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A-63-75
Champlain Company Limited (Appelante) (Tierce saisie)
c.
La Reine du chef du Canada représentée par le ministre du Revenu national (Impôt) (Intimée) (Créancière saisissante)
et
Charles R. Stewart (Intimé) (Débiteur saisi)
Cour d'appel, le juge en chef Jackett, les juges Pratte et Le Dain—Toronto, les 8 et 12 mars 1976.
Impôt sur le revenu—Pratique—Appel d'une ordonnance définitive de saisie-arrêt—L'appelante prétend que l'affidavit est irrégulier—Règle 2300 de la Cour fédérale.
L'appelante prétend que la Division de première instance fait erreur en prononçant une décision elle rend une ordonnance définitive de saisie-arrêt parce que (1) l'affidavit ne suffit pas à justifier l'ordonnance rendue en vertu de la Règle 2300(1) parce que l'un des affidavits n'affirme pas qu'on croie en l'existence d'une créance et, puisque l'appelante n'était pas une personne se trouvant «au Canada» alors qu'il était essentiel que les affidavits spécifient l'existence d'une créance du débiteur saisi contre l'appelante pour laquelle le débiteur pourrait pour- suivre cette dernière au Canada, ils ne le font pas; de plus (2) l'appelante prétend que l'affidavit ne suffit pas à justifier l'uordonnance définitive de saisie-arrêt» parce qu'il n'établit pas l'existence d'une créance.
Arrêt: l'appel est accueilli et l'ordonnance est annulée. (1) L'affidavit en question fait ressortir à cet égard que la «tierce saisie» devait au débiteur saisi environ $750,000. Il n'est pas nécessaire que les affidavits portent expressément qu'il s'agit d'une créance pour laquelle la tierce saisie peut être poursuivie au Canada. La Règle 2300 n'exige pas expressément ni implici- tement qu'une action portant sur la créance au Canada soit une action dans laquelle on pourrait obtenir une ordonnance de signification ex fiels. (2) Les affidavits soumis à la Cour, lus avec les contre-interrogatoires, n'établissent même pas un com mencement de preuve de l'existence d'une créance. Bien que la demande d'ordonnance de saisie-arrêt présentée par la créan- cière saisissante afin d'obtenir le paiement à la Reine d'une créance due au débiteur saisi par la tierce saisie ne fût appuyée d'aucune preuve de l'existence de cette créance, la Règle 2300 ne semble pas permettre de rendre l'ordonnance susmentionnée. Subsidiairement, on peut conclure que la Règle 2300(1) exige que les affidavits à l'appui fournissent un commencement de preuve de l'existence d'une créance d'un montant déterminé et permet de rendre une ordonnance aux termes de laquelle le tiers saisi doit exposer les raisons qu'il pourrait avoir de ne pas payer. Cette interprétation semble imposer le fardeau de la preuve au tiers saisi. Toutefois, il n'est pas nécessaire de trancher cette question. L'ordonnance rendue conformément à la Règle 2300(1) n'a pas avisé l'appelante qu'elle devait «expo-
ser les raisons» qu'elle pourrait avoir de ne pas payer à la créancière saisissante la dette en question; l'ordonnance suivait le libellé de la formule que mentionne expressément la Règle et ordonnait à l'appelante de comparaître, la créancière ayant demandé que la tierce saisie lui paie la dette due par cette dernière au débiteur saisi. La demande que paraît envisager cette ordonnance met en jeu la Règle 319(2). Lorsqu'on a choisi cette procédure, on ne peut pas prétendre rejeter le fardeau de la preuve sur l'appelante. Sans une telle obligation et à défaut de présomption légale allant à l'encontre, le fait que l'appelante se soit abstenue de fournir des preuves ne peut justifier la Cour de rendre une ordonnance contre elle, même si elle était en mesure d'établir qu'elle n'était pas endettée envers le débiteur saisi, à supposer que ce fut le cas. Cette abstention ne peut pas être interprétée comme une preuve contre l'appe- lante puisque cette dernière n'avait rien à réfuter et que le fardeau de la preuve repose sur la créancière saisissante en tant que requérante.
Dans l'hypothèse une ordonnance peut être rendue en vertu de la Règle 2300(1) fondée sur des renseignements et sur la croyance générale en l'existence d'une telle dette, cette règle ne permet de rendre une ordonnance contre un tiers saisi enjoignant à ce dernier de payer le créancier saisissant, qu'en présence de preuves permettant à la Cour de conclure à l'exis- tence à l'époque en cause d'une créance du débiteur saisi contre le tiers saisi d'un montant égal ou supérieur au montant dont fait état l'ordonnance exigeant le paiement. La décision rendue dans l'arrêt Vinai! c. De Pass ne force pas à interpréter la Règle 2300 comme imposant au tiers saisi la charge de la preuve, charge qu'on ne trouve d'ailleurs pas dans cette Règle.
Enfin, il est douteux que le pouvoir d'établir des règles pour réglementer la procédure de la Cour aille jusqu'à permettre à la Cour d'établir une procédure selon laquelle une personne qui ne serait pas obligée vis-à-vis du débiteur saisi se verrait tenue de payer la dette constatée par jugement; de même, il semble contraire à notre conception de la justice naturelle de voir une disposition aux termes de laquelle une personne doit comparaî- tre en cour par suite d'une «demande» présentée par une autre et se voit forcée de réfuter des faits qui n'ont pas été portés à sa connaissance. Une disposition législative ne peut acquérir un effet que par ailleurs elle n'aurait pas parce que, dans un cas particulier, la Cour y subordonne une notion préalable de justice naturelle que la disposition elle-même ne mentionne ni expressément ni implicitement.
Arrêt examiné: Donohoe c. Hull Bros. & Co. (1894-95) 24 R.C.S. 683. Distinction faite avec l'arrêt: Vinall c. De Pass [1892] A.C. 90.
