A-212-75
Santa Maria Shipowning and Trading Company
S.A. (Intimée) (Demanderesse)
c.
Hawker Industries Limited (Défenderesse)
et
Bethlehem Steel Corporation (Appelante) (Défen-
deresse)
Cour d'appel, le juge en chef Jackett, le juge Urie
et le juge suppléant Hyde—Halifax, le 6 février
1976.
Compétence Droit maritime Pratique—La Division de
première instance a-t-elle exercé â tort son pouvoir discrétion-
naire pour déterminer si la déclaration devait être radiée au
motif qu'elle ne révélait pas une cause d'action relevant de sa
compétence?—L'appelante prétend que toute la cause contrac-
tuelle d'action se situe hors du Canada—La compétence de la
Cour est-elle implicitement limitée aux questions prenant
naissance dans son ressort géographique?—Loi sur la Cour
fédérale, art. 22(2)n) et la Règle 419.
L'appelante interjette appel d'une décision de la Division de
première instance statuant que la déclaration révélait une cause
d'action et qu'il fallait trancher la question de compétence à
partir des faits constatés par le juge de première instance.
L'appelante prétend que toute la cause contractuelle d'action se
situe géographiquement hors du Canada et ne relève pas de la
compétence de la Division de première instance. Cet argument
est fondé sur une restriction implicite qui limiterait l'objet de la
compétence d'un tribunal à une question qui prendrait nais-
sance à l'intérieur de son ressort géographique.
Arrêt: l'appel est rejeté. La déclaration allègue l'existence
d'un contrat et son inexécution et on a semblé plaider l'affaire
de manière à permettre la preuve de faits qui feraient rentrer la
revendication dans le cadre de l'article 22(2)n) de la Loi sur la
Cour fédérale. Vu l'absence de jurisprudence, la Cour n'est pas
convaincue que la compétence en matière d'amirauté soit sou-
mise à des limitations géographiques implicites. En l'absence de
limitation expresse, il n'y a pas de raison de conclure à l'exis-
tence de limitations géographiques implicites à la compétence
de la Cour si ce n'est la nécessité de remettre une assignation à
un défendeur à l'intérieur du ressort géographique de la Cour,
sauf si l'on obtient la permission de délivrer une assignation ex
juris. Deuxièmement, la plaidoirie relative à la cause d'action
est si ambiguë que le juge de première instance pouvait con-
clure que la question de compétence serait tranchée lorsque les
faits véritables seraient établis.
Arrêts analysés: La Reine c. Wilfrid Nadeau Inc. [1973]
C.F. 1045; Oy Nokia Ab c. Le navire «Martha Russo
[1974] 1 C.F. 410; Antares Shipping Corporation c. Le
navire «Capricorn» (non publié, C.S.).
APPEL.
AVOCATS:
G. Black, c.r., et P. J. MacKeigan pour
l'appelante.
D. A. Kerr, c.r., pour l'intimée.
D. S. McInnes pour la défenderesse.
PROCUREURS:
Daley, Black, Moreira & Piercey, Halifax,
pour l'appelante.
Ste',vart, MacKeen & Covert, Halifax, pour
l'intimée.
McInnes, Cooper & Robertson, Halifax, pour
la défenderesse.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement prononcés oralement par
LE JUGE EN CHEF JACKETT: Il s'agit d'un appel
relatif à un jugement de la Division de première
instance.
Le 20 février 1975, l'intimée, la Santa Maria
Shipowning and Trading Company, déposait à la
Division de première instance une déclaration dans
laquelle elle désignait la Hawker Industries Limit
ed (ci-après appelée «Hawker») et l'appelante, la
Bethlehem Steel Corporation, comme défenderes-
ses.
