A-237-76
Latchman Hardayal (Requérant)
c.
Le ministre de la Main-d'oeuvre et de l'Immigra-
tion (Intimé)
Cour d'appel, les juges Urie et Ryan et le juge
suppléant MacKay—Toronto, le 4 mai 1976;
Ottawa, le 20 mai 1976.
Examen judiciaire—Immigration—Le requérant sollicite
l'examen de l'annulation d'un permis du Ministre, alléguant
qu'on n'a pas accordé d'audience ni donné aucun motif—
L'intimé demande l'annulation de la requête, soutenant que la
décision est purement de nature administrative—Loi sur l'im-
migration, S.R.C. 1970, c. I-2, art. 5, 7 et 8.
Le requérant a demandé l'examen et l'annulation d'une
décision d'un fonctionnaire à l'immigration annulant le permis
du Ministre qui l'autorisait à demeurer au Canada et à y
exercer un emploi. Il prétend qu'on ne lui a pas accordé
d'audience ni communiqué les motifs de l'annulation. Comme
la lettre jointe à l'avis mentionnait qu'il ne vivait plus avec son
épouse, qui l'avait parrainé, il y a lieu de croire que le permis
avait été accordé par suite de la demande de parrainage et qu'il
avait été annulé du fait que les parties se sont séparées.
Arrêt: la majorité de la Cour accueille la demande et l'affaire
est renvoyée au Ministre pour qu'il rende une décision après
avoir donné au requérant la possibilité de présenter des observa
tions. L'article 8 de la Loi sur l'immigration donne au Ministre
un large pouvoir discrétionnaire pour accorder, proroger ou
annuler un permis; ce pouvoir est purement administratif.
L'article établit un code applicable aux personnes entrant ou
demeurant au Canada en vertu d'un permis. On ne précise pas
dans quelles circonstances le permis sera accordé; l'article
n'impose aucune procédure ni aucune restriction pas plus qu'il
n'accorde de droit d'appel. Rien ne laisse entendre qu'il faille
tenir une audience quelconque. Cependant, on a avancé que
pour annuler un permis accordant expressément certains droits
dont découlent d'autres avantages, il convient de tenir une
audience parce que la justice exige que le titulaire du permis ne
soit pas privé de ces droits et avantages sans avoir eu la
possibilité de présenter des observations. Le principe applicable
à l'égard de l'article 8 semble être le suivant: si son permis est
révoqué avant l'expiration du délai, le requérant devrait avoir la
possibilité de se faire entendre, car il est en droit de s'attendre à
pouvoir rester pendant le délai qui lui a été accordé. La décision
était soumise à un processus quasi judiciaire et susceptible
d'examen. Bien que l'arrêt Howarth semble trancher la ques
tion de façon décisive, il faut souligner qu'un détenu à liberté
conditionnelle reste un détenu, alors qu'un étranger détenteur
d'un permis du Ministre acquiert un nouveau statut en vertu de
l'article 7(2) de la Loi pendant la période de validité de son
permis. Ce statut comporte des avantages considérables,
notamment la protection contre l'expulsion, que le détenteur du
permis peut s'attendre raisonnablement à conserver pendant la
période de validité de son permis. En l'espèce, le requérant
pouvait légitimement espérer demeurer au Canada pendant un
an et y exercer un emploi. Il en découle d'autres expectatives et
l'annulation qui l'en priverait sans lui permettre de se faire
entendre semble être une mesure injuste. Le défaut d'accorder
une audience au requérant constitue un déni d'un principe de
justice naturelle.
Le juge suppléant MacKay (dissident): La décision était
purement de nature administrative. Les articles 5 et 7 de la Loi
sur l'immigration énumèrent des catégories de personnes qui
peuvent ou ne peuvent pas entrer et demeurer au Canada, et il
y a un droit d'appel. L'article 8 vise une catégorie particulière
et distincte. La Loi ne prévoit ni la tenue d'une audience ni
d'appel quelconque en ce qui concerne une ordonnance ministé-
rielle refusant d'accorder un permis ou en annulant un. La Loi
reste muette (sous réserve des articles 8(1)a) et b)) au sûlet de
catégories de personnes pouvant obtenir un permis ministériel
et sur les fins justifiant la délivrance d'un tel permis. En outre,
la Loi n'apporte aucune limitation ou restriction au pouvoir du
Ministre d'annuler un permis ni ne mentionne d'audience ou
d'appel. Le Parlement n'a pas envisagé la tenue d'une audience
avant que soit rendue une ordonnance annulant un permis du
Ministre. Et si cette conclusion est erronée, en raison de la
procédure suivie en l'espèce, le requérant n'a pas été privé de la
possibilité de contester la validité de l'ordonnance d'annulation
ni de la possibilité de s'opposer à une ordonnance d'expulsion.
