12(1)a), particulièrement si on applique le critère
suggéré par le président Jackett, tel était alors son
titre, dans l'arrêt Standard Oil Co. c. Le regis-
traire des marques de commerce' à la page 532.
Cependant, les questions soulevées par le
deuxième motif d'appel sont beaucoup plus diffici-
les à résoudre. La demande initiale relative à une
marque projetée a été déposée le 7 décembre 1970;
elle était fondée sur l'emploi projeté de ce nom
dans le domaine de la restauration. Par la suite,
soit le 16 août 1972, l'appelante a déposé une
demande modifiée qui contenait pour la première
fois la déclaration suivante:
[TRADUCTION] La marque de commerce a été dûment enre-
gistrée par la requérante aux États-Unis d'Amérique, pays
d'origine de la requérante, le 12 août 1969, sous le numéro
874,861, et la requérante s'appuie sur cet enregistrement pour
se prévaloir des dispositions de l'article 14 de la Loi.
Le même jour, l'appelante a déposé l'affidavit d'un
dénommé Paul Schrage à l'appui de sa demande.
11 est important de signaler ici qu'afin de satis-
faire aux exigences de l'article 36 de la Loi sur les
marques de commerce, l'appelante avait antérieu-
[1968] 2 R.C.É. 523.
rement annoncé sa demande le 4 août 1971, et ce
n'est que le 23 août 1972 qu'elle avait produit au
bureau du registraire des marques de commerce
une copie certifiée de l'enregistrement de la
marque aux Etats-Unis.
Le registraire a rendu sa décision le 15 septem-
bre 1976 et voici ses commentaires sur la modifica
tion que l'appelante désirait apporter à la demande
et sur les conséquences de l'article 30(1) sur cette
modification:
[TRADUCTION] Conformément au paragraphe 30(1) de la
Loi sur les marques de commerce, .un requérant dont le droit à
l'enregistrement d'une marque de commerce est fondé sur un
enregistrement de cette marque dans un autre pays de l'Union
doit, avant la date de l'annonce de sa demande selon l'article
36, fournir une copie de cet enregistrement, certifiée par le
bureau où il a été fait, ....»
Les articles de la Loi sur les marques de commerce relatifs
au fondement du dépôt des demandes d'enregistrement de
marques de commerce au Canada comprennent le paragraphe
29d) de la Loi sur les marques de commerce, qui stipule qu'une
demande d'enregistrement d'une marque de commerce au
Canada peut être fondée sur une marque de commerce qui est,
dans un autre pays de l'Union, l'objet de la part du requérant
ou de son prédécesseur en titre, d'un enregistrement ou d'une
demande d'enregistrement. Le paragraphe 30(1) dispose que
lorsqu'il y a enregistrement dans un autre pays de l'Union, le
requérant doit en fournir une copie certifiée avant la date de
l'annonce de sa demande faite conformément à l'article 36. En
application du paragraphe 30(l), le registraire ne peut accepter
une modification à une demande qui ajoute ou substitue un
droit à l'enregistrement fondé sur l'enregistrement dans un
autre pays de l'Union, après la date de l'annonce de la demande
d'enregistrement au Canada.
La modification de la demande faisant valoir un droit supplé-
mentaire à l'enregistrement, fondé sur l'enregistrement de la
marque RONALD MCDONALD aux Etats-Unis, est rejetée.
C'est l'intention de la Loi que le fondement de la demande soit
clairement établi avant l'annonce et qu'on ne puisse modifier,
après la date de celle-ci, une demande dont le fondement est
l'enregistrement de la marque dans un autre pays de l'Union.
En vertu de l'article 46, le registraire peut pro-
longer le délai fixé pour accomplir un acte ou
satisfaire aux exigences de la Loi ou du Règlement
s'il est convaincu que les circonstances le justifient.
Cependant l'article 30(1) énonce de façon impéra-
tive (on utilise le mot «doit») qu'une copie de
l'enregistrement dans un autre pays doit être four-
nie avant la date de l'annonce. Il s'agit là de deux
exigences distinctes et la Loi exige que l'une soit
accomplie avant l'autre. Il ne s'agit pas d'accorder
un délai supplémentaire pour permettre l'accom-
plissement d'un acte en particulier. Le registraire
n'a aucun pouvoir pour écarter une telle priorité
statutaire ou pour en affranchir quelqu'un, par
opposition au pouvoir d'accorder un délai.
L'article 30(1) s'applique évidemment aux
demandes d'enregistrement lorsque le droit à l'en-
registrement est fondé sur l'enregistrement de la
marque dans un autre pays de l'Union.
L'avocat de l'appelante prétend que bien qu'il
ait sollicité la modification de la demande, l'eût-on
accordée, la demande d'enregistrement resterait
fondamentalement, essentiellement et uniquement
une demande fondée sur un emploi futur de la
marque et non une demande fondée entièrement
ou en partie sur l'enregistrement dans un autre
pays et que, conséquemment, l'article 30(1) ne
s'applique pas.
L'objet d'un enregistrement en vertu de la Loi
doit être une marque enregistrable, quelque soit le
fondement du droit à l'enregistrement. Lorsqu'une
marque est enregistrable, elle peut être enregistrée
conformément à l'un des trois fondements énoncés
à l'article 16. L'article 14 ne s'applique qu'aux
marques déposées dans le pays d'origine du requé-
rant ou de son prédécesseur en titre et dans ce cas,
il libère de certaines des exigences rigoureuses de
l'article 12. Lorsqu'une marque de commerce con-
sistant en un nom a été dûment déposée, pour
qu'elle soit enregistrable au Canada, il n'est pas
nécessaire d'établir qu'elle n'est pas avant tout
simplement le nom d'un particulier; il suffira
d'établir qu'elle n'est pas dépourvue des caractères
distinctifs.
