T-2916-75
La Reine (Demanderesse)
c.
Ervin E. Diemert (Défendeur)
Division . de première instance, le juge Cattanach—
Regina, le 21 avril; Ottawa, le 29 avril 1976.
Impôt sur le revenu—Déductions--Le défendeur, mécani-
cien de locomotives, vivait à Regina et travaillait à Assini-
boia—Il a réclamé une déduction de $2,589 pour ses repas et
frais de déplacement—La demanderesse a refusé la déduction
de $829 titre de dépenses pour 37 voyages aller et retour à
Assiniboia et 1 voyage aller et retour à Weyburn—Loi de
l'impôt sur le revenu, S.R.C. 1952, c. 148, art. 5(1)a),b),
11(7),(9) et (9a); S.C. 1970-71-72, c. 163, art. 178(2).
Le défendeur, mécanicien de locomotives, résidait à Regina
et il a dû travailler pendant quelques mois en 1971 à partir
d'Assiniboia. Il a réclamé une déduction de $2,589 pour ses
«repas et frais de déplacement» et le ministre a refusé une
déduction de $829 pour les dépenses de 37 voyages aller et
retour de Regina à Assiniboia et 1 de Regina à Weyburn. La
déduction de $1,760 réclamée pour les repas en vertu de
l'article 11(7) de la Loi de l'impôt sur le revenu a été accordée.
Le défendeur n'a pas réclamé de déductions pour les repas
consommés à Assiniboia ni pour les frais de logement dans
cette ville. La Commission d'appel de l'impôt a accordé la
déduction de $829, décision qui est à l'origine de cet appel.
Arrêt: l'appel est accueilli et la déduction a été refusée à juste
titre. Pour avoir gain de cause, le défendeur doit remplir toutes
les conditions préalables prévues à l'article 11(9). Si l'on pré-
sume que toutes les conditions préalables énoncées par l'article
11(9)a),b) et c) ont été remplies, on peut déduire «les mon-
tants ... dépensés ... pour fins de voyage dans le cours de son
emploi». Il est bien établi que les frais de déplacement pour se
rendre au travail ne peuvent pas être déduits de la rémunéra-
tion reçue pour l'exécution du travail. Il faut faire une distinc
tion ici entre les déplacements à l'occasion de l'emploi (en
l'espèce la conduite d'une locomotive en partance d'Assiniboia)
et les déplacements pour se rendre au travail (en l'espèce la
conduite de son automobile personnelle de Regina à Assiniboia
et Weyburn). Le point de départ du travail du défendeur était
Assiniboia (et à une occasion Weyburn); c'était sa «gare». Le
défendeur était un employé; au moment de son affectation à
Assiniboia, il n'avait qu'un seul lieu de travail, Assiniboia, et, à
une autre occasion, Weyburn. Les déplacements dans sa voiture
personnelle n'étaient pas faits au profit de l'employeur, ni pour
son compte, ni selon ses instructions, ni sous son contrôle. Les
38 voyages étaient tout au plus la conséquence de l'emploi du
défendeur, ce qui est bien différent des déplacements dans le
cadre d'un emploi.
Arrêts suivis: Lumbers c. M.R.N. [1943] R.C.É. 202; La
Reine c. Little 74 DTC 6534. Arrêts appliqués: Ricketts c.
Colquhoun [1926] A.C. 1; Mahaffy c. M.R.N. [1946]
R.C.S. 450; Luks c. M.R.N. [1959] R.C.É. 45. Arrêts
discutés: Owen c. Pook [1969] 2 All E.R. 1; Taylor c.
Provan [1974] 1 All E.R. 1201. Distinction faite avec
l'arrêt: Cumming c. M.R.N. [1968] 1 R.C.É. 425.
APPEL en matière d'impôt sur le revenu.
AVOCATS:
C. Fryers pour la demanderesse.
L. Smith pour le défendeur.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour la
demanderesse.
McDougall, Ready, Wakeling, Youck et
Kuski, Regina, pour le défendeur.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE CATTANACH: Il s'agit d'un appel de Sa
Majesté la Reine à l'encontre d'une décision de la
Commission de révision de l'impôt en date du 12
septembre 1975 à propos de l'évaluation de l'impôt
sur le revenu du défendeur par le ministre du
Revenu national pour l'année d'imposition 1971.
Le défendeur commença par travailler pour CP
Rail à titre de chauffeur mais ayant rempli les
conditions nécessaires, il fut promu mécanicien de
locomotive. A la suite de cette promotion, que les
témoignages situent vers la fin de 1970, le défen-
deur se trouvait en bonne place sur la liste d'an-
cienneté des chauffeurs mais en bas de la liste des
mécaniciens.