Cette déclaration situe le siège social de l'inti-
mée au Liberia, son établissement principal aux
Bermudes et, à l'époque qui nous intéresse, elle
indique que l'intimée est la propriétaire enregistrée
du navire Santa Maria. De plus, selon la déclara-
tion, la Hawker et l'appelante exploitent chacune
une entreprise qui construit et répare des navires,
mais la première a un établissement à Halifax
tandis que la seconde a son siège social aux États-
Unis. Voici le corps de la déclaration, du moins
dans la mesure où cela me semble pertinent en
l'espèce:
[TRADUCTION] 4. Vers le 5 décembre 1972, la «SANTA MARIA«
essuie de fortes avaries causées par la glace et par une tempête
au cours d'un voyage sur lest de New York (E.-U.) à Botwood
(Terre-Neuve). La perte du gouvernail constitue le principal
dommage causé au navire, ce qui laisse celui-ci avec une mèche
inférieure brisée mais encore en place. Remorqué jusqu'à Hali-
fax, le navire en cause y arrive le 21 décembre 1972. Ce jour-là,
la demanderesse conclut avec la Hawker un accord selon lequel
le navire pénètre dans la cale sèche de la Hawker située à
Halifax afin de subir une inspection. Le navire a, de façon
évidente, besoin d'une nouvelle mèche inférieure et d'un nou-
veau gouvernail. L'American Bureau of Shipping, société de
classification qui représente l'intimée et la Salvage Association
de Londres, pour le compte des assureurs sur corps du navire,
prépare certaines spécifications relatives au travail envisagé.
Au cours de l'audition de la présente action, nous renverrons à
ces spécifications que des inspections supplémentaires ont par la
suite modifiées de temps à autre afin de leur donner pleine
valeur et effet. La demanderesse a communiqué ces spécifica-
tions à la Hawker et les deux ont alors conclu un contrat selon
lequel la Hawker s'engageait à exécuter l'ouvrage requis.
5. La Hawker a préparé des esquisses du nouveau gouvernail et
de la nouvelle mèche inférieure. La Hawker a alors commandé
le forgeage de la mèche inférieure à la Trenton Steel Company
de Trenton (Nouvelle-Écosse) et elle a ensuite envoyé cette
mèche forgée à la Bethlehem afin de l'usiner. Pour obtenir cet
usinage de la mèche inférieure, la fabrication d'un nouveau
gouvernail et l'assemblage approprié du gouvernail et de la
mèche inférieure, la demanderesse a conclu un contrat avec la
Bethlehem (contrat que nous invoquerons au cours de l'audition
de la présente action afin de lui donner pleine valeur et effet).
Vers le 10 avril 1973, la Bethlehem terminait cet ouvrage et
envoyait, par transport routier, le nouveau gouvernail et la
mèche inférieure, assemblés et munis d'aiguillots et de chevilles
de pattes à partir de Hoboken (New Jersey) jusqu'à Halifax, où
la Hawker les a reçus à son chantier le 13 avril 1973.
6. La «SANTA MARIA» (amarrée à Halifax et inactive depuis son
arrivée) pénétrait dans la cale sèche de la Hawker le 12 avril
1973; quand la Hawker a reçu le nouveau gouvernail et la
mèche inférieure à son chantier, elle a essayé de les assembler à
la «SANTA MARIA». En conséquence de son propre manque de
soins (dont les détails sont ci-après exposés), la Hawker n'a pu
installer le gouvernail malgré plusieurs essais au cours des sept
semaines subséquentes. En fin de compte, le 1r juin 1973, la
demanderesse annulait de façon expresse son contrat avec la
Hawker, par suite du manque de soins et de l'incapacité de
cette dernière à accomplir le travail en cause; le lendemain, le
navire ayant à son bord le nouveau gouvernail et la mèche
inférieure, quittait Halifax en se faisant remorquer à destina
tion du chantier de la Bethlehem à Hoboken (New Jersey) où
elle accostait le 5 juin 1973. La Bethlehem a alors entrepris
l'installation du gouvernail et de la mèche inférieure et ce
travail a été complété le 14 juin 1973.
7. La demanderesse affirme que la Bethlehem s'est présentée
comme une experte dans la fabrication et l'usinage de gouver-
nails et de mèches inférieures, ce qui justifiait la demanderesse
de se fier aux connaissances techniques de la Bethlehem comme
elle l'a fait.
