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T-3439-76
Robert W. Alexander (Requérant)
c.
Le sous-procureur général du Canada (Intimé)
Division de première instance, le juge Walsh Ottawa, les 9 et 23 novembre 1976.
Brevets Responsabilité de la Couronne—Privation causée par l'interruption des services postaux Le requérant a-t-il pris les mesures raisonnables pour se conformer au délai, ou à la période limite, autorisé. par la Loi sur les brevets?—La demande de redressement a-t-elle été faite sans retard exces- sif?—Loi sur les recours consécutifs à une interruption des services postaux, S.R.C. 1970, c. P-15, art. 2 et 3-Loi sur les brevets, S.R.C. 1970, c. P-4, art. 3, 28(2), 29(1).
Le requérant demande un redressement en vertu des articles
2 et 3 de la Loi sur les recours consécutifs à une interruption des services postaux, affirmant qu'une grève des postes l'a empêché de déposer une demande de brevet dans la période limite autorisée par les articles 28 et 29 de la Loi sur les brevets. Il demande un autre redressement en vertu de l'article
3 de la Loi sur les brevets, qui autorise la Cour à supprimer les conditions de temps.
Arrêt: la demande est rejetée. Le redressement réclamé entre bien dans le cadre de la Loi sur les recours consécutifs à une interruption des services postaux, mais le requérant n'a pas pris toutes les mesures raisonnables qui s'offraient à lui pour se conformer aux exigences de l'article 3b) de la Loi sur les brevets et a aussi négligé de faire sa demande sans retard excessif, conformément à l'article 3c) de ladite loi.
Arrêt analysé: Knapsack Actiengesellschaft c. Le sous- procureur général du Canada [1968] 2 R.C.É. 59.
DEMANDE de jugement déclaratoire. AVOCATS:
Theodore P. Metrick, c.r., pour le requérant. R. Côté pour l'intimé.
PROCUREURS:
Theodore P. Metrick & Associés, Ottawa, pour le requérant.
Le sous-procureur général du Canada pour lui-même.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE WALSH: Il s'agit ici d'une demande formulée en vertu de la Loi sur les recours consé- cutifs à une interruption des services postaux',
' S.R.C. 1970, c. P-15.
aux fins d'obtenir un redressement visant la demande de brevet canadien 241949. Sa version originale a été produite le 2 septembre 1976 et présentée pour audition orale le 9 novembre 1976. Elle était étayée par deux affidavits émanant de Allan Newman, qui se présente comme agent immobilier et consul-général du Pérou résidant à Burnaby (Colombie-Britannique), respectivement en date du 9 juillet et du 24 septembre 1976, et par un affidavit émanant de l'inventeur, qui se pré- sente comme citoyen des États-Unis résidant actuellement à Britannia Beach (Colombie-Britan- nique), recueilli dans l'État de Californie, le 22 janvier 1976. La version originale de la demande réclame une ordonnance:
[TRADUCTION] a) déclarant que le requérant a subi une perte ou une privation du fait de l'interruption des services postaux réguliers;
b) déclarant que le délai de douze mois requis par l'article 290) de la Loi sur les brevets pour déposer devant le Bureau canadien des brevets, la demande de brevet canadien 241,949, afin d'avoir droit à la protection découlant d'un traité ou d'une convention se rapportant aux brevets et auquel ou à laquelle le Canada est partie, soit écarté;
c) déclarant que le 18 novembre 1975 est par les présentes établi comme date limite à laquelle la demande de brevet canadien 241,949 aurait être déposée afin d'avoir droit à la protection découlant d'un traité ou d'une convention se rapportant aux brevets et auquel ou à laquelle le Canada est partie;
d) déclarant que le délai de douze mois requis par l'article 290) de la Loi sur les brevets pour déposer la demande de brevet canadien 241,949, afin d'avoir droit à la protection d'un traité ou d'une convention se rapportant aux brevets et auquel ou à laquelle le Canada est partie, est par les présen- tes prolongé jusqu'au 18 décembre 1975;
e) déclarant que la demande de brevet canadien 241,949 peut être poursuivie par le requérant devant le Bureau cana- dien des brevets comme si elle avait été déposée dans le délai de douze mois prescrit par l'article 290) de la Loi sur les brevets;
f) accordant tout autre redressement, qui pourrait être jugé opportun.
