T-948-76
Mario Carota (Demandeur)
c.
Donald Jamieson et Marcel Lessard (Défendeurs)
Division de première instance, le juge Collier—
Charlottetown, le 18 mai; Ottawa, le 31 mai 1976.
Couronne—Pratique—Le demandeur prétend que les défen-
deurs n'ont pas satisfait aux exigences de l'article 25(2) de la
Loi sur l'organisation du gouvernement, 1969, l'égard d'un
plan de développement détaillé et complet pour l'jle-du-
Prince-Édouard—Il sollicite une injonction interlocutoire
visant à empêcher la dépense de fonds fédéraux par les défen-
deurs—Les défendeurs cherchent à radier la déclaration—Loi
sur l'organisation du gouvernement, 1969, S.C. 1969, c. 28,
art. 21 40—Loi sur le Fonds de développement économique
rural, S.C. 1966-67, c. 41.
Selon le demandeur, le Canada, par l'intermédiaire des
ministres défendeurs, a élaboré un plan de développement
détaillé et complet et conclu un accord prévoyant un engage
ment de fonds fédéraux sans prendre les dispositions nécessaires
pour assurer la participation de personnes, de groupes, etc.
conformément à l'article 25(2) de la Loi sur l'organisation du
gouvernement, 1969. Le demandeur a présenté une requête en
vue d'une injonction interlocutoire visant à empêcher les défen-
deurs de dépenser les fonds fédéraux pour mettre en œuvre la
phase II du plan. Les défendeurs demandent la radiation de la
déclaration en faisant valoir qu'elle ne révèle aucune cause
raisonnable d'action, que le demandeur n'a pas qualité pour
agir et que l'affaire étant en substance similaire à une action
antérieure contre la Couronne intentée devant cette cour par le
demandeur et rejetée, était res judicata ou, sinon, qu'elle
constituait un emploi abusif des procédures.
Arrêt: les deux requêtes sont rejetées. En ce qui concerne
l'argument des défendeurs, la question en litige est très soutena-
ble et il n'y a pas lieu de la trancher, à ce stade, à l'occasion
d'une procédure interlocutoire; ce n'est pas un cas clair et
évident d'action qui ne peut être soutenue ni aboutir. En ce qui
concerne la question de la qualité pour agir, quoique les défen-
deurs soutiennent que l'action aurait dû être intentée par le
procureur général du Canada, les arrêts Thorson et McNeil
indiquent que la Cour a, dans des circonstances particulières,
un pouvoir discrétionnaire de reconnaître à une personne la
qualité pour intenter une action qui, en d'autres circonstances,
aurait été normalement du type ex relation. Ce pouvoir discré-
tionnaire de reconnaître la qualité pour agir ne se limite pas
nécessairement à la contestation d'une disposition législative
ultra vires. Le demandeur a cette qualité; quoi qu'il en soit, il
n'y a pas lieu de trancher une question de cette nature à
l'occasion d'une requête préliminaire. De plus, l'allégation de
res judicata n'est pas fondée; la présente déclaration est bien
différente de la précédente. La cause de l'action est différente,
les dispositions législatives sont assez différentes et le redresse-
ment demandé est tout à fait différent. Ni les parties ni les
questions en litige ne sont identiques. De plus, la question de la
qualité repose sur une situation différente de celle de l'action
antérieure. L'action ne constitue pas un emploi abusif des
procédures. En ce qui concerne la requête du demandeur, le cas
n'est pas assez sérieux pour justifier, à ce stade des procédures,
une intervention sous forme d'injonction provisoire.
Arrêts appliqués: Hubbuck c. Wilkinson [1899] 1 Q.B. 86;
Attorney General c. London and North Western Railway
Company [1892] 3 Ch. 274; La Reine c. Wilfrid Nadeau
Inc. [1973] C.F. 1045; Amoco Canada Petroleum Com
pany Limited c. Texaco Exploration Canada Limited
(arrêt non publié, T-697-74); Shaw c. La Reine (arrêt non
publié, T-2814-74); La Reine c. Douglas [1976] 2 C.F.