Arrêt approuvé: Schmidt c. Secretary of State [1969] 2
Ch. 149. Distinction faite avec les arrêts: Howarth c. La
Commission nationale des libérations conditionnelles
[1976] 1 R.C.S. 453 et Ex parte McCaud [1965] 1 C.C.C.
168.
DEMANDE d'examen judiciaire.
AVOCATS:
J. V. Toolsie pour le requérant.
K. Braid pour l'intimé.
PROCUREURS:
J. V. Toolsie, Toronto, pour le requérant.
Le sous-procureur général du Canada pour
l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE URIE: Cette demande, présentée en
vertu de l'article 28, vise à l'examen et à l'annula-
tion d'une décision de E. Timmins, fonctionnaire
supérieur de l'immigration du Centre d'immigra-
tion du Canada à Kitchener, annulant le permis
qu'il avait accordé à titre de représentant de l'in-
timé, conformément à l'article 8 de la Loi sur
l'immigration. Ce permis autorisait le requérant
pendant sa période de validité, c'est-à-dire jus-
qu'au 10 juin 1976, à demeurer au Canada et à y
exercer un emploi.
La lettre informant le requérant de l'annulation
de son permis porte la date du 25 mars 1976 et se
lit comme suit:
[TRADUCTION]
Immeuble fédéral-2e étage
(téléphone 744-4161)
Manpower Main-d'oeuvre
and Immigration et Immigration
Your file Votre référence
Our file Notre référence
3458-33491
15 est, rue Duke
Kitchener (Ontario)
N2H 1A2
Le 25 mars 1976.
M. Latchman Hardayal,
57, rue Main,
Appartement 8,
Cambridge (G) (Ontario).
Monsieur,
Attendu que conformément au paragraphe (1) de l'article 8
de la Loi sur l'immigration, un permis a été délivré le 11 juin
1975 vous autorisant à demeurer au Canada jusqu'au 10 juin
1976.
Soyez avisé que conformément au paragraphe (3) de l'article
8 de ladite loi, j'annule ledit permis par les présentes, étant
autorisé à le faire par le ministre de la Main-d'oeuvre et de
l'Immigration en vertu des articles 2 et 67 de la Loi.
Fait à Kitchener, Province de l'Ontario,
le 25 mars 1976.
Veuillez agréer l'expression
de mes sentiments distingués.
«E. Timmins»
E. Timmins
Fonctionnaire supérieur de l'immigration
Centre d'immigration du Canada.
Soulignons que l'avis reste muet sur le motif de
cette mesure et n'offre pas au requérant la possibi-
lité de présenter des observations à son sujet avant
que l'annulation du permis ne prenne effet. Toute-
fois, la lettre jointe à l'avis disait notamment:
[TRADUCTION] Une demande présentée par votre épouse,
Mme Patsey Elizabeth Hardayal, née Quigley, a été acceptée le
2 juin 1975. Puisque vous ne vivez plus maritalement avec votre
répondante, nous avons mis fin à l'étude de la demande. Vous
trouverez ci-jointe une lettre annulant officiellement le permis
que le Ministre vous a accordé. Puisque vous ne réunissez plus
les qualités nécessaires pour demeurer au Canada, vous devez
quitter le pays immédiatement.
Il y a lieu de croire que le permis du Ministre
avait initialement été accordé parce que l'épouse
du requérant avait demandé à le parrainer et que
son annulation résulte du fait que les parties ne
vivent plus ensemble.
L'intimé a demandé l'annulation de la demande
présentée en vertu de l'article 28 au motif que
cette cour n'a pas la compétence pour connaître
d'une telle demande. Nous traiterons en premier
lieu de cette requête.