8. La demanderesse affirme que la Hawker s'est présentée
comme une experte dans la réparation de navires et spéciale-
ment dans l'installation et le montage appropriés de gouvernails
et de mèches inférieures, ce qui justifiait la demanderesse de se
fier aux connaissances techniques de la Hawker comme elle l'a
fait.
9. La demanderesse affirme que la Bethlehem n'a pas exercé
l'habileté et la diligence qu'elle s'était engagée à manifester
dans l'usinage et la fabrication de cette mèche inférieure et de
ce gouvernail, et qu'à cet égard elle a fait preuve d'un manque
de soins dont le résultat a été la livraison à la demanderesse (et
(ou) à la Hawker) d'un gouvernail et d'une mèche inférieure
mal ajustés et non conformes aux plans et aux spécifications
susmentionnées ou dont les écarts dans les dimensions excé-
daient ceux qui sont considérés comme raisonnables dans le
métier.
10. La demanderesse affirme que la Hawker n'a pas exercé
l'habileté et la diligence dont elle s'était engagée à faire preuve,
qu'elle a manqué de soins dans ses tentatives de préparer le
navire à recevoir le nouveau gouvernail et la nouvelle mèche
inférieure et qu'elle est responsable d'avoir bousillé cet
ouvrage,....
11. De plus, la demanderesse affirme que la main-d'oeuvre, le
matériel et les services de réparation de navire fournis par la
Hawker étaient imparfaits et insuffisants à tel point que la
demanderesse a dû faire sortir le navire du chantier de la
Hawker et, au prix d'importantes dépenses supplémentaires,
faire exécuter le travail par la Bethlehem dans le New
Jersey ....
12. La demanderesse soutient que les défenderesses sont res-
ponsables solidairement des pertes et (ou) des dommages nés
du manque de soins dont elle se plaint ou qui lui sont attribua-
bles. Voici la liste des dommages-intérêts spéciaux réclamés:
a) Paiement à la Bethlehem pour la mise en cale
sèche, l'installation et l'assemblage du gouvernail
et de la mèche inférieure, résultant directement
de l'impuissance de la Hawker à exécuter le
travail relié au contrat $ 78,100.00
b) Paiement du remorquage de Halifax à Hoboken 25,000.00
c) Dépenses d'exploitation du navire pendant le
remorquage-3 jours à $1,700 par jour 5,100.00
d) Perte des revenus de charte-partie entre le 1°"
mai 1973 (date la plus tardive à laquelle la
Hawker devait compléter le travail) et le 14 juin
1973 (date où la Bethlehem a complété le travail)
en plus des 3 jours de remorquage, soit un total
de 48 jours à $1,200 par jour 57,600.00
e) Dépenses d'exploitation du navire pendant 48
jours à $1,100 par jour 52,800.00
f) 150 tonnes de combustible à $30 la tonne 4,`500.00
TOTAL $223,100.00
La demanderesse réclame un jugement qui condamne solidai-
rement les défenderesses au paiement des dommages-intérêts
spéciaux susmentionnés et qui en prévoit la fixation; elle
réclame en outre des dommages-intérêts généraux, des intérêts
conformément à la pratique de cette cour et les dépens de ces
procédures.