APPEL. AVOCATS:
J. A. Gamble pour l'appelante (tierce saisie). H. Erlichman pour l'intimée (créancière saisissante).
PROCUREURS:
Atlin, Goldenberg, Cohen, Gamble et Armel, Toronto, pour l'appelante (tierce saisie).
Le sous-procureur général du Canada pour l'intimée (créancière saisissante).
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement prononcés oralement par
LE JUGE EN CHEF JACKETT: Il s'agit d'un appel d'une décision de la Division de première instance rendant une «ordonnance définitive de saisie-arrêt» en vertu du chapitre F de la Partie VII des Règles de la Cour fédérale.
Voici un extrait du chapitre F:
Règle 2300. (1) Sur demande ex parte d'une personne qui est créancière aux termes d'un jugement (ci-après désignée sous le nom de «créancier saisissant»), appuyée par un affidavit indi- quant que le jugement n'a pas été exécuté et que la personne qui est débitrice aux termes du jugement (ci-après désignée sous le nom de «débiteur saisi»)
a) a une créance échue ou à échoir qui lui est due par une personne se trouvant au Canada, ou
b) a une créance échue ou à échoir qui lui est due par une personne ne se trouvant pas au Canada et que cette créance est une créance pour laquelle le débiteur saisi pourrait pour- suivre cette personne au Canada,
la Cour pourra ordonner que toutes les créances échues ou à échoir dues au débiteur saisi par ce tiers (ci-après appelé le «tiers saisi») soient saisies-arrêtées pour le paiement de la dette constatée par le jugement et que le tiers saisi expose, aux temps et lieu désignés, les raisons qu'il pourrait avoir de ne pas payer au créancier saisissant la dette qu'il a envers le débiteur saisi ou une fraction suffisante pour l'exécution du jugement. (Formule 64)
(2) Une ordonnance de saisie-arrêt rendue en vertu du para- graphe (1) aux fins d'exposer les raisons pour lesquelles il ne doit pas payer, doit obligatoirement être signifiée 7 jours au moins avant la date fixée pour la comparution du tiers saisi,
a) au tiers saisi, par voie de signification à personne, et,
b) sauf instructions contraires de la Cour, au débiteur saisi.
(3) Une ordonnance rendue en vertu du paragraphe (1) assujettit d'une charge les créances saisies-arrêtées à compter du moment de sa signification au tiers saisi.
(4) Si le tiers saisi reconnaît sa dette, il peut, sous réserve du paragraphe (6), consigner à la cour le montant de sa dette envers le débiteur saisi ou la partie d'icelle suffisante pour l'exécution de ce jugement, et en donner avis au créancier saisissant.
(5) Lorsque le tiers saisi n'a pas fait de consignation à la cour ainsi que le permet le paragraphe (4), la Cour pourra, s'il ne conteste pas la dette dont on le prétend débiteur envers le débiteur saisi ou s'il ne comparaît pas en application de l'ordon- nance de saisie-arrêt aux fins d'exposer ses raisons, rendre une ordonnance ayant pour objet le paiement de la dette au créan- cier saisissant ou la consignation à la cour du montant de la dette. (Formules 65 et 66)
(8) Lorsque le tiers saisi conteste l'obligation de payer la dette échue ou à échoir dont on le prétend débiteur envers le débiteur saisi, la Cour pourra juger la question en litige par procédure sommaire ou ordonner que tout point qui doit être tranché pour permettre de statuer sur l'obligation du tiers saisi soit instruit selon l'un des modes d'instruction applicables à tout point ou à toute question qui se pose dans une action.
Avant d'exposer les faits ayant conduit au juge- ment dont on appelle, il convient de résumer la partie pertinente de la Règle 2300. Si je ne me trompe, cette règle peut être ainsi résumée aux fins présentes:
1. En vertu du paragraphe (1) et sur demande ex parte, la Division de première instance pourra rendre ce qu'on pourrait appeler une ordonnance composée de saisie-arrêt et de justi fication (show cause) aux termes de laquelle
a) toutes les «créances échues ou à échoir» dues par un tiers (appelé tiers saisi) au débi- teur saisi seront «saisies-arrêtées» pour le paie- ment de la dette constatée par le jugement et
b) le tiers saisi doit «exposer» aux temps et lieu désignés, les raisons qu'il pourrait avoir de ne pas payer au créancier saisissant la dette qu'il a envers le débiteur saisi ou une fraction suffisante pour l'exécution du jugement.'
Une telle demande ex parte doit être appuyée d'un affidavit indiquant que la dette constatée par jugement n'a pas été payée et que le «tiers saisi» doit au débiteur saisi une «créance échue
1 Notons que, bien que le paragraphe (1) de la Règle 2300 lu seul permette de rendre une ordonnance de justification il contient entre parenthèses un renvoi à la «formule 64», dont la partie qui nous intéresse se lit ainsi:
Et il est ordonné que ledit tiers saisi comparaisse devant
la susdite Cour à le jour d 19 , à
heure(s) , ledit créancier saisissant ayant demandé que ledit tiers saisi lui paie la dette due par ce dernier audit débiteur saisi .... [Mis en italiques par mes soins.]
A ce sujet, voir la Règle 2(3) qui dit:
(3) Lorsque les présentes Règles font mention d'une «for- mule», cette mention doit s'interpréter comme une mention de ladite formule figurant à l'Annexe des présentes Règles et comme une directive à l'effet que le document mentionné à l'endroit se trouve la mention doit, sauf instructions contraires de la Cour suivre d'aussi près que possible le libellé de la formule.
ou à échoir». 2
2. En vertu du paragraphe (5), lorsqu'une telle ordonnance de saisie-arrêt et de justification a été rendue, la Cour peut rendre une ordonnance ayant pour objet le paiement de la «dette» du tiers saisi au créancier saisissant ou la consigna- tion à la Cour du montant de la dette. Une telle ordonnance ne peut être rendue que lorsque
a) le tiers saisi n'a pas, ainsi que le permet le paragraphe (4), volontairement consigné à la Cour le montant de sa dette envers le débiteur saisi, et
b) le tiers saisi
(i) ne conteste pas la dette dont on le pré- tend débiteur envers le débiteur saisi ou
(ii) ne comparaît pas en application de l'or- donnance de justification.
