T-1043-73
James W. Simpson (Demandeur)
c.
La Reine (Défenderesse)
Division de première instance, le juge Addy—
Montréal, les 4, 5 et 6 mai et les 15 et 16 juin;
Ottawa, le 2 septembre 1976.
Impôt sur le revenu—Profits que le contribuable aurait tirés
ou pertes qu'il aurait subies relativement à la gestion de la
société—La société a existé de février 1967 mai 1968—
L'état définitif de la société a été publié en mars 1969 et le
demandeur a été imposé en conséquence La convention met-
tant fin à la société n'autorise pas la soumission d'un état
financier préparé contrairement aux principes comptables
acceptés—La convention est une transaction entre particuliers
en ce qui concerne la défenderesse—Le demandeur n'est pas lié
par une décision ayant trait à l'état financier après la dissolu
tion de la société—Loi de l'impôt sur le revenu, S.R.C. 1952, c.
148, art. 85o tel qu'amendé par S.C. 1953-54, c. 57, art. 24.
Le demandeur et deux collègues (dont les appels seront régis
par la décision rendue en l'espèce) ont formé une société avec
un bureau de comptables par convention datée du le" février
1967. En mars 1968, un projet de bilan et d'état de la société au
31 janvier 1968, date qui marquait la fin de son année finan-
cière, était très défavorable et le demandeur et ses deux collè-
gues se sont retirés de la société par convention datée du 18 mai
1968 dans laquelle toutes les parties ont accordé une décharge
générale au sujet des sommes exigibles et de l'obligation de
rendre compte. Un état définitif pour l'année 1968 a été
présenté en mars 1969, et démontrait un bénéfice sur lequel le
demandeur a été imposé. Il ne prévoyait aucune disposition
pour les comptes douteux, mais la défenderesse prétend que le
demandeur ne peut s'opposer à ces principes comptables peu
habituels parce qu'il a accordé une décharge générale de toute
obligation de rendre compte et parce que la décision de reporter
à une année postérieure l'établissement d'une réserve pour
compte douteux où la passation par profits et pertes était celle
de la société encore existante.
Arrêt: l'appel est accueilli et le dossier est renvoyé pour
l'établissement d'une nouvelle cotisation.
(1) La convention par laquelle le demandeur s'est retiré de la
société mentionne simplement un rapport comptable entre les
parties et ne parle pas de rapport comptable aux fins d'impôt.
Même si c'était le cas, il serait non exécutoire parce que
contraire à l'intérêt public (voir Canadian General Electric Co.
c. M.R.N. [1962] R.C.S. 3).
(2) La convention est une transaction entre particuliers et le
ministre du Revenu national n'est pas partie à la convention,
pas plus qu'on en fait mention comme une personne ayant un
droit de la faire exécuter.
(3) La décision de remettre à plus tard la passation des dettes
de la société par profits et pertes a été prise après que le
demandeur se soit retiré. En fait la société n'existait plus et son
nom a été utilisé en affaires par la société qui était le seul et
unique associé restant de la société. En d'autres mots, la
convention a été passée entre le demandeur et cette société
uniquement.
(4) L'article 85D de la Loi de l'impôt sur le revenu ne
s'applique pas puisque la convention du 18 mai 1968 ne consti-
tuait pas une vente d'entreprise comme l'envisage cet article.
Arrêt appliqué: Canadian General Electric Company c.
M.R.N. [1962] R.C.S. 3.
APPEL.
AVOCATS:
Mitchell Klein pour le demandeur.
Brian Schneiderman pour la défenderesse.
PROCUREURS:
Phillips & Vineberg, Montréal, pour le
demandeur.
McMaster, Meighen & Associés, Montréal,
pour la défenderesse.
Voici les motifs du jugement rendus en français
par
LE JUGE ADDY: Le demandeur interjette appel
d'une décision de la Commission de révision de
l'impôt qui confirme une nouvelle cotisation de la
défenderesse pour l'année d'imposition 1968.