A l'audition de la demande, avec le consentement de l'avocat de l'intimé, qui s'est opposé oralement à la demande et a aussi présenté des observations écrites le 12 octobre 1976, conformément à la Règle 324 en vertu de laquelle elle a été présentée, le requérant a procédé à une modification à la suite de laquelle un nouveau paragraphe f) a été ajouté et l'ancien paragraphe f) est devenu le paragraphe g). Le nouveau paragraphe f), ajouté à l'instigation de l'avocat de l'intimé afin que le
requérant puisse aussi réclamer un redressement en vertu de l'article 28(2) de la Loi sur les brevets, est rédigé dans les termes suivants:
[TRADUCTION] f) déclarant que le requérant a droit à un redressement en vertu de l'article 28(2) de la Loi sur les brevets, qui lui permette de déposer son brevet nonobstant le laps de temps il a été empêché d'effectuer ce dépôt.
Les articles pertinents de la Loi sur les recours consécutifs à une interruption des services postaux sont les suivants:
2. Lorsque, par suite de l'interruption des services postaux réguliers, survenue entre le 22 juillet et le 7 août 1965, ou par suite de toute interruption subséquente des services postaux réguliers au Canada d'une durée de plus de quarante-huit heures pour quelque motif que ce soit, une personne a subi une perte ou une privation en raison de son omission de se confor- mer à un délai quelconque ou de respecter une période limite que prescrit une loi du Canada, elle peut, moyennant un avis de quatorze jours donné par écrit au sous-procureur général du Canada et à toute autre personne qui, selon qu'elle est justifiée de croire, peut être visée par une ordonnance rendue en confor- mité de l'article 3 par suite d'une demande par elle faite selon le présent article, s'adresser à un juge de la Cour de l'Échi- quier* du Canada pour demander qu'il lui soit accordé un recours.
3. Si le juge à qui est adressée une demande prévue par l'article 2 est convaincu
a) que le requérant a subi une perte ou une privation par suite d'une interruption quelconque décrite audit article,
b) que le requérant, sans succès, a pris les mesures raisonna- bles qui s'offraient à lui pour se conformer au délai ou à la période limite, et
c) que la demande a été faite sans retard excessif,
ce juge peut, après avoir accordé, à quiconque peut être visé par toute ordonnance établie conformément au présent article par suite de la demande, l'occasion de se faire entendre sur la demande ou d'exposer certains faits à son sujet et sous réserve des conditions, s'il en est, qui lui semblent justes,
d) rendre une ordonnance écartant le délai ou la période limite à l'égard du requérant et fixant pour ce cas d'espèce tel autre délai ou telle autre période limite que les circons- tances à son avis justifient, et
e) rendre telle autre ordonnance qu'il estime nécessaire pour permettre au requérant de bien accomplir une chose quelcon- que ou exercer quelque droit qu'il aurait pu accomplir ou exercer s'il n'avait pas omis de se conformer à ce délai ou à cette période limite, y compris, lorsque le délai ou la période limite que le requérant n'a pas respecté avait trait à l'ouver- ture ou au maintien de quelque procédure autorisée ou prévue par une loi quelconque du Canada, telle ordonnance qu'il estime nécessaire pour permettre l'ouverture ou la conti nuation de la procédure, ou son maintien, comme si le requérant n'avait pas omis de se conformer au délai ou à la période limite en question.
* Maintenant la Cour fédérale—voir S.R.C. 1970 (2 e Supp.) c. 10, art. 64(2).
