A-222-76
Le procureur général du Canada (Requérant)
c.
Richard Poudrier (Intimé)
Cour d'appel, les juges Pratte et Le Dain et le juge
suppléant Hyde—Montréal, les 30 septembre et 15
octobre 1976.
Examen judiciaire—Requête pour casser la décision d'un
juge-arbitre rendue en vertu de la Partie V de la Loi sur
l'assurance-chômage infirmant ce qu'avait jugé le conseil
arbitral—L'intimé était-il «disponible» au sens de l'art. 25 de
la Loi—Loi sur l'assurance-chômage, S.C. 1970-71-72, c. 48,
art. 25.
Le requérant prétend que le juge-arbitre ne pouvait renverser
la décision du conseil arbitral à moins qu'elle ne repose sur une
erreur de droit ou sur une erreur manifeste dans l'appréciation
des faits, et que le conseil n'a commis ni l'une ni l'autre de ces
erreurs.
Arrêt: la demande est rejetée. Le juge-arbitre a entendu une
preuve nouvelle et, l'ajoutant à celle soumise au conseil arbitral,
il lui a paru que la décision du conseil était mauvaise. Il se
devait donc de la casser et n'avait pas à s'interroger sur le
caractère manifeste de l'erreur.
Arrêts appliqués: Dorval c. Bouvier [1968] R.C.S. 288;
Levy c. Manley [1975] 2 R.C.S. 70; Roulis c. Le ministre
de la Main-d'oeuvre et de l'Immigration [1974] R.C.S.
875 et Union Gas c. Sydenham Gas [1957] R.C.S. 185.
DEMANDE d'examen judiciaire.
AVOCATS:
J. M. Aubry pour le requérant.
J. Beauchemin pour l'intimé.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour le
requérant.
Cousineau & Beauchemin, Montréal, pour
l'intimé.
Voici les motifs du jugement rendus en français
par
LE JUGE PRATTE: Le requérant demande la
cassation, en vertu de l'article 28 de la Loi sur la
Cour fédérale, d'une décision prononcée par un
juge-arbitre en vertu de la Partie V de la Loi de
1971 sur l'assurance-chômage. Par cette décision,
le juge-arbitre a fait droit à l'appel de l'intimé et a
déclaré que ce dernier, contrairement à ce qu'avait
jugé le conseil arbitral, avait prouvé être «disponi-
ble» au sens de l'article 25 de la Loi et, en consé-
quence, avait droit aux prestations qu'on lui avait
refusées.
A l'appui de sa demande, l'avocat du requérant
n'a fait valoir qu'un seul moyen, savoir que le
juge-arbitre n'aurait pas dû renverser la décision
du conseil arbitral parce que celle-ci n'était pas
manifestement erronée. Le juge-arbitre, suivant
l'avocat du requérant, n'a pas le pouvoir de renver-
ser une décision d'un conseil arbitral sur une ques
tion de disponibilité à moins que cette décision ne
repose sur une erreur de droit ou sur une erreur
manifeste dans l'appréciation des faits. Dans l'es-
pèce, a dit l'avocat, le conseil n'a commis ni l'une
ni l'autre de ces erreurs; il arrive seulement que les
circonstances de l'affaire étaient telles que deux
personnes raisonnables, connaissant le droit, pou-
vaient en apprécier différemment les conséquences.
Cela étant, a soutenu l'avocat du requérant, le
juge-arbitre ne pouvait, sans excéder ses pouvoirs,
substituer sa propre appréciation des faits ou sa
propre opinion à celle du conseil arbitral.
A l'appui de son argumentation, l'avocat du
requérant a cité plusieurs décisions où la Cour
suprême du Canada a fixé les limites du pouvoir
d'un juge d'appel à qui on demande soit de substi-
tuer son appréciation des faits à celle du premier
juge', soit de censurer l'exercice d'une discrétion
que la loi accorde au tribunal de première instan
ce 2 , soit encore de substituer son opinion à celle
que l'autorité dont la décision est frappée d'appel
était chargée de formulera.
Pour trancher ce litige, il me paraît suffisant de
dire que la règle de droit invoquée par le requérant
n'a pas d'application dans un cas comme celui-ci.
Le juge-arbitre a, comme il en avait le pouvoir,
entendu une preuve nouvelle (dont nous ne savons
que ce que nous rapporte sa décision); il a, semble-
t-il, considéré cette preuve ainsi que ce qu'on lui
avait communiqué de la preuve soumise au conseil
arbitral. Il lui a alors paru, pour des motifs qui ne
sont pas très clairs, que la décision du conseil était
' Par exemple: Dorval c. Bouvier [1968] R.C.S. 288; Levy c.
Manley [1975] 2 R.C.S. 70.
2 v.g. Boulis c. M.M. & I. [1974] R.C.S. 875.
3 v.g. Union Gas Co. of Canada Ltd. c. Sydenham Gas and
Petroleum Co. Ltd. [1957] R.C.S. 185; voir aussi à ce sujet
Rowntree c. Chambers Co. Ltd. [1968] R.C.S. 134 dont la
portée a été clarifiée par Benson & Hedges (Canada) Ltd. c. St.
Regis Tobacco Corp. [1969] R.C.S. 193.
mauvaise. Dans ces circonstances, il se devait de la
casser et n'avait pas à s'interroger sur le caractère
manifeste de l'erreur commise par le conseil.
La décision du juge-arbitre ne doit donc pas être
cassée pour le motif qu'a invoqué le requérant. Il
est possible qu'elle ait pu être attaquée pour d'au-
tres raisons; à mon avis, il ne convient pas que la
Cour se prononce sur ce point puisque le requérant
n'a pas formulé, à l'appui de sa demande, d'autres
moyens que celui dont j'ai déjà disposé.
Pour ces motifs, je rejetterais la requête.
* * *
LE JUGE LE DAIN: Je suis d'accord.
* * *
LE JUGE SUPPLÉANT HYDE: Je suis d'accord.
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