Les affectations aux postes de mécanicien ou de
chauffeur se font strictement par ancienneté. Étant
donné qu'il se trouvait en bas de la liste d'ancien-
neté des mécaniciens, le défendeur se voyait
affecté aux travaux les moins demandés mais il
était en tête de liste chez les chauffeurs. S'il n'y
avait pas de travail de mécanicien, il n'hésitait pas
à accepter celui de chauffeur.
Le défendeur avait choisi de vivre à Regina
(Saskatchewan) avec sa femme et ses enfants.
Les mécaniciens font des demandes d'affectation
deux fois par an avec un choix de trois zones:
Regina, Saskatoon et Moose Jaw mais un mécani-
cien résidant dans l'une de ces trois zones n'est pas
limité à celle-ci. Il peut demander d'être affecté à
n'importe laquelle. Les affectations sont faites à
partir du registre des demandes où celles-ci sont
inscrites en tenant compte des demandes et de
l'ancienneté du postulant.
Toutefois, au début de chaque semaine, des
circonstances diverses peuvent faire varier ces
affectations telles que les travaux disponibles, les
mécaniciens les plus anciens désirant se retirer,
prendre des vacances, étant malades ou désireux
de changer d'affectation et autres cas. Autrement,
les affectations sont d'une durée de six mois jus-
qu'à ce que de nouvelles demandes soient faites.
Le choix du défendeur par ordre de préférence
était (1) Regina-Saskatoon, fret direct, (2) méca-
nicien de manoeuvre de ligne dans une usine de
chaux aux abords immédiats de Regina, (3) méca-
nicien de manoeuvre de triage à Regina dans les
deux équipes de triage de huit heures les plus
demandées, (4) tableau de remplacement à
Regina, (5) l'équipe de manoeuvre de triage à
Regina la dernière et la moins demandée, (6)
Weyburn et (7) Assiniboia. Le défendeur ne se
rappelle pas exactement si sa demande a été faite
dans cet ordre mais, vu ses priorités, il est à
présumer qu'il en a été ainsi. Il est utile de remar-
quer qu'Assiniboia est son choix en dernier lieu.
Au début de 1971, le défendeur était affecté à
Assiniboia à la locomotive d'un train collecteur à
destination de Shaunovan, Big Beaver, Killdeer ou
Mankota, selon le programme établi. Telle était
l'affectation du défendeur à la suite de sa demande
de six mois et elle demeure ainsi jusqu'à ce qu'un
nouveau changement dans les emplois disponibles
ou dans l'ancienneté permette au défendeur de
prendre un autre travail, éventualité pouvant se
produire au début de n'importe quelle semaine.
La répartition des trains chaque semaine est
faite par le contremaître de locomotive à Moose
Jaw. Par exemple, si un train collecteur doit aller
d'Assiniboia à Shaunovan le lundi, le contremaître
de locomotive à Moose Jaw demande à la division
de Regina qu'une équipe soit sur les lieux à une
certaine heure. C'est la division de Regina qui doit
choisir et avertir le personnel. Le contremaître à
Moose Jaw communique à Regina les besoins du
service, Regina y répond en se servant du cahier
des demandes et publie les affectations sur le
tableau d'affichage toutes les semaines.
Plus précisément, étant donné que les affecta
tions concernent de près le défendeur, le contre-
maître à Moose Jaw informe Regina qu'un train
collecteur doit partir d'Assiniboia le lundi à telle
heure. Le commis à Regina consulte la liste des
employés disponibles en fonction des demandes, de
l'ancienneté et des affectations, et il décide que le
travail revient au défendeur. Il lui téléphone
ensuite à Regina et l'informe qu'il est chargé du
train collecteur en partance d'Assiniboia à une
certaine heure. D'après la convention collective
entre CP Rail et la Fraternité des mécaniciens de
locomotive dont le défendeur est membre, ce der-
nier doit avoir au moins deux heures de préavis.
Toutefois, tous les ordres ultérieurs sont donnés
par le mécanicien de locomotive à Moose Jaw et
transmis à Assiniboia. Le bureau de Regina ne fait
que transmettre au défendeur un préavis de sa
première affectation de la semaine à Assiniboia.
Le défendeur travailla à partir d'Assiniboia
durant la totalité des mois de janvier, février, mars
et avril, du 15 au 31 mai, du 1e" au 19 juin ainsi
que du 8 septembre au 11 décembre. Il avait
l'habitude de partir de Regina avec sa propre
voiture à temps pour prendre son service à partir
d'Assiniboia. Les affectations à Assiniboia com-
mençaient habituellement le lundi. Elles duraient
de cinq à six jours. A la fin de sa semaine de
travail à Assiniboia, le défendeur revenait chez lui
à Regina avec sa propre voiture pour y passer la
fin de semaine. Ces déplacements se répétaient la
semaine suivante à en juger par les affectations du
défendeur à Assiniboia en 1971, comme elles ont
été énumérées. En fait, il a fait trente-sept fois le
trajet en voiture d'Assiniboia à Regina, le même
nombre de Regina à Assiniboia et il a fait une fois
le trajet aller et retour Weyburn-Regina.