Les articles de la Loi sur les brevets 2 en vertu desquels le requérant réclame un redressement sont les suivants:
28. (2) Un inventeur ou représentant légal d'un inventeur, qui a fait une demande de brevet au Canada pour une invention à l'égard de laquelle une demande de brevet a été faite dans tout autre pays par cet inventeur ou par son représentant légal avant le dépôt de sa demande au Canada, n'a pas le droit d'obtenir au Canada un brevet couvrant cette invention sauf si sa demande au Canada est déposée, soit
a) avant la délivrance de quelque brevet à cet inventeur ou à son représentant légal couvrant cette même invention dans tout autre pays, soit,
b) si un brevet a été délivré dans un autre pays, dans un délai de douze mois à compter du dépôt de la première demande, par cet inventeur ou son représentant légal, d'un brevet pour cette invention dans tout autre pays.
29. (1) Une demande de brevet d'invention, déposée au Canada par quelque personne ayant le droit d'être protégée aux termes d'un traité ou d'une convention se rapportant aux brevets et auquel ou à laquelle le Canada est partie, qui a, elle-même ou par son agent ou autre représentant légal, anté- rieurement déposé de façon régulière une demande de brevet couvrant la même invention dans un autre pays qui, par traité, convention ou législation, procure un privilège similaire aux citoyens du Canada, a la même vigueur et le même effet qu'aurait la même demande si elle avait été déposée au Canada à la date la demande de brevet pour la même invention a été en premier lieu déposée dans cet autre pays, si la demande au Canada est déposée dans un délai de douze mois à compter de la date la plus éloignée à laquelle une telle demande a été déposée dans cet autre pays, ou à compter du 13 juin 1923.
Voilà maintenant les faits tels qu'ils ressortent des affidavits déposés au dossier.
Dans son affidavit du 22 janvier 1976, Alexan- der déclare qu'il est l'auteur d'une invention proté- gée par le brevet américain 3913004 délivré le 14 octobre 1975, époque à laquelle il résidait en Californie. Il se réfère ensuite à une copie dudit brevet jointe à l'affidavit comme annexe «A», qui en fait ne figure pas au dossier et rien n'indique dans l'affidavit ni ailleurs la date à laquelle il a adressé une demande de brevet aux États-Unis. Néanmoins, il affirme qu'il savait que le brevet devait être enregistré au Canada au plus tard le 14 novembre 1975. A l'audience, l'avocat de l'intimé a indiqué que le délai de dépôt n'expirait en fait que le 18 novembre 1975. Alexander déclare ensuite que le 26 octobre 1975, ou vers cette date, Newman l'a informé que la poste était en grève au Canada, et qu'il ne pouvait donc pas transmettre
2 S.R.C. 1970, c. P-4.
sa demande d'enregistrement par voie postale. Il s'est alors rendu en Colombie-Britannique et est arrivé, le 24 octobre 1975, ou vers cette date, à Vancouver il a constaté que la grève durait toujours. (Il semble y avoir ici une contradiction vu qu'il a affirmé n'avoir été avisé de la grève que le 26 octobre, mais la différence de date est peu importante, d'autant plus qu'à l'audience, les par ties se sont accordées à dire que la grève des postes avait duré du 21 octobre au 4 décembre 1975.) Il prétend ensuite qu'il ne disposait ni du temps ni de l'argent pour se rendre à Ottawa, à ce moment-là, et ne savait pas comment s'y prendre pour trans- mettre sa demande d'enregistrement de brevet au Canada. Le 25 novembre 1975, Newman lui a fait savoir qu'il devait aller à Ottawa le 3 décembre 1975; Alexander lui a demandé et l'a chargé de présenter la demande en son nom. Selon lui, Newman s'est rendu au Bureau du registraire des marques de commerce à Ottawa et a déposé une demande d'enregistrement, bien que le délai fixé par la loi ait expiré. Il conclut qu'il aurait déposé la demande de brevet auprès du registraire des marques de commerce à Ottawa dans le délai prescrit par la loi, si la grève des postes ne l'en avait pas empêché.
