A-547-75
Le Syndicat international des marins canadiens
(Appelant)
c.
La Compagnie des chemins de fer nationaux du
Canada (Intimée)
et
Canadien Pacifique Limitée (Appelante)
c.
La Compagnie des chemins de fer nationaux du
Canada (Intimée)
Cour d'appel, les juges Pratte et Le Dain et le juge
suppléant Hyde—Montréal, les 20 et 23 janvier
1976.
Examen judiciaire et appel La CCT a décidé de reconnaî-
tre la proposition d'acquisition de l'intimée La Commission
a-t-elle commis une erreur de droit, en ne rejetant pas l'acqui-
sition proposée parce que le CN n'avait pas le pouvoir de
conclure une telle transaction et en ne considérant pas d'autres
arguments avancés?—La Commission a-t-elle mal interprété
l'article 27(4)b) de la Loi nationale sur les transports?—La
Commission a-t-elle enfreint un principe de la justice natu-
relle en fondant sa décision sur des renseignements non divul-
gués aux opposants? Loi nationale sur les transports, S.R.C.
1970, c. N-17, art. 22 et 27.
Ces appels et la demande en vertu de l'article 28 visent la
décision de la Commission canadienne des transports de recon-
naître la proposition d'acquisition par l'intimée d'une participa
tion dans deux compagnies de transport. L'appelant S.I.M.C.
prétend que la Commission a commis une erreur de droit (1)
parce que le CN n'avait pas le pouvoir de conclure une telle
transaction et (2) parce qu'elle n'a pas considéré d'autres
arguments qu'il a fait valoir et qui auraient mené à la conclu
sion que l'acquisition proposée était préjudiciable à l'intérêt
public. L'appelante CP allègue (3) que la Commission a mal
interprété l'article 27(4)b) en décidant sur la base des consé-
quences de l'acquisition proposée à l'égard des opposants et non
de l'intérêt public et (4) que la Commission a enfreint un
principe de la justice naturelle en fondant sa décision sur des
renseignements non divulgués aux opposants, les privant ainsi
de la possibilité de faire des observations et d'apporter des
preuves.
Arrêt: les appels et la demande en vertu de l'article 28 sont
rejetés. (1) En vertu de l'article 27(4), la Commission doit se
faire une opinion sur les conséquences de l'acquisition proposée
et non sur les conditions préalables à sa validité en droit. (2) En
rejetant les arguments avancés, la Commission a validement
exercé ses pouvoirs en vertu de l'article 27(4). (3) La Commis
sion a correctement interprété ses devoirs en vertu de l'article
27(4). (4) Si la Commission décide de tenir une audition en
vertu de l'article 27(4), cette audition ne constitue rien de plus
qu'une partie de son enquête. Elle ne transforme pas l'enquête
en un débat contradictoire. La décision de la Commission de
tenir une audition publique ne confère pas aux opposants des
droits qu'ils n'auraient pas autrement. L'allégation des appe-
lants que le droit de faire opposition en vertu de l'article 27(3)
comporte le droit à la possibilité de contredire tout renseigne-
ment portant sur l'opposition, obtenu par la Commission au
cours de son enquête, est fondée sur l'hypothèse erronée que la
présentation d'une opposition crée un lis ou quasi-lis auquel est
partie l'opposant, et qui ne peut être tranché sans que celui-ci
ait pu se faire entendre. Aux termes de l'article 27, un opposant
peut seulement faire opposition; cet article ne lui confère pas le
droit à un débat contradictoire.
Le juge Le Dain: Il n'existe aucune obligation générale de
divulguer tous les documents sur lesquels la décision sera
fondée, comme notamment les renseignements dont un tribunal
peut prendre formellement connaissance. Le droit prévu à
l'article 27(3), permettant aux personnes visées par l'acquisi-
tion proposée de s'y opposer, implique que l'enquête doit leur
donner l'entière possibilité de faire opposition d'une façon
efficace. Outre l'intérêt des personnes visées, il est dans l'intérêt
public général d'accorder la possibilité de s'opposer d'une façon
efficace, car cela constitue le principal moyen dont la Commis
sion dispose pour parvenir à une décision. Ce que représente
l'entière possibilité de faire opposition de façon efficace dépend
de la nature de l'opposition et des questions qu'elle soulève.
Cela ne signifie pas que la Commission ne peut rejeter l'acqui-
sition proposée que si elle conclut au bien-fondé des oppositions.
Une fois que la Commission est saisie du dossier à la suite d'une
opposition, ses pouvoirs ne se limitent pas à déterminer si
l'opposant a prouvé ses allégations. Il ne s'agit pas de trancher
un litige entre la partie se proposant de conclure l'acquisition et
l'opposant; ce dernier a droit à l'entière possibilité de présenter
son opposition de façon efficace, sans toutefois être fondé à
répondre à tous les éléments sur lesquels pourrait être basée la
décision.
Le juge suppléant Hyde: L'enquête n'a pas créé un lis où les
opposants avaient le droit d'exiger que les dossiers soumis à la
Commission leur soient remis pour examen. Bien que certaines
étapes de l'audition se rapprochent d'un lis entre les parties, où
peut s'appliquer la règle audi alteram partem, j'estime qu'en
l'espèce on ne peut l'invoquer.
Arrêts appliqués: Board of Education c. Rice [1911] A.C.
179 et La Compagnie des chemins de fer nationaux du
Canada c. Bell Telephone Company of Canada [1939]
R.C.S. 308. Distinction faite avec l'arrêt: Magnasonic
Canada Limited c. Le Tribunal antidumping [1972] C.F.
1239. Arrêts analysés: Knapman c. Board of Health
(1957) 6 D.L.R. (2e) 81 et [1955] 3 D.L.R. 248 confir-
mant [1954] 3 D.L.R. 760 et [1954] O.R. 360; R. c.