Le 20 février 1975, la Division de première
instance délivrait une ordonnance ex parte qui
autorisait l'intimée à signifier un avis de la décla-
ration à l'appelante aux États-Unis. Cette ordon-
nance a été délivrée en vertu de la Règle 307, dont
'voici un extrait:
Règle 307. (1) Lorsqu'un défendeur, qu'il soit citoyen cana-
dien, sujet britannique ou étranger, est à l'extérieur du ressort
de la Cour, qu'il soit dans un des dominions de Sa Majesté ou
dans un pays étranger, la Cour, sur demande, appuyée par
affidavit ou autre preuve indiquant que, à la connaissance du
déposant, le demandeur a une bonne cause d'action, et indi-
quant en quel lieu ou pays se trouve certainement ou probable-
ment ce défendeur, pourra rendre une ordonnance (Formule 5)
à l'effet qu'un avis de la déclaration peut être signifié au
défendeur dans le lieu ou pays ou dans les limites géographi-
ques que la Cour jugera à propos de prescrire. (Formule 6). 1
Le 11 avril 1975, un avis de requête à présenter
le 22 avril 1975 était déposé au nom de l'appe-
lante; il sollicitait une ordonnance qui lui permet-
trait [TRADUCTION] «d'enregistrer une comparu-
tion conditionnelle qui lui donnerait le droit de
contester la signification de l'avis de déclaration et
la compétence de cette cour à son égard.» A l'ap-
pui de sa requête, l'appelante déposait le même
jour un affidavit dont voici un extrait:
[TRADUCTION] 2. Vers le 20 février 1975, la demanderesse
intentait la présente action contre les défenderesses;
3. Vers le 18 février 1975, le procureur de l'appelante faisait
une demande ex parte au juge qui présidait la Cour fédérale à
Ottawa dans l'intention d'obtenir une ordonnance qui lui per-
mettrait de signifier un avis de déclaration ex juris à la
défenderesse, la Bethlehem Steel Corporation, à Hoboken
(New Jersey), États-Unis d'Amérique;
4. En cette affaire, je reçois mes instructions de H. M. McCor-
mack, l'un des procureurs qui représentent la Bethlehem Steel
Corporation;
5. Selon ledit H. M. McCormack, et je le crois vraiment, entre
le 20 février 1975 et aujourd'hui, un employé de la Bethlehem
Steel Corporation recevait la signification d'un avis de la
déclaration;
6. La déclaration ci-incluse allègue l'existence, entre la deman-
deresse et la défenderesse, la Bethlehem Steel Corporation,
d'un contrat en vue de l'usinage d'une mèche inférieure, la
fabrication d'un nouveau gouvernail et d'un assemblage conve-
nable de l'un et de l'autre;
7. J'ai reçu une copie du contrat auquel la déclaration du 23
janvier 1973 semble renvoyer; il se présente comme une offre
faite par la Bethlehem Steel Corporation et acceptée par la
demanderesse. Une copie de ce contrat est ci-jointe et porte la
lettre «A»;
8. En apparence, ce contrat a été conclu entre la Bethlehem
Steel Corporation de Hoboken (New Jersey) et la Santa Maria
Shipowning and Trading Co. de Hamilton aux Bermudes;
9. Dans la déclaration, les paragraphes 7 et 9 constituent le
seul autre renvoi à la défenderesse, la Bethlehem Steel Corpo
ration; en effet, la demanderesse y allègue que la Bethlehem
Steel Corporation s'est présentée comme une experte dans la
fabrication et l'usinage de gouvernails et de mèches inférieures,
ce qui justifiait la demanderesse de se fier aux connaissances
techniques de la Bethlehem comme elle l'a fait. Dans le para-
1 L'article 46(1)a)(vii) de la Loi sur la Cour fédérale consti-
tue le fondement de cette Règle.
graphe 9, la demanderesse affirme que la Bethlehem n'a pas
exercé l'habileté et la diligence qu'elle s'était engagée à mani-
fester dans l'usinage et la fabrication de cette mèche inférieure
et de ce gouvernail, et qu'à cet égard elle a fait preuve d'un
manque de soins dont le résultat a été la livraison à la deman-
deresse d'un gouvernail et d'une mèche inférieure mal ajustés et
non conformes aux plans et aux spécifications ou dont les écarts
dans les dimensions excédaient ceux qui sont considérés comme
raisonnables dans le métier;
10. Selon ledit H. M. McCormack, et je le crois vraiment, la
Bethlehem n'exploite pas d'entreprise au Canada;
11. La Cour fédérale du Canada n'a pas compétence en l'es-
pèce sur la défenderesse, la Bethlehem Steel Corporation, vu les
motifs mentionnés dans les paragraphes précédents. En outre,
on n'allègue pas d'inexécution de contrat ou manque de soins de
la part de la défenderesse, la Bethlehem Steel Corporation, ou
de ses employés, qui serait survenu à l'intérieur du ressort de
cette cour;
12. La défenderesse, la Bethlehem Steel Corporation, veut
faire annuler la signification de l'avis de déclaration qu'on lui a
délivrée;
13. En dehors de ce qui précède, la défenderesse, la Bethlehem
Steel Corporation, fait valoir que, même si la signification de
l'avis de la déclaration a été régulièrement autorisée, cette cour
n'a pas compétence sur l'objet de la réclamation exercée contre
la Bethlehem Steel Corporation puisqu'il ne relève d'aucun des
domaines de compétence de la Cour fédérale du Canada.