Les mêmes faits s'appliquent dans les affaires de
Julian Evans et de Arthur Ivor Morris. Ces contri-
buables avaient interjeté les mêmes appels avec des
résultats identiques et les parties ont toutes con-
venu que la décision rendue en l'espèce sera égale-
ment la décision rendue dans les appels des deux
autres contribuables.
Le demandeur et les deux autres contribuables
susmentionnnés, tous des comptables agréés,
avaient été les associés d'un bureau de comptables
connu sous la raison sociale de Riddell, Stead,
Graham & Hutchinson (ci-après nommé «Riddell
Stead»), la société de personnes portant la raison
sociale Simpson, Riddell,. Stead & Partners (ci-
après nommée «La Société de personnes»).
L'affaire a trait aux profits que le contribuable
aurait tirés ou aux pertes qu'il aurait subies en
1968 relativement à la gestion de ladite Société de
personnes dissoute le 18 mai 1968 sur entente
entre les associés, de sérieux différends et malen-
tendus étant survenus entre eux.
La Société de personnes avait été formée le 1"
jour du mois de février 1967 dans le but d'exploiter
une entreprise de conseillers en gestion. Conformé-
ment à la convention, les profits et pertes devaient
se répartir comme suit: le demandeur, 40%, Evans
et Morris, 25% chacun et Riddell Stead, 10%.
Deux autres personnes, désignées comme étant des
associés, n'étaient pas des associés actifs ou asso-
ciés de gestion; leurs revenus étaient limités et ils
ne participaient pas aux profits. Ils n'avaient
aucun droit au chapitre en ce qui concernait l'ex-
ploitation de la Société de personnes et leur parti
cipation n'intéresse aucunement les questions en
litige dont je suis saisi.
La Société de personnes exploitait son entreprise
de conseillers en gestion directement et par l'entre-
mise d'autres bureaux de comptables et de direc-
teurs commerciaux, à divers endroits au Canada et
aux États-Unis. Elle fonctionnait aux États-Unis
par l'intermédiaire d'une compagnie de conseillers
en gestion appelée Stevenson, Jordan & Harrison
Management Consultants Inc. (ci-après désignée
sous le nom de «Jordan»). Elle possédait une parti
cipation de 74% dans ladite compagnie, laquelle
participation était détenue par une société de por-
tefeuille connue sous la raison sociale de Simpson,
Riddell, Stevenson International Limited (ci-après
appelée «S.R.S. International»), la Société de per-
sonnes possédant 85% des actions de cette société
de portefeuille. Il existait aussi à Montréal une
autre compagnie de conseillers en gestion, à savoir
Samson, Bélair, Simpson, Riddell Inc. (ci-après
appelée «Samson Bélair») dans laquelle la Société
de personnes possédait 50% des actions, une
maison de comptables agréés connue sous la raison
sociale Samson, Bélair, Côté & Lacroix (ci-après
appelée «Côté Lacroix») détenant les autres 50%.
La Société de personnes détenait aussi 81% des
actions d'une autre entreprise de conseillers en
gestion située à Montréal et connue sous la raison
sociale Unica Research Company Limited (ci-
après appelée «Unica»). Le demandeur et lesdits
Morris et Evans avaient géré la Société de person-
nes et soumis des états toutes les quatre semaines.
Un certain Ladanyi, qui avait examiné les états
en mars 1968 pour le compte de Riddell Stead, a
rédigé un projet de bilan et un état de la Société de
personnes au 31 janvier 1968, date qui marquait la
fin de son année financière. Cet état étant très
défavorable, on a tenu une série de réunions au
terme desquelles le demandeur, Morris et Evans se
sont tous trois retirés de la Société de personnes.