L'article 8 de la Loi sur l'immigration prévoit
que:
8. (1) Le Ministre peut délivrer un permis écrit autorisant
toute personne à entrer au Canada, ou, étant dans ce pays, à y
demeurer, à l'exclusion
a) d'une personne visée par une ordonnance d'expulsion à
qui un tel permis n'a pas été délivré avant le 13 novembre
1967, ou
b) d'une personne au sujet de laquelle a été interjeté, en
vertu de l'article 17 de la Loi sur la Commission d'appel de
l'immigration, un appel qui a été rejeté.
(2) Un permis doit porter qu'il est en vigueur pour une
période déterminée d'au plus douze mois.
(3) Le Ministre peut toujours, par écrit, proroger la validité
d'un permis ou l'annuler.
(4) Le Ministre peut, lors de l'annulation ou l'expiration
d'un permis, rendre une ordonnance d'expulsion concernant la
personne en cause. 1 ,
(5) Le Ministre doit soumettre au Parlement, dans les trente
jours de l'ouverture de la première session parlementaire de
chaque année, un rapport indiquant tous les permis délivrés au
cours de l'année civile précédente, ainsi que les détails perti-
nents. S.R., c. 325, art. 8; 1966-67, c. 90, art. 26.
L'intimé estime que toute décision prise par le
Ministre ou son représentant en vertu de l'article
8 est de nature purement administrative et n'est
pas légalement soumise à un processus judiciaire
ou quasi judiciaire. Par conséquent, une telle déci-
sion ne peut faire l'objet d'un examen en vertu de
l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale.
D'autre part, si je ne me trompe, l'avocat de
l'appelant fait valoir que même si incontestable-
ment une telle décision est de nature administra
tive, l'annulation d'un permis dont l'octroi a con-
féré au bénéficiaire certains droits, ne peut être
décidée que selon un processus quasi judiciaire.
Seule cette façon d'agir peut assurer, en toute
justice, que le requérant ne se verra pas privé des
droits qu'il a acquis, si limités soient-ils, sans avis
et sans possibilité de se faire entendre (bien que ce
' Le requérant a concédé que le Ministre a régulièrement
désigné le fonctionnaire supérieur pour agir à sa place.
ne soit pas nécessairement par voie d'audition
orale).
En réponse à ces allégations, il faut tout d'abord
observer que rien dans le libellé de l'article 8
n'impose expressément au Ministre un devoir de ce
genre. Cet article donne clairement au Ministre un
pouvoir discrétionnaire étendu lorsqu'il s'agit d'ac-
corder, de proroger la validité ou d'annuler un
permis autorisant une personne à entrer au
Canada ou à y demeurer. La rédaction de l'article
indique tout aussi clairement que ce pouvoir est de
nature administrative. Je crois important de souli-
gner que l'article en question semble en lui-même
établir un code applicable aux personnes entrant
ou demeurant au Canada en vertu d'un permis, ce
code étant distinct des autres dispositions de la Loi
relatives à l'«entrée» 2 dans des circonstances nor-
males ou ordinaires. Le permis accordé aux termes
de l'article 8 résulte de l'exercice du pouvoir dis-
crétionnaire conféré au Ministre et n'est apparem-
ment octroyé que dans des circonstances spéciales
ou extraordinaires, que l'article ne précise pas.
L'article en question n'impose aucune formalité à
observer ni aucune condition limitant l'exercice du
pouvoir discrétionnaire (sauf en ce qui concerne la
durée du permis), pas plus qu'il n'accorde de droit
d'appel laissant supposer qu'une personne visée par
la décision ministérielle a le droit de se faire
entendre. (Bien sûr, aucune disposition expresse
n'interdit une telle audience.) En fait, rien dans cet
article ne laisse entendre, expressément ou implici-
tement, qu'il faille tenir une «audience», orale ou
autre, avant d'exercer ce pouvoir discrétionnaire.