Dans son premier affidavit, en date du 9 juillet 1976, Newman déclare connaître Alexander depuis environ un an et lui avoir rendu visite en Californie, en mai 1975, ce dernier l'a avisé qu'il avait présenté au Commissioner of Patents and Trademarks une demande de brevet aux États-Unis, qui a abouti ensuite au brevet 3913004. A l'époque, Alexander lui a dit que, lorsque le brevet aurait été délivré aux États-Unis, il avait l'intention de l'enregistrer au Canada. Il déclare aussi que le 24 octobre 1975, ou vers cette date, Alexander lui a demandé de présenter la demande en son nom au Canada; il l'a informé qu'il y avait une grève des postes, qui empêchait de transmettre la demande d'enregistrement par la voie postale régulière. Le 25 novembre 1975, il a avisé Alexander qu'il devait se rendre à Ottawa le 3 décembre 1975, ou vers cette date, et celui-ci lui a demandé de présenter la demande d'enregistre- ment pendant qu'il séjournerait dans cette ville. Selon ses dires, le 3 décembre 1975, il s'est rendu
au Bureau des brevets et a fait une demande pour enregistrer le brevet. On l'a alors avisé qu'il y aurait des difficultés de procédure pour y donner suite et qu'il lui fallait prendre conseil d'un avocat, ce qu'il a fait. La demande de dépôt de brevet à Ottawa a été faite sous le 241949. Il déclare qu'à son avis, la demande aurait pu être faite dans le délai prescrit, n'eût été le conflit de travail dans les services postaux. Il déclare aussi avoir lu l'affi- davit d'Alexander, dont il confirme les déclarations.
Dans son second affidavit, en date du 24 sep- tembre 1976, Newman déclare qu'Alexander l'a consulté le 26 octobre 1975, ou vers cette date, à propos du brevet et lui a dit qu'il devait être enregistré à Ottawa, au plus tard le 18 novembre 1975. Il s'est personnellement rendu au bureau de poste principal à Burnaby (Colombie-Britanni- que), à Victoria (Colombie-Britannique) et à Van- couver (Colombie-Britannique), les employés l'ont prévenu de ne pas mettre de document à la poste, car le vandalisme y régnait et que, de toutes façons, le courrier était arrêté en raison de la grève. Il prétend alors avoir essayé de trouver quelqu'un allant à Ottawa, mais personne n'a voulu se charger de déposer la demande au Bureau des brevets. Après avoir personnellement discuté avec les employés des postes de Burnaby, de Victo- ria et de Vancouver, qui ont refusé de prendre le document, il ne lui restait plus qu'à se rendre à Ottawa, ce qu'il n'a pas pu faire avant le 3 décem- bre 1975. Selon lui, si les services postaux avaient fonctionné le 26 octobre 1975, ou vers cette date, la demande aurait été envoyée par la poste et reçue normalement par le commissaire des brevets en temps voulu pour l'enregistrer.
L'avocat de l'intimé s'est opposé à la demande pour plusieurs motifs. Il a d'abord déclaré qu'en l'espèce, les services postaux n'ayant pas été utili- sés puisqu'on a recouru à une autre méthode de remise, la Loi sur les recours consécutifs à une interruption des services postaux ne peut pas s'ap- pliquer. Je ne suis pas d'accord. Le libellé de la Loi est assez large pour couvrir tous les cas de perte ou de privation résultant de l'interruption des services postaux réguliers et ne se limite pas, à mon sens, à ceux une lettre a été effectivement mise à la poste et non distribuée dans un délai normal par
suite de l'interruption de ces services. C'est d'au- tant plus vrai, dans la présente instance, la demande de brevet n'a pas été mise à la poste à l'instigation des employés des postes, qui ont refusé de la prendre. Toutefois, son second argument a beaucoup plus de poids. Il prétend que le requérant n'a pas réussi à prouver de façon satisfaisante que lui-même et son agent, Newman, ont pris les mesu- res raisonnables qui s'offraient à eux pour se con- former au délai ou à la période limite. De toute évidence, ils ne se sont pas contentés d'envisager une autre méthode de remise, ils l'ont mise à exécution, mais après avoir attendu jusqu'au 3 décembre 1975, c'est-à-dire longtemps après l'ex- piration du délai.