En préparant sa déclaration d'impôt sur le
revenu pour l'année 1971, le défendeur a réclamé
une déduction de l'ordre de $2,589 pour «repas et
frais de déplacement» dont $1,760 pour les repas
pris loin de l'établissement de l'employeur auquel
il avait été affecté $829 pour les déplacements en
voiture entre Regina et Assiniboia, trente-sept fois,
ainsi que de Regina à Weyburn, une fois, soit un
total de 8,290 milles au taux de 10¢ par mille.
En imposant le défendeur, le Ministre a accepté
la déduction réclamée par ce dernier du montant
de $1,760 en vertu de l'article 11(7) de la Loi de
l'impôt sur le revenu qui se lit ainsi:
11. (7) Nonobstant les alinéas a) et h) du paragraphe (1) de
l'article 12, lorsqu'un contribuable était un employé d'une
personne dont la principale entreprise était le transport de
voyageurs, de marchandises, ou de voyageurs et marchandises,
et que les fonctions de son emploi l'obligeaient, régulièrement,
a) de voyager, à l'extérieur de la municipalité dans laquelle
était situé l'établissement de son employeur où il devait se
présenter pour son travail, et hors de la région métropoli-
taine, s'il en est, où était situé ledit établissement, sur des
véhicules utilisés par l'employeur pour transporter les mar-
chandises ou voyageurs, et
b) pendant qu'il était ainsi absent d'une telle municipalité et
région métropolitaine, de débourser des sommes pour les
repas et le logement,
les sommes qu'il a ainsi déboursées dans une année d'imposition
peuvent être déduites dans le calcul de son revenu pour l'année
d'imposition dans la mesure où il n'a pas été remboursé et n'a
pas droit d'être remboursé à cet égard.
Il est intéressant de remarquer que le défendeur
n'a pas réclamé les repas qu'il a consommés à
Assiniboia mais seulement ceux pris pendant qu'il
conduisait la locomotive de l'employeur à l'exté-
rieur d'Assiniboia. Il n'a pas réclamé non plus de
frais de logement à Assiniboia puisque son
employeur lui avait assuré le logement à titre
gracieux.
Toutefois, le Ministre n'a pas accepté la somme
de $829 que voulait déduire le défendeur.
La Commission de révision de l'impôt a déclaré
que le montant en question réclamé par le défen-
deur était déductible et accueillit l'appel de ce
dernier.
Le présent appel de Sa Majesté la Reine fait
suite à cette décision.
C'est le fait de déduire la somme de $829 récla-
mée par le défendeur qui fait l'objet du litige et
non pas l'exactitude du montant lui-même.
L'article 178(2) de la Loi de l'impôt sur le
revenu en vigueur actuellement se lit ainsi:
178. (2) Lorsque, sur un appel interjeté par le Ministre,
autrement que par voie de contre-appel, d'une décision de la
Commission de révision de l'impôt, le montant de l'impôt qui
fait l'objet du litige ne dépasse pas $2,500, la Cour fédérale, en
statuant sur l'appel, doit ordonner que le Ministre paie tous les
frais raisonnables et justifiés du contribuable, afférents à
l'appel.
Il s'ensuit qu'indépendamment de la réussite de
l'appel, une ordonnance viendra exiger que le
Ministre paie tous les frais raisonnables et justifiés
du défendeur.
Il est établi que le défendeur est employé par CP
Rail. Ceci est invoqué dans la déclaration du
demandeur ainsi que partiellement dans la défense
qui l'admet aussi par déduction.