Je ne trouve rien dans le libellé de l'article 14, ni
ailleurs dans la Loi, y compris l'article 16, qui
limite de quelque façon que ce soit l'application de
l'article 14 aux marques enregistrées conformé-
ment à l'article 16(2). Au contraire, la rédaction
semble tout à fait claire et non équivoque. Lors-
qu'une marque est enregistrée dans le pays d'ori-
gine du requérant ou de son prédécesseur, on peut
se prévaloir de l'article en question pour détermi-
ner si la marque est enregistrable au Canada, sans
se soucier du fondement de la demande d'enregis-
trement, que ce soit l'emploi antérieur au Canada,
l'emploi projeté au Canada, ou l'emploi et le dépôt
dans le pays d'origine. Par sa demande modifiée, la
requérante n'a que réclamé le bénéfice de l'article
14(1). Elle n'a toujours pas demandé de substituer
à sa demande initiale d'enregistrement fondée sur
l'emploi projeté au Canada une demande fondée
sur le dépôt antérieur dans un autre pays ni d'ajou-
ter ce fondement supplémentaire à l'enregistre-
ment au droit initial. De plus, sa demande ne
renferme aucune déclaration semblable à celle
contenue à l'alinéa 5 de la formule 3 des Règles
qui traite de l'enregistrement des marques de com
merce déposées et employées hors du Canada. La
déclaration à la formule 3 stipule que le requérant:
... demande l'enregistrement de la marque de commerce à
l'égard de services en liaison avec lesquels elle a été enregistrée
et employée comme il est dit ci-dessus (i.e. dans le pays
étranger). [Les mots entre parenthèses sont de moi.]
L'alinéa 4 de la demande modifiée est au con-
traire une reproduction textuelle du libellé de l'ali-
néa 8 de la formule 1 des Règles, qui est la
formule de demande d'enregistrement d'une
marque de commerce employée au Canada. Ainsi
je ne peux donc conclure que la modification
apportée à sa demande par l'appelante en fait une
demande fondée sur le dépôt et sur l'emploi dans
son pays d'origine ni qu'elle a ajouté ce dernier
fondement à sa demande. Le fondement de la
demande demeure le même. Pour obtenir l'enregis-
trement, l'appelante devrait encore s'appuyer sur
l'emploi projeté au Canada et ne pourrait pas se
fonder uniquement sur le dépôt et l'emploi aux
États-Unis, comme cela suffit dans le cas d'une
demande faite en vertu de l'article 16(2).
Il est intéressant de noter que ni la demande
initiale ni la demande modifiée ne contient la
déclaration prévue à l'alinéa 6 de la formule 4
relative à l'enregistrement d'une marque de com
merce projetée, portant que «la requérante a l'in-
tention d'employer la marque de commerce au
Canada ....» Malgré cela, cependant, ni l'un ni
l'autre des avocats n'a contesté le fait que la
demande initiale était en fait et en droit, une
demande fondée sur l'emploi projeté au Canada.
Cependant, le registraire, dans les motifs de sa
décision et l'avocat de l'intimé dans les observa
tions qu'il a faites devant moi, considéraient tous
deux que la modification sollicitée portait sur un
fondement additionnel, à savoir le dépôt et l'em-
ploi dans un autre pays. Au début de ses motifs, le
registraire s'est ainsi prononcé sur cette question:
[TRADUCTION] La demande était fondée sur l'usage projeté au
Canada.
En se référant à la modification proposée, le regis-
traire a ajouté:
[TRADUCTION] ... la requérante a déposé une demande modi-
fiée relativement à la marque RONALD MCDONALD fondée
sur l'emploi projeté au Canada et sur le fondement additionnel
du dépôt et de l'enregistrement de la marque RONALD MCDO-
NALD aux États-Unis.
Puisqu'on ne s'est pas opposé à la forme de la
demande sur ce point, je suis disposé à souscrire à
l'opinion des parties et du registraire selon laquelle
il s'agissait et s'agit toujours d'une demande por-
tant sur l'emploi projeté au Canada, mais, pour les
motifs formulés plus haut, je ne suis pas d'avis que
la modification projetée ait ajouté à la demande le
fondement supplémentaire du dépôt et de l'emploi
aux États-Unis. Elle demeure uniquement une
demande d'enregistrement fondée sur l'emploi pro-
jeté au Canada.
Puisque le registraire a refusé de tenir compte
de la preuve soumise par l'appelante, et vu la
rédaction de l'article 14(1), lequel doit s'appliquer
s'il est prouvé à la satisfaction du registraire qu'il y
a eu dépôt et emploi antérieurs aux États-Unis,
l'appel est accueilli et l'affaire est renvoyée au
registraire pour qu'il décide s'il y a eu dépôt aux
États-Unis et, dans l'affirmative, pour qu'il décide
si la marque est enregistrable eu égard aux disposi
tions de l'article 14(1)b) de la Loi.
Si la demande avait été régulièrement déposée
en premier lieu, en y incluant le paragraphe ajouté
plus tard par la modification, il n'aurait pas été
nécessaire de s'interroger sur l'application de l'ar-
ticle 30(1). Aussi, l'appelante n'aura pas droit aux
dépens.
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