3. En vertu du paragraphe (8), lorsque le tiers saisi conteste l'obligation de payer la dette dont on le prétend débiteur envers le débiteur saisi, la Cour pourra notamment juger la question en litige par procédure sommaire; et si elle se pro- nonce contre le tiers saisi, elle a le pouvoir tacite de rendre une ordonnance comme celle envisa gée au paragraphe (5).
Si je comprends bien, aux fins présentes on peut résumer ainsi l'affaire en cause:
1. Le 12 décembre 1974, l'intimée (créancière saisissante) a déposé un avis de requête (visant notamment à obtenir une ordonnance ex parte conformément à la Règle 2300(1)) appuyé par les affidavits de John M. Jarrell, Graham R.' Garton et Harold R. Browne.
2. Le 16 décembre 1974, la Division de pre- mière instance a rendu une décision, dont le corps se lit comme suit:
[TRADUCTION] ORDONNANCE
Après lecture des affidavits de Harold R. Browne, John M. Jarrell et Graham R. Garton, tous déposés;
il est ordonné que toutes les créances échues ou à échoir dues par la tierce saisie susmentionnée au débiteur saisi susmentionné soient saisies-arrêtées aux fins de satisfaire un jugement obtenu contre ledit débiteur saisi par la créancière saisissante susnommée le 20' jour de septembre 1973 pour la somme de $208,429.61, ainsi que l'intérêt
2 Si le tiers saisi ne se trouve pas au Canada, il faut de plus que la créance soit une créance pour laquelle il pourrait être poursuivi au Canada par le débiteur saisi.
supplémentaire aux taux annuel de 6% sur la somme de $147,928.08 à partir du 16° jour de septembre 1973 jus- qu'à la date du paiement ainsi que les frais de procédure de la saisie-arrêt; ledit jugement n'ayant pu être exécuté, la somme totale reste due et impayée;
et il est ordonné que ladite tierce saisie comparaisse devant la susdite Cour au nouveau Palais de justice, avenue University, Toronto (Ontario) le 27° jour de janvier 1975 à 11 heures, ladite créancière saisissante ayant demandé que ladite tierce saisie lui paie la dette due par cette dernière audit débiteur saisi, ou une part de cette dette suffisante pour satisfaire le jugement, ainsi que les frais de procédures de la saisie-arrêt.
3. Le 15 janvier 1974, l'avocat de l'appelante (tierce saisie) a fait subir à Jarrell, Garton et Browne un contre-interrogatoire portant sur leurs affidavits.
4. Le 21 janvier 1975, l'appelante (tierce saisie) a déposé un avis de requête portant qu'à la date fixée dans le jugement du 16 décembre 1974, elle présenterait une demande visant à obtenir une ordonnance
1. radiant les paragraphes (3) et (4) de l'affidavit de Graham R. Garton déposé le 9 décembre 1974 en l'espèce au motif qu'ils ne satisfont pas aux exigences de la Règle 332(1) des Règles de la Cour fédérale du Canada; et
2. annulant l'ordonnance rendue par la présente cour le 16 décembre 1974 en l'espèce, au motif que la créancière saisissante n'a pas prouvé que le 16 décembre 1974 ni à aucune date ultérieure, le débiteur saisi était le créancier de la tierce saisie.
5. Les affidavits indiquaient notamment:
a) que le 20 septembre 1973, Sa Majesté avait obtenu un «certificat» ayant la même force et le même effet qu'un jugement' contre le débiteur saisi au montant de $208,429.61 plus intérêt, et que ce jugement n'avait pas été exécuté;
b) qu'en août 1973, le débiteur saisi avait accepté de transférer à l'appelante (tierce saisie) ses actions dans une autre compagnie moyennant la somme de $750,000 (sous réserve de rajustement) payable «par chèque ... à la clôture de l'acte»;
c) que le débiteur saisi avait prétendu tranfé- rer lesdites actions à l'appelante (tierce saisie);
Voir l'article 223 de la Loi de l'impôt sur le revenu.
d) que les fonctionnaires de l'intimée (créan- cière saisissante), bien qu'informés par un dirigeant de l'appelante (tierce saisie) que le montant convenu avait été versé, en dépit des recherches entreprises et des demandes pré- sentées, n'avaient pu obtenir la moindre preuve écrite que l'appelante (tierce saisie) avait payé le montant convenu pour les actions.
6. L'affidavit de Garton revêt une importance particulière et dit notamment:
[TRADUCTION] Je, GRAHAM R. GARTON, de la ville de Toronto, avocat, déclare sous serment ce qui suit:
1. Je suis employé au bureau régional de Toronto du ministère de la Justice du Canada et en cette qualité, je suis au courant des faits attestés dans les présentes.
2. L'affidavit de Harold R. Browne m'informe que le 20 septembre 1973, un certificat ayant la même force et le même effet qu'un jugement a été délivré contre le débiteur saisi, Charles R. Stewart.
3. Les affidavits de Harold R. Browne et de John M. Jarrell m'informent qu'il appert que la tierce saisie envisa gée, la Champlain Company Limited, doit audit Charles R. Stewart environ $750,000.
4. En me fondant sur lesdits affidavits, je crois réellement que la créancière saisissante a droit au montant à Charles R. Stewart par la Champlain Company Limited.
7. La Division de première instance, le 27 jan- vier 1975, a tranché la question de la façon suivante:
[TRADUCTION] ORDONNANCE
Une ordonnance de saisie-arrêt et de justification rendue sur demande ex parte est interlocutoire et à ce titre elle peut être accordée sur affidavit basé sur des renseignements et des croyances et pas nécessairement sur la connaissance personnelle du signataire.