Cependant, la question n'en est pas réglée pour
autant; en effet, il se peut que, lorsqu'on envisage
d'annuler un permis accordant expressément au
titulaire certains droits dont découlent naturelle-
ment d'autres avantages, comme c'est ici le cas, la
loi implique la tenue d'une telle «audience» parce
que la justice exige que le titulaire du permis ne
soit pas privé de ces droits et avantages sans avoir
la possibilité de présenter des observations. Lord
Denning, maître des rôles, a formulé ainsi la ques
tion dans l'arrêt Schmidt c. Secretary of State,
Home Affairs 3 :
2 Article 2. «entrée» signifie l'admission légale d'un non-
immigrant au Canada, à une fin spéciale ou temporaire et pour
un temps limité;
3 [1969] 2 Ch. 149, la p. 170.
[TRADUCTION] Bien sûr, je conviens que lorsqu'un fonction-
naire a le pouvoir de priver une personne de sa liberté ou de ses
biens, le principe général veut que ce pouvoir ne soit pas exercé
sans que l'intéressé ait eu la possibilité de se faire entendre et
de présenter des observations à sa décharge .... Les plaidoiries
dans l'affaire Ridge c. Baldwin [1964] A.C. 40 montrent qu'un
organisme administratif peut, dans un cas approprié, être tenu
d'accorder à une personne dont les droits sont atteints par sa
décision, la possibilité de présenter des observations. Tout
dépend si cette personne a certains droits ou intérêts en cause
ou, j'ajouterai, quelques espérances légitimes, dont il serait
injuste de la priver sans entendre ce qu'elle a à dire.
Dans cet arrêt, le lord juge Denning traitait du
refus du ministre de l'Intérieur de proroger les
permis de deux étrangers pour leur permettre de
poursuivre leurs études au Roya,ume-Uni après
l'expiration de ces permis. Il ajoutait à la page
171:
[TRADUCTION] Il [l'étranger] n'a le droit d'entrer dans ce pays
que s'il y est autorisé; et s'il est autorisé à y demeurer pour une
période limitée, il ne peut dépasser ce délai d'une seule journée.
Si son permis est révoqué avant l'expiration du délai, j'estime
qu'il devrait avoir la possibilité de présenter des observations,
car il est en droit de s'attendre à pouvoir rester pendant le délai
qui lui a été accordé. Excepté ce cas particulier, un étranger n'a
aucunement le droit qu'on lui permette de rester—ni, ajoute-
rai-je, peut-il légitimement l'espérer. On peut le refouler sans
lui donner de raison et sans lui accorder d'audience. A l'expira-
tion de son permis, il doit partir.
Il est certain, vu les faits en cause dans l'affaire
dont il était saisi, que lord Denning n'a mentionné
que de façon incidente le droit de présenter des
observations dans le cas de la révocation d'un
permis; toutefois, il me semble qu'il a exprimé
ainsi le principe qui s'impose en matière d'applica-
tion de l'article 8. Je conclus donc que la décision
d'annuler un permis d'entrée tombe dans la caté-
gorie des décisions administratives soumises à un
processus quasi judiciaire et qu'elle est susceptible
d'examen par cette cour en vertu de l'article 28.
Par conséquent, il faut rejeter la requête visant à
annuler la demande du requérant.
Bien qu'il n'en ait pas été fait mention au cours
des débats sur l'appel, je n'oublie pas, en concluant
de la sorte, la décision rendue dans l'affaire
Howarth c. La commission nationale des libéra-
tions conditionnelles 4 qui, à première vue, semble
trancher la question de façon décisive. Cependant,
j'estime que les questions relatives à l'octroi de la
libération conditionnelle et à sa révocation sont
4 [1976] 1 R.C.S. 453.
