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T-1144-75
John R. Taylor (Demandeur) c.
La Reine et le ministre de la Main-d'oeuvre et de l'Immigration et le ministère de la Main-d'oeuvre et de l'Immigration (Défendeurs)
Division de première instance, le juge Collier— Vancouver, les 15 et 26 avril 1976; Ottawa, le 7 mai 1976.
Immigration—Le demandeur prétend qu'un dépôt de cau- tionnement de $1,000 a été versé par le client au profit de la Couronne et que la dette relative au cautionnement lui a été cédée par une «procuration»—Il demande la somme versée à tort au client—Loi sur l'immigration, S.R.C. 1970, c. I-2, art. 17.
Le demandeur prétendait que $1,000 ont été déposés à titre de cautionnement en espèces en faveur de la Couronne par un client G; que par une «procuration» écrite, G lui a cédé la dette relative au cautionnement; et que finalement, la somme a été versée directement et à tort à G. Il a été reconnu que G n'a jamais révoqué la «procuration». Les défendeurs admettent que c'est par erreur que le document n'a pas été transféré avec le reste du dossier de G au moment un autre dossier a été ouvert à son nom à Kamloops et que Assigned Debt and Power of Attorney Payment Regulations n'a pas été respecté en ce qui concerne le transfert du dossier. Le demandeur prétendait que le Ministère considérait les documents tels que celui-ci comme des cessions, et non comme de simples procurations autorisant un mandataire à recevoir au nom du mandant des sommes d'argent payables à celui-ci. Le demandeur a reconnu qu'il n'était pas certain des effets légaux de ces documents mais il a fait valoir que le Ministère insistait pour qu'il utilise un tel document.
Arrêt: l'action est rejetée. Normalement, et si ce n'était l'erreur du Ministère, le demandeur aurait recevoir l'argent. Son client l'avait autorisé à l'imputer sur son compte. Mais le document n'était rien de plus qu'une autorisation donnée par un mandant au Ministère de payer la somme au demandeur et une autorisation donnée au demandeur de recevoir l'argent au nom de G. Il ne créait en faveur du mandataire aucun droit d'action à l'encontre du débiteur si celui-ci décidait de payer directe- ment le mandant. On ne peut l'interpréter comme une cession de dette.
ACTION. AVOCATS:
F. R. Whiteside pour le demandeur. J. R. Haig pour les défendeurs.
PROCUREURS:
John Taylor Associates, Vancouver, pour le demandeur.
Le sous-procureur général du Canada pour les défendeurs.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE COLLIER: Le demandeur réclame $1,000. Il prétend dans ses conclusions que cette somme a été déposée à titre de cautionnement en espèces par un certain Iqbal Singh Gill au profit de la Couronne; que par une procuration écrite, Gill a cédé au demandeur la dette relative au cautionnement; que finalement, la somme a été versée directement et à tort à Gill.
Les faits pertinents ne sont pratiquement pas contestés. Le demandeur est le principal témoin. J'accepte sa déposition.
Le demandeur est avocat. Pendant les nombreu- ses années durant lesquelles il a exercé, il a souvent représenté à titre d'avocat des personnes ayant des problèmes relatifs à la Loi sur l'immigration et à des questions d'immigration. En particulier, il a souvent représenté des immigrants éventuels soumis à des procédures d'examen ou d'enquête spéciale, et qui, durant l'examen ou l'enquête, étaient libérés sous différentes conditions dont le versement de dépôts de cautionnement (voir l'arti- cle 17 de la Loi sur l'immigration).
Le 12 juin 1972, Gill a versé un dépôt de cautionnement de $1,000. En conséquence, un fonctionnaire à l'immigration et Gill ont signé une quittance du cautionnement en espèces (Pièce 10-C) et ce dernier a été libéré. Par la suite, quatre autres quittances de cautionnement en espèces ont été délivrées; elles ne visaient qu'à prolonger ou remplacer la quittance précédente. Aucune somme supplémentaire n'a été versée. Par la suite, le statut et l'admissibilité de Gill ont fait l'objet d'une enquête spéciale et le demandeur l'a représenté.
Le 6 octobre 1972, Gill a signé en faveur du demandeur un document intitulé «Procuration». Elle visait à assurer et garantir le paiement du compte du demandeur pour services juridiques déjà rendus et à rendre à l'avenir. Voici les extraits pertinents de ce document (Pièce 2):
[TRADUCTION] PROCURATION
donnée par un individu
SACHEZ QUE JE SOUSSIGNÉ, Iqbal Singh Gill, demeurant au 536 est 54i 6 me avenue (province de la C.-B.) déclare par les présentes constituer pour mon mandataire John R. Taylor, demeurant au 1111 ouest rue Georgia, #201, Vancouver 5 (C.-B.) jusqu'au ler novembre 1976 inclusivement, sauf révoca- tion de cette procuration avant cette date par avis écrit adressé au Contrôleur du Trésor (Ottawa) et lui donne pouvoir de recevoir du receveur général du Canada toute somme d'argent exigible à ce jour ou qui le deviendra par la suite et payable à mon nom sur l'ordre du ministère de la Main-d'oeuvre et de l'Immigration du gouvernement du Canada, relativement au cautionnement 31672, mais ne dépassant pas au total mille dollars ($1,000), et de donner quittance de toute somme reçue; par les présentes je ratifie et confirme et accepte de ratifier et de confirmer toutes les mesures que prendra mon mandataire en conformité de cette procuration.