Comme dans de telles circonstances, il faut indiquer d'où proviennent les renseignements et les croyances en cause, l'affidavit de Garton à l'appui de la, demande révèle clairement la source des siens.
En ce qui concerne l'ordonnance recherchée par la tierce saisie dans le paragraphe 2 de l'avis de requête:
Lors de l'audience qui lui était accordée aux fins d'ex- poser ses raisons, la tierce saisie, expressément invitée par la Cour soit à demander un ajournement pour fournir des preuves soit à prouver à la Cour que la créance n'était pas échue, a refusé de le faire.
La preuve démontre clairement l'existence de la dette de $750,000. Rien ne prouve qu'elle ait été acquittée. Les recherches entreprises par la créancière saisissante n'ont pas révélé la moindre trace d'un paiement; ses mandatai- res ont prié sans succès un dirigeant de la tierce saisie de fournir une preuve du paiement de la dette en question.
Dans les circonstances (le débiteur saisi ayant quitté le pays) la Cour n'hésite pas à conclure que selon toute probabilité, la tierce saisie doit encore à la créancière saisissante une somme de $750,000.
La requête de la tierce saisie est rejetée et une ordon- nance de saisie-arrêt définitive conforme à la Règle 2300 (formule 66) sera rendue. La créancière saisissante aura droit à ses dépens contre la tierce saisie.
8. Un jugement formel a été rendu le 27 janvier 1975, dont le corps se lit ainsi:
[TRADUCTION] Après avoir entendu les solicitors de la créancière saisissante et de la tierce saisie, personne n'ayant comparu pour le débiteur saisi bien qu'il ait dûment reçu signification, et lecture faite des affidavits de Harold R. Browne, John M. Jarrell et Graham R. Garton déposés dans l'action susdite et de l'ordonnance provisoire de saisie-arrêt rendue dans l'action susdite le 16' jour de décembre 1974, par laquelle il était ordonné que toutes les dettes échues ou à échoir de la tierce saisie susmentionnée envers le débiteur saisi susmentionné soient saisies-arrêtées pour satisfaire un jugement obtenu contre ledit débiteur par la créancière saisissante susnommée le 20e jour de septembre 1973 pour la somme de $208,429.61 ainsi qu'un intérêt annuel supplémentaire de 6% sur la somme de $147,928.08 à partir du 16' jour de septembre 1973 jus- qu'à la date du paiement ainsi que les frais de procédure de la saisie-arrêt; ledit jugement n'ayant pu être exécuté, la totalité de la somme reste due et impayée.
Il est ordonné que ladite tierce saisie verse immédiate- ment à ladite créancière saisissante la somme de $208,- 429.61 ainsi qu'un intérêt annuel supplémentaire de 6% sur le montant de $147,928.08 à partir du 16' jour de septembre 1973 jusqu'à la date du paiement, ainsi que les frais de procédure de la saisie-arrêt, représentant la partie de la dette de ladite tierce saisie envers ledit débiteur saisi qui suffit à satisfaire le jugement et qu'il soit loisible à ladite tierce saisie de conserver, sur le solde de sa dette envers le débiteur saisi, le montant de ses dépens pour les frais que lui ont occasionnés les procédures de saisie-arrêt.
On en appelle par les présentes du jugement susmentionné de la Division de première instance.
L'appelante (tierce saisie), dans la partie II de son exposé déposé devant la présente cour, résume comme suit ses objections au jugement de la Divi sion de première instance:
[TRADUCTION] 13. Le savant juge de première instance a fait erreur en rendant l'ordonnance définitive de saisie-arrêt parce que l'affidavit de Graham R. Garton, à l'appui de l'ordonnance de saisie-arrêt, ne se conformait pas aux dispositions des Règles 332(1) ou 2300(1) des Règles de la Cour fédérale pour les raisons suivantes:
(i) Le paragraphe 3 dudit affidavit n'a pas démontré que l'appelante (tierce saisie) avait envers l'intimé (débiteur
saisi) une dette échue ou à échoir mais démontrait plutôt qu'une créance paraissait ou semblait être échue;
(ii) Ledit affidavit n'exprimait aucune croyance relativement à l'existence de la dette;
(iii) Bien que les affidavits sur lesquels s'est appuyé ledit Graham R. Garton en rédigeant son affidavit daté le 5 décembre 1974 révèlent que l'appelante (tierce saisie) était une personne ne se trouvant pas au Canada, ledit affidavit de Graham R. Garton ne mentionne aucun renseignement ni aucune croyance voulant que la présumée créance soit une créance pour laquelle l'intimé (débiteur saisi) pourrait pour- suivre l'appelante (tierce saisie) au Canada.
14. Le savant juge de première instance n'a pas accordé suffi- samment de poids au témoignage dudit Graham R. Garton au cours du contre-interrogatoire.
15. Le savant juge de première instance a fait erreur en affirmant qu'il existait des preuves irréfutables de l'existence d'une créance de $750,000.
16. Le savant juge de première instance a fait erreur en statuant qu'il n'existait aucune preuve du paiement de la dette et il n'a attaché aucune importance aux endroits les fonc- tionnaires de l'intimée (créancière saisissante) ont entrepris des recherches dans le but d'obtenir la preuve que le prix d'achat avait été versé.