d'une catégorie différente des décisions rendues en
matière d'immigration. Dans l'affaire Howarth, où
l'on s'est appuyé sur l'arrêt Ex parte McCaud 5 , la
décision se fondait sur le concept selon lequel la
libération conditionnelle est une peine purgée en
liberté conditionnelle au lieu de l'être dans une
institution pénitentiaire. L'arrêt McCaud a statué
qu'une décision relative au lieu et aux conditions
de l'exécution d'une peine est purement adminis
trative. Un détenu à liberté conditionnelle reste un
détenu. Voici ce que disait le juge Pigeon, à la
page 473 de l'arrêt Howarth, à propos de l'arrêt
McCaud:
A mon sens, il n'est pas démontré qu'il y ait lieu de reconsi-
dérer l'arrêt. Je ne vois rien dans la Loi sur la Cour fédérale
qui puisse être considéré comme emportant modification du
droit à cet égard. Le par. (1) de l'art. 28 se rapporte clairement
au droit tel qu'il existait lorsqu'on l'a édicté. Au sujet des
devoirs de la Commission des libérations conditionnelles sta-
tuant sur une libération conditionnelle, il venait d'être fixé
définitivement par un jugement récent de cette Cour. On ne
doit pas présumer que le Parlement a légiféré sans en tenir
compte. Dans l'arrêt North British Railway v. Budhill Coal
and Sandstone Company ([1910] A.C. 116), lord Loreburn a
dit (à la p. 127): [TRADUCTION] «Lorsque, dans une loi du
Parlement, on trouve un mot que les tribunaux ont déjà inter-
prété, il y a lieu de présumer qu'il y est pris dans ce sens-là».
D'un autre côté, un étranger détenteur d'un
permis du Ministre, acquiert un nouveau statut en
vertu du paragraphe (2) de l'article 7 de la Loi sur
l'immigration, savoir, celui de non-immigrant pen
dant la période de validité de son permis. Ce statut
comporte des avantages considérables, notamment
la protection contre la possibilité d'une expulsion
tant que le permis est en vigueur, avantages que le
détenteur du permis peut s'attendre raisonnable-
ment à conserver pendant la période de validité de
son permis.
Pour ce qui est du fond de la demande, il me
semble, pour reprendre l'expression de lord Den-
ning, que le requérant en l'espèce pouvait légitime-
ment espérer demeurer au Canada pendant une
année et accepter un emploi. Il en découle donc
qu'il pouvait, par exemple, se loger et acquérir des
articles de ménage et autres commodités de la vie
pendant sa période de résidence au Canada. J'es-
time injuste une mesure qui le priverait de toutes
ces expectatives sans lui permettre de présenter des
observations sur l'annulation projetée (qui peut
5 [1965] 1 C.C.C. 168. Voir aussi l'arrêt Mitchell c. La Reine
(1976) 24 C.C.C. (2') 241 (C.S.C.).
être fondée sur un faux renseignement). Il s'ensuit
que le défaut d'accorder au requérant la possibilité
raisonnable de présenter des observations constitue
un déni d'un principe de justice naturelle. En
conséquence, il faut accueillir la demande présen-
tée en vertu de l'article 28 et renvoyer la question
au Ministre aux fins d'une décision après que le
requérant ait eu la possibilité raisonnable de pré-
senter des observations relatives à l'annulation pro-
jetée de son permis.
* * *
LE JUGE RYAN: Je souscris à ces motifs.
• * *
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE SUPPLÉANT MACKAY: Il s'agit d'une
demande présentée en vertu de l'article 28 de la
Loi sur la Cour fédérale visant à annuler l'annula-
tion d'un permis du Ministre délivré au requérant
conformément au paragraphe (1) de l'article 8 de
la Loi sur l'immigration aux motifs que:
(1) on n'a pas accordé d'audience au requérant
avant de rendre l'ordonnance d'annulation, et
(2) aucun motif ne justifiait l'ordonnance d'annu-
lation. (Le permis a été délivré et l'ordonnance
l'annulant a été rendue par un fonctionnaire du
ministère dûment autorisé par le Ministre.)
L'intimé demande l'annulation de la requête en
alléguant que l'annulation d'un permis par le
Ministre est une décision administrative discré-
tionnaire de nature politique, que le Ministre n'a
pas à tenir d'audience avant de rendre une ordon-
nance d'annulation d'un permis et que, cela étant,
le requérant n'est pas fondé à obtenir redressement
en vertu de l'article 28.
Selon moi, la question de savoir si le Ministre
peut annuler un permis sans accorder d'audience
dépend des dispositions de la loi l'autorisant à
rendre une telle ordonnance.
La Loi sur l'immigration constitue un code
complet régissant le droit de ceux qui ne sont pas
citoyens canadiens d'entrer au Canada et d'y
demeurer.