Le revenu tiré d'un emploi est défini à l'article 5
de la Loi de l'impôt sur le revenu comme le
traitement, salaire et autre rémunération, y com-
pris les gratifications que le contribuable a reçus
dans l'année d'imposition plus toute prestation
qu'il a reçue telle qu'elle figure aux alinéas a) et b)
du paragraphe (1) de l'article 5. L'alinéa b) consi-
dère comme revenu toutes les sommes reçues par
le contribuable dans l'année d'imposition à titre
d'allocation pour frais personnels ou de subsistance
ou à titre d'allocation pour toute autre fin, sauf, et
je cite le sous-alinéa b)(vii):
5. (1) Le revenu provenant, pour une année d'imposition,
d'une charge ou d'un emploi est le traitement, salaire et autre
rémunération, y compris les gratifications, que ce contribuable
a touchés dans l'année, plus
b) tous montants qu'il a reçus dans l'année à titre d'alloca-
tion pour frais personnels ou de subsistance ou à titre d'allo-
cation pour toutes autres fins sauf
(vii) les allocations (ne dépassant pas des montants raison-
nables) pour frais de voyage qu'un fonctionnaire ou
employé (autre qu'une personne employée relativement à
la vente de biens ou à la négociation de contrats pour son
employeur) a reçues de son employeur, si elles étaient
calculées en fonction du temps véritablement passé par le
fonctionnaire ou employé à voyager à l'extérieur
(A) de la municipalité où était situé l'établissement de
l'employeur dans lequel le fonctionnaire ou l'employé
travaillait ordinairement ou auquel il adressait ordinai-
rement ses rapports, et
(B) de la région métropolitaine, s'il en est, où était situé
cet établissement,
dans l'accomplissement des fonctions de sa charge ou de
son emploi, ou
L'article 5 exclut ensuite toute déduction du
revenu du contribuable tel que prévu dans l'article
sauf ce qui est permis expressément par certains
paragraphes de l'article 11 de la Loi de l'impôt sur
le revenu. La partie de l'article 5 qui nous intéresse
dit
moins les déductions permises par les alinéas i),ib),q) et qa) du
paragraphe (1) de l'article 11 et par les paragraphes (5) à (11)
inclusivement de l'article 11, mais sans autre déduction de
quelque nature que ce soit.
Les paragraphes de l'article 11 qui s'appliquent au
présent appel sont les paragraphes (7),(9) et (9a).
Le paragraphe (7) a été cité ci-haut. Les paragra-
phes (9) et (9a) disent ceci:
11. (9) Lorsqu'un fonctionnaire ou employé, dans une année
d'imposition,
a) était ordinairement tenu d'exercer les fonctions de son
emploi ailleurs qu'au lieu d'affaires de son employeur ou à
différents endroits,
b) était tenu, aux termes de son contrat d'emploi, d'acquitter
les frais de voyage que lui occasionnait l'accomplissement des
fonctions de sa charge ou de son emploi, et
c) ne touchait pas une allocation pour frais de voyage non
comprise, en raison du sous-alinéa (v),(vi) ou (vii) de l'alinéa
b) du paragraphe (1) de l'article 5, dans le calcul de son
revenu, et n'a pas réclamé de déduction pour l'année aux
termes du paragraphe (5),(6) ou (7),
il peut être déduit, dans le calcul de son revenu provenant de sa
charge ou de son emploi pour l'année, nonobstant les alinéas a)
et h) du paragraphe (1) de l'article 12, les montants qu'il a
dépensés pendant l'année pour fins de voyage dans le cours de
son emploi.
(9a) Un montant dépensé à l'égard d'un repas pris par un
fonctionnaire ou employé ne doit pas être inclus dans le calcul
du montant d'une déduction aux termes du paragraphe (6) ou
(9), à moins que le repas n'ait été pris au cours d'une période
où ses fonctions l'obligeaient d'être absent, durant une période
d'au moins douze heures, de la municipalité dans laquelle était
situé l'établissement de l'employeur où il se présentait habituel-
lement pour son travail, et d'être absent de la région métropoli-
taine, s'il en est, où cet établissement était situé.
Le paragraphe (7) est évidemment consacré aux
frais engagés par les employés travaillant dans ce
qu'on appelle en langage courant «compagnies de
transport» telles que chemins de fer, autobus,
lignes aériennes, compagnies maritimes et autres.
Par ailleurs, les paragraphes (9) et (9a) sont de
portée plus générale et visent à couvrir les frais de
déplacement des employés qui remplissent les con
ditions y prévues. Le genre d'emploi dans la caté-
gorie prévue par les paragraphes (9) et (9a) auquel
je pense tout de suite serait celui de commis
voyageur.
C'est aux termes des dispositions du paragraphe
(7) de l'article 11 que la déduction réclamée par le
défendeur des repas qu'il a consommés durant ses
heures de travail à l'extérieur d'Assiniboia a été
acceptée. Toutefois, si l'on devait déduire le mon-
tant que le demandeur réclame pour l'usage de son
automobile de Regina à Assiniboia trente-sept fois
et à Weyburn une seule fois, il devrait se confor-
mer à l'article 11(9).
Dans l'affaire Lumbers c. M.R.N', le président
Thorson déclare ce qui suit à la page 211:
[TRADUCTION] ... un contribuable ne peut demander et obte-
nir une exemption d'impôt sur le revenu que si son cas est
expressément prévu par une disposition d'exemption de la Loi
de l'impôt de guerre sur le revenu; il doit démontrer que tous les
éléments constitutifs requis pour justifier l'exemption se retrou-
vent en l'espèce, et que toutes les conditions exigées par l'article
d'exemption sont remplies.