La pièce jointe à cet affidavit est une lettre en date
du 23 janvier 1973 envoyée par l'appelante à l'inti-
mée, «A l'attention de: P. A. Margaronis»; voici le
corps de cette lettre:
[TRADUCTION] Objet: S.S. «SANTA MARIA»
Messieurs,
Nous consentons par la présente lettre à exécuter l'ouvrage
que voici, conformément à l'usage admis dans la marine, exposé
dans nos spécifications ci-jointes datées du 23 janvier 1973,
sous la réserve des modifications apportées par la clause géné-
rale précitée, moyennant:
QUATRE-VINGT-SEPT MILLE QUATRE CENTS DOLLARS -($87,400)
et à terminer cet ouvrage en CINQUANTE-SIX (56) JOURS DE
CALENDRIER;
OU
moyennant:
QUATRE-VINGT-TREIZE MILLE QUATRE CENTS DOLLARS
($93,400)
et à terminer cet ouvrage en QUARANTE-HUIT (48) JOURS DE
CALENDRIER.
LIVRAISON: Franco à bord, Hoboken Yard, Hoboken (New
Jersey).
On a écrit ceci au verso de la lettre: [TRADUC-
TION] «Autorisé à se mettre au travail suivant la
CLAUSE DES (48) JOURS DE CALENDRIER» (cela
semble signé par Margaronis); voici le texte d'un
document joint à cette lettre:
[TRADUCTION] Le 23 janvier 1973
SANTA MARIA SHIPOWNING & TRADING CO.
B.P. 501
Hamilton, Les Bermudes
OBJET: S.S. «SANTA MARIA»
FABRICATION DE GOUVERNAIL ET USINAGE DE MÈCHE
INFÉRIEURE
Fabriquer un (1) gouvernail conformément à l'esquisse S2968
de la Bethlehem de Hoboken.
Usiner le gouvernail en tenant compte de la surface de la patte,
de la rainure de clavetage et de l'alésage de six (6) chevilles de
pattes.
Usiner le gouvernail en tenant compte des deux (2) aiguillots,
l'aléser afin de l'effiler et usiner les surfaces intérieures et
extérieures de l'embase.
Prendre livraison de la mèche inférieure fournie par la proprié-
taire «dans l'état où elle est déjà forgée» et du bras actuel
provenant du gouvernail du navire.
Usiner la mèche en conformité avec la troisième feuille de
l'esquisse HD -453 préparée par la Halifax Shipyards.
Fournir et installer une bague d'assemblage en bronze sur la
mèche inférieure, comme l'indique l'esquisse précitée.
Munir le haut de la mèche avec un piton à oeil.
Ajuster la partie supérieure de la mèche afin de l'assembler
avec la barre de gouvernail existante ainsi que fournir, ajuster
et installer la rainure de clavetage.
Assembler la patte de la mèche avec la patte correspondante du
gouvernail.
Aléser et élargir les six (6) chevilles de pattes.
Fournir et assembler les six (6) chevilles de pattes et les écrous.
Fournir et ajuster la rainure dans la patte.
Fournir et assembler avec le gouvernail deux (2) aiguillots
complets munis de bagues d'assemblage en bronze et d'écrous.
Décaper le gouvernail et l'enduire d'une première couche de
peinture.
Enduire d'une couche protectrice les surfaces des pattes, l'alé-
sage des accessoires d'aiguillots, les aiguillots, les chevilles de
pattes et les surfaces usinées de la mèche.