Si je ne me trompe, dans son plaidoyer devant la présente cour, l'avocat de l'appelante a argué:
a) que l'affidavit ne suffisait pas à justifier une ordonnance rendue en vertu de la Règle 2300(1) parce que
(i) dans son affidavit, Garton n'affirme pas sa croyance relativement à l'existence d'une créance du débiteur saisi contre l'appelante (tierce saisie), et
(ii) l'appelante (tierce saisie) n'étant pas une personne se trouvant «au Canada», il était essentiel que les affidavits spécifient l'exis- tence d'une créance du débiteur saisi contre l'appelante (tierce saisie) pour laquelle le débiteur pourrait poursuivre cette dernière au Canada. Or, rien dans les affidavits n'indi- quait que la présumée dette en était une de cette nature; et
b) que l'affidavit ne suffisait pas à justifier l'«ordonnance définitive de saisie-arrêt» parce qu'il n'établissait pas l'existence d'une créance du débiteur saisi contre l'appelante (tierce saisie).
A mon avis, il faut rejeter les objections de l'avocat de l'appelante lorsqu'il affirme que les affidavits ne suffisent pas à justifier l'ordonnance rendue conformément à la Règle 2300(1). Bien que le libellé de l'affidavit de Garton puisse laisser
à désirer, j'estime que le signataire y exprime l'opinion, fondée sur les autres affidavits, que la «tierce saisie» devait au débiteur saisi environ $750,000. 4 Cela étant, selon moi, il n'était pas nécessaire que les affidavits portent expressément qu'il s'agissait d'une créance pour laquelle la tierce saisie pourrait être poursuivie au Canada et on n'a fait valoir aucun empêchement à une telle action. 5 (La Règle n'exige pas expressément qu'une action portant sur la créance au Canada soit une action dans laquelle on pourrait obtenir une ordonnance de signification ex iuris, et je ne crois pas qu'on puisse l'interpréter comme impliquant qu'il faille démontrer cet état de choses. Il est presque tou- jours laissé à la discrétion de la Cour de rendre une telle ordonnance et je ne vois pas très bien comment on pourrait établir qu'une créance appar- tient à une catégorie justifiant une ordonnance de signification ex iuris dans l'éventualité une telle créance était l'objet d'une action au Canada. Quoi qu'il en soit, l'appelante n'a pas tenté de nous démontrer qu'une telle ordonnance ne pourrait être rendue dans une action fondée sur la présumée créance et intentée contre la tierce saisie au Canada.)
Il m'est plus difficile de trancher la question de savoir si ce qu'on appelle l'«ordonnance définitive de saisie-arrêt» est justifiée en l'espèce.
Tout d'abord en ce qui concerne cette question, j'estime que les affidavits soumis à la Cour, lus avec les contre-interrogatoires, n'établissent même pas un commencement de preuve de l'existence d'une créance du débiteur saisi contre l'appelante (tierce saisie). Il semble clair qu'on avait convenu de vendre des actions, le prix devant être versé moyennant le transfert des actions à la «clôture» de l'acte; et si on avait respecté les clauses de cette
4 On n'a pas prétendu que la Règle 2300(1) exige que les affidavits établissent les faits d'après lesquels la Cour conclue- rait à l'existence d'une dette de la tierce saisie envers le débiteur saisi et je n'exprime aucune opinion ni sur la question que soulèverait une telle prétention ni sur la conséquence qu'une telle interprétation du paragraphe (1) pourrait avoir sur le sens qu'il faut accorder à certaines autres parties de la Règle 2300.
Selon moi, d'une façon générale, l'objet de la compétence d'une cour supérieure n'est soumis à aucune restriction d'ordre géographique; habituellement, le problème est de retrouver le défendeur dans le territoire relevant de la compétence de la cour ou de lui signifier autrement le document introductif d'instance. On ne nous a cité aucune opinion contraire.
convention, le vendeur n'aurait jamais eu de créance contre l'acheteur. De plus, il semble que les actions aient été transférées et qu'un dirigeant de l'appelante (tierce saisie) ait dit aux fonction- naires de l'intimée (créancière saisissante) que le prix avait été versé. 6 Si la preuve se limitait à cela, il me semblerait évident que rien ne prouvait que l'appelante (tierce saisie) était endettée envers le débiteur saisi. Le seul élément de preuve qu'ait pu avancer l'avocat de l'intimée (créancière saisis- sante) à l'encontre de cette conclusion est le fait que les fonctionnaires de cette dernière n'ont pu obtenir, malgré leurs efforts en ce sens, aucun document de nature à prouver le paiement. J'es- time que l'absence de tels documents ne tend pas à prouver que le transfert des actions n'a pas eu lieu contre paiement, conformément à la seule conven tion dont l'existence soit établie et, plus particuliè- rement, ne tend pas à démontrer que le transfert a eu lieu contre la promesse de verser le prix à une date ultérieure. A défaut d'une modification en ce sens apportée à la convention initiale, je ne trouve aucun indice démontrant qu'une dette a pris nais- sance. Comparer Donohoe c. Hull Bros. & Co.'
Puisque la demande d'ordonnance de saisie-arrêt présentée par l'intimée (créancière saisissante) visant à obtenir le paiement à Sa Majesté d'une créance (ou partie de celle-ci) due au débiteur saisi par l'appelante (tierce saisie) n'était appuyée d'au- cune preuve de l'existence de cette créance, il ne me semble donc pas que la Règle 2300 permettait de rendre l'ordonnance susmentionnée.
Il y a toutefois une autre façon d'interpréter l'intention de la Règle 2300. On peut conclure que le paragraphe (1) de cette Règle exige que les affidavits à l'appui fournissent un commencement de preuve de l'existence d'une créance d'un mon- tant déterminé due au débiteur saisi par le tiers saisi et permet de rendre une ordonnance aux termes de laquelle le tiers saisi doit exposer les raisons qu'il pourrait avoir de ne pas payer au créancier saisissant cette dette (ou une partie de
6 Ce dernier fait n'a pas été expressément énoncé mais l'avo- cat de l'intimée (créancière saisissante) a indiqué, si je l'ai bien compris, que l'on doit interpréter ainsi le contenu des affidavits.