Un certain Kent avait adressé au demandeur une
lettre datée du 2 avril 1968 pour le compte de
Riddell Stead. Déposée au procès comme pièce
P-3, elle portait que les affaires réunies de la
Société de personnes et de ses filiales et compa-
gnies associées s'étaient soldées en une perte pour
l'année financière prenant fin le 31 janvier 1968 et
que, conséquemment, tous les prélèvements effec-
tués par les associés en prévision de bénéfices
étaient à découvert et immédiatement exigibles par
la Société de personnes. La lettre déclarait que
selon les livres, les prélèvements nets du deman-
deur pendant l'année financière s'élevant à
$31,125.51 devaient être remboursés dans un délai
de deux jours, faute de quoi il serait présumé avoir
manqué à la convention d'association et serait
déchu de sa qualité d'associé conformément à
l'acte constitutif.
L'état définitif pour l'année 1968 n'a été pré-
senté qu'environ un an plus tard, c.-à-d. en mars
1969. Cet état, contrairement aux prévisions anté-
rieures, démontrait que la Société de personnes
avait réalisé un bénéfice pendant la période en
cause. La défenderesse a donc imposé le deman-
deur en conséquence.
Le point en litige entre les parties a trait à des
sommes d'argent importantes dues à la Société de
personnes par ses filiales et firmes associées à
l'époque en question et à la disponibilité financière
ou tout au moins à la capacité de payer éventuelle
de certaines de ces entreprises à l'époque. Plus
particulièrement, il s'agit de savoir si pour la
période en question, les principes comptables judi-
cieux n'exigeaient pas qu'une grande partie sinon
la totalité des comptes à recevoir des filiales soient
passés par profits et pertes ou inclus dans une
réserve spéciale pour comptes douteux ou si, au
contraire, dans les circonstances, il était conforme
aux principes comptables acceptés de les considé-
rer alors comme des comptes à recevoir ordinaires
qui seraient payés dans le cours normal des affai-
res. Il convient à ce stade de souligner, les avocats
des deux parties étant d'accord sur ce point,
qu'aux fins de l'espèce il importe peu que les
comptes à recevoir douteux aient été passés par
profits et pertes ou qu'ils aient simplement fait
l'objet d'une réserve pour comptes douteux, puis-
que d'une façon ou de l'autre, les profits et pertes
de la Société de personnes pendant la période en
question seraient les mêmes.
Quant à savoir s'il faudrait les traiter comme
des mauvaises créances et les inclure dans une
réserve ou les passer par profits et pertes, des
experts apparemment aussi compétents les uns que
les autres à qui l'on a posé la question en sont
venus à des conclusions diamétralement opposées.
Chaque expert s'est montré tout aussi positif et
catégorique et s'est déclaré convaincu que ses con
clusions étaient les bonnes, tout en affirmant con-
naître le raisonnement et les conclusions de ceux
qui soutiennent des vues totalement opposées. Des
opinions aussi radicalement divergentes ne sont
guère utiles à la Cour, et puisque les experts des
deux parties semblent fort compétents, on ne peut
que faire des conjectures sur leur sincérité et l'inté-
rêt qui pourrait les motiver. Il faut en arriver à une
réponse, positive ou négative, et par conséquent on
doit dans une large mesure, étudier les faits et leur
appliquer les règles du bon sens, élucidées ou
embrouillées, selon le cas, par les principes géné-
raux que les experts ont exposés avec assurance et
interprétés de façon catégorique.
Le bilan de la Société de personnes pour l'année
financière prenant fin le 31 janvier 1968 sur lequel
s'est fondé l'expert de la défenderesse et suivant
lequel le demandeur a été imposé (pièce P-17)
montre un bénéfice de $36,089 après défalcation
d'environ $7,997 pour comptes douteux, alors que
celui qu'a préparé et soutenu l'expert du deman-
deur indique une perte de $187,719 pendant la
même période, déduction faite d'environ $231,805
pour comptes douteux. Nous sommes donc en pré-
sence d'une différence de $223,808 relativement
aux opérations pendant la période en question, ce
qui n'est pas négligeable si l'on considère qu'en
l'absence de toute réserve pour comptes douteux, le
revenu ne se chiffrerait de toute façon qu'à environ
$42,000.
