T-2514-75
Marcel Provost (Demandeur)
c.
La Reine (Défenderesse)
Division de première instance, le juge Marceau—
Montréal, le 19 février; Ottawa, le 25 février 1976.
Impôt sur le revenu—Déductions—Le demandeur voulait
déduire certains frais de «prospection et de recherche de
nouveaux clients» qu'il aurait été forcé d'assumer pour rem-
plir les charges de son emploi—Loi de l'impôt sur le revenu,
S.R.C. 1952, c. 148, art. 5(1)b)v), 11(6),(9) et (9a).
Le demandeur était chef de publicité et il devait en outre
s'efforcer d'attirer de nouveaux clients, lorsqu'il lui était possi
ble de le faire. Il devait passer 75 à 80 pour cent de son temps
au bureau, mais il lui fallait aussi aller à l'extérieur rencontrer
des clients déjà acquis ou simplement possibles ou éventuels. A
son salaire fixe pouvait s'ajouter un bonus (si les bénéfices de la
compagnie le permettaient), dans lequel était comprise une
allocation hebdomadaire de $25 pour la «recherche de nou-
veaux clients». Par ailleurs, tous les frais de déplacements et de
représentation qu'exigeaient les clients réguliers de la maison
'devaient lui être intégralement remboursés. Le demandeur a dû
rendre compte d'un salaire qui incluait l'allocation hebdoma-
daire de $25; il a donc prétendu pouvoir déduire de son revenu
global, pour en déterminer la partie imposable, les frais d'auto-
mobile et de représentation pour la recherche de nouveaux
clients. Il a fait valoir que cette partie de ses fonctions pouvait
être séparée des autres fonctions, et qu'elle caractérisait même
l'ensemble, l'assujettissant ainsi à l'article 11(9).
Arrêt: l'appel est rejeté, les conditions strictes et cumulatives
de l'article 11(9) n'ont pas été remplies. Il faut considérer
l'emploi occupé comme un tout. Le demandeur était un salarié
non rémunéré par des commissions et n'était pas ordinairement
tenu d'exercer ses fonctions ailleurs qu'au lieu d'affaires de son
employeur. Tous les ans il était remboursé intégralement des
frais que lui avaient occasionnés ses rapports avec les clients de
la compagnie, ce à quoi était consacré l'essentiel de ses activi-
tés. Ces remboursements n'ont pas été inclus dans le calcul de
ses revenus conformément à l'article 5(1)b)(v).
APPEL en matière d'impôt sur le revenu.
AVOCATS:
M. Provost pour lui-même.
H. Richard pour la défenderesse.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour la
défenderesse.
Voici les motifs du jugement rendus en français
par
LE JUGE MARCEAU: Le demandeur en appelle
de la décision de la Commission de révision de
l'impôt, qui lui a refusé le droit de déduire dans le
calcul de son revenu pour les années 1969, 1970 et
1971, certains «frais de prospection et de recherche
de nouveaux clients» qu'il aurait été forcé d'assu-
mer pour remplir les charges de son emploi, et qui
se seraient élevés la première année à $1,979.06, la
seconde à $2,311.90 et la troisième à $1,383.64.
Bien que simples, non sérieusement contestés et
d'ailleurs attestés par la preuve, les faits soulèvent
un problème d'interprétation et d'application des
articles 5(1)b)(v), 11(6) et 11(9) et (9a) de la Loi
de l'impôt sur le revenu telle qu'elle était alors en
vigueur (S.R.C. 1952, c. 148).
Le demandeur était à l'emploi d'une maison
montréalaise spécialisée dans le montage de pro
grammes de publicité, Maurice Watier Publicité
Ltée. Sa tâche essentielle était celle de chef de
publicité (account supervisor) et en cette qualité,
secondé par une équipe, il conseillait les clients de
la maison et voyait à la satisfaction des obligations
que cette dernière avait assumées à leur égard.