Ontario Racing Commission [1971] 1 O.R. 400; Biais c.
Andras [1973] C.F. 182; Lazarov c. Le Secrétaire d'État
[1973] C.F. 927; Local Government Board c. Arlidge
[1915] A.C. 120; Errington c. Minister of Health [1935] 1
K.B. 249 et Volkswagen Northern Ltd. c. Board of Indus
trial Relations (1964) 49 W.W.R. 574. Arrêt approuvé: B.
Johnson and Co. (Builders) Ltd. c. Minister of Health
[1947] 2 All E.R. 395.
APPEL et examen judiciaire.
AVOCATS:
J. Nuss pour le Syndicat international des
marins canadiens.
M. S. Bistrisky pour Canadien Pacifique
Limitée.
H. J. G. Pye, c.r., et G. M. Cooper pour la
Compagnie des chemins de fer nationaux du
Canada.
G. W. Ainslie, c.r., et W. G. St. John pour la
Commission canadienne des transports.
PROCUREURS:
Ahern, De Brabant, Nuss & Drymer, Mont-
réal, pour le Syndicat international des marins
canadiens.
Les services juridiques de Canadien Pacifi-
que, Montréal, pour Canadien Pacifique
Limitée.
Les services juridiques des chemins de fer
nationaux du Canada, Montréal, pour la
Compagnie des chemins de fer nationaux du
Canada.
Le sous-procureur général du Canada pour la
Commission canadienne des transports.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement prononcés oralement par
LE JUGE PRATTE: Appel est interjeté par le
Syndicat international des marins canadiens et
Canadien Pacifique Limitée à l'encontre de la
décision de la Commission canadienne des trans
ports de reconnaître l'acquisition par l'intimée
d'une participation dans deux compagnies de
transport. Le Syndicat international des marins
canadiens a aussi contesté cette décision en vertu
de l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale. Les
deux appels et la demande en vertu de l'article 28
furent réunis conformément à une ordonnance de
la Cour, rendue le 25 novembre 1975.
La décision contestée se fonde sur l'article 27 de
la Loi nationale sur les transports, dont voici le
texte:
27. (1) Une compagnie de chemin de fer, une compagnie de
pipe-line pour denrées, une compagnie de transport par eau,
une personne exploitant une entreprise de transport par véhi-
cule à moteur ou un transporteur par air, assujetti à la compé-
tence législative du Parlement du Canada, qui se propose
d'acquérir, directement ou indirectement, par achat, location à
bail, fusion, consolidation ou autrement, un intérêt dans les
affaires ou l'entreprise de toute personne principalement enga-
gée dans des opérations de transport, que ces affaires ou cette
entreprise soient ou non soumises à la compétence du Parle-
ment, doit donner à la Commission avis de l'acquisition
proposée.
(2) La Commission doit donner ou faire donner l'avis public
ou tel autre avis de toute acquisition proposée mentionnée au
paragraphe (1) qui lui semble raisonnable dans les circons-
tances, y compris l'avis au directeur des enquêtes et recherches
en vertu de la Loi relative aux enquêtes sur les coalitions.
(3) Toute personne visée par une proposition d'acquisition
mentionnée au paragraphe (1) ou toute association ou autre
organisme représentant les transporteurs ou des entreprises de
transport visées par cette acquisition peut, dans le délai qui
peut être prescrit par la Commission, s'opposer auprès de la
Commission à cette acquisition en invoquant le motif qu'elle
restreindra indûment la concurrence ou portera autrement pré-
judice à l'intérêt public.
(4) Lorsqu'il est fait opposition en conformité du paragraphe
(3), la Commission
a) doit faire l'enquête, comprenant notamment la tenue
d'auditions publiques, qu'elle estime nécessaire ou souhaita-
ble dans l'intérêt du public;
b) peut ne pas reconnaître une semblable acquisition si, de
l'avis de la Commission, cette acquisition doit restreindre
indûment la concurrence ou être par ailleurs préjudiciable à
l'intérêt public;
et toute semblable acquisition, à laquelle il a été fait opposition
dans le délai prévu à cette fin par la Commission et que la
Commission n'a pas reconnue, est nulle.
(5) Rien au présent article ne doit s'interpréter comme
autorisant l'acquisition d'un intérêt dans une autre compagnie
lorsque cette acquisition est interdite par quelque loi du Parle-
ment du Canada. 1966-67, c. 69, art. 20.
Le 31 juillet 1975, la Compagnie des chemins de
fer nationaux du Canada a donné avis à la Com
mission canadienne des transports de son intention
d'acquérir une participation dans le capital-actions
de deux compagnies de transport étrangères. La
Commission a par la suite donné l'avis prévu à
l'article 27(2) et les deux appelants, de même que
d'autres personnes prétendant être visées par ce
projet, se sont opposées à cette acquisition auprès
de la Commission. Agissant par l'intermédiaire de
son comité des transports par eau, la Commission
a mené une enquête et, dans le cadre de cette
enquête, a tenu une audience publique à laquelle
ont comparu les deux appelants et les autres oppo-
sants. Au terme de son enquête, la Commission
décida de reconnaître l'acquisition proposée. C'est
cette décision que visent les présentes procédures.
L'avocat du Syndicat international des marins
canadiens a avancé deux arguments. Il a déclaré
que la Commission avait commis une erreur de
droit en ne rejetant pas l'acquisition proposée, car
la Compagnie des chemins de fer nationaux du
Canada n'avait pas le pouvoir de conclure une telle
transaction. Il a aussi allégué que la Commission
avait commis une erreur de droit en ne considérant
pas d'autres arguments qu'il a fait valoir devant
elle car, à son avis, si elle en avait tenu compte,
elle aurait pu conclure que l'acquisition proposée
était préjudiciable à l'intérêt public.