A mon sens, les affirmations de l'avocat du
défendeur se résument à ceci: pour accomplir son
travail dans les conditions indiquées plus haut,
c'est-à-dire pour conduire une locomotive sur des
voies ferrées partant d'Assiniboia et de Weyburn,
entre autres, à d'autres points situés sur ces voies,
le défendeur doit d'abord quitter son lieu de rési-
dence à Regina pour aller à Assiniboia ou à Wey-
burn. La logique de ces affirmations est indéniable
mais il est bien établi que les frais de déplacement
pour se rendre au travail ne peuvent pas être
déduits de la rémunération reçue pour l'exécution
du travail aux fins du calcul du revenu imposable.
Il faut distinguer entre les déplacements du contri-
buable dans le cours de son emploi, en l'espèce,
quand le défendeur conduit une locomotive sur les
voies menant en dehors d'Assiniboia, et les dépla-
cements pour se rendre au travail, en l'espèce,
quand le défendeur conduit son automobile person-
nelle de sa maison de Regina à Assiniboia.
Il ressort de cette prétention du défendeur que
Regina constituerait le point de départ de l'emploi
du défendeur. J'ai moi-même statué dans La Reine
c. Little 2 que c'est Assiniboia, et à une occasion
Weyburn, plutôt que Regina qui a été le point de
départ du travail du défendeur. Dans l'affaire
Little, le contribuable, mécanicien de locomotive
lui aussi, résident de Moose Jaw, en Saskatche-
wan, était souvent affecté à des tâches de garage à
Swift Current en Saskatchewan, où il restait pour
des périodes de cinq jours. Pour aller et revenir de
son service, il conduisait son automobile person-
nelle de sa maison de Moose Jaw à Swift Current.
Le défendeur voulait déduire un montant qu'il
[1943] R.C.É. 202.
2 74 DTC 6534.
avait dépensé pour des repas alors qu'il était en
service à Swift Current. La déductibilité de ces
frais dépendait de l'interprétation du paragraphe
(7) de l'article 11, cité plus haut. Il n'y avait pas
de doute que l'employeur du défendeur avait un
établissement à Moose Jaw et un autre à Swift
Current. Il s'agissait de savoir, dans l'affaire
Little, à quel établissement se présentait le contri-
buable pour son travail. Bien qu'il soit vrai que le
chef d'équipe de locomotive donnait les affecta
tions à Moose Jaw, le contribuable se présentait
néanmoins au travail à Swift Current. C'était à
Swift Current qu'il recevait les instructions relati
ves à ses attributions particulières.
La situation est la même dans le présent appel.
En l'espèce, le chef d'équipe de locomotive établis-
sait à Moose Jaw l'horaire de travail d'Assiniboia.
Un avis de cet horaire était transmis à Regina et la
division de Regina choisissait le mécanicien de
locomotive qui devait être affecté à Assiniboia et
avisait le mécanicien désigné. Le défendeur a été
choisi ainsi aux nombreuses reprises dont il est
question en l'espèce. Il est très manifeste que le
défendeur se présentait au travail à Assiniboia.
Sauf pour le préavis du premier trajet à l'horaire,
c'est à cet endroit qu'il recevait toutes les instruc
tions ultérieures. Le surintendant adjoint a témoi-
gné expressément qu'Assiniboia était pour Regina
ce qu'était Swift Current pour Moose Jaw. En
outre, dans une liste préparée par le défendeur et
jointe à sa déclaration d'impôt, intitulée [TRADUC-
TION] «Frais de déplacement pour 1971—Repas
pris en dehors de la gare», il désigne Assiniboia
comme sa gare et plus loin, dans cette même liste
le défendeur désigne Regina comme sa gare alors
qu'il était affecté au tableau de remplacement de
Regina, du 20 juin au 28 août 1971, ce qui consti-
tue une affectation pouvant faire l'objet d'une
demande.
Par conséquent, il s'ensuit que lorsque le défen-
deur se déplaçait en automobile aller et retour de
sa maison de Regina à Assiniboia, il voyageait
pour se rendre à son travail et non pas au cours de
son travail et, en conséquence, les frais de ces
déplacements ne sont pas visés par l'expression «les
montants qu'il a dépensés pendant l'année pour
fins de voyage dans le cours de son emploi» utilisée
dans le paragraphe (9) de l'article 11.
Comme je l'ai dit au début, pour réussir, le
défendeur doit remplir toutes les conditions préala-
bles à l'applicabilité du paragraphe (9). Toutefois,
étant donné mon opinion sur la question, il n'est
pas nécessaire que je statue si les conditions préli-
minaires énoncées aux alinéas a),b) et c) du para-
graphe (9) ont été remplies. Sans statuer là-dessus,
je me borne à présumer qu'elles l'ont été.
