A-628-75
La compagnie Rothmans de Pall Mall Canada
Limitée et Imperial Tobacco Limitée (Appelan-
tes)
c.
Le ministre du Revenû national et le sous-ministre
du Revenu national, Douanes et Accise; Benson &
Hedges (Canada) Limited, et The Macdonald
Tobacco Inc. (Intimés)
[N ° 2 ]
Cour d'appel, les juges Pratte, Urie et Le Dain—
Ottawa, les 1 et 2 mars et le 12 avril 1976.
Douanes et accise—Les appelantes demandent un jugement
déclaratoire portant que le bout filtre doit être inclus dans le
calcul de la longueur des cigarettes aux fins des droits d'acci-
se—Les intimés demandent la radiation de la déclaration au
motif qu'elle ne révèle aucune cause raisonnable d'action et
qu'elle est futile ou vexatoire et constitue un abus des procé-
dures—Les intimés prétendent que les appelantes n'ont pas été
lésées et n'ont pas qualité pour intenter l'action, étant donné
que d'autres procédures appuyées de conclusions semblables
sont pendantes devant la Cour et que les conclusions de la
déclaration visent un jugement exécutoire—Le juge de pre-
mière instance a radié la déclaration et rejeté l'action—Loi sur
l'accise, S.R.C. 1970, c. E-12.
Les appelantes demandent un jugement déclaratoire portant
que le bout filtre doit être inclus dans le calcul de la longueur
des cigarettes aux fins des droits prévus par la Loi sur l'accise.
L'intimée, Benson & Hedges, appuyée par les autres intimés,
demande la radiation de la déclaration au motif que les appe-
lantes n'ont pas de cause raisonnable d'action, que l'action est
futile et vexatoire et constitue un abus de procédure. Les
intimés prétendent que les appelantes n'ont pas subi de préju-
dice résultant de l'action dont ils se plaignent et n'ont pas
qualité pour agir, étant donné que d'autres procédures appuyées
de conclusions semblables sont pendantes devant la Cour et que
les conclusions de la déclaration ne visent pas une demande de
jugement déclaratoire, mais un jugement exécutoire. Dans une
décision non publiée, le juge de première instance a radié la
déclaration et rejeté l'action au motif qu'elle constituait un
abus de procédure. Il a fait valoir qu'elle soulevait des problè-
mes identiques à ceux pendants devant la Cour relativement à
l'avis de requête ([1976] 1 C.F. 314), et que l'action aboutissait
à une réparation semblable à celle résultant dudit avis de
requête. Les appelantes n'ont apporté aucun élément nouveau à
l'appui de leur demande d'intervention en justice, si ce n'est une
note de service du Ministère confirmant le changement de
politique de ce dernier. Le juge de première instance a conclu
que le motif caché visait à faire échec à la concurrence par une
surabondance d'actions et que les appelantes n'ont subi aucun
dommage.
Arrêt: l'appel est rejeté. Le mémoire n'apporte aucun élé-
ment nouveau important à la Cour saisie de l'autre appel
([1976] 2 C.F. 500) mais ne fait que confirmer le changement
de politique administrative qui servait de fondement aux autres
procédures. Un jugement déclaratoire peut cependant être
demandé lorsqu'un recours par voie de certiorari, prohibition,
mandamus ou injonction est impossible, en particulier lorsqu'il
s'agit d'agents de la Couronne. Les Règles ne permettent
d'obtenir un jugement déclaratoire que par une action. Ainsi
l'action n'est pas futile ou vexatoire et ne constitue pas un abus
de procédure. Cependant, l'absence de qualité pour agir qui a
conduit au rejet des autres procédures est aussi décisive ici.
Comme dans l'autre appel, l'exigence relative à la qualité pour
agir dans une demande de jugement déclaratoire n'est pas
moins stricte dans une telle affaire qu'elle ne l'est pour
l'injonction.
Arrêt analysé: Cowan c. C.B.C. [1966] 2 O.R. 309.
APPEL.
AVOCATS:
R. T. Hughes pour les appelantes.
W. B. Williston, c.r., et R. W. Cosman pour
l'intimée The Macdonald Tobacco Inc.
G. W. Ainslie, c.r., et W. Lefebvre pour les
intimés le ministre du Revenu national et le
sous-ministre du Revenu national, Douanes et
Accise.
J. B. Claxton, c.r., pour l'intimée Benson &
Hedges (Canada) Ltd.
PROCUREURS:
Donald F. Sim, c.r., Toronto, pour les
appelantes.
Faskin & Calvin, Toronto, pour l'intimée The
Macdonald Tobacco Inc.
Le sous-procureur général du Canada pour
les intimés le ministre du Revenu national et
le sous-ministre du Revenu national, Douanes
et Accise.
Lafleur & Brown, Montréal, pour l'intimée
Benson & Hedges (Canada) Ltd.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE LE DAPN: Appel est interjeté d'un
jugement de la Division de première instance'
radiant une déclaration et rejetant une demande
de jugement déclaratoire.
Les circonstances à l'origine de ces procédures
sont exposées dans les motifs du jugement rendu
en appel entre les mêmes parties ([1976] 2 C.F.