Comme nous l'avons indiqué à l'audience, nous
sommes d'avis que ces arguments ne sont pas
fondés. A supposer, comme le prétend l'avocat, que
la Commission n'ait pas examiné la question de
savoir si les pouvoirs de la Compagnie des chemins
de fer nationaux du Canada sont suffisamment
larges pour l'autoriser à conclure l'acquisition pro
posée, nous estimons que ce défaut ne vicie pas la
décision de la Commission. En vertu de l'article
27(4), la Commission doit se faire une opinion sur
les conséquences de l'acquisition proposée et non
sur les conditions préalables à sa validité en droit.
Nous pensons aussi que le défaut de la Commis
sion de tenir compte des autres arguments soulevés
par l'avocat ne vicie pas sa décision. Ces argu
ments tendaient tous à démontrer que l'acquisition
proposée serait préjudiciable à l'intérêt public. La
Commission les a examinés et résumés correcte-
ment dans sa décision. Elle les a cependant rejetés,
estimant qu'ils étaient ni pertinents, ni fondés.
Nous sommes d'avis qu'en concluant de la sorte la
Commission a validement exercé ses pouvoirs en
vertu de l'article 27(4). Cet article confère à la
Commission, et non à cette cour, le pouvoir de
déterminer si l'acquisition proposée est préjudicia-
ble à l'intérêt public; pour exécuter ce devoir, la
Commission doit définir quelles sont, à son avis, les
exigences de l'intérêt public.
L'avocat de Canadien Pacifique Limitée a aussi
avancé deux arguments qui ont été repris par
l'avocat de l'autre appelant.
En premier lieu, il a prétendu que la Commis
sion avait mal interprété l'article 27(4)b) de la Loi
nationale sur les transports. Pour appuyer cette
thèse, l'avocat a cité un extrait de la décision
contestée qui, à son avis, démontre que la Commis
sion s'est fondée sur une supposition erronée,
savoir qu'elle devait, en vertu de l'article 27(4),
évaluer les conséquences de l'acquisition proposée
à l'égard des opposants au lieu de l'intérêt public.
Comme nous l'avons déclaré à l'audience, nous
estimons que cet argument n'est pas fondé.
D'après le contexte, il est clair qu'en s'exprimant
de la sorte, la Commission n'entendait pas décrire
l'étendue de ses pouvoirs en vertu de l'article
27(4). Il ressort de la lecture de l'ensemble de la
décision que la Commission a correctement inter-
prété ses devoirs.
Le second argument invoqué par l'avocat de
Canadien Pacifique Limitée est le seul au sujet
duquel la Cour a estimé nécessaire d'entendre les
avocats de l'intimée et de la Commission. Selon cet
argument, la Commission a enfreint un principe de
la justice naturelle en fondant sa décision sur des
renseignements non divulgués aux opposants, les
privant ainsi de la possibilité de faire des observa
tions et d'apporter des preuves à cet égard.
Cet argument se réfère au dernier paragraphe
de la décision contestée, dont voici le texte:
Aussi, nous avons pesé avec soin toutes les preuves soumises
au cours de l'audience publique et étudié à fond tous les
renseignements qui nous ont été fournis au cours de notre
enquête sur l'acquisition proposée, et avons conclu que, dans le
cadre où nous devons considérer l'affaire, rien n'indique que
l'acquisition proposée restreindra indûment la concurrence ou
portera autrement préjudice à l'intérêt public. En conséquence,
nous ne rejetons pas l'acquisition proposée.
A l'appui de cette allégation, les avocats ont
invoqué une jurisprudence bien établie où les tri-
bunaux ont jugé que, lorsqu'une autorité ne peut
prendre une décision sans au préalable donner à la
partie concernée une possibilité de se faire enten-
dre d'une façon efficace, celle-ci ne bénéficie pas
d'une audition équitable si l'autorité en question ne
lui accorde pas la possibilité de réfuter les preuves
qu'elle a obtenues et qui sont préjudiciables à la
partie en cause.
J'estime inutile d'examiner les décisions citées
par les avocats à cet égard, car une lecture atten
tive de l'article 27(3) et (4) de la Loi nationale sur
les transports démontre qu'elles ne sont pas perti-
nentes en l'espèce.
Aux termes de l'article 27(3), le seul droit d'une
personne visée par un projet d'acquisition est de s'y
opposer auprès de la Commission. Lorsqu'il est fait
opposition, la Commission doit faire l'enquête
qu'elle estime nécessaire ou souhaitable dans l'in-
térêt du public afin d'être en mesure de déterminer
si l'acquisition proposée restreindra indûment la
concurrence ou sera par ailleurs préjudiciable à
l'intérêt public. Le but de l'enquête tenue par la
Commission ne consiste pas seulement à lui per-
mettre de juger de la validité des divers arguments
soulevés par les avocats des opposants à l'appui de
leur opposition; la Commission est également
tenue de se faire une opinion quant aux effets de
l'acquisition proposée. Si la Commission décide de
tenir une audition publique en vertu de l'article
27(4)a), cette audition ne constitue rien de plus
qu'une partie de son enquête. La décision de tenir
une audition publique ne transforme pas l'enquête
de la Commission en un débat contradictoire. Je ne
vois pas comment le fait de tenir une audition
publique confère aux opposants des droits qu'ils
n'auraient pas autrement. Les droits des opposants
ne varient pas selon la décision de la Commission
de tenir ou non une audition publique.
Le droit d'une personne de faire opposition, en
vertu de l'article 27(3), peut impliquer le droit de
présenter des preuves et des arguments à l'appui de
l'opposition. Il est inutile de trancher cette ques
tion en l'espèce, car il est admis que les appelants
ont eu cette possibilité. Selon les appelants, le droit
de faire opposition en vertu de l'article 27(3)
comporte, en plus du droit de présenter des preuves
et des arguments à l'appui de leur opposition, le
droit à la possibilité de contredire tout renseigne-
ment portant sur l'opposition, obtenu par la Com
mission dans le cours de son enquête. A mon avis,
cette allégation est fondée sur l'hypothèse erronée
que la présentation d'une opposition en vertu de
l'article 27(3) crée un lis ou quasi-lis auquel est
partie l'opposant et qui ne peut être tranché sans
que celui-ci ait pu se faire entendre équitablement.
