A-201-75
Monsanto Company (Appelante) (Demanderesse)
c.
Le commissaire des brevets (Intimé) (Défendeur)
•
Cour d'appel, les juges Pratte, Heald et Urie—
Ottawa, les 14 et 15 avril 1976.
Compétence—Brevets—Renonciation—Refus d'enregistre-
ment par le commissaire—Affaire allant à l'encontre d'une
décision établie—La Division de première instance a estimé
que la décision du commissaire était de nature quasi judiciaire
et que le redressement relevait d'un examen judiciaire et non
pas d'un bref de mandamus Compétence de la Cour d'appel
pour l'examen judiciaire—Appel—Loi sur les brevets, S.R.C.
1970, c. P-4, art. 51 Loi sur la Cour fédérale, art. 28.
L'appelante, titulaire d'un brevet canadien, voulait faire
enregistrer par le commissaire des brevets une «renonciation»
conformément à l'article 51 de la Loi sur les brevets. Le
commissaire a refusé. La Division de première instance a refusé
de décerner un bref de mandamus lui enjoignant de le faire, au
motif qu'elle n'était pas compétente pour accorder un redresse-
ment par voie de bref de mandamus. Le commissaire relève
d'un «office» etc., cette décision de nature administrative est
légalement soumise à un processus judiciaire ou quasi judiciaire
et la Cour d'appel est compétente pour entendre et juger une
demande d'examen et d'annulation du refus du commissaire
présentée conformément à l'article 28(1). L'appelante a inter-
jeté appel.
Arrêt: l'appel est accueilli. Le refus par le commissaire
d'enregistrer la renonciation ne constitue pas une décision au
sens de l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale. L'article 21
de la Loi sur les brevets n'autorise pas le commissaire à rendre
une décision et il ne lui confère aucun pouvoir discrétionnaire; il
l'oblige simplement à enregistrer certains documents. Si le
commissaire n'exécute pas ce devoir, un bref de mandamus
peut être émis à son encontre. La Division de première instance
a cependant eu raison de désapprouver le refus opposé par le
commissaire d'enregistrer des renonciations qui ne portent pas
sur une ou plusieurs revendications complètes. L'article 51
n'autorise pas le titulaire d'un brevet à renoncer aux revendica-
tions d'un brevet d'invention, mais à renoncer à des éléments
d'une invention. Le droit du titulaire d'un brevet de déposer une
renonciation ne peut dépendre de la rédaction du brevet d'in-
vention. Le jugement de la Division de première instance est
annulé et il est décerné un bref de mandamus.
Arrêt appliqué: Bay c. La Reine [1974] 1 C.F. 523.
APPEL.
AVOCATS:
D. Watson, c.r., et B. Morgan pour
l'appelante.
G. W. Ainslie, c.r., pour l'intimé.
PROCUREURS:
Gowling & Henderson, Ottawa, pour
l'appelante.
Le sous-procureur général du Canada pour
l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement de la Cour prononcés oralement par
LE JUGE PRATTE: Le jugement dont il est inter-
jeté appel' a rejeté une demande de bref de man-
damus enjoignant l'intimé d'enregistrer une renon-
ciation déposée par l'appelante en vertu de l'article
51 de la Loi sur les brevets.
Le juge de première instance a estimé que l'in-
timé aurait dû enregistrer la renonciation de l'ap-
pelante. Cependant, à son avis, le refus de l'intimé
représentait une décision «légalement soumise à un
processus judiciaire ou quasi judiciaire» au sens de
l'article 28 (1) de la Loi sur la Cour fédérale; il a
donc rejeté la demande de l'appelante au motif que
l'article 28(3) interdit à la Division de première
instance de connaître de toute procédure relative à
une telle décision.
Comme nous l'avons déclaré à l'audience, nous
pensons que le juge de première instance n'aurait
pas dû parvenir à une telle conclusion. Le refus
opposé par le commissaire des brevets d'enregistrer
une renonciation prévue à l'article 51 de la Loi sur
les brevets n'est pas une décision au sens de l'arti-
cle 28 de la Loi sur la Cour fédérale (voir Bay c.
La Reine [1974] 1 C.F. 523). L'article 51 n'auto-
rise pas le commissaire à prendre une décision et il
ne lui confère aucun pouvoir discrétionnaire; il
l'oblige simplement à enregistrer certains docu
ments. Si le commissaire n'exécute pas ce devoir,
un bref de mandamus peut être émis à son
encontre.
Le commissaire a refusé d'enregistrer la renon-
ciation de l'appelante au seul motif qu'il est con-
traire à sa politique d'enregistrer des renonciations
qui ne portent pas sur une ou plusieurs revendica-
tions complètes. Le juge de première instance a
exprimé son désaccord avec cette politique; il
pense en effet qu'elle repose sur une interprétation
erronée de l'article 51. Nous sommes d'accord
avec lui sur cette question. L'article 51 n'autorise
•
[1975] C.F. 197.
pas le titulaire d'un brevet à renoncer aux revendi-
cations d'un brevet d'invention, mais à renoncer à
des éléments d'une invention. A notre avis, le droit
du titulaire d'un brevet de déposer une renoncia-
tion ne peut dépendre de la rédaction du brevet
d'invention.
Pour ces motifs, l'appel est accueilli; le jugement
de la Division de première instance est annulé et il
est décerné un bref de mandamus enjoignant l'in-
timé d'enregistrer la renonciation que lui a sou-
mise l'appelante le 26 novembre 1973.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.