Selon toute vraisemblance, le défendeur satisfait
aux conditions de l'alinéa a), puisqu'il était ordi-
nairement tenu d'exercer ses fonctions à différents
endroits, c'est-à-dire à des endroits où son
employeur a un lieu d'affaires ou un établissement
comme Assiniboia, Weyburn, Regina et d'autres
lieux.
Il se peut que le défendeur ait été tenu, aux
termes de son contrat d'emploi, d'acquitter les
frais de déplacement que lui occasionnait «l'accom-
plissement des fonctions de . .. son emploi», bien
que j'en doute fortement, puisque ses fonctions
consistaient à conduire un train de marchandises à
partir de l'établissement de son employeur auquel
il avait été affecté. Ce faisant, il n'engageait pas de
«frais de voyage». Il voyageait dans la locomotive
qu'il conduisait. Son employeur ne lui remboursait
pas ses frais de repas et de logement, mais il a été
autorisé à déduire ces débours aux fins de l'impôt
sur le revenu. Il n'a pas fait de déduction pour les
repas et le logement à Assiniboia, qui était fourni
par l'employeur. Un fait brutal demeure: l'em-
ployeur n'a pas remboursé au défendeur ses frais
de déplacement en automobile aller et retour de sa
maison de Regina à Assiniboia, bien qu'il s'agit du
seul moyen pratique offert au défendeur pour aller
prendre son service. En vertu d'une clause expresse
de la convention collective, le défendeur avait droit
à son salaire et à des frais de déplacement engagés
en voyageant «haut le pied», mais en se déplaçant
dans son automobile personnelle vers Assiniboia, le
défendeur ne voyageait pas haut le pied. La seule
fois où ses frais de déplacement ont été payés, c'est
quand se trouvant au tableau de remplacement de
Regina, il a été envoyé à Assiniboia. En vertu de la
convention collective, l'employeur n'était pas tenu
d'acquitter ces frais engagés par le défendeur. On
a soulevé la question de savoir si, parce que l'em-
ployeur n'était pas tenu, l'on pouvait considérer le
défendeur comme étant «tenu» d'acquitter ces frais
«aux termes du contrat d'emploi» à défaut de
stipulation explicite l'y obligeant. Je ne tranche
pas cette question et je la laisse non résolue pour
qu'elle soit tranchée lorsque ce sera essentiel de le
faire.
En vertu de l'alinéa c), le défendeur ne touchait
pas d'«allocation pour frais de voyage», mais je
doute que la condition de l'alinéa c) ait été rem-
plie, car le défendeur a réclamé une déduction
pour les repas qui a été admise à ce titre en vertu
du paragraphe (7) de l'article 11, elle est expressé-
ment mentionnée à l'alinéa c) du paragraphe (9)
de l'article 11. Vu mon opinion sur ce sujet, encore
une fois, je n'ai pas à statuer sur cette question et
je la laisse en suspens pour qu'elle soit tranchée
quand ce sera essentiel, sans égard aux remarques
que j'ai pu faire en passant.
Si l'on présume, comme je l'ai fait, que toutes
les conditions préalables ont été remplies, on peut
déduire en vertu du paragraphe (9) «les montants
que [le contribuable] a dépensés pendant l'année
pour fins de voyage dans le cours de son emploi» et
ceci soulève la question de savoir si les frais de
déplacement de Regina à Assiniboia réclamés par
le défendeur sont «pour fins de voyage dans le
cours de son emploi». J'ai dit qu'à mon avis ils ne
le sont pas et je fonde cette conclusion sur Ricketts
c. Colquhoun 3 , Mahaffy c. M.R.N. 4 et Luks c.
M.R.N. 5
L'affaire Ricketts c. Colquhoun fait jurispru
dence et elle pose la règle générale selon laquelle
un employé ne peut pas déduire les frais engagés
en voyageant aller et retour à son lieu de travail.
Dans cette affaire, le contribuable était un avocat
pratiquant à Londres qui occupait aussi un poste
de juge municipal à Portsmouth. Il a réclamé la
déduction de ses frais de déplacement de Londres
à Portsmouth pour les fois où il siégeait comme
juge municipal. La Chambre des lords a rejeté
cette réclamation parce que les frais n'avaient pas
été subis «dans l'exercice des» fonctions du contri-
buable. Le lord chancelier, le vicomte Cave, a dit à
la page 4:
3 [ 1926] A.C. 1.
4 [1946] R.C.S. 450.
5 [1959] R.C.É. 45.