673. Arrêt approuvé: Drummond -Jackson c. British
Medical Association [1970] 1 All E.R. 1094. Arrêts exa-
minés: Thorson c. Le procureur général du Canada [1975]
1 R.C.S. 138 et McNeil c. Nova Scotia Board of Censors
(1975) 5 N.R. 43. Arrêt analysé: Attorney General (on the
relation of McWhirter) c. Independent Broadcasting
Authority [ 1973] 1 All E.R. 689.
REQUÊTES.
AVOCATS:
M. Carota agissant en son nom.
R. Hynes pour les défendeurs.
PROCUREURS:
M. Carota, North Bedeque (Î.-P.-É.), agis-
sant en son nom.
Le sous-procureur général du Canada pour
les défendeurs.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE COLLIER: Il s'agit en l'espèce de deux
requêtes. La première est présentée au nom des
défendeurs et vise à radier la déclaration, en vertu
de la Règle 419 de cette cour. Voici les moyens
invoqués au nom des défendeurs:
(1) la déclaration ne révèle aucune cause rai-
sonnable d'action;
(2) le demandeur n'a pas qualité (locus standi)
pour agir;
(3) le même demandeur a en substance plaidé
la demande présentée en l'espèce au cours d'une
action antérieure intentée devant cette cour
contre la Couronne fédérale alors défenderesse
(no du greffe: T-2988-75)* et, à l'occasion d'une
requête en radiation similaire, la Cour a conclu
au rejet de cette action. Les défendeurs affir-
ment donc que la présente action est res judi-
* [Motifs du jugement non circulés—Éd.]
cata ou, sinon, qu'elle fait double emploi avec
l'action antérieure et cette action constitue un
emploi abusif des procédures de la Cour.
Les principes applicables aux procédures som-
maires comme celles en l'espèce ont été établis et
suivis depuis longtemps. La radiation complète ou
partielle de la plaidoirie ne doit s'effectuer que
dans des cas clairs et évidents; ou (comme on l'a
dit en d'autres termes) lorsque, au vu de la décla-
ration (ou de la partie contestée), la demande ne
peut manifestement être soutenue ou ne peut
aboutir'.
Les faits allégués dans la déclaration sont présu-
més admis et véridiques aux fins de la présente
requête.
Le demandeur réside à l'Île-du-Prince-Édouard.
La législation et certains décrets fédéraux ont
désigné cette province comme zone spéciale, aux
fins du développement économique et social. C'est
la Loi sur l'organisation du gouvernement 2 qui a
constitué le ministère de l'Expansion économique
régionale (MEER) placé sous la direction du
ministre de l'Expansion économique régionale. Le
défendeur Lessard, le ministre actuel, -a succédé au
défendeur Jamieson à ce poste. Les articles 23, 24
et 25, que voici sont pertinents:
23. Les fonctions et pouvoirs du Ministre englobent
a) toutes les questions qui sont du ressort du Parlement du
Canada, que les lois n'attribuent pas à quelque autre minis-
tère, département, direction ou organisme du gouvernement
du Canada, et qui concernent l'expansion économique et le
relèvement social dans les zones qui exigent des mesures
spéciales destinées à accroître les possibilités d'emploi pro-
ductif et à faciliter l'accès à ces emplois; et
' Hubbuck & Sons Limited c. Wilkinson, Heywood & Clark
Limited [1899] 1 Q.B. 86, la page 91; A.G. of Duchy of
Lancaster e. London & North Western Railway Company
[1892] 3 Ch. 274. Voir l'arrêt Drummond -Jackson c. British
Medical Association [1970] 1 All E.R. 1094 prononcé par lord
Pearson à la page 1101, pour un résumé de la pratique. Voir
aussi l'arrêt de La Reine c. Wilfrid Nadeau Inc. [1973] C.F.