Mais il devait en outre, lorsqu'il lui était possible
de le faire, s'efforcer d'attirer de nouveaux clients.
La grande partie de son temps normal de travail
(75 80 pour cent), il devait la passer au bureau,
mais il lui fallait aussi aller à l'extérieur rencontrer
des clients déjà acquis ou simplement possibles ou
éventuels. Sa rémunération avait été établie sur la
base d'un salaire fixe, auquel pouvait s'ajouter un
bonus annuel «si les profits de la compagnie le
permettaient>, et dans lequel était comprise une
allocation de $25 par semaine ajoutée en considé-
ration des dépenses de «recherche de nouveaux
clients» qu'il pourrait avoir à assumer. Par ailleurs,
tous les frais de déplacement et de représentation
qu'exigeaient les clients réguliers de la maison
devaient lui être intégralement remboursés sur pré-
sentation de pièces justificatives.
En préparant ses rapports d'impôt, le deman-
deur n'a naturellement pas tenu compte des frais
qui lui avaient été remboursés par son employeur
sur présentation de pièces, mais il lui fallut rendre
compte d'un salaire qui incluait l'allocation de $25
par semaine. C'est alors qu'il prétendit pouvoir
déduire de son revenu global pour en déterminer la
partie imposable, les frais d'automobile et ceux
dits généralement de représentation que la recher-
che de nouveaux clients lui avait effectivement
occasionnés. Raisonnant en apparence comme si la
partie de ses fonctions consacrée à la recherche de
nouveaux clients, non seulement pouvait s'isoler
des autres parties, mais même caractériser l'en-
semble, il s'efforça de soutenir qu'il se trouvait
dans les conditions qu'exigeait la Loi en son article
11(9) pour qu'un salarié fut admis à déduire des
frais de cette nature.'
A mon avis, les conditions strictes et cumulati-
ves de l'article 11(9) n'étaient pas acquises. L'em-
ploi occupé par le demandeur devait être considéré
comme un tout, même si une partie de la rémuné-
ration y attachée avait été déterminée en considé-
ration de frais spéciaux occasionnés par certaines
des tâches accessoires qu'il comportait. Le deman-
deur était un salarié non rémunéré par des com
missions. Il n'était pas ordinairement tenu d'exer-
cer ses fonctions ailleurs qu'au lieu d'affaires de
son employeur. Il fut à chaque année intégrale-
ment remboursé des frais que lui avaient occasion-
nés ses rapports avec les clients de la compagnie,
ce à quoi était consacré l'essentiel de ses activités
en tant que chef de publicité, et ces rembourse-
ments ne furent pas inclus dans le calcul de ses
revenus en conformité du sous-alinéa (v) de l'ali-
néa b) du paragraphe (1) de l'article 5 de la Loi.
L'appel devra donc être rejeté avec dépens.
Article 11(9):
11. (9) Lorsqu'un fonctionnaire ou employé, dans une année
d'imposition,
a) était ordinairement tenu d'exercer les fonctions de son
emploi ailleurs qu'au lieu d'affaires de son employeur ou à
différents endroits,
b) était tenu, aux termes de son contrat d'emploi, d'acquitter
les frais de voyage que lui occasionnait l'accomplissement des
fonctions de sa charge ou de son emploi, et
c) ne touchait pas une allocation pour frais de voyage non
comprise, en raison du sous-alinéa (v), (vi) ou (vii) de l'alinéa
b) du paragraphe (1) de l'article 5, dans le calcul de son
revenu, et n'a pas réclamé de déduction pour l'année aux
termes du paragraphe (5), (6) ou (7),
il peut être déduit, dans le calcul de son revenu provenant de sa
charge ou de son emploi pour l'année, nonobstant les alinéas a)
et h) du paragraphe (1) de l'article 12, les montants qu'il a
dépensés pendant l'année pour fins de voyage dans le cours de
son emploi.
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