L'article 5 de la Loi énumère les catégories de
personnes qui ne peuvent être admises au Canada
et l'article 7 les catégories de non-immigrants qui
peuvent entrer et demeurer au Canada.
La Loi prévoit que les personnes appartenant à
ces deux catégories ont droit à une audience avant
de se voir refuser l'entrée au Canada ou, si elles y
sont déjà, avant d'être expulsées. Dans certains
cas, elles peuvent en appeler à la Commission
d'appel de l'immigration et dans tous les autres cas
prévus dans ces articles, elles peuvent demander,
en vertu de l'article 28 de la Loi sur la Cour
fédérale, l'examen de la validité d'une audience
tenue par un enquêteur spécial par suite d'un
rapport présenté conformément aux articles 18 et
22 de la Loi ou de la validité d'une ordonnance
d'expulsion rendue après une telle audience.
L'article 8 de la Loi sur l'immigration vise une
catégorie particulière, distincte des catégories
décrites aux articles 5 et 7. En voici le libellé:
8. (1) Le Ministre peut délivrer un permis écrit autorisant
toute personne à entrer au Canada, ou, étant dans ce pays, à y
demeurer, à l'exclusion
a) d'une personne visée par une ordonnance d'expulsion à
qui un tel permis n'a pas été délivré avant le 13 novembre
1967, ou
b) d'une personne au sujet de laquelle a été interjeté, en
vertu de l'article 17 de la Loi sur la Commission d'appel de
l'immigration, un appel qui a été rejeté.
(2) Un permis doit porter qu'il est en vigueur pour une
période déterminée d'au plus douze mois.
(3) Le Ministre peut toujours, par écrit, proroger la validité
d'un permis ou l'annuler.
(4) Le Ministre peut, lors de l'annulation ou l'expiration
d'un permis, rendre une ordonnance d'expulsion concernant la
personne en cause.
(5) Le Ministre doit soumettre au Parlement, dans les trente
jours de l'ouverture de la première session parlementaire de
chaque année, un rapport indiquant tous les permis délivrés au
cours de l'année civile précédente, ainsi que les détails perti-
nents. S.R., c. 325, art. 8; 1966-67, c. 90, art. 26.
La Loi ne prévoit ni la tenue d'une audience ni
d'appel quelconque en ce qui concerne une ordon-
nance ministérielle refusant d'accorder un permis
ou en annulant un. En vertu de l'article 8, la seule
obligation imposée au Ministre est celle dont fait
état le paragraphe (5), à savoir l'obligation de
soumettre chaque année au Parlement un rapport
indiquant tous les permis délivrés au cours de
l'année civile précédente, ainsi que les détails perti-
nents. Ces détails comprendraient une ordonnance
d'annulation.
Contrairement aux dispositions de l'article 7, la
Loi reste muette (sous réserve des alinéas a) et b)
de l'article 8(1)) sur les catégories de personnes
pouvant obtenir un permis ministériel et sur les
fins justifiant la délivrance d'un tel permis. En
outre, la Loi n'apporte aucune limitation ou res
triction au pouvoir du Ministre d'annuler un
permis ni ne mentionne d'audience ou d'appel à
l'égard d'une ordonnance d'annulation, alors
qu'elle spécifie les motifs pour lesquels des person-
nes admises à entrer au Canada en vertu de l'arti-
cle 7 peuvent être forcées de partir ou être expul-
sées avant l'expiration de la période pendant
laquelle elles avaient été autorisées à demeurer au
pays et qu'en outre, comme je l'ai dit, elle prévoit
la tenue d'une audience devant un enquêteur spé-
cial, dont la décision peut être contestée sur
demande présentée en vertu de l'article 28.
L'article 28(1) de la Loi sur la Cour fédérale se
lit comme suit:
28. (1) Nonobstant l'article 18 ou les dispositions de toute
autre loi, la Cour d'appel a compétence pour entendre et juger
une demande d'examen et d'annulation d'une décision ou
ordonnance, autre qu'une décision ou ordonnance de nature
administrative qui n'est pas légalement soumise à un processus
judiciaire ou quasi judiciaire, rendue par un office, une com
mission ou un autre tribunal fédéral ou à l'occasion de procédu-
res devant un office, une commission ou un autre tribunal
fédéral, au motif que l'office, la commission ou le tribunal ... .