1045 (Division d'appel); et Amoco Canada Petroleum Co. Ltd.
e. Texaco Exploration Canada Ltd. (T-697-74), le juge Collier,
arrêt non publié et rendu le 26 avril 1974; Shaw c. La Reine
(T-2814-74), le juge Collier, arrêt non publié et prononcé le 18
novembre 1974 et La Reine c. Douglas [1976] 2 C.F. 673.
Dans la dernière affaire, la Division d'appel, estimant qu'il
s'agissait d'un cas «tellement évident», a infirmé le jugement de
la Division de première instance qui avait refusé de radier la
déclaration.
2 S.C. 1968-69, c. 28, articles 21à 40.
b) les autres questions relatives à l'expansion économique et
au relèvement social qui sont du ressort du Parlement du
Canada et que les lois attribuent au Ministre.
24. Le gouverneur en conseil, après consultation avec le
gouvernement de toute province, peut, par décret, désigner une
région de cette province à titre de zone spéciale, pour la période
spécifiée dans le décret, lorsqu'on a constaté qu'elle exige des
mesures spéciales destinées à favoriser l'expansion économique
et le relèvement social, par suite de l'insuffisance exceptionnelle
des possibilités d'emploi productif pour la population de cette
région ou du territoire dont fait partie cette région.
25. (1) Dans l'exercice de ses pouvoirs et fonctions en vertu
de l'article 23, le Ministre doit,
a) en collaboration avec d'autres ministères, départements,
directions ou organismes du gouvernement du Canada, éla-
borer des plans en vue de l'expansion économique et du
relèvement social des zones spéciales; et
b) avec l'approbation du gouverneur en conseil pourvoir à la
coordination dans la mise en oeuvre de ces plans par les
ministères, départements, directions et organismes du gou-
vernement du Canada et réaliser les parties de ces plans dont
la réalisation ne peut être assumée convenablement par ces
autres ministères, départements, directions et organismes.
(2) Dans l'élaboration et la réalisation de plans en vertu du
paragraphe (1), le Ministre doit prendre les dispositions néces-
saires pour assurer une collaboration appropriée avec les pro
vinces dans lesquelles sont situées les zones spéciales ainsi que
la participation de personnes, de groupes bénévoles et de corps
constitués, dans ces zones spéciales.
Selon le demandeur, le gouvernement du
Canada, par l'intermédiaire des ministres défen-
deurs, a élaboré un plan de développement détaillé
et complet; le Canada et l'Île-du-Prince-Édouard
ont conclu un accord visant à la réalisation con-
jointe de ce plan; cet accord prévoit l'engagement
de fonds fédéraux. Le demandeur affirme (et je
dois considérer les faits allégués comme étant véri-
diques) que les défendeurs ont fait ces démarches
sans prendre les dispositions nécessaires pour assu-
rer la participation de personnes (dont le deman-
deur), de groupes bénévoles et de corps constitués
de l'Île-du-Prince -Edouard dans l'élaboration et la
mise en oeuvre de ce plan.
Aucun avocat ne représente le demandeur en
l'espèce. A mon avis, à l'occasion de demandes de
cette nature, il y a lieu de considérer la déclaration
dans son ensemble, de façon équitable et raisonna-
ble, et de ne pas la soumettre à un examen au
microscope.
Si je comprends bien, le fond de la revendication
du demandeur repose sur la prétention que les
défendeurs n'ont pas satisfait aux exigences impé-
ratives du paragraphe 25(2) et en particulier des
expressions soulignées ci-dessous:
25. (2) Dans l'élaboration et la réalisation de plans en vertu
du paragraphe (1), le Ministre doit prendre les dispositions
nécessaires pour assurer une collaboration appropriée avec les
provinces dans lesquelles sont situées les zones spéciales ainsi
que la participation de personnes, de groupes bénévoles et de
corps constitués, dans ces zones spéciales.