La défenderesse a aussi allégué que même si le
défaut de pourvoir aux mauvaises créances va à
l'encontre des principes comptables généralement
reconnus, le demandeur ne peut s'opposer mainte-
nant à ce que les pertes subies soient incluses dans
une réserve pour comptes douteux ou soient pas-
Sées par profits et pertes au cours des années
subséquentes plutôt que pendant l'année de la
dissolution. En effet, aux termes d'une convention
datée du 18 mai 1968 par laquelle le demandeur se
retirait de la Société de personnes, il accordait à
celle-ci ainsi qu'aux autres associés une décharge
générale, et plus particulièrement une décharge de
toute obligation de rendre compte et, en retour, il a
été déchargé des sommes qu'il avait tirées à décou-
vert et libéré de l'obligation de les rembourser à la
Société de personnes. La défenderesse a aussi allé-
gué que, de toute façon, il revenait au contribuable
de décider s'il fallait établir une réserve pour
comptes douteux et quand il fallait le faire, que la
Société de personnes avait décidé de reporter à une
année postérieure l'établissement d'une réserve ou
la passation par profits et pertes et que la Société
de personnes, au moment de cette décision, consis-
tait en Riddell Stead.
On a présenté à l'instruction plusieurs éléments
de preuve importants ayant trait à la valeur vérita-
ble des comptes douteux. La pièce P-11 produite à
l'audience était une lettre datée du 29 mars 1968,
préparée par un dirigeant principal de la Société
de personnes. A cette époque, la Société de person-
nes offrait au demandeur de lui vendre pour la
somme de $250,000 comptant des actifs se chif-
frant à environ $452,000. Ces actifs se compo-
saient des actions que détenait la Société de per-
sonnes dans Jordan et S.R.S. International, de
matériel d'enseignement évalué à $37,669 plus une
cession des avances consenties par la Société de
personnes à S.R.S. International s'élevant à
$17,558 et celles consenties à Jordan se chiffrant à
$352,822. Les actions de Jordan ont été vendues
en novembre 1968 contre la somme de $45,000. La
pièce P-11 établit donc clairement qu'en mars
1968 la Société de personnes était disposée à
vendre en subissant une perte de quelque
$202,000.
A l'été de 1968, Dunwoody and Company a fait
l'offre ferme d'acheter les actions de Jordan et de
se rendre acquéreur, moyennant $100,000, du
compte inter-compagnies qui était d'environ $389,-
000. Cela aurait représenté une perte de quelque
$289,000. La Société de personnes a accepté l'of-
fre. L'acheteur a par la suite annulé la transaction
car l'offre n'était valable qu'à condition que trois
employés essentiels de Jordan restent avec la com-
pagnie après la vente, et il est devenu évident qu'ils
ne le feraient pas. Cela illustre clairement la
valeur accordée à cette époque par Riddell Stead
au compte Jordan. Ce compte a de fait été passé
par profits et pertes à la fin de 1968 au montant de
$269,000 et la perte finale s'est chiffrée à
$168,000.
Il me paraît clair, à tout point de vue, que
Jordan était réellement insolvable en janvier 1968
et que ses propres ressources ne lui permettaient
pas d'espérer payer le solde débiteur de $206,094
de son compte courant au 31 janvier 1968 comme
l'indique la pièce P-6. Quant à la Société de
personnes elle-même, l'état à la fin de 1968 (pièce
22) révèle une perte de $287,505 pour l'année et
des mauvaises créances s'élevant à quelque
$181,000.