La Loi sur les recours consécutifs à une inter ruption des services postaux a été soigneusement examinée et interprétée dans le jugement du prési- dent Jackett (maintenant juge en chef) dans Knapsack Actiengesellschaft c. Le sous-procureur général du Canada'. Après avoir quelque peu mis en doute que les douze mois mentionnés dans l'article 29(1) de la Loi sur les brevets soient «un délai ... ou ... une période limite», au sens l'entend la Loi sur les recours consécutifs à une interruption des services postaux, et aussi que l'article 3 de ladite loi autorise la Cour à rendre une ordonnance qui écarte le «délai» et le remplace par un délai déjà écoulé, il conclut finalement qu'en donnant aux termes employés le sens le plus large, il se peut que le législateur vise les deux cas, d'autant plus qu'un juge qui agit en vertu de la loi est persona designata et que son refus de rendre une ordonnance réclamée en vertu de la loi, n'est pas susceptible d'appel. Il a pris soin de souligner à la page 64 qu'en interprétant la loi, il n'a pas bénéficié du plaidoyer de l'avocat d'une partie que sa décision pourrait léser, ce pourquoi, s'il lui arrivait, dans une autre affaire, de se trouver en face d'un tel plaidoyer, il ne se considérerait pas lié par la décision qu'il venait de prendre. En outre, il a encore insisté sur la nécessité de remplir la condition requise, à savoir faire la demande sans retard excessif, comme le requiert l'article 3c) de la Loi, et il a demandé le dépôt de documents susceptibles de le convaincre qu'il en a bien été ainsi. Plus tôt dans son jugement la page 61) il
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a indiqué qu'il était convaincu que s'il n'y avait pas eu d'interruption dans les services postaux, la demande aurait été déposée à temps pour que l'article 29(1) de la Loi sur les brevets lui soit applicable; que le fait d'être privé de quelque avantage que confère cette disposition constitue une privation, au sens l'entend la Loi sur les recours consécutifs à une interruption des services postaux; et enfin que la partie requérante avait bien pris toutes les mesures raisonnables qui s'of- fraient à elle pour déposer sa demande au Canada dans le délai de douze mois prescrit par l'article 29(1).
Chaque cause doit dépendre des faits qui lui sont propres. Eri l'espèce, je suis convaincu du premier point, à savoir que s'il n'y avait pas eu la grève des services postaux, la demande aurait vrai- semblablement été mise à la poste et reçue à temps pour rendre l'article 29(1) applicable, c'est-à-dire avant le 18 novembre 1975. Je suis aussi convaincu que le requérant subira une privation s'il ne peut pas obtenir les avantages de cette disposition, ainsi que de celle de l'article 28(2) de la Loi sur les brevets. Par contre, je suis loin d'être convaincu qu'il a pris toutes les mesures raisonnables qui s'offraient à lui pour déposer sa demande au Canada avant le 18 novembre 1975 - ni que la présente demande a été faite sans retard excessif. Je sais bien qu'une demande de brevet au Canada est le plus souvent remise par la poste, surtout lorsque son auteur ne réside pas dans le pays ou réside à une grande distance d'Ottawa, mais elle peut aussi être remise par le requérant personnelle- ment au bureau du commissaire des brevets à Ottawa ou par un représentant, ce qui a effective- ment eu lieu dans le cas qui nous occupe, mais après l'expiration du délai. Pendant les interrup tions des services postaux, qui sont devenues beau- coup trop fréquentes dans ce pays, il est de noto- riété publique que les hommes d'affaires ayant besoin de livrer des documents importants sont contraints d'adopter d'autres solutions. Ils recou- rent souvent aux messageries aériennes et à plu- sieurs autres services de courrier. Le requérant aurait aussi pu faire ce que bien des gens font, à savoir: expédier la demande dans une ville améri- caine proche de la frontière de la Colombie-Britan- nique, Seattle par exemple, d'où elle aurait pu être envoyée par la poste à un avocat ou un agent résidant dans une ville pas trop éloignée d'Ottawa,
comme Massena ou Syracuse, avec comme direc tive de la remettre en personne au commissaire des brevets à Ottawa. Le requérant n'a même pas jugé bon de recourir aux services d'un avocat ou d'un agent de brevets ayant de l'expérience en la matière, pour faire la demande. Au lieu de cela, il a compté exclusivement sur Newman, qui est un ami et a fait ce qu'il a pu pour l'aider, mais ne paraît avoir aucune qualification ou expérience particulière dans ce domaine. Une très longue période s'est écoulée entre le 24 ou le 26 octobre (peu importe la date) et le 18 novembre pendant laquelle le requérant aurait pu prendre des disposi tions pour transmettre la demande à Ottawa par des moyens autres que la poste. Or, alors qu'Alexander et Newman savaient tous deux qu'il fallait la déposer au plus tard le 18 novembre 1975, ni l'un ni l'autre ne semble s'être grande- ment soucié des conséquences qui se produiraient si elle n'était déposée que le 3 décembre 1975.