500) d'un jugement de la Division de première
instance ([1976] 1 C.F. 314) rejetant un avis de
[N° du greffe: T-3098-75, motifs non circulés—éd.]
requête introductive d'instance demandant un
redressement par voie de prohibition, de manda-
mus, d'injonction et de certiorari. Les appelantes,
ayant intenté leur action après le jugement et cet
appel, demandent un jugement déclaratoire por-
tant que le bout filtre doit être inclus dans le calcul
de la longueur des cigarettes aux fins des droits
prévus par la Loi sur l'accise, S.R.C. 1970, c.
E-12. L'intimée, Benson & Hedges, appuyée par
les autres intimés, a présenté une requête en radia
tion de la déclaration des appelantes au motif
qu'elle ne révélait aucune cause d'action et qu'elle
était futile ou vexatoire et constituait un abus de
procédure. Les intimés prétendent que les appelan-
tes n'ont pas subi de préjudice résultant de l'action
en question et n'ont pas qualité pour intenter
l'action, étant donné que d'autres procédures
appuyées de conclusions semblables sont pendantes
devant la Cour (à savoir la demande de redresse-
ment par voie de prohibition, de mandamus, d'in-
jonction et de certiorari, mentionnée plus haut), et
que les conclusions de la déclaration ne visent pas
une demande de jugement déclaratoire, mais un
jugement exécutoire.
Le juge de première instance a radié la déclara-
tion et rejeté l'action avec dépens au motif qu'elle
constituait un abus de procédure. Il a fait valoir
que la demande de jugement déclaratoire soulevait
des problèmes identiques à ceux pendants devant
la Cour relativement à l'avis de requête introduc-
tive d'instance en vue d'obtenir un redressement
par voie de prohibition, de mandamus, d'injonction
et de certiorari, et que l'action aboutissait à une
réparation semblable à celle résultant dudit avis de
requête. Il a jugé que les appelantes n'avaient
apporté aucun élément nouveau à la Cour à l'appui
de leur demande d'intervention en justice, si ce
n'est une note de service du Ministère confirmant
le changement de politique dont elles se plaignent,
qui n'apporte aucun élément nouveau à leur
affaire; et il a conclu que «(1) les requérantes ont
un motif caché visant essentiellement à faire échec
à la concurrence des compagnies défenderesses, et
qu'elles cherchent à le faire par une surabondance
d'actions; et (2) qu'elles n'ont subi aucun
dommage.»
Le mémoire mentionné, daté du 7 août 1975 a
été adressé par W. M. Horner, chef, Droits d'ac-
cise, aux directeurs régionaux. En voici le texte:
[TRADUCTION] Le Ministère a modifié sa politique en ce qui
concerne le calcul des droits d'accise sur les cigarettes.
La politique antérieure exigeait que l'on tienne compte du filtre
des cigarettes pour en calculer la longueur, c.-à-d. déterminer si
elle excédait ou non 4 pouces, et le poids de mille cigarettes,
afin de déterminer s'il excédait ou non trois livres.
La nouvelle politique excluera le filtre pour le calcul de la
longueur ou du poids des cigarettes aux fins des droits d'accise.
Vous trouverez ci-jointe une copie de la circulaire ED 209-9
modifiée, qui sera prochainement publiée et distribuée. Veuillez
vous assurer que les préposés de l'accise et les détenteurs de
licences de votre région sont informés de cette modification.
Comme le déclare le savant juge de première
instance, ce mémoire n'apporte aucun élément
nouveau important à la Cour saisie de l'autre appel
concernant l'avis de requête introductive d'ins-
tance demandant un redressement par voie de
prohibition, de mandamus, d'injonction et de cer-
tiorari. Il ne fait que confirmer par écrit les chan-
gements de politique administrative qui servaient
de fondement aux autres procédures.
Je ne puis cependant reconnaître que les appe-
lantes ne cherchent pas à obtenir, par leur
demande de jugement déclaratoire, un redresse-
ment qu'elles ne pourraient obtenir par d'autres
procédures. On peut demander un jugement décla-
ratoire lorsqu'il n'y a pas de recours par voie de
certiorari, prohibition, mandamus ou injonction et
ceci est particulièrement vrai lorsqu'il s'agit
d'agents de la Couronne. Les Règles ne permettent
pas d'obtenir un jugement déclaratoire par une
requête introductive d'instance mais seulement par
une action. Ainsi, en ce qui concerne certaines
objections du moins (en dehors de la question de la
qualité pour agir) à l'encontre des redressements
demandés dans les autres procédures, on ne peut
dire que la demande de jugement déclaratoire est
futile ou vexatoire ou constitue un abus de procé-
dure. A mon avis, la raison essentielle justifiant le
rejet des autres procédures—à savoir que les appe-
lantes n'ont pas qualité pour agir—s'applique aussi
en l'espèce et suffit à justifier la conclusion du juge
de première instance. Il suffit donc pour ce litige
de renvoyer aux motifs de jugement rendus dans
l'autre appel. L'exigence relative à la qualité pour
agir dans une demande de jugement déclaratoire
n'est pas moins stricte dans une telle affaire qu'elle
ne l'est pour l'injonction. Cowan c. C.B.C. [1966]
2 O.R. 309.
Je rejetterais donc l'appel avec dépens.
* * *
LE JUGE PRATTE: Je souscris.
* * *
LE JUGE URIE: Je souscris.
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