Je suis d'avis que l'ordonnance rendue par le
Ministre annulant le permis du requérant tombe
sous l'exception à la compétence de la Cour en ce
qu'elle est une décision ou une ordonnance de
nature administrative qui n'est pas légalement sou-
mise à un processus judiciaire ou quasi judiciaire.
En l'instance, le Ministre n'a pas rendu une
ordonnance d'expulsion conformément au paragra-
phe (4) de l'article 8.
L'ordonnance d'annulation datée du 25 mars
1976 et une lettre datée du même jour ont été
adressées au requérant. Voici le libellé de la lettre.
[TRADUCTION] Monsieur,
Les présentes font suite à votre demande d'admission au
Canada à titre d'immigrant.
Une demande présentée par votre épouse, Mme Patsey Eliz-
abeth Hardayal, née Quigley, a été acceptée le 2 juin 1975.
Puisque vous ne vivez plus maritalement avec votre répondante,
nous avons mis fin à l'étude de la demande. Vous trouverez
ci-jointe une lettre annulant officiellement le permis que le
Ministre vous a accordé. Puisque vous ne réunissez plus les
qualités nécessaires pour demeurer au Canada, vous devez
quitter le pays immédiatement.
Si, pour une raison quelconque, vous ne quittez pas le
Canada, vous devez en faire immédiatement rapport à un
fonctionnaire à l'immigration, conformément au paragraphe
(3) de l'article 7 de la Loi sur l'immigration, qui se lit ainsi:
«Lorsqu'une personne qui est entrée au Canada en qualité de
non-immigrant cesse d'être un non-immigrant ou d'apparte-
nir à la catégorie particulière dans laquelle elle a été admise
à ce titre et, dans l'un ou l'autre cas, demeure au Canada,
elle doit immédiatement signaler ces faits au fonctionnaire à
l'immigration le plus rapproché et se présenter pour examen
au lieu et au temps qui lui sont indiqués, et elle est réputée,
pour les objets de l'examen et à toutes autres fins de la
présente loi, une personne qui cherche à être admise au
Canada.,,
Veuillez agréer l'expression
de mes sentiments distingués
(signature)
E. Timmins,
Fonctionnaire supérieur,
Centre d'immigration du Canada.
Pièce jointe.
Cette lettre 'offrait deux possibilités au requé-
rant: (1) se soumettre à l'ordonnance et quitter le
pays de plein gré, ou (2) demeurer au Canada
jusqu'à la tenue d'une enquête et au cours de
celle-ci, contester la validité de l'ordonnance d'an-
nulation et s'opposer à ce que soit rendue une
ordonnance d'expulsion.
Le requérant n'a pas quitté le Canada et a fait
l'objet, le 30 mars, d'un rapport en application de
l'article 22 et, le 31 mars, d'une enquête par un
enquêteur spécial afin de juger s'il fallait expulser
le requérant par suite de l'ordonnance d'annula-
tion. L'enquête a été partiellement instruite, puis
ajournée et n'a pas été terminée, car entre temps la
présente demande en vertu de l'article 28 avait été
introduite.
Au cours de l'enquête, l'avocat du requérant a
déclaré, comme il l'a fait à l'audience devant cette
cour, qu'il ne niait pas la séparation survenue entre
son client et son épouse; mais, il a fait valoir, outre
son objection au fait qu'aucune audience n'avait
été tenue avant l'ordonnance d'annulation, que la
séparation de son client et de son épouse ne justi-
fiait pas l'annulation de son permis.
Compte tenu des dispositions législatives que j'ai
mentionnées, il me semble que le Parlement n'a
pas envisagé la tenue d'une audience avant que soit
rendue une ordonnance annulant un permis délivré
en vertu de l'article 8 de la Loi.
Si ma conclusion est erronée, je suis d'avis qu'en
raison de la procédure suivie en l'espèce, le requé-
rant n'a pas été privé de la possibilité de contester
la validité de l'ordonnance d'annulation ni de la
possibilité de s'opposer à une ordonnance
d'expulsion.
Pour ces motifs, j'accueillerais la requête de
l'intimé et j'annulerais la demande présentée en
vertu de l'article 28.
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