NOTE: 1. Toutes les parties qui souscrivent à la procuration doivent signer.
2. Pour autoriser une banque à recevoir de l'argent, la procuration doit être rédigée au profit de celle-ci et non de son gérant.
3. Il est interdit d'altérer ou de modifier le texte de cette formule.
La directive T-156134-B du 4 janvier 1935 stipule: [TRADUC- TION] «toutes les procurations doivent être rédigées sur un formulaire approuvé par le ministère de la Justice».
Le 23 novembre 1972, la pièce 2 a été expédiée par la poste au ministère de la Main-d'oeuvre et de l'Immigration (rue Burrard) à Vancouver. Il me semble qu'un autre dossier concernant Gill ait été ouvert au bureau de l'immigration à l'aéroport international de Vancouver. La pièce 2 a ensuite été envoyée à ce bureau.
A cette époque, une ordonnance d'expulsion a été émise contre Gill mais, conformément à une disposition portant amnistie générale, il a obtenu, le 19 juillet 1974, le statut d'immigrant reçu. A cette époque on avait déjà établi un autre dossier administratif à son nom à Kamloops, et tout ou partie du dossier de la rue Burrard y avait été envoyé. Mais, suite à une erreur administrative, la pièce 2 du dossier constitué à l'aéroport internatio nal de Vancouver n'a pas été transférée à Kam- loops. Le 23 juillet 1974, le bureau de Kamloops a demandé le remboursement du cautionnement. En août 1974, le Ministère compétent a envoyé les $1,000 Gill, demeurant à Golden (C.-B.).
Il est reconnu que Gill n'a jamais, à quelque époque que ce soit, révoqué la pièce 2. Le défen- deur admet que c'est par erreur que la pièce 2 n'a pas été transférée au bureau de Kamloops; il est
reconnu que si cela avait été fait, l'argent rem- boursé aurait été envoyé au demandeur en confor- mité du document. Le défendeur admet en outre que les dispositions du Assigned Debt and Power of Attorney Payment Regulations' portant sur les formalités relatives au transfert interministériel et interdépartemental de la pièce 2 n'ont pas été respectées.
Le demandeur déclare que selon son expérience personnelle, le ministère de la Main-d'oeuvre et de l'Immigration a toujours considéré, à des fins pra- tiques, des documents tels que la pièce 2 comme des cessions, et non comme de simples procura- tions autorisant un mandataire à recevoir au nom du mandant des sommes d'argent payables à celui-ci. Durant ces années, le demandeur n'était pas certain des conséquences juridiques, par oppo sition aux conséquences pratiques, de documents du type de la pièce 2. Depuis les trois dernières années, il a, à quatre reprises, rédigé ce qu'il considère des formules de cession en bonne et due forme. Il a soumis ses formules et en a discuté avec une personne qu'il a pris pour l'agent de comptabi- lité responsable de la section de comptabilité au ministère de la Main-d'oeuvre et de l'Immigration de Vancouver (C.-B.). Cette personne a refusé d'accepter les formules présentées par le deman- deur et a fait valoir avec insistance que la formule du Ministère (Pièce 2) représentait le seul docu ment valable. Le demandeur reconnaît qu'il n'a jamais cherché à approfondir la question avec des cadres supérieurs à Ottawa, ni à présenter des cessions individuelles conformément au Règlement concernant la cession des dettes de la Couronne 2 . Il ne connaissait pas ce règlement avant le présent litige. J'en déduis qu'il n'a pas cherché à approfon- dir la question à Ottawa en raison de l'attitude adoptée par la section de comptabilité de Vancou- ver, et parce que dans au moins 100 cas sembla- bles, d'autres clients avaient souscrit à son profit des documents identiques à la pièce 2 et il avait déposé lesdits documents, il avait reçu (sans incident) l'argent en paiement.
Vu tous ces faits, le demandeur prétend qu'il a le droit de recouvrer l'argent auprès du défendeur.
Mentionné à la pièce 15. 2 Cité à la pièce 15.
Il soumet que la lecture de la pièce 2 à la lumière des dispositions de la Loi sur l'administration financière', révèle que le document constitue plus qu'une procuration de common law et équivaut à une cession de la dette de $1,000 au profit du demandeur.
Le demandeur a toute ma sympathie. Normale- ment, et si ce n'était l'erreur administrative du défendeur, il aurait recevoir l'argent. Son client l'avait autorisé à l'imputer à son compte pour services juridiques.
Malheureusement, je ne puis souscrire à la pré- tention du demandeur. Je suis convaincu que la pièce 2 ne constitue rien de plus qu'une autorisa- tion donnée par un mandant (Gill) au Ministère, de payer la somme litigieuse au demandeur et une autorisation donnée au demandeur de recevoir l'ar- gent au nom de Gill. Elle ne crée en faveur du mandataire (le demandeur) aucun droit d'action à l'encontre du débiteur (la Couronne ou le Minis- tère) si celui-ci décide pour une raison quelconque de payer directement le mandant. A mon avis, on ne peut interpréter la pièce 2 comme une cession de dette.
Compte tenu de cette conclusion, j'estime inutile de me prononcer sur un autre argument soulevé par le défendeur, et selon lequel si la pièce 2 constitue une cession, le demandeur n'a pas donné l'avis de cession exigé par le règlement applicable.
L'action est donc rejetée. Le défendeur a droit aux dépens.
3 S.R.C. 1970, c. F-10.
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