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T-4363-75
Paul Ernest Lambert (Demandeur)
c.
La Reine (Défenderesse)
Division de première instance, le juge Dubé— Ottawa, les 20 et 22 janvier 1976.
Incarcération Requête aux fins de radier la déclaration— Peine initiale de 5 ans—Surveillance obligatoire—Suspension de la surveillance obligatoire et réincarcération au péniten- cier—Nouvelle libération sous surveillance obligatoire Le demandeur sollicite un jugement déclaratoire portant qu'il a purgé sa peine initiale S'agit-il d'une déclaration vague et à laquelle il est impossible de répondre? Allègue-t-elle une violation de la Loi sur la libération conditionnelle de déte- nus?—Est-il interdit à la Cour d'accorder le redressement?— Loi sur la libération conditionnelle de détenus, S.R.C. 1970, c. P-2, art. 6, 15(1),(2), 16(1),(2), 20(1), 23 Loi sur les péniten- ciers, S.R.C. 1970, c. P-6, art. 22(1), 24(1) Règle 419 de la Cour fédérale.
Après avoir purgé quarante et un mois de sa peine de cinq ans, le demandeur était mis en liberté sous surveillance obliga- toire. Le 15 novembre 1974, sa surveillance obligatoire était suspendue et il était réincarcéré. Le 11 septembre 1975, on l'a libéré de nouveau sous réserve d'une surveillance obligatoire jusqu'au 14 juin 1976. Il cherche à obtenir un jugement déclaratoire portant qu'au 4 août 1975, la peine initiale du 4 août 1970 était purgée. La défenderesse demande, par voie de requête, la radiation de la déclaration aux motifs (1) que la déclaration est vague et qu'il est impossible d'y répondre; (2) qu'elle n'allègue pas une violation de la Loi sur la libération conditionnelle de détenus; et (3) que la Loi sur la libération conditionnelle de détenus interdit à la Cour d'accorder le redressement recherché.
Arrêt: la radiation de la déclaration est ordonnée et l'action est rejetée. (1) Quoique les lacunes rendent difficile la formula tion d'une défense, elles ne sont pas rédhibitoires. (2) Le demandeur affirme avoir à son crédit 578 jours de réduction de peine. L'article 20 de la Loi sur la libération conditionnelle de détenus prévoit, lorsque la libération conditionnelle est révo- quée, la réincarcération pour purger la partie non expirée, y compris la réduction de peine et la réduction de peine méritée. Le demandeur n'allègue aucunement que le 14 juin 1976 n'est pas conforme à cet article. La date du 4 août ne tient pas compte des événements relatés par le demandeur. De plus, d'après l'article 15(2), l'article 20 s'applique à un détenu assujetti à la surveillance obligatoire comme s'il était en liberté conditionnelle; la Commission des libérations conditionnelles a plein pouvoir sur le demandeur. (3) L'avocat du demandeur a soutenu qu'il y avait eu violation d'un principe de justice naturelle, ce qui laisse à entendre que cette cour devrait avoir compétence pour examiner et annuler la décision de la Com mission. Cette fonction relève de la compétence de la Cour d'appel en vertu de l'article 28 si la décision n'est pas de nature administrative. Enfin, le procureur général du Canada est la partie appropriée, et non la Reine.
Arrêts suivis: Howarth c. La Commission nationale des libérations conditionnelles (1975) 18 C.C.C. (2') 385 et « B„ c. Le ministère de la Main-d'oeuvre et de l'Immigra- tion [1975] C.F. 602.
REQUÊTE. AVOCATS:
K. E. Cartwright pour le demandeur. P. J. Evraire pour la défenderesse.
PROCUREURS:
Cartwright et Cartwright, Kingston, pour le demandeur.
Le sous-procureur général du Canada pour la défenderesse.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE DURÉ: Par requête conforme à la Règle 419 des Règles de la Cour fédérale, on demande une ordonnance de radiation de la décla- ration au motif qu'elle ne révèle aucune cause raisonnable d'action.