[TRADUCTION] Ils [les frais] sont engagés non pas parce que
l'appelant occupe le poste de juge municipal de Portsmouth,
mais parce que, vivant et pratiquant en dehors de Portsmouth,
il doit voyager à cet endroit afin de pouvoir exercer ses fonc-
tions de juge municipal et, son travail terminé, de retourner
chez lui. Ils sont engagés, non pas dans l'exercice de ses
fonctions, mais en partie avant de les commencer et en partie
après les avoir remplies.
Dans Mahaffy c. M.R.N., la Cour suprême du
Canada examinait une réclamation pour frais de
déplacement engagés par un député provincial en
se rendant de sa maison à la capitale provinciale et
pour en revenir les fins de semaine pendant la
session législative. Le juge Rand a dit aux pages
455-456:
[TRADUCTION] Il s'agit de décider si les postes déduits
constituent des frais de déplacement «dans l'exercice d'un
métier ou d'un commerce» ou
des débours ou dépenses qui sont totalement, exclusivement
et nécessairement faites en vue de la production du revenu
et, à mon avis, ils ne constituent ni les uns ni les autres. Que la
présence à une session d'une assemblée législative puisse ou non
être qualifiée de «commerce», ce dont je doute fort, on ne peut
certainement pas considérer les déplacements supplémentaires
et le logement dans un hôtel d'Edmonton comme étant «dans
l'exercice» de celui-ci. Les tribunaux ont donné à cette expres
sion le sens de «pour gagner» le revenu: Ministre du Revenu
national c. Dominion Natural Gas Co. ([1941] R.C.S. 19).
L'indemnité de session est prévue expressément pour la pré-
sence des députés aux travaux de l'assemblée législative: elle ne
vise aucun moment, lieu ou activité en dehors de cela. «L'exer-
cice» d'une entreprise vise seulement le moment et le lieu qui
comprennent la catégorie d'activités pour lesquelles l'allocation
est versée: «pour gagner» consiste à se livrer à ces activités. Si
les frais de déplacement, en l'espèce, étaient placés dans cette
catégorie, tous les employés qui doivent en pratique, prendre un
tramway, un autobus ou un train pour aller au travail pour-
raient réclamer la déduction de ces frais quotidiens. Les
employés sont payés pour ce qu'ils font «au travail»; les députés
reçoivent leur allocation pour leur participation aux débats
parlementaires: jusqu'à ces limites, chaque catégorie est diffé-
rente. Pour le même motif, on ne peut pas prétendre sérieuse-
ment que les frais sont «totalement, exclusivement et nécessai-
rement» déboursés dans le but de gagner l'allocation: ils le sont
pour des actes ou des exigences du député en tant qu'individu et
non en tant que professionnel rémunéré.
Dans Luks c. M.R.N. (supra), mon collègue le
juge Thurlow examinait le cas d'un électricien qui
estimait nécessaire de conduire son automobile
aller et retour des chantiers où il travaillait à
différents moments afin de transporter ses outils. Il
demandait la déduction de son revenu des frais
engagés pour se rendre en automobile aller et
retour à son lieu de travail et une déduction pour
amortissement de son automobile. Le juge Thur -
low, après avoir cité les passages de Ricketts c.
Colquhoun (supra) et de Mahaffy c. M.R.N.
(supra), en grande partie comme je les ai cités
ci-dessus, a dit à la page 50:
[TRADUCTION] En l'espèce, il n'entrait pas dans les fonc-
tions de l'appelant de se déplacer entre sa maison et les
différents lieux où il était employé, et il n'entrait pas non plus
dans les fonctions de son emploi de transporter tous les jours ses
outils du lieu de son emploi à sa maison, ni de les transporter
tous les jours de chez lui du lieu de son travail. C'était peut-être
de faire ainsi dans les circonstances, mais le fait que c'était
pratique ne fait pas ses déplacements dans ses fonctions. Les
déplacements de chez lui au lieu de son emploi intervenaient
avant le commencement des fonctions; le retour et le transport
de ses outils à la maison à la fin de la journée avaient lieu après
avoir effectué le travail quotidien. Les voyages n'étaient pas
faits au profit de l'employeur, ni au nom de l'employeur ni sur
ses instructions, et l'employeur ne surveillait pas l'appelant
pendant qu'il les faisait. Au plus on peut dire que ces déplace-
ments étaient des conséquences de l'emploi de l'appelant. Cela
ne suffit pas en l'espèce. A mon avis, ni les déplacements de
l'appelant ni le transport de ses outils ne constituaient de
«voyage dans le cours de son emploi» au sens du paragraphe (9)
de l'art. 11.
Je reconnais la sévérité de la règle exposée dans
Ricketts c. Colquhoun (supra).