Je ne peux donc pas conclure que le requérant a pris «les mesures raisonnables qui s'offraient à lui pour se conformer au délai ou à la période limite», comme le requiert l'article 3b) de la Loi. Si j'en juge par ses déclarations, il accorde peu d'impor- tance à ce texte législatif et semble avoir conclu à l'époque que le seul moyen raisonnable de déposer la demande à temps, consistait à utiliser les servi ces postaux canadiens. En l'espèce, la situation diffère totalement des instances, une demande a été mise à la poste en temps voulu et serait arrivée avant l'expiration du délai si la livraison avait été régulière, mais en fait n'a pas été livrée à cause de l'interruption des services postaux, le retard dans la livraison n'étant pas imputable à l'expéditeur. Dans le cas qui nous occupe, la demande n'a pas été mise à la poste, car l'agent du demandeur a été effectivement empêché de le faire, mais il restait encore une période d'environ 25 jours pour prendre les mesures raisonnables «pour se conformer au délai ou à la période limite», au sens l'entend l'article 3b) de la Loi. En fait, aucune espèce de mesure n'a été prise, au cours de cette période.
En outre, bien que cette conclusion suffise à justifier le rejet de la demande, un autre motif milite aussi dans ce sens. Il est manifeste que la présente demande n'a pas été faite sans retard excessif, au sens l'entend l'article 3c) de la Loi, car elle n'a pas été produite avant le 2 septembre
1976, soit environ neuf mois après la date elle aurait l'être si elle avait bien été faite sans «retard excessif».
En raison des conclusions que j'ai formulées sur ces points, il est superflu de trancher l'autre objec tion soulevée, suivant laquelle rien n'indique qu'on ait donné avis «à toute autre personne qui, selon qu'elle est justifiée de croire, peut être visée par une ordonnance rendue en conformité de l'article 3 par suite d'une demande par elle faite selon le présent article», comme le requiert l'article 2 de la Loi, et suivant laquelle les affidavits ne déclarent pas que le requérant ne connaît pas une telle personne. L'article 3 de la Loi enjoint le juge d'accorder «à quiconque peut être visé par toute ordonnance établie conformément au présent arti cle par suite de la demande, l'occasion de se faire entendre sur la demande ou d'exposer certains faits à son sujet». En réalité, ces observations ont été faites au nom du sous-procureur général du Canada, lors de la signification de la demande. Et bien qu'il puisse être correct de conclure qu'aucune personne n'est susceptible d'être intéressée, on ne peut pas s'attendre à ce que le juge se prononce dans ce sens, alors que l'affidavit du requérant ne contient pas de déclaration à cet effet, comme c'était le cas dans les requêtes qui ont été présen- tées auparavant en vertu de cette loi. Toutefois, pour rejeter la présente demande, je préfère ne pas me fonder sur ce motif quelque peu formaliste, mais sur le fait que le requérant a omis de prendre les mesures raisonnables pour se conformer au délai ou à la période limite que prescrit la Loi sur les brevets, et subséquemment pour faire la pré- sente demande sans retard excessif. Je rejette donc la demande avec dépens.
ORDONNANCE Je rejette la demande avec dépens.
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