Selon ladite déclaration, le demandeur a été condamné le 4 août 1970 cinq ans de prison dans un pénitencier pour vol qualifié. Le 2 janvier 1974, après avoir purgé quarante et un mois de sa peine, il était mis en liberté sous surveillance obligatoire. Le 15 novembre 1974, sa surveillance obligatoire était suspendue et il était réincarcéré au péniten- cier de Kingston par suite de violations aux condi tions de sa libération conditionnelle sous surveil lance obligatoire. Il nie les violations alléguées et il déclare ne pas avoir eu l'occasion de consulter un avocat. On l'a libéré de nouveau, le 11 septembre 1975, en l'avertissant qu'il serait soumis à une surveillance obligatoire jusqu'au 14 juin 1976.
Il cherche donc à obtenir un [TRADUCTION] «jugement déclaratoire portant qu'au 4 août 1975, il avait purgé sa peine initiale de cinq ans à laquelle il avait été condamné le 4 août 1970, ou telle autre ordonnance que la présente cour estime- rait juste».
Il faut accepter les faits susmentionnés comme véridiques et prouvables aux fins de l'espèce. La Cour ne doit exercer son pouvoir discrétionnaire de radier une déclaration que lorsqu'il est évident que l'action n'a aucune chance de succès.
La défenderesse conteste la déclaration sur trois points: 1) elle est vague et il est impossible d'y répondre; 2) elle n'allègue aucune violation de la Loi sur la libération conditionnelle de détenus; 3) la Loi sur la libération conditionnelle de détenus interdit à la Cour d'accorder le redressement demandé.
Dans sa déclaration, le demandeur ne prétend pas qu'il avait droit à l'assistance d'un avocat ou à une audition, ni qu'il y a eu violation de la Loi sur la libération conditionnelle de détenus', ni qu'il a droit au redressement recherché; de plus, il n'indi- que pas pourquoi il devrait obtenir un jugement déclaratoire portant qu'au 4 août 1975, il avait purgé sa peine initiale de cinq ans.
Sans aucun doute, ces lacunes rendent très diffi- cile la formulation d'une défense qui répondrait adéquatement à des allégations qui ne sont pas présentées de façon formelle et dont il faut présu- mer l'existence. Cependant, ces lacunes ne sont pas nécessairement rédhibitoires, et l'on peut y remé- dier vraisemblablement en autorisant la modifica tion de la déclaration. De toute manière, l'avocat de la défenderesse attache plus d'importance à ses deux autres arguments fondés sur la Loi sur la libération conditionnelle de détenus.
Selon l'article 22(1) de la Loi sur les péniten- ciers', les prisonniers bénéficient d'une réduction statutaire de peine équivalant au quart de la sen tence et, selon l'article 24(1), ils peuvent bénéficier d'une réduction de peine méritée de trois jours par mois pour bonne conduite. Le demandeur affirme avoir à son crédit un total de 578 jours au titre des deux réductions de peine.
En vertu de l'article 15(1) de la Loi sur la libération conditionnelle de détenus, lorsqu'un détenu à qui la libération conditionnelle n'a pas été accordée est mis en liberté à la suite d'une réduc- tion de peine, il doit être assujetti à une surveil lance obligatoire pendant la durée de cette réduc- tion de peine. Mais l'article 16 de la Loi sur la libération conditionnelle de détenus autorise la Commission à suspendre et à révoquer la libération conditionnelle et à faire arrêter le détenu à liberté conditionnelle; c'est précisément ce qu'elle a fait. Voici les paragraphes 16(1) et 16(2):
S.R.C. 1970, c. P-2. 2 S.R.C. 1970, c. P-6.
16. (1) Un membre de la Commission ou toute personne qu'elle désigne peuvent, au moyen d'un mandat écrit, signé par eux, suspendre toute libération conditionnelle d'un détenu à liberté conditionnelle autre qu'une libération conditionnelle des obligations de laquelle le détenu a été relevé et autoriser son arrestation, chaque fois qu'ils sont convaincus que l'arrestation du détenu est nécessaire ou souhaitable en vue d'empêcher la violation d'une modalité de la libération conditionnelle ou pour la réhabilitation du détenu ou la protection de la société.
(2) Un détenu à liberté conditionnelle arrêté en vertu d'un mandat émis aux termes du présent article doit être amené, aussitôt que la chose est commodément possible, devant un magistrat. Ce dernier doit renvoyer le détenu sous garde jus- qu'à ce que la suspension de sa libération conditionnelle soit annulée ou que sa libération conditionnelle soit révoquée ou frappée de déchéance.