Samson Bélair avait travaillé pour la Commis
sion Castonguay et l'avait facturée de façon conti
nue. Selon le témoin Kent, dont j'accepte la dépo-
sition sur ce point, Samson Bélair a agi
généralement à titre de mandataire de la Société
de personnes. En 1968, de sérieuses divergences
d'opinions se sont élevées quant aux montants
demandés pour services rendus à la Commission et
subséquemment, celle-ci a non seulement nié
devoir une somme de $96,488 qui lui était factu-
rée, mais elle a de plus affirmé avoir payé en trop
les services déjà rendus, ajoutant que même si le
trop-perçu lui était rendu, Samson Bélair était en
outre légalement tenue de terminer son travail et
de faire rapport à la Commission sans exiger
aucune autre rémunération. On a établi à l'égard
de ce compte une réserve pour mauvaises créances
au 31 janvier 1969. Bien que par la suite, la
Commission Castonguay ait versé la somme en
question, aucun élément de preuve ne vient démen-
tir la déposition du demandeur selon laquelle à
l'époque où a été rédigé l'état pour l'année prenant
fin le 31 janvier 1968, c.-à-d. en mars 1969, la
réclamation contre la Commission Castonguay ne
reposait sur aucune base solide et aucun élément
de preuve n'indique qu'à l'époque, il semblait qu'il
lui serait fait droit. Les preuves concrètes qui
existent nous portent indéniablement à conclure
que lors de la préparation de l'état financier, la
Société de personnes pouvait s'attendre à perdre la
moitié de ce montant total, conformément à sa
participation dans Samson Bélair.
En outre, la pièce P-10 montre un déficit ou une
perte de $12,546 la fin de la période. Les pertes
ou les profits de la Société de personnes devaient
être calculés en tenant compte des affaires globales
des compagnies et firmes associées, dont naturelle-
ment fait partie Samson Bélair.
La lettre produite comme pièce 3, mentionnée
précédemment et dans laquelle le représentant de
Riddell Stead dans la Société de personnes préten-
dait que pendant la période en question, les affai-
res de la Société de personnes avaient subi des
pertes considérables, est très importante à mon
avis lorsque l'on tente d'établir la façon dont il
faut traiter les sommes dues à l'époque à la Société
de personnes par Jordan et par Samson Bélair.
Comme elle est beaucoup plus conforme aux
preuves dont je dispose portant sur les faits, j'ac-
cepte la déposition de l'expert Bessener cité par le
demandeur plutôt que celle de l'expert de la défen-
deresse, voulant que conformément à une bonne
méthode comptable, en l'absence de passation par
profits et pertes, il aurait fallu créer une réserve
pour mauvaises créances à l'égard de la somme de
$54,517 (la moitié du montant susmentionné de
$96,488 (Pièce P-19) plus $12,546) que devait
Samson Bélair à la Société de personnes, et à
l'égard des sommes dues par Jordan, s'élevant à
$168,460, ce dernier montant étant celui passé par
profits et pertes au mois de novembre 1968 lorsque
la Société de personnes a vendu les actions de
Jordan, plutôt que la somme de $206,094 due au
31 janvier 1968 dont il est question à la pièce P-6.
Vu la conclusion à laquelle j'en suis arrivé sur le
premier point, il faut nécessairement étudier la
seconde question soulevée, à savoir si la convention
du 18 mai 1968 met en échec le droit du deman-
deur de s'opposer à ce que Riddell Stead, à titre de
seul et dernier membre de la Société de personnes,
ait réclamé plus tard la déduction des pertes plutôt
que de l'avoir fait au 31 janvier 1968.
Le paragraphe 4 de l'article 6 de l'acte constitu-
tif initial prévoyait que le demandeur participerait
pour 40% aux bénéfices et serait responsable de
40% des pertes de la Société de personnes. Aux
termes de la convention du 18 mai 1968, l'associé
restant, Riddell Stead, et la Société de personnes
déchargeaient le demandeur de tous les comptes,
et de toutes les actions, poursuites, réclamations,
procédures et revendications qu'ils pourraient avoir
contre lui à l'égard de toutes pertes subies par la
Société de personnes pendant la période en ques
tion jusqu'à la date de la démission du demandeur
ou à l'égard de tout prélèvement effectué par ce
dernier excédant le capital qu'il a apporté ou qui
est inscrit à son crédit ou dépassant le montant de
toute autre créance qui lui serait due. La conven
tion prévoyait aussi qu'aucune des parties n'exige-
rait de reddition de comptes et elle annulait une
disposition de l'acte constitutif initial selon
laquelle un associé démissionnaire était tenu de
rembourser les sommes qu'il devait à la Société de
personnes. En dernier lieu, le demandeur a
déchargé la Société de personnes et Riddell Stead
de tous les comptes, et de toutes les créances,
actions, réclamations, etc., qu'il pourrait à un
moment ou à un autre avoir ou avoir eu contre
elles.