A mon avis, le seul droit d'un opposant en vue
de l'article 27 est de s'opposer à l'acquisition pro
posée (avec tout ce que ce droit comporte); cet
article ne confère pas à l'opposant le droit à un
débat contradictoire en vue de déterminer la vali-
dité de l'opposition. Je dois ajouter que je ne vois
rien dans cette législation qui soit injuste ou con-
traire à la justice naturelle.
Pour ces motifs, je rejetterais les appels et la
demande en vertu de l'article 28.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement prononcés oralement par
LE JUGE LE DAIN: Je souscris aux motifs de
mon collègue le juge Pratte et n'entends ajouter
que quelques commentaires sur la question de la
justice naturelle.
Il s'agit, d'une façon générale, de déterminer
jusqu'à quel point les règles de la justice naturelle
obligent un tribunal administratif à communiquer
aux parties intéressées les éléments sur lesquels il
entend fonder sa décision. Aucune règle générale-
ne peut être formulée à ce sujet. Chaque cas doit
être étudié à la lumière des circonstances particu-
lières et du contexte législatif. Les deux principes
de base concernés—le droit d'un tribunal adminis-
tratif de réunir les éléments de base de sa décision
de multiples façons et le droit d'une partie intéres-
sée d'avoir la possibilité de présenter sa preuve
d'une façon efficace—sont exprimés avec concision
dans le dictum souvent cité du lord Chancelier
Loreburn, dans l'arrêt Board of Education c. Rice
[1911] A.C. 179, la page 182: [TRADUCTION] «Il
peut obtenir des renseignements de la manière
qu'il juge la meilleure, en donnant toujours aux
parties engagées dans la controverse une possibilité
suffisante de corriger ou de contredire toute décla-
ration pertinente portant préjudice à leur cause.»
De toute évidence, un tribunal de ce genre,
particulièrement lorsqu'il doit, comme en l'espèce,
se prononcer sur des questions de politique, de fait
et de droit, peut, en l'absence de dispositions légis-
latives à l'effet contraire, fonder sa décision sur
divers éléments incluant, outre la preuve et les
arguments présentés à l'audition, les renseigne-
ments et opinions obtenus autrement et dont il
peut prendre connaissance formellement, et son
expérience. Comme l'a déclaré le juge en chef Duff
dans l'affaire La Compagnie des chemins de fer
nationaux du Canada c. Bell Telephone Company
of Canada [1939] R.C.S. 308, à la page 317, au
sujet de l'ancienne Commission des chemins de fer:
[TRADUCTION] La Commission n'est pas liée par les règles
ordinaires de la preuve. En se prononçant sur des questions de
fait, elle doit inévitablement faire appel à son expérience dans
ce domaine, compte tenu des nombreux dossiers qui lui sont
soumis, ainsi qu'à l'expérience de ses conseillers techniques. En
conséquence, devant des questions de fait soulevées dans le
cadre d'un problème administratif par exemple, il est possible
que la Commission soit à même de poser avec certitude un
jugement sur des faits et des circonstances qui ne laisseraient à
un tribunal ne possédant pas les moyens ni les facilités de la
Commission, qu'une impression vague et ambiguë.
Il reste cependant à déterminer jusqu'à quel
point, dans des cas particuliers, un tribunal peut
être tenu de communiquer les preuves, les rensei-
gnements et les opinions dont il entend tenir
compte pour parvenir à une décision. La jurispru
dence ne donne encore que peu d'indications préci-
ses quant à l'étendue éventuelle de ce devoir de
divulgation. Elle est loin d'appliquer littéralement
le principe énoncé par lord Loreburn—[TRADUC-
TION] «une possibilité suffisante de corriger ou de
contredire toute déclaration pertinente portant
préjudice à leur cause'.»
Bien sûr, le devoir de divulgation n'existe que
dans la mesure où s'appliquent les règles de la
justice naturelle, ou lorsqu'il existe un devoir
d'agir équitablement tant en matière de procédure
qu'en droit positif. La déclaration de lord Lore-
burn dans Board of Education c. Rice concernait
un organisme administratif investi du devoir de
de Smith, Judicial Review of Administrative Action (3° éd.)
1973, pages 182 et 183, propos des devoirs relatifs à la
conduite des audiences, par des tribunaux investis de pouvoirs
très étendus en ce qui concerne l'élaboration du fondement de
la décision, déclare:
[TRADUCTION] Ils sont néanmoins obligés d'agir conformé-
ment aux règles de la justice naturelle. Cela signifie qu'en
l'absence de disposition contraire, ils ne peuvent désavanta-
ger une partie en lui refusant la possibilité de commenter de
façon efficace les éléments pertinents à la décision si ceux-ci
viennent de sources extérieures ou s'ils ont été obtenus au
cours de leurs enquêtes ou à la suite de preuves soumises à
l'occasion d'affaires antérieures. La jurisprudence ne donne
encore aucune indication précise sur la portée de leur pouvoir
de ne pas communiquer à l'audience les opinions de leurs
propres experts ou les renseignements concernant l'exercice
de leur pouvoir discrétionnaire lorsqu'ils peuvent tenir
compte de l'intérêt public. On estime cependant que les cours
auront tendance à imposer, dans la mesure du possible, des
normes judiciaires, de sorte que lorsqu'une partie est induite
en erreur quant aux éléments sur lesquels le tribunal entend
vraisemblablement fonder sa décision, et se trouve ainsi fort
désavantagée pour présenter sa preuve, on peut conclure au
déni de justice naturelle.
trancher des questions de droit et de fait, dans un
domaine où l'on pouvait parler de controverse ou
de parties adverses—en d'autres termes un lis.