D'après l'article 20(1) de la Loi sur la libération conditionnelle de détenus, lorsque la libération conditionnelle accordée à un détenu a été révo- quée, celui-ci doit être envoyé de nouveau à son lieu d'incarcération antérieur pour purger la partie de sa peine d'emprisonnement qui n'était pas encore expirée au moment la libération condi- tionnelle lui était accordée, y compris toute période de réduction de peine, notamment la réduction de peine méritée. Voici le libellé de l'article:
20. (1) Lorsque la libération conditionnelle accordée à un détenu a été révoquée, celui-ci doit être envoyé de nouveau au lieu d'incarcération d'où il avait été autorisé à sortir et à rester en liberté au moment la libération conditionnelle lui était accordée, pour purger la partie de sa peine d'emprisonnement qui n'était pas encore expirée au moment la libération conditionnelle lui était accordée, y compris toute période de réduction de peine alors inscrite à son crédit, notamment la réduction de peine méritée, moins toute période passée sous garde par suite d'une suspension de sa libération conditionnelle.
Dans sa déclaration, le demandeur allègue qu'il a été renvoyé au pénitencier de Kingston, son lieu d'incarcération antérieur. Il n'allègue aucunement que la date du 14 juin 1976 n'est pas conforme aux dispositions de l'article susmentionné. La date du 4 août 1975, mentionnée dans la demande de juge- ment déclaratoire, coïncide avec la fin d'une peine uniforme et ininterrompue de cinq ans de prison purgée à partir du 4 août 1970, sans tenir compte des événements relatés par le demandeur dans sa déclaration ni des dispositions pertinentes de la Loi.
D'après l'article 15(2), l'article susmentionné s'applique à un détenu qui est assujetti à la surveil lance obligatoire comme s'il était un détenu à liberté conditionnelle et comme si les modalités de
sa surveillance obligatoire étaient des modalités de la libération conditionnelle.
Il appert donc clairement que la Loi confère à la Commission des libérations conditionnelles le pou- voir de traiter du cas du demandeur de la manière alléguée par celui-ci dans sa déclaration.
En troisième lieu, la défenderesse soutient que la Loi sur la libération conditionnelle de détenus interdit à cette cour de réviser les décisions de la Commission. L'article 6 de la Loi donne compé- tence exclusive à la Commission pour accorder ou révoquer la libération conditionnelle et l'article 23 prévoit que les décisions rendues en vertu de la présente loi ne sont susceptibles d'aucun appel ou d'aucune révision devant un tribunal.
6. Sous réserve de la présente loi et de la Loi sur les prisons et maisons de correction, la Commission est exclusivement compétente pour accorder, refuser d'octroyer ou révoquer la libération conditionnelle, et elle jouit d'une discrétion absolue à cet égard.
23. Un ordre donné, un mandat décerné ou une décision rendue en vertu de la présente loi n'est susceptible d'aucun appel à un tribunal ou une autre autorité, ou d'aucune révision par un tribunal ou une autre autorité.
L'avocat du demandeur, dans son plaidoyer oral, a soutenu qu'il y avait violation d'un principe de justice naturelle, ce qui laisse à entendre que cette cour devrait avoir compétence pour examiner et annuler les décisions de la Commission. Une telle révision relève de la compétence de la Cour d'appel fédérale en vertu de l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale 3 , si la décision de la Commission est autre qu'une décision de nature administrative qui n'est pas légalement soumise à un processus judi- ciaire ou quasi judiciaire. (Voir Howarth c. La Commission nationale des libérations condition- nelles 4 . )
Bien que naturellement peu disposé à accorder une ordonnance de radiation d'une déclaration, je n'ai pas le choix en l'espèce, puisqu'il est parfaite- ment évident que le demandeur n'a pas de cause d'action ni n'indique dans sa déclaration en avoir une.
3 S.R.C. 1970, (2' Supp.) c. 10 modifié par 1973-74, c. 17,
art. 8; 1974-75, c. 18.
a (1975) 18 C.C.C. (2') 385.
L'avocat de la défenderesse suggère que le pro- cureur général du Canada aurait être désigné comme partie défenderesse, et non Sa Majesté la Reine. Le savant jugement de mon collègue le juge Addy dans l'affaire «B» c. La Commission d'en- quêtes appuie ce point de vue.
ORDONNANCE
Par les présentes, j'ordonne la radiation de la déclaration et le rejet de l'action avec dépens à la requérante, si elle les réclame.
5 [1975] C.F. 602.
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