Quant à l'essentiel de la convention, celle-ci
mentionne simplement un rapport comptable entre
les parties et ne parle nullement d'impôt, d'imposi-
tion ni d'aucun rapport comptable aux fins d'im-
pôt. A mon avis, il est clair que la convention ne
prétend nullement autoriser Riddell Stead ou qui
que ce soit d'autre à soumettre un état financier
préparé contrairement aux principes comptables
acceptés, couvrant les affaires de la Société de
personnes pour l'année financière se terminant en
janvier 1968 et qui lierait le demandeur. De plus,
si c'était le cas, j'estime qu'une telle disposition
serait non exécutoire parce que contraire à l'intérêt
public puisque tout rapport comptable aux fins
d'imposition doit être conforme aux principes
comptables acceptés (voir Canadian General Elec
tric Company c. M.R.N. 1 ).
Deuxièmement, la convention est une transac
tion entre particuliers (res inter alios acta) en ce
qui concerne la défenderesse: le ministre du
Revenu national n'est pas partie à la convention,
pas plus qu'on n'en fait mention comme une per-
sonne ayant un droit déterminé de faire exécuter
l'une quelconque des dispositions de la convention.
1 [1962] R.C.S. 3 le juge Martland à la page 12.
Il s'ensuit que puisqu'il n'existe aucune obligation
contractuelle entre les parties, la défenderesse ne
peut exiger l'exécution d'aucune stipulation ou
promesse de la part du demandeur ni s'en préva-
loir, du point de vue contractuel, pas plus qu'elle
ne peut prétendre opposer contre le demandeur
une fin de non-recevoir en raison de ce contrat.
Elle ne prétend même pas indirectement exprimer
l'intention qu'aurait le demandeur de permettre à
Riddell Stead de préparer les comptes de façon à
reporter une perte à une année subséquente. En
outre, le demandeur a nié toute intention sembla-
ble et la défenderesse n'a présenté aucune preuve
qui vienne le contredire.
Pour les raisons susmentionnées, je ne vois pas
comment la convention du 18 mai 1968, ou tout
accord entre les parties fondé sur elle, peut être
utile à la défenderesse ni comment cette dernière
peut les invoquer pour faire échec à la réclamation
du demandeur.
Ce qui m'amène au dernier point en litige,
c.-à-d. la question de savoir si de toute façon le
demandeur se trouvait lié par la décision de la
Société de personnes de remettre à plus tard la
passation de ces dettes par profits et pertes.
De fait, cette décision a été prise assez long-
temps après le 18 mai 1968. Les trois associés de
gestion, c.-à-d. le demandeur, Evans et Morris
s'étaient tous retirés de la Société de personnes à la
date mentionnée et ils avaient signé des contrats
identiques. Les deux autres personnes qui n'étaient
pas des associés de gestion, à supposer qu'elles
aient été associées, s'étaient retirées en mai 1968
et elles étaient payées à même un compte salaire
tout comme les employés ordinaires. Si elles ne
s'étaient pas retirées, j'aurais été disposé à con-
clure qu'elles n'avaient jamais été associées au sens
juridique puisqu'elles n'avaient fourni aucun
apport, n'étaient nullement responsables des pertes
et n'avaient pas voix au chapitre en matière de
gestion. Bien que la convention initiale les désigne
comme étant des associés, elles n'étaient en réalité
que des employés dont le revenu était garanti à
concurrence d'un montant fixé par une première
participation aux bénéfices.