7 (1894-95) 24 R.C.S. 683.
celle-ci). Dans cette optique, il semble permis d'in- terpréter la Règle comme imposant au tiers saisi, lors de l'audition de la procédure aux fins d'expo- ser ses raisons, l'obligation de prouver qu'il ne devait pas, à l'époque pertinente, la dette en ques tion au créancier saisissant. J'estime toutefois que les faits en l'espèce n'imposent pas une conclusion à l'égard de la justesse de cette interprétation. Tout d'abord, comme je l'ai déjà dit, selon moi les affidavits à l'appui ne fournissent pas un commen cement de preuve de l'existence d'une telle créance. Ensuite, l'ordonnance rendue conformé- ment à la Règle 2300(1) n'a pas avisé l'appelante (tierce saisie) qu'elle devait «exposer les raisons» qu'elle pourrait avoir de ne pas payer à la créan- cière saisissante la dette en question (comme elle aurait pu y être obligée par les termes explicites de la Règle 2300(1)); l'ordonnance suivait le libellé de la formule que mentionne expressément la Règle et ordonnait à l'appelante (tierce saisie) de comparaître devant la Cour «ladite créancière sai- sissante ayant demandé que ladite tierce saisie lui paie la dette due par cette dernière audit débiteur saisi ... pour satisfaire le jugement.» La demande que paraît envisager cette ordonnance mettrait en jeu, à première vue, la Règle 319(2), qui dit:
(2) Une requête doit être appuyée par un affidavit certifiant tous les faits sur lesquels se fonde la requête sauf ceux qui ressortent du dossier; cet affidavit doit être déposé, et une partie adverse peut déposer un affidavit en réponse.
Lorsqu'on a choisi cette ligne de conduite, il me semble qu'on ne peut correctement prétendre que l'appelante (tierce saisie) était tenue de prouver qu'à l'époque pertinente, elle n'était pas endettée envers le débiteur saisi.
En l'absence d'une telle obligation - et à défaut de présomption légale allant à l'encontre, le fait que l'appelante (tierce saisie) se soit délibérément abs- tenue de fournir des preuves ne peut, à mon avis, justifier la Cour de rendre une ordonnance contre elle, même si elle était évidemment la partie en mesure d'établir qu'elle n'était pas endettée envers le débiteur saisi, à supposer que ce fut réellement le cas. Cette abstention délibérée de la part de l'appelante de fournir la preuve de faits dont elle avait connaissance aurait pu lui nuire en présence de preuves dans les deux sens; mais il ne me semble pas qu'on puisse interpréter cette absten tion comme une preuve contre l'appelante (tierce
saisie) puisque cette dernière n'avait rien à réfuter et que le fardeau de la preuve appartenait à l'inti- mée (créancière saisissante) en tant que requérante.
Prenant pour acquis, comme je le fais aux fins du présent appel compte tenu des positions adop- tées par les parties comme je les ai comprises, qu'une ordonnance puisse être rendue en vertu de la Règle 2300(1) fondée sur des renseignements et sur la croyance générale en l'existence d'une telle dette, à mon avis il ressort à première vue de la lecture de la Règle 2300 que celle-ci ne permet de rendre une ordonnance contre un tiers saisi enjoi- gnant à ce dernier de payer le créancier saisissant, qu'en présence de preuves permettant à la Cour de conclure à l'existence à l'époque en cause d'une créance du débiteur saisi contre le tiers saisi d'un montant égal ou supérieur au montant dont fait état l'ordonnance exigeant le paiement. Comme je l'ai déjà dit, selon moi, il n'y avait en l'espèce aucune preuve de l'existence d'une telle créance.
Il existe cependant une décision de la Chambre des lords (Vinall c. De Pass) 8 fondée sur une règle qui ne semble pas différente de la Règle 2300 en ce qui concerne la question du fardeau de la preuve; si je ne me trompe, cette décision se fonde sur le principe suivant: lorsqu'on a rendu contre le tiers saisi une ordonnance de saisie-arrêt «aux fins d'exposer les raisons» comme celle rendue en l'es- pèce en vertu de la Règle 2300, il lui incombe de prouver qu'il n'est en aucune façon endetté envers le débiteur saisi. S'il faut prendre pour acquis qu'on doit se conformer à cette décision pour interpréter la Règle 2300, je me verrais forcé de conclure qu'en vertu de cette règle, la charge de la preuve incombe au tiers saisi contre qui a été rendue l'ordonnance de saisie-arrêt «aux fins d'ex- poser ses raisons». Cependant, nonobstant la simili- tude entre les deux Règles, elles ne sont pas les mêmes, elles ont été édictées à des époques très différentes et je suis arrivé, non sans hésitation, à la conclusion que la décision de la Chambre des lords ne nous force pas à interpréter la Règle 2300
s [1892] A.C. 90.
comme imposant au tiers saisi la charge de la preuve, charge qu'on ne trouve d'ailleurs pas dans cette Règle.'
A mon avis, l'appel doit être accueilli avec dépens et l'«ordonnance définitive de saisie-arrêt» rendue contre l'appelante (tierce saisie) le 27 jan- vier 1975, doit être annulée.
Avant de terminer, je désire mentionner deux points qui, selon moi, ont leur importance relative- ment à l'interprétation qu'il faut accorder à la Règle 2300 dans des circonstances comme celles en l'espèce. Tout d'abord, n'oublions pas que la Règle 2300 n'a pas été édictée par le Parlement; elle a été édictée par les juges de la Cour dans l'exercice du pouvoir qui leur est conféré d'établir des règles pour réglementer la pratique et la procé- dure de la Cour. Voir les articles 46 et 56 de la Loi sur la Cour fédérale. Je ne doute pas qu'en vertu de ce pouvoir, la Cour peut établir une procédure qui contraigne le débiteur saisi à mettre ses biens (y compris les créances qui lui sont dues) à la disposition du créancier pour l'exécution du juge- ment prononcé contre lui. Je doute cependant que ce pouvoir aille jusqu'à permettre à la Cour d'éta- blir une procédure selon laquelle une personne qui ne serait pas obligée vis-à-vis le débiteur saisi se verrait tenue de payer la dette constatée par juge- ment. Deuxièmement, semble contraire à notre conception de la justice naturelle une disposition aux termes de laquelle une personne doit compa- raître en cour par suite d'une «demande» présentée par une autre personne et se voit forcée de réfuter des faits qui n'ont pas été portés à sa connaissance. De plus, j'estime qu'une disposition législative ne peut acquérir un effet que par ailleurs elle n'aurait pas parce que, dans un cas particulier, la Cour accorde à une condition suspensive de justice natu- relle une force que ne lui donne pas la disposition elle-même, ni expressément ni implicitement.