Dans de tels cas, les tribunaux tendent de plus en
plus à reconnaître le devoir de communiquer les
rapports d'inspecteurs ou les autres documents sur
lesquels la décision sera fondée'. On a aussi
affirmé le principe qu'un tribunal ne doit pas
recevoir les preuves ou arguments d'une partie en
les dissimulant à l'autre'. Dans les cas où une
décision peut influer sur des droits ou intérêts
individuels, on a reconnu que la justice naturelle,
ou la justice, exige la communication des docu
ments qu'une partie doit connaître afin de pouvoir
se défendre d'une façon efficace.
Cependant, je ne connais aucun précédent éta-
blissant un devoir général de communiquer tous les
éléments sur lesquels la décision sera fondée, y
compris les renseignements dont le tribunal peut
prendre connaissance formellement. Il semble
manifeste qu'en pratique on ne peut s'attendre à ce
qu'un tribunal révèle son expertise ou, en d'autres
termes, fasse connaître les politiques générales
résultant de ses qualifications et expériences parti-
culières sur lesquelles est fondée son opinion aver-
tie. De toute évidence, les mots «tous les renseigne-
ments qui nous ont été fournis au cours de notre
enquête sur l'acquisition proposée» visent autre
chose. Ils semblent porter sur des renseignements,
et peut-être des preuves, soumis au comité des
transports par eau au cours de son enquête, mais
nous ne connaissons pas la nature de «ces rensei-
gnements» dont parle le comité dans sa conclusion
et encore moins leur lien avec les oppositions spéci-
fiques des appelants, ou leur portée.
z Voir, par exemple, Knapman c. Board of Health for Salt -
fleet Township [1954] O.R. 360, [1954] 3 D.L.R. 760 (arrêt
confirmé à [1955] 3 D.L.R. 248, et (1957) 6 D.L.R. (2') 81);
R. c. Ontario Racing Commission [1971] 1 O.R. 400, 15
D.L.R. (3') 430; Blais c. Andras [1973] C.F. 182; Lazarov c.
Le Secrétaire d'État du Canada [1973] C.F. 927. A cet égard,
il semble que les tribunaux se soient éloignés de la position
adoptée dans la décision de la Chambre des lords Local
Government Board c. Arlidge [1915] A.C. 120, où la cour a
jugé qu'en appel devant le Local Government Board, on n'avait
pas le droit de consulter le rapport de l'inspecteur dans le cadre
de l'enquête locale publique, car le devoir de divulgation pour-
rait nuire au franc parler dans les communications
gouvernementales.
3 Voir, par exemple, Errington c. Minister of Health [1935]
1 K.B. 249; Volkswagen Northern Ltd. c. Board of Industrial
Relations (1964) 49 W.W.R. 574.
Les appelants se sont principalement fondés sur
la décision de cette cour dans Magnasonic Canada
Limited c. Le Tribunal antidumping [1972] C.F.
1239, où il fut arrêté que le Tribunal antidumping
n'avait pas mené l'enquête exigée par la Loi parce
qu'il avait statué d'après des renseignements non
communiqués aux parties. Dans cette affaire, le
Tribunal devait déterminer si le dumping de cer-
taines marchandises avait causé, causait ou était
susceptible de causer un préjudice sensible à la
production au Canada de marchandises sembla-
bles. Comme en l'espèce, l'enquête comportait une
audience publique ainsi que d'autres formes d'in-
vestigations 4 . Le juge en chef Jackett, rendant le
jugement de la Cour, déclarait [à la page 1244]:
«Il faut remarquer que le trait caractéristique de
ce genre d"enquête' est que, bien que les `parties'
aient eu une connaissance complète de la preuve
apportée lors de l'audience publique, elles
n'avaient pas la possibilité de connaître quelles
autres preuves ou renseignements le Tribunal avait
acceptés et n'avaient pas la possibilité d'y répondre
ou de faire valoir leurs prétentions à cet égard».
La Cour a conclu comme suit [à la page 1249]:
En conséquence, nous sommes d'avis que le Tribunal a pris la
décision attaquée sans avoir mené l'enquête exigée par la loi,
dans la mesure où il a agi sur des renseignements qui ne lui
avaient pas été communiqués au cours des audiences du Tribu
nal ou par un seul membre du Tribunal ainsi que le prévoit la
loi; il s'ensuit que les parties n'ont pas eu la possibilité de
répondre à ces renseignements (soit tels qu'ils avaient été
obtenus ou, lorsqu'ils étaient fondés sur des communications
confidentielles, tels que communiqués conformément à l'article
4 Le juge en chef Jackett [à la page 1244] décrit comme suit
l'enquête en question:
Lors de la présente «enquête», il y a eu d'une part une
audience publique devant laquelle la Magnasonic et les
autres parties, toutes représentées par des avocats, ont
apporté des éléments de preuve et ont eu la possibilité de
faire valoir leurs prétentions à l'égard des preuves présentées.
Toutefois il était entendu que, lors de cette audience, nul ne
serait tenu de témoigner contre sa volonté s'il estimait qu'il
devait divulguer des éléments «confidentiels». D'autre part,
durant l'enquête un ou plusieurs membres du Tribunal ou le
personnel du Tribunal, en dehors des séances, ont reçu la
preuve confidentielle exigée par le Tribunal ou envoyée
volontairement par le sous-ministre ou d'autres personnes.
Enfin, durant l'enquête, un ou plusieurs membres de la
Commission ou de son personnel se sont rendus dans les
locaux des fabricants canadiens. Ils ont également fait une ou
plusieurs entrevues au cours desquelles ils ont obtenu des
éléments de preuve et des renseignements.