C'est une variante sur la catégorie des emplois
itinérants pour lesquels le concept des deux lieux
d'emploi a été introduit, particulièrement dans
Owen c. Pook 6 et dans Taylor c. Provan 7 , toutes
les deux tranchées par la Chambre des lords.
Fondamentalement, cette variante énonce que si
un homme doit se déplacer d'un lieu de travail à
un autre lieu de travail, il peut déduire les frais de
ce déplacement, parce qu'il voyage au cours de son
emploi, mais non ceux de son déplacement de l'un
ou l'autre lieu de travail à sa maison ou vice versa,
à moins que sa maison ne soit un lieu de travail.
Pour que ce concept s'applique, il faut que dans les
faits le travail ou l'emploi doive être exécuté à
deux endroits. Il ne suffit pas que l'individu ait le
choix de faire une partie du travail ailleurs que là
où, objectivement, il exerce ses fonctions.
Cependant, aucune des décisions dans Owen c.
Pook (supra) ou dans Taylor c. Provan (supra) ne
déroge à la règle de Ricketts c. Colquhoun
(supra). Dans Owen c. Pook, leurs Seigneuries
n'ont pas dit que Ricketts c. Colquhoun a été mal
6 [1969] 2 Al l E.R. 1.
7 [1974] 1 All E.R. 1201.
tranchée, au contraire elles ont fait une distinction
de faits. Dans l'affaire Ricketts, il n'y avait qu'un
seul lieu de travail, Portsmouth. Aucune fonction
n'était exécutée à Londres. Dans Owen c. Pook, on
a constaté le fait que le travail était fait en deux
lieux, d'abord quand le médecin était en contact
avec l'administration de l'hôpital et ensuite quand
il était à l'hôpital. De la même manière, dans
Taylor c. Provan, Owen c. Pook a été suivi et
Ricketts c. Colquhoun a fait l'objet d'une distinc
tion de faits.
Le juge Thurlow a devancé les décisions de la
Chambre des lords dans Owen c. Pook et Taylor c.
Provan de deux ans à peu près dans Cumming c.
M.R.N. 8 Dans l'affaire Cumming, un anesthésiste
détenait un poste dans un hôpital où il soignait
tous ses patients. Il faisait chez lui tout le travail
administratif relié à sa pratique. Il ne disposait
d'aucune installation pour cet usage à l'hôpital. On
a permis à l'appelant de déduire les frais de dépla-
cement de chez lui où il faisait tout le travail
administratif à l'hôpital où il soignait ses patients
et pour revenir chez lui. Parce que le médecin
exploitait une entreprise, le juge Thurlow a souli-
gné que dans l'affaire Luks (supra), le contribua-
ble était un employé et qu'en conséquence, l'affaire
Luks ne s'appliquait pas à l'affaire Cumming.
Dans le présent appel, il était entendu que le
défendeur était un employé et, par conséquent,
l'affaire Luks s'applique au présent appel et l'af-
faire Cumming ne s'y applique pas. J'ai constaté le
fait, fondé sur l'affaire Little (supra), que le
défendeur, pendant qu'il était affecté à Assiniboia,
n'avait qu'un seul lieu de travail et c'était Assini-
boia, et à une autre occasion, Weyburn.
En l'espèce, les déplacements du défendeur dans
son automobile personnelle n'étaient pas faits au
profit de l'employeur, ni pour son compte, ni selon
ses instructions et l'employeur ne surveillait aucu-
nement le défendeur pendant qu'il faisait ses
déplacements. Ces déplacements n'intéressaient
l'employeur que dans la mesure où le défendeur
était présent en temps et lieu à son travail.
$ [1968] 1 R.C.É. 425.
Comme l'a dit le juge Thurlow dans Luks c.
M.R.N., les trente-sept voyages qu'a faits le défen-
deur à Assiniboia et du voyage à Weyburn, étaient
tout au plus, la conséquence de l'emploi du défen-
deur, ce qui est bien différent des déplacements
dans le cadre de son emploi.
En outre, alors que le défendeur était inscrit au
tableau de remplacement de Regina, il fut envoyé
à Assiniboia et ailleurs d'après le tableau de rem-
placement du 20 juin au 28 août 1971. Étant ainsi
désigné à partir du tableau de remplacement, ses
frais de déplacement vers ces destinations ont été
payés par le CP Rail et le défendeur s'est abstenu
avec raison de réclamer la déduction de ces frais.
Pour les motifs que j'ai donnés, il s'ensuit que le
Ministre était justifié de refuser la déduction des
$829 de frais de déplacement et que l'appel de Sa
Majesté est accueilli. Comme j'ai souligné au
début, le défendeur a droit à ses frais taxables
conformément au paragraphe (2) de l'article 178
de la Loi de l'impôt sur le revenu.
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