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9 Mes doutes sont encore plus grands à l'égard de la disposi tion expresse du paragraphe (5) de la Règle 2300 relative à une ordonnance ayant pour objet le paiement qui peut être rendue contre le tiers saisi qui n'a pas comparu.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement prononcés oralement par
LE JUGE PRATTE: Je suis d'avis qu'il faut tran- cher le présent appel de la façon que propose le juge en chef.
En réponse à l'ordonnance de justification, l'avo- cat de l'appelante s'est présenté devant la Division de première instance et a demandé l'annulation de l'ordonnance au motif [TRADUCTION] «que la créancière saisissante n'a pas prouvé que ... le débiteur saisi était le créancier de la tierce saisie». On a plaidé le présent appel en prenant pour acquis que l'appelante avait ainsi réfuté, au sens de la Règle 2300(8), son «obligation de payer la dette échue ... dont on le prétend débiteur envers le débiteur saisi». 10 Dans ces circonstances, le juge de première instance, en vertu de la Règle 2300(8), devait ordonner l'instruction d'un point litigieux ou juger la question de la dette de la tierce saisie par procédure sommaire. Après avoir choisi le second parti, j'estime qu'il devait rendre sa décision en se fondant sur la preuve dont il disposait. Comme l'a démontré le juge en chef, la preuve ne laissait même pas entendre que la tierce saisie était endet- tée envers la créancière saisissante. Ceci étant, à mon avis, on ne peut tirer aucune conclusion du fait que l'appelante (tierce saisie) ait omis de fournir la preuve qu'elle n'était pas endettée envers la créancière saisissante. Selon moi, il n'incombait pas à l'appelante (tierce saisie) de prouver l'inexis- tence de la dette. Elle était simplement tenue de réfuter les éléments de preuve présentés contre elle.
Pour ces raisons, j'estime comme le juge en chef, que la preuve soumise au juge de première ins tance ne justifiait pas une ordonnance définitive de saisie-arrêt.
Bien que je sois également d'accord avec le juge en chef qu'il ne faille pas accorder d'importance à l'argument étroit avancé par l'appelante selon lequel les affidavits déposés à l'appui de la demande d'ordonnance de justification ne satisfai- saient pas aux exigences de la Règle 2300(1)b), je
10 Sinon, j'aurais douté que la conduite de l'appelante ait été l'équivalent d'une contestation de son obligation. On peut cer- tainement soutenir qu'un tiers saisi ne conteste pas réellement son obligation de payer une dette en opposant tout simplement l'insuffisance de la preuve soumise contre lui par le créancier saisissant.
ne veux pas me prononcer sur le sens de la condi tion requise, voulant que la créance soit «une créance pour laquelle le débiteur saisi pourrait poursuivre cette personne au Canada». Pour sta- tuer sur l'argument de l'appelante sur ce point, il suffit de dire que la Règle n'exige pas que l'affida- vit contienne une déclaration explicite dans laquelle le signataire s'affirme convaincu qu'il s'agit d'une créance pour laquelle la tierce saisie pourrait être poursuivie au Canada.
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Ce qui suit est la version française des motifs du jugement prononcés oralement par
LE JUGE LE DAIN: Je suis également d'avis qu'il faut accueillir l'appel au motif qu'il n'existe aucune preuve de l'existence d'une créance due au débiteur saisi par la tierce saisie qui puisse justifier l'ordonnance de saisie-arrêt. Tout ce qu'on peut invoquer à l'appui de l'existence d'une dette est le fait que la tierce saisie n'a produit aucune preuve du paiement des actions. Je ne crois pas que cela suffise, dans les circonstances en l'espèce, à justi- fier une ordonnance définitive de saisie-arrêt. Dans la présente affaire, l'ordonnance de saisie-arrêt et de justification ne prouvait pas que la tierce saisie était endettée; elle n'avait donc rien à réfuter. Admettant, comme je le fais, que l'affidavit de Garton, quant à la forme, exprimait suffisamment la croyance en l'existence d'une créance, les sour ces de renseignement et les causes de cette croyance que révèle cet affidavit et dont font état les affidavits de Jarrell et Browne ne prouvent pas l'existence d'une dette mais elles laissent simple- ment supposer qu'il a eu clôture de l'acte comme le prévoit la convention d'achat et de vente, et que la tierce saisie a versé au débiteur saisi le paiement prévu à cet acte au moment de sa clôture et, de toute façon, avant la demande d'une ordonnance de saisie-arrêt provisoire. L'affidavit de Browne porte que le secrétaire-trésorier de la C.R. Stewart Equipment Limited l'a informé que le transfert des actions par le débiteur saisi à la tierce saisie avait eu lieu le 31 août 1974 et l'affidavit de Jarrell montre que Peterson, un dirigeant de la tierce saisie, l'a avisé en avril 1974 que le paiement des actions avait été effectué. Selon moi, le fait que Peterson n'ait pas fourni à un fonctionnaire de la créancière saisissante des preuves documentaires de ce paiement, bien qu'il se soit déclaré disposé à
le faire en réponse à une demande qui lui était présentée au cours d'une entrevue, et le fait qu'un fonctionnaire de la créancière saisissante n'ait pu trouver trace de ce paiement dans les comptes en banque connus au Canada et aux États-Unis du débiteur saisi ne permettent pas de conclure que la convention d'achat et de vente a été modifié pour reporter le paiement après la clôture. Au cours de son contre-interrogatoire, Jarrell a admis que les recherches ne se sont étendues à aucune banque de Grand Caïman, le paiement devait se faire selon les termes exprès de l'offre d'achat. En l'ab- sence d'une telle modification apportée à la con vention d'achat et de vente, il ne pouvait y avoir de créance échue. Donohoe c. Hull Bros. & Co. (1894-95) 24 R.C.S. 683. En toute déférence, j'estime que le savant juge de première instance a commis une erreur en concluant, comme il l'a fait, que «La preuve démontre clairement l'existence de la dette de $750,000.»