29(3)) ni de faire valoir leurs prétentions à cet égard.
L'arrêt Magnasonic semble principalement
fondé sur la conclusion que les dispositions perti-
nentes de la Loi révèlent l'intention d'instruire une
enquête au moyen d'audiences auxquelles les par
ties peuvent comparaître et être représentées et
que cela implique nécessairement la communica
tion aux parties en cause, par le Tribunal, de toute
preuve ou tout renseignement sur lequel il se pro
pose de fonder sa décision, afin qu'elles puissent
répondre, par témoignage ou plaidoirie, à tout ce
qu'elles considèrent susceptible de porter préjudice
à leur cause. A cet égard, le juge en chef Jackett
soulignait [à la page 1247]: «Le droit d'une partie
de `comparaître' à une `audience' n'aurait pas de
portée réelle si la décision ne devait pas être fondée
sur ladite `audience' ou si la partie n'avait pas le
droit fondamental d'y être entendue.» Puis il ajou-
tait [aux pages 1248-49]:
Nous sommes tout à fait d'accord avec le fait que le Tribunal
peut par différents moyens rassembler les renseignements rela-
tifs à l'affaire qui lui est soumise. Il nous semble que la loi
prévoit inclure ces éléments de preuve dans le dossier de
l'affaire, dans la mesure où ils semblent utiles. Ceci doit se faire
au cours des auditions, de la façon que le Tribunal choisit, à
condition que la procédure adoptée soit compatible avec le fait
d'accorder aux «parties» la possibilité d'être entendues (l'une
des façons évidentes consiste à inviter les avocats de la commis
sion à soumettre leur preuve et à faire valoir leurs prétentions
de la même façon que les avocats d'une partie).
En l'espèce, le droit statutaire de s'opposer et le
devoir statutaire de faire enquête semblent être de
nature différente. Il est clair que la Commission a
le pouvoir discrétionnaire de déterminer, dans
chaque cas, le type d'enquête qu'elle va mener et
de décider de tenir ou non une audition publique;
ce qui suffit à différencier ses devoirs en matière
d'enquête du devoir statutaire d'enquêter défini
par la Cour dans l'arrêt Magnasonic.
A mon avis, le droit prévu au paragraphe (3) de
l'article 27 de la Loi nationale sur les transports
permettant aux personnes visées par l'acquisition
proposée de s'y opposer au motif qu'elle restrein-
dra indûment la concurrence ou portera autrement
préjudice à l'intérêt public implique que l'enquête
menée conformément au paragraphe (4) doit
donner à ces personnes l'entière possibilité de s'y
opposer de façon efficace. Outre l'intérêt des ,per-
sonnes visées par l'acquisition proposée, il est,
comme l'a souligné le juge en chef dans l'arrêt
Magnasonic, dans l'intérêt public général d'accor-
der une possibilité de faire opposition d'une façon
efficace, car cela constitue le principal moyen dont
la Commission dispose pour parvenir à une déci-
sion ou une opinion sur la question de savoir si
l'acquisition proposée restreindra indûment la con
currence ou sera autrement préjudiciable à l'inté-
rêt public. Ce que représente dans un cas particu-
lier, l'entière possibilité de faire opposition de
façon efficace, dépend de la nature de l'opposition
et des questions qu'elle soulève. Dans certains cas,
une argumentation écrite suffira. Dans d'autres
cas, il pourra s'avérer nécessaire de présenter des
preuves, de permettre un contre-interrogatoire, et
par conséquent de tenir une audition. En l'espèce,
les appelants ont eu l'entière possibilité de présen-
ter à l'audition publique les preuves et arguments
motivant leurs oppositions. Ils allèguent cependant
que leur droit de faire opposition comportait néces-
sairement le droit de prendre connaissance de tous
les renseignements qui pouvaient causer un préju-
dice à leurs oppositions et d'y répondre.
Le droit de faire opposition est une chose; le
droit à une décision sur la question litigieuse
fondée sur les oppositions en est une autre. Bien
que la compétence de la Commission en vertu de
l'article 27 de la Loi soit subordonnée au dépôt
d'oppositions, ces dernières ne déterminent pas
l'étendue de la controverse dont la Commission est
saisie. Il est exact que la même terminologie sert à
décrire les motifs d'opposition et la question que la
Commission doit trancher. Toutefois, cela ne signi-
fie pas que la Commission ne peut rejeter l'acquisi-
tion proposée que si elle conclut au bien-fondé des
oppositions. Il se peut que sa décision résulte, non
pas des oppositions, mais de sa propre enquête et
de son examen de l'acquisition proposée. Une fois
que la Commission est saisie du dossier à la suite
d'une opposition, ses pouvoirs ne se limitent pas à
déterminer si l'oppposant a prouvé ses allégations.
Il ne s'agit pas de trancher un litige entre la partie
se proposant de conclure l'acquisition et l'oppo-
sant. Un opposant a droit à l'entière possibilité de
présenter son opposition de façon efficace sans
toutefois être fondé à répondre à tous les éléments
sur lesquels pourrait être basée la décision.
* * *
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement prononcés oralement par
LE JUGE SUPPLÉANT HYDE: Plusieurs personnes
intéressées, dont les deux appelants en l'espèce,
ayant fait opposition auprès de la Commission,
cette dernière était tenue, aux termes de l'article
27(4)a) de la Loi nationale sur les transports, de
... faire l'enquête, comprenant notamment la tenue d'auditions
publiques, qu'elle estime nécessaire ou souhaitable dans l'inté-
rêt du public.
et à la suite de cette enquête, la Commission était
autorisée par l'alinéa b) à ne pas reconnaître l'ac-
quisition proposée si, à son avis, l'acquisition
devait «restreindre indûment la concurrence ou
être par ailleurs préjudiciable à l'intérêt public».