Le demandeur fait valoir aussi que ce plan lui
fait tort ainsi qu'à tous les résidents de l'Ile-du-
Prince-Édouard; que les défendeurs ne s'étant pas
conformés à cette exigence du paragraphe 25(2),
le plan avait été illégalement et irrégulièrement
élaboré et que l'accord entre le Canada et l'Île-du-
Prince-Édouard avait aussi été conclu de façon
illégale et irrégulière. Il prétend subsidiairement
qu'en raison de l'inobservation des exigences léga-
les le plan et l'accord sont illégaux et non exécutoi-
res. Voici le redressement spécifique demandé:
a) un jugement déclaratoire statuant que l'ac-
cord conclu entre le Canada et la province est
nul;
b) une injonction visant à empêcher la dépense
de fonds fédéraux;
c) un bref de mandamus ordonnant aux défen-
deurs de se conformer au paragraphe 25(2);
d) des dommages-intérêts punitifs de $100,000.
Je vais examiner le premier argument des défen-
deurs selon lequel la déclaration ne révèle aucune
cause raisonnable d'action. Ils prétendent qu'il
n'existe aucun recours à l'égard des questions allé-
guées dans la déclaration; même si les défendeurs
n'ont pas pris les dispositions nécessaires pour la
participation de personnes telles que le demandeur,
des groupes bénévoles et des corps constitués à
l'élaboration et à la réalisation de ce plan, il ne
s'agit que d'une omission d'accomplir des actes
administratifs; le demandeur et les autres parties
intéressées ont donc comme seul recours le Parle-
ment ou les pressions d'ordre politique. Je ne peux
accepter cet argument. Cette cour peut en fin de
compte juger que, vu les circonstances particuliè-
res de l'espèce, le demandeur ne dispose d'aucune
voie de recours. Mais à mon avis, la question en
litige est très soutenable et il n'y a pas lieu de la
trancher, à ce stade, au moyen d'une procédure
interlocutoire. A mon sens, ce n'est pas un cas clair
et évident d'action qui ne peut être soutenue ni
aboutir. Selon moi, cette question mérite une audi
tion pleine et entière.
Les défendeurs prétendent en second lieu que le
demandeur n'a pas qualité pour intenter cette
action. Cet argument est avancé à l'appui de la
prétention selon laquelle la déclaration ne révèle
aucune cause raisonnable d'action. Je ne suis pas
certain que la question du défaut de qualité pour
agir puisse être invoquée en vertu de la Règle 419.
Il y a peut-être lieu de soulever cette question à
l'occasion d'une demande prévue à la Règle 474.
Ce point de procédure n'a pas été soulevé. C'est
pourquoi je me propose d'examiner le bien-fondé
de cet argument au lieu de le rejeter au motif qu'il
n'aurait pas dû être inclus dans une requête pré-
sentée en vertu de la Règle 419. Les défendeurs
soutiennent que cette action aurait dû être intentée
par le procureur général du Canada: c'est ce qu'on
appelle une action ex relatione. L'avocat des
défendeurs m'a cité une jurisprudence abondante,
pour la plupart antérieure aux récentes décisions
rendues par la Cour suprême du Canada dans les
affaires Thorson c. Le procureur général du
Canada 3 et McNeil c. Nova Scotia Board of Cen
sors 4 . Le demandeur a franchement admis qu'il
n'a pas essayé de convaincre le procureur général
du Canada d'intenter et de plaider l'action à titre
de demandeur. Il a déclaré avoir présenté une
demande en ce sens au procureur général de
l'Île-du-Prince-Édouard, qui l'a rejetées.
Je ne suis pas convaincu que, dans le système
juridique et politique fédéral du Canada (par con-
traste avec un système unitaire ancien), la pour-
suite du type ex relatione soit intentée aussi sou-
vent ou aussi aisément qu'elle est réputée l'être au
Royaume-Uni 6 . Dans les arrêts Thorson et
3 [1975] 1 R.C.S. 138.