Selon moi, la difficulté en l'espèce réside dans la façon d'interpréter, à la lumière de la décision de la Chambre des lords dans l'affaire Vinai! c. De Pass [1892] A.C. 90, l'omission par la tierce saisie, à la suite de la demande d'ordonnance définitive de saisie-arrêt, de fournir des preuves du paiement conformément à la convention d'achat et de vente, bien que le juge de première instance l'ait priée de le faire. Dans l'affaire Vinai!, la Chambre des lords ainsi que la Cour d'appel étaient unanime- ment d'opinion que l'omission par le tiers saisi, de contester son obligation par une dénégation de dette faite sous serment, bien que la Cour l'ait prié de le faire, justifiait une ordonnance définitive de saisie-arrêt parce qu'elle établissait contre lui une présomption concluante de dette. Comme l'a dit le lord chancelier Halsbury la page 96]:
[TRADUCTION] Devant le maître des rôles et la Cour d'appel, l'appelant a délibérément refusé de rédiger un affidavit portant qu'il n'avait aucune autre dette et (j'abrège) qu'il ne possédait aucun autre bien dont il pourrait se servir pour exécuter le jugement, bien que la Cour d'appel ait différé le plaidoyer d'une semaine pour lui permettre de rédiger un tel affidavit s'il le jugeait à propos. Quelle est la conclusion inévitable? Qu'il existe d'autres dettes au moyen desquelles il peut exécuter le jugement. Il préfère s'en rapporter au savant et ingénieux plaidoyer de son avocat, qui a fait valoir devant nous tout ce qu'il pouvait dire en faveur de son client, plutôt que d'affirmer tout simplement qu'il ne devait aucune autre dette.
Je me suis demandé si cet extrait ne s'appliquait pas à la conduite de la tierce saisie en l'espèce. Il
est certainement étrange que cette dernière n'ait pas fourni de preuve du paiement conformément à la convention d'achat et de vente, bien que le juge de première instance l'ait priée de le faire. Selon moi cependant, on ne peut dire que la tierce saisie n'ait pas nié son obligation. Son avocat a contre- interrogé Browne, Jarrell et Garton au sujet de leurs affidavits à l'appui de la demande d'ordon- nance de saisie-arrêt provisoire et j'estime que ce contre-interrogatoire a indiqué qu'il n'existe aucune raison de croire à l'existence d'une créance échue. Browne a dit: [TRADUCTION] «J'ai raison de croire qu'elle n'a peut-être pas été payée.» (Mis en italiques par mes soins.) Jarrell a dit: [TRADUC- TION] «Tout comme je n'ai aucune preuve qu'il ait payé, je n'ai aucune preuve non plus du contraire.» Garton, qui est le seul à avoir attesté par affidavit sa croyance en la dette échue—et encore en des termes quelque peu équivoques ([TRADUCTION] «En me fondant sur lesdits affidavits, je crois réellement que la créancière saisissante a droit au montant à Charles R. Stewart par la Cham- plain Company Limited.»)—a dit: [TRADUCTION] «Le jour j'ai rédigé mon affidavit, il me sem- blait possible qu'une telle créance existât ....» (Mis en italiques par mes soins.) Compte tenu d'un tel dossier, on ne peut blâmer l'avocat de la tierce saisie, en présence de l'ordonnance de saisie- arrêt provisoire, d'avoir conclu qu'il n'avait aucune preuve de dette à réfuter; si l'on ajoute à cela le fait qu'il a présenté une demande visant à faire annuler l'ordonnance en question, à mon avis il est difficile de conclure que la tierce saisie n'a pas nié être endettée. Quoi qu'il en soit, il semble que le juge de première instance ait agi en prenant pour acquis que la tierce saisie avait nié l'existence de sa dette et qu'il ait jugé la question par procédure sommaire, selon la prépondérance des probabilités.
Lorsque, comme c'est le cas en l'espèce, les affidavits produits à l'appui de la demande ne démontrent pas, comme le requiert la Règle 2300, l'existence d'une créance échue, on ne peut com- bler cette lacune en concluant que, selon toute probabilité, l'omission par la tierce saisie de four- nir les preuves du paiement établit l'existence de la dette. S'il en était ainsi, une simple allégation voulant que la dette existe, sans même un com mencement de preuve à l'appui, suffirait à charger la tierce saisie du fardeau de la preuve. Je ne suis pas disposé à statuer que le raisonnement appliqué
dans l'arrêt Vinall, si persuasif soit-il dans le con- texte particulier de cette affaire, nous oblige à accorder à la Règle 2300 une telle interprétation.
Je ne me prononcerai pas sur le sens de l'alinéa (1)b) de la Règle 2300, voulant que la créance soit une créance pour laquelle le débiteur saisi puisse poursuivre le tiers saisi au Canada. En ce qui concerne cette exigence, l'avocat de l'appelante a prétendu que l'affidavit doit contenir une déclara- tion affirmant que la créance est de cette nature. J'estime qu'il suffit que l'affidavit révèle des faits permettant de conclure qu'il s'agit d'une créance de ce genre.
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