Il est évident que la Commission n'est pas obli
gée de tenir une audition publique à moins qu'elle
ne l'estime nécessaire pour mener une enquête
suffisante pour décider si elle reconnaîtra ou non
l'acquisition.
S'il y a des auditions publiques, elles ne consti
tuent pas nécessairement le seul mode d'enquête,
comme l'indique clairement l'expression «compre-
nant notamment» relative aux auditions, à l'article
27(4)a).
La nature de la Commission est difficile à défi-
nir. En règle générale, il s'agit d'un organe consul-
tatif et d'un organe de contrôle chargé, entre
autres, d'entreprendre des études sur les divers
aspects du transport au Canada et d'en faire rap
port au Ministre des transports, conformément à
l'article 22 de la Loi'.
22. (1) Outre les pouvoirs, devoirs et fonctions que lui
attribuent la Loi sur les chemins de fer, la Loi sur l'aéronauti-
que et la Loi sur les transports, la Commission doit
a) faire enquête et rapport au Ministre sur les mesures à
prendre pour aider au développement économique sain des
divers moyens de transport relevant de la compétence du
Parlement;
b) entreprendre des études et des recherches sur les aspects
économiques de tous les moyens de transport à l'intérieur, à
destination ou en provenance du Canada;
c) faire enquête et rapport au Ministre sur les relations entre
les divers moyens de transport à l'intérieur, à destination ou
en provenance du Canada et sur les mesures qui devraient
être adoptées pour coordonner le développement, la régle-
mentation et la direction des divers moyens de transport;
d) exercer, en plus des fonctions qui lui sont dévolues par la
présente loi, telles autres fonctions qui peuvent, de temps à
autre, lui être légalement imposées relativement à tout
(Suite de la note de la page précédente)
moyen de transport au Canada, notamment la réglementa-
tion d'un tel moyen de transport et l'attribution des permis y
afférents, le contrôle des taux et tarifs et l'administration des
subventions votées par le Parlement pour un tel moyen de
transport;
e) faire enquête et rapport au Ministre sur les mesures
financières qui pourraient être nécessaires pour aider directe-
ment tout moyen de transport et sur la méthode d'adminis-
tration de toutes mesures qui peuvent être approuvées;
f) de temps à autre faire enquête et présenter au Ministre
des recommandations sur les politiques et les mesures écono-
miques qu'elle considère nécessaires et désirables en ce qui
concerne le fonctionnement de la marine marchande du
Canada, compte tenu des besoins du Canada dans ce
domaine;
g) établir des normes et des critères économiques de portée
générale devant servir à la détermination des investissements
fédéraux en matériel et installations à répartir entre les
divers moyens de transport et au sein de chacun d'eux, ainsi
qu'à la détermination des rendements financiers qu'il serait
souhaitable d'en obtenir;
h) faire enquête et conseiller le gouvernement au sujet de
l'équilibre d'ensemble entre les programmes de dépenses
entrepris par les ministères, les départements ou les organis-
mes du gouvernement pour fournir des installations et du
matériel de transport aux divers moyens de transport, et au
sujet des mesures visant à développer les revenus provenant
de l'utilisation des installations de transport - fournies ou
exploitées par tout ministère, département ou organisme du
gouvernement; et
i) collaborer aux aspects économiques des travaux des orga-
nismes intergouvernementaux, nationaux ou internationaux
qui s'occupent d'un moyen quelconque de transport relevant
de la compétence du Parlement et faire des enquêtes, des
examens et des rapports sur les effets et les exigences écono-
miques qui résultent de la participation aux conventions
internationales ou de leur ratification.
(2) La Commission peut procéder à des examens, faire des
constatations et tenir des registres ainsi que faire des rapports
appropriés au Ministre, au sujet
a) des services de navigation, entre ports canadiens et depuis
des ports du Canada jusqu'à des ports de l'étranger, qui sont
nécessaires pour maintenir et faire progresser normalement
le commerce intérieur et extérieur du Canada;
b) du type, de la dimension, de la vitesse et des autres
caractéristiques des navires qui sont et, de l'avis de la Com
mission, devraient être utilisés par ces services;
c) du coût de l'assurance maritime, de l'entretien et des
réparations, des salaires et de la subsistance des officiers et
hommes d'équipage et de tous autres articles de dépenses
afférents à l'exploitation des navires immatriculés au Canada
de même qu'au sujet de la comparaison entre ces frais et
ceux de navires analogues naviguant sous un autre pavillon;
d) de l'industrie des transports par eau et des entreprises et
services qui y sont directement rattachés;
(Suite à la page suivante)
Dans l'exercice de leurs fonctions, les Commis-
saires et le personnel de la Commission, acquièrent
sans aucun doute des connaissances considérables
et des archives imposantes qui leur sont utiles pour
traiter des questions qui lui sont confiées, comme
par exemple, en l'espèce, la formulation d'une
opinion aux termes de l'article 27(4)b).
Les oppositions soulevées en conformité de l'ar-
ticle 27(3), ont obligé la Commission à agir con-
(Suite de la page précédente)
e) des modalités et usages s'appliquant au transport par eau
des marchandises et des voyageurs à l'intérieur, à destination
ou en provenance du Canada;
f) des travaux des agences et organismes internationaux et
intergouvernementaux qui s'occupent de transport par eau de
marchandises et de voyageurs; et
g) des autres questions afférentes à la marine marchande
dont le Ministre peut lui demander de s'occuper ou dont la
Commission peut estimer qu'il est nécessaire de connaître
pour appliquer toute disposition ou réaliser toute fin de la
présente loi.
(3) La Commission doit
a) au nom du Ministre, exercer tels pouvoirs et remplir tels
devoirs ou fonctions dévolus au Ministre par la Loi sur la
marine marchande du Canada que le Ministre la charge
d'exercer ou de remplir; et
b) exercer les autres pouvoirs et remplir les autres devoirs ou
fonctions, relativement au transport par eau, qui lui sont
conférés ou qu'il lui est ordonné de remplir ou d'exercer par
ou en conformité de toute autre loi ou de tout décret du
gouverneur en conseil.