Le 21 avril 1975, un affidavit était déposé au nom
de l'intimée; il se lisait ainsi:
[TRADUCTION] Je, HUGH K. SMITH de Halifax, comté de
Halifax (Nouvelle-Écosse), déclare sous serment ce qui suit:
1. Je suis le procureur de la demanderesse.
2. La défenderesse, la Hawker Industries Limited, a intenté
une action contre la demanderesse vers le 21 août 1973.
3. La preuve présentée dans l'affaire Hawker Industries Lim
ited c. Santa Maria Shipowning and Trading Company S.A. et
autres sera la même que celle employée dans la présente action.
4. Donald A. Kerr, c.r., susnommé et résident de Halifax, est le
procureur de la demanderesse, la Santa Maria Shipowning and
Trading Company S.A., dans cette action intentée par la
Hawker Industries Limited.
5. M° Kerr m'a informé, et je le crois vraiment, avoir mené, le
jeudi 17 avril 1975, l'interrogatoire préalable d'un certain
Jeffrey Jordan, surintendant mécanicien à la Halifax Shipyards
pour le compte de la Hawker Industries Limited.
6. Le sténographe officiel qui a pris note de l'interrogatoire
préalable de Jordan le 17 avril 1975, m'a aujourd'hui délivré
une copie conforme de cet interrogatoire. La série de questions
et réponses qui proviennent de cet interrogatoire préalable se
trouvent ci-jointes en annexe «A».
Les questions et réponses jointes à cet affidavit
indiquent que, selon le dirigeant de la Hawker
interrogé au cours de l'action intentée par celle-ci
contre l'intimée, l'appelante avait fourni un gou-
vernail ou une mèche inférieure qui avaient [TRA-
DUCTION] «quelque chose qui n'allait pas» et, en
conformité avec l'usage établi dans les chantiers de
construction, celle-ci avait envoyé un représentant
afin de [TRADUCTION] «déterminer ce qui n'allait
pas» et [TRADUCTION] «essayer de le réparer».
Le 21 avril 1975, la Division de première ins
tance rendait verbalement une ordonnance qui se
lit notamment ainsi:
[TRADUCTION] La déclaration en l'espèce est fondée du point
de vue contractuel et extra-contractuel. Selon moi, elle révèle
une cause d'action, mais ses allégations devraient être plus
spécifiques. Puisque aucune défense n'a été déposée, la deman-
deresse doit déposer une déclaration modifiée, ce qu'elle s'est
engagée à faire au cours des 7 prochains jours.
J'estime aussi que la question de compétence doit être résolue
d'après les faits qui seront débattus. Donc, le juge de première
instance doit d'abord trancher ce qui se rattache aux faits.
En conséquence, la requête est rejetée parce qu'elle est
prématurée, mais la défenderesse, la Bethlehem Steel Corpora
tion, aura droit aux dépens de cette requête.
Le 28 avril 1975, l'intimée déposait une «décla-
ration modifiée».
Le 28 avril 1975, l'appelante déposait un avis
d'appel à l'encontre de l'ordonnance de la Division
de première instance du 21 avril 1975.
Une des difficultés à propos de cet appel pro-
vient du fait que, apparemment, l'ordonnance de la
Division de première instance faisant l'objet de
l'appel ne dispose pas seulement de la demande
dont avis écrit apparaît au dossier. A cet égard, au
terme de l'audition de l'appel, les avocats de l'ap-
pelante et de l'intimée ont déposé devant cette cour
un document dont voici le contenu:
CONVENTION:
1. La délivrance de l'ordonnance de signification ex juris du
juge Heald n'a suscité aucun appel.
2. Le juge Cattanach a accueilli sans formalité la requête de la
Bethlehem qui visait à déposer une comparution conditionnelle
puis, il a invité les avocats à traiter de la question relative à la
compétence de la Cour sur la Bethlehem.
3. Le juge Cattanach a conclu que la déclaration révélait une
cause d'action contre la Bethlehem.
4. Le juge Cattanach a conclu qu'il fallait trancher la question
de compétence à partir des faits constatés par le juge de
première instance.
Le présent appel porte sur les conclusions énoncées dans les
paragraphes 3 et 4 ci-dessus.