4 (1975) 5 N.R. 43.
5 Ces faits ne sont pas au dossier soumis à l'occasion de cette
requête. L'avocat des défendeurs a insisté sur le fait qu'aucune
preuve n'indiquait que le procureur général du Canada avait
refusé ou refuserait d'intenter cette action. En l'espèce, j'ai
estimé souhaitable de clarifier tout de suite ce point plutôt que
d'ajourner l'audition et d'avoir à prendre des dispositions en vue
d'une nouvelle séance de la Cour à Charlottetown.
6 Voir les par. c à g de la page 705 dans l'arrêt Attorney
Genéral (on the relation of McWhirter) c. Independent Broad
casting Authority [1973] 1 All E.R. 689, prononcé par le juge
Lawton.
McNeil, la Cour suprême du Canada a, selon moi,
exprimé l'avis que, dans des circonstances particu-
lières, un tribunal a le pouvoir discrétionnaire de
reconnaître à une personne la qualité pour intenter
une action qui en d'autres circonstances aurait été
normalement intentée par un représentant juridi-
que de la Couronne.
L'avocat des défendeurs soutient qu'il y a lieu de
limiter la portée des affaires Thorson et McNeil
aux cas où une personne conteste une loi au motif
qu'elle est ultra vires de l'organisme législatif par-
ticulier qui prétendait l'édicter. C'était sans aucun
doute la situation de fait dans les deux affaires
précitées. Néanmoins, les remarques d'ordre géné-
ral faites par le juge Laskin au nom de la majorité
de la Cour suprême du Canada dans l'affaire
Thorson et le jugement unanime rendu dans l'af-
faire McNeil indiquent, à mon avis, que le pouvoir
discrétionnaire de reconnaître la qualité pour agir
ne se limite pas nécessairement à la contestation
d'une disposition législative ultra vires.
Je suis d'avis qu'en l'espèce le demandeur a
qualité pour intenter cette action. Quoi qu'il en
soit, c'est une question qu'il n'y a pas lieu de
trancher à l'occasion d'une requête préliminaire de
ce genre. Elle devrait faire l'objet d'une présenta-
tion d'une preuve complète, de plaidoiries et de
débats, au cours d'une audition. Elle devrait tout
au moins faire l'objet d'une audition régulière sur
un point de droit après que tous les faits pertinents
servant à trancher ce point en litige auraient été
établis.
Les défendeurs prétendent en troisième lieu qu'il
y a res judicata ou emploi abusif des procédures
de la Cour, selon les termes que j'ai employés
ci-dessus. Le demandeur a intenté une action le 27
août 1975, contre Sa Majesté la Reine du chef du
Canada. La déclaration dans cette action est assez
similaire à la déclaration actuelle. Il s'appuyait
alors sur la Loi sur le Fonds de développement
économique rural', sans invoquer la Loi sur l'or-
ganisation du gouvernement pour fonder la cause
de l'action.