A compter du 18 mai, le seul associé qui conti-
nuait à faire partie de la Société de personnes
initiale était la Société Riddell Stead décrite dans
la convention précitée comme étant «l'associé res-
tant». L'avocat de la défenderesse a allégué que la
Société Riddell Stead étant elle-même associée, la
Société de personnes dont se sont retirés le deman-
deur et les autres le 18 mai 1968 a continué à
exister en droit et se composait des associés qui
formaient la Société Riddell Stead. Je ne puis
admettre cet argument: ni les droits, les devoirs,
les rémunérations ni les responsabilités financières
de la personne qui constituait la Société Riddell
Stead, ne pouvaient, à compter du 18 mai 1968,
être déterminés, régis ou fixés de quelque façon
par la convention initiale du 1" février 1967, l'acte
constitutif de la Société de personnes dont avait
démissionné le demandeur. Ces droits, ces devoirs,
ces rémunérations et ces responsabilités financiè-
res, à partir du 18 mai 1968, ne pouvaient être
déterminés que conformément au contrat d'asso-
ciation de la Société Riddell Stead elle-même,
dans laquelle le demandeur n'a jamais eu de parti
cipation. Par conséquent, je juge qu'à compter du
18 mai 1968, la convention du lei février 1967 était
annulée puisque toutes les parties sauf une n'y
étaient plus tenues et la Société de personnes était
dissoute en fait et en droit. Ce qui existait à
compter de cette date était la société Riddell
Stead, continuant à faire affaire sous la raison
sociale de Simpson, Riddell, Stead & Partners, ce
qui était en réalité la raison sociale d'une société
désormais inexistante.
Par conséquent, il apparaît clairement que, bien
que la convention du 18 mai 1968 prétende être
passée entre trois parties, à savoir Riddell Stead,
associé restant, la Société de personnes elle-même
et enfin le demandeur, à mon avis, la convention
n'a été passée qu'entre deux parties, c.-à.-d. Rid-
dell Stead et le demandeur puisque Riddell Stead
était le seul et dernier associé et Simpson, Riddell,
Stead & Partners n'existait plus en tant que
société de personnes depuis la démission du 18 mai
1968, mais existait simplement en tant que raison
sociale sous laquelle Riddell Stead continuait à
faire affaire.
Incidemment, j'ajoute que l'article 85D de la Loi
de l'impôt sur le revenu 2 ne s'applique pas, notam-
ment parce que la convention du 18 mai 1968 ne
constitue pas une vente d'entreprise comme l'envi-
2 S.C. 1953-54, c. 57, art. 24.
sage cet article.
Il s'ensuit qu'à compter de cette date, le deman-
deur ne pouvait être lié, en ce qui concerne la
défenderesse, par aucune décision que pouvait
prendre Riddell Stead au sujet de la façon dont les
créances à recouvrer seraient passées par profits et
pertes, quand elles le seraient et jusqu'à concur
rence de quel montant. Cette question ne peut être
déterminée entre les parties à la présente action
qu'en recourant aux critères des méthodes compta-
bles acceptées dans les circonstances.
Puisque j'ai statué que conformément aux
méthodes comptables judicieuses, les créances sui-
vantes, à la fin de janvier 1968, auraient dû être
passées par profits et pertes ou faire l'objet d'une
réserve pour mauvaises créances, à savoir, Samson
Bélair: $54,517, Jordan: $168,460, l'affaire sera
renvoyée au Ministre qui établira une nouvelle
cotisation conforme à ma décision. Le demandeur
a droit à ses dépens sauf ceux de l'audition ajour-
née des 15 et 16 juin 1976 que j'ai accordés à la
défenderesse à l'audience, quelle que soit l'issue de
la cause. Un jugement sera prononcé en
conséquence.
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