(4) Dans l'exercice des fonctions que lui attribue le présent
article, la Commission peut consulter les personnes, les organis-
mes et les autorités qui, à son avis, sont en mesure de l'aider à
formuler et à recommander la ligne de conduite à suivre et la
Commission peut nommer et consulter des comités représenta-
tifs de ces personnes, organismes et autorités.
(5) La Commission peut déléguer, en tout ou en partie, à
quelque autre organisme ou autorité ressortissant au pouvoir
législatif du Parlement du Canada, l'un quelconque de ses
pouvoirs ou fonctions en ce qui concerne la sécurité dans
l'exploitation de pipe-lines pour denrées, et l'organisme ou
l'autorité en question ayant fait l'objet d'une semblable déléga-
tion peut exercer les pouvoirs, et doit s'acquitter des fonctions,
ainsi délégués.
(6) Lorsqu'une personne qui transporte des marchandises
par un mode de transport autre que le chemin de fer exige une
taxe, exprimée sous forme d'une somme unique, pour le trans
port de marchandises en partie par un mode de transport et en
partie par un autre mode de transport, la Commission peut, en
vue de décider si une taxe imposée est contraire à quelque loi
du Parlement du Canada, sommer cette personne de lui décla-
rer sans délai, ou peut déterminer elle-même, quelle partie de
cette somme unique est imposée relativement au transport de
marchandises par le mode de transport utilisé par cette per-
sonne. 1966-67, c. 69, art. 15.
formément à l'article 27(4), mais l'«enquête» n'a
pas créé un débat contradictoire ni un lis inter
partes où les opposants avaient le droit d'exiger
que les dossiers soumis à la Commission (du type
décrit ci-dessus) leur soient remis pour examen et
inspection.
Avec tout le respect que je porte à la règle audi
alteram partem qui constitue un des piliers de
notre système judiciaire, on doit reconnaître qu'il
ne s'agit pas ici d'un processus judiciaire.
L'opinion du maître des rôles lord Greene dans
l'arrêt de la Cour d'appel anglaise, B. Johnson &
Co. (Builders) Ltd. c. Minister of Healthb étaye
fortement ma conclusion. Il s'agissait dans cette
affaire d'une demande présentée par certains pro-
priétaires fonciers visant l'annulation d'une ordon-
nance rendue en vertu du Housing Act, 1936, par
une autorité locale et confirmée par le ministre de
la Santé. Ils alléguaient que pour examiner leurs
oppositions, le Ministre était tenu d'agir selon un
processus quasi judiciaire et qu'il ne l'avait pas
fait, puisqu'il n'avait pas permis aux opposants de
prendre connaissance du contenu de la correspon-
dance qui lui avait été adressée avant l'ordon-
nance. Le tribunal de première instance (le juge
Henn Collins) annula l'ordonnance; le Ministre
interjeta appel et son pourvoi fut accueilli. La
situation du Ministre dans cette affaire ressemble
beaucoup à celle de la Commission telle qu'elle est
définie dans la Loi nationale sur les transports.
Les jugements du maître des rôles lord Greene et
du lord juge Cohen méritent d'être lus intégrale-
ment, mais je ne citerai que l'extrait suivant de
l'opinion de lord Green, aux pages 400-401:
[TRADUCTION] Les intimés ne nient pas que le Ministre, pour
décider de confirmer ou non une ordonnance d'expropriation,
est fondé à utiliser différents moyens pour se renseigner. En
d'autres termes, il n'est pas limité aux documents contenus dans
les oppositions—il n'est pas limité aux arguments, à la preuve,
aux considérations avancés par l'autorité locale en vue de
l'étude des oppositions ou invoqués par les opposants eux-
mêmes. Il est manifeste pour quiconque connaît la façon de
procéder des ministères que les questions d'intérêt public,
comme celle en l'espèce, font, ou peuvent faire constamment
l'objet d'étude et d'examen par le ministère responsable. Le
problème ne surgit pas du jour au lendemain, lorsque l'autorité
locale soumet une ordonnance d'expropriation pour confirma
tion. Les conditions de logement dans les grandes villes sont
continuellement à l'étude non seulement par un ministère mais
e [1947] 2 All E.R. 395.
par plusieurs. Il arrive que des renseignements soient reçus, des
rapports obtenus et que d'autres ministères fassent des repré-
sentations ou avancent des arguments de sorte que dans bien
des cas, il existe un dossier imposant contenant des renseigne-
ments dont une grande partie, sinon la totalité, porte sur une
demande particulière. Bien sûr, il serait absurde de dire que,
lorsqu'il décide de confirmer ou non l'ordonnance d'expropria-
tion, le Ministre ne doit tenir compte d'aucun renseignement ou
observation dont il a ainsi eu connaissance. Le présent litige
porte sur la prétendue obligation de divulguer des renseigne-
ments de cette nature. Il n'est pas injuste de dire qu'en règle
générale, la thèse selon laquelle le Ministre peut être tenu de
dévoiler à quiconque des renseignements de cette nature, qu'il
n'a obtenus qu'en sa qualité d'administrateur, est contraire à
toute notre conception du gouvernement dans ce pays.
Je ne prétends pas qu'à certaines étapes de
l'audition l'on n'atteigne pas une sorte de «lis»
entre les parties, auquel cas la règle «audi» peut
être invoquée pour assurer une audition équitable,
mais je suis convaincu qu'en l'espèce, à la lumière
du dictum de l'arrêt Johnson, on ne peut l'invo-
quer contre la Commission.
Pour ces motifs et pour les motifs plus complets
prononcés par Monsieur le juge Pratte, je rejette-
rais ces appels.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.