Dans cette première déclaration, le demandeur
alléguait qu'un accord conforme à la loi de 1966
avait été conclu le 7 mars 1969 entre le Canada et
l'Île-du-Prince -Edouard; que cet accord prévoyait
7 S.C. 1966-67, c. 41.
la participation des résidents à l'élaboration et à la
mise en oeuvre de tous les programmes subvention-
nés conformément à l'accord et à la loi applicable;
qu'on a transféré le programme au MEER; qu'en
application de l'accord, les fonds nécessaires
avaient été prévus pour le financement d'un projet
spécifique, à savoir le projet d'aménagement du
littoral de Summerside; que la dépense de ces
fonds était illégale aux motifs que la constitution
de la corporation en vue du développement du
projet Summerside était ultra vires et que ces
fonds étaient déboursés sans l'autorisation néces-
saire. Il alléguait en outre que les résidents de la
région de Summerside, dont le demandeur,
n'avaient pas eu l'occasion raisonnable de partici-
per au projet comme l'exigeait la loi antérieure et
la Loi sur l'organisation du gouvernement. Seul
un jugement déclaratoire était demandé. Le juge
Addy a accueilli la requête en radiation de décla-
ration présentée en vertu de la Règle 419. Dans ses
motifs, il a statué que le projet particulier de
Summerside et les fonds déjà dépensés consti-
tuaient des actes passés et qu'un jugement déclara-
toire portant que ces actes passés de la défende-
resse étaient illégaux ou irréguliers ne donnerait
pas droit à un redressement en droit. Selon l'ana-
lyse de cette déclaration par le juge Addy, le point
essentiel de la plaidoirie était une critique d'ordre
politique ou formulée par des citoyens contre la
défenderesse (à savoir le gouvernement fédéral) au
sujet de la réalisation du projet particulier susmen-
tionné. Le juge Addy a conclu que dans ces cir-
constances, le demandeur n'avait pas la qualité
pour intenter cette action.
La déclaration qui nous intéresse est, à mon
avis, bien différente de celle qui a été soumise au
juge Addy. La cause de l'action est différente, les
dispositions législatives sur lesquelles elle se fonde
sont assez différentes et le redressement demandé
est tout à fait différent.
Je rejette donc l'argument fondé sur la res judi-
cata. Les parties ne sont pas identiques ni, à mon
avis, les questions en litige.
Quant à la question de la qualité pour agir, le
but de l'action intentée en l'espèce diffère sensible-
ment du but de l'action antérieure. D'après moi, la
question de la qualité repose sur une situation tout
à fait différente de celle qu'on retrouvait dans
l'action et la requête soumises au juge Addy.
Pour les motifs susmentionnés, je rejette l'argu-
ment selon lequel cette seconde action constitue un
emploi abusif des procédures de cette cour.
Je rejette la requête présentée au nom des défen-
deurs, comme je l'ai déclaré à l'audition tenue à
Charlottetown le 18 mai.
Examinons maintenant la deuxième requête.
Elle est présentée au nom du demandeur en vue
d'obtenir une injonction interlocutoire visant à
empêcher les défendeurs de dépenser les fonds
fédéraux pour mettre en œuvre la phase II du plan
de développement détaillé et complet de l'Île-du-
Prince-Édouard. J'ai rejeté cette requête à l'audi-
tion du 18 mai. Je n'hésite aucunement à confir-
mer cette décision. Je ne suis pas convaincu que le
demandeur ou d'autres résidents de l'Ile-du-
Prince-Édouard subiront des dommages irrépara-
bles si la Cour ne leur accorde pas une injonction
provisoire à ce stade des procédures. A mon avis,
les documents déposés à l'appui de la prétention
qu'ils subiraient des dommages irréparables sont
peu probants. Je suis convaincu que l'action et la
réclamation du demandeur devraient faire l'objet
d'une audition de la Cour. Je ne suis cependant pas
convaincu que le cas soit assez sérieux pour justi-
fier, à ce stade des procédures, une intervention
sous forme d'injonction provisoire. Je rejette donc
la requête du demandeur.
Il se peut que l'on interjette appel d'une de ces
décisions ou des deux. Compte tenu de cette éven-
tualité, j'ordonne que la partie (ou les parties) à
l'une et l'autre des requêtes qui a (ou ont) gain de
cause, recouvre(nt) les dépens de cette requête
spécifique, quelle que soit l'issue de la cause.
J'ajouterai maintenant (comme je l'ai fait à
l'audition de ces requêtes) les remarques suivantes.
J'estime qu'il est vraisemblablement possible d'ob-
tenir une audience pour cette action à une date
rapprochée. Pour ce faire il faut évidemment pro-
céder rapidement (ou renoncer) aux procédures
habituelles qui précèdent l'audience. Je recom-
mande aux parties d'adopter cette ligne de
conduite.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.