Autant que je sache, le seul moyen préliminaire
permettant de décider si une déclaration révèle une
cause d'action contre un défendeur (à part une
demande d'ordonnance qui vise à trancher une
question de droit avant l'audience), c'est une
demande aux fins de radier la déclaration opposée
à la défenderesse au motif qu'elle ne révèle aucune
cause d'action contre celle-ci, aux termes de la
Règle 419(1)a) que voici:
Règle 419. (1) La Cour pourra, à tout stade d'une action
ordonner la radiation de tout ou partie d'une plaidoirie, avec ou
sans permission d'amendement, au motif
a) qu'elle ne révèle aucune cause raisonnable d'action ou de
défense, selon le cas,
En l'occurrence, je présume que le jugement dont
on fait appel rejetait une demande présentée orale-
ment par l'appelante et qui visait à radier la
déclaration de l'intimée au motif qu'elle ne révélait
pas, contre l'appelante, une cause d'action qui
serait du ressort de la Division de première ins
tance. J'envisage de statuer sur l'appel en me
fondant sur cette présomption, ce qui a pour effet
de rendre toute preuve inadmissible en vertu de la
Règle 419(2) que voici:
(2) Aucune preuve n'est admissible sur une demande aux
termes du paragraphe (1)a).
L'appel doit donc porter sur la question de savoir
si la Division de première instance a mal exercé
son pouvoir discrétionnaire pour déterminer si la
déclaration opposée à l'appelante et considérée
dans sa forme initiale devait être radiée à la suite
d'une demande présentée en vertu de la Règle
419(1)a) 2 .
En premier lieu, il faut signaler que la déclara-
tion allègue effectivement l'existence d'un contrat
entre l'appelante et l'intimée ainsi que son inexécu-
tion par l'appelante; et, comme l'a en fait reconnu
l'avocat de l'appelante, on a semblé plaider l'af-
faire de manière à permettre la preuve de faits qui
z L'arrêt La Reine c. Wilfrid Nadeau Inc. [1973] C.F. 1045,
examine la façon d'aborder ce genre d'appel.
feraient entrer la revendication présentée contre
l'appelante dans le cadre de l'article 22(2)n) de la
Loi sur la Cour fédérale que voici:
22. (2) Sans restreindre la portée générale du paragraphe
(1), il est déclaré pour plus de certitude que la Division de
première instance a compétence relativement à toute demande
ou à tout litige de la nature de ceux qui sont ci-après
mentionnés:
n) toute demande née d'un contrat relatif à la construction, à
la réparation ou à l'équipement d'un navire;
Néanmoins, selon l'argumentation de l'appe-
lante (et c'est le seul véritable argument avancé
par celle-ci au cours des débats devant cette cour),
il appert, suivant la déclaration, que toute la cause
contractuelle d'action ainsi invoquée se situe géo-
graphiquement hors du Canada et que, par consé-
quent, cette cause d'action ne relève pas de la
compétence d'un tribunal canadien et, en particu-
lier, n'est pas du ressort de la Division de première
instance. Si je comprends bien, cet argument est
fondé sur une restriction implicite qui limiterait
l'objet de la compétence d'un tribunal à une ques
tion qui prendrait naissance à l'intérieur des limi-
tes géographiques où la Cour peut exercer sa
compétence.
Ni l'un ni l'autre des avocats des parties n'ont
pu nous renvoyer à une jurisprudence qui penche-
rait d'un côté ou de l'autre au sujet de cette
limitation implicite de compétence. La jurispru
dence relative à la signification ex juris et à la
ratification des jugements étrangers ne peut, me
semble-t-il, nous être d'un grand secours sur le
sujet; néanmoins, il est à noter que cette cour, dans
l'arrêt Martha Russ 3 , a clairement établi qu'elle
ne tranchait pas cet appel sur une question de
«compétence» pour autoriser une signification ex
juris; de même, la décision de la Cour suprême du
Canada dans l'arrêt Antares Shipping Corpora
tion c. Le navire «Capricorn» rendue le 30 janvier
1976, a prévu une signification ex juris dans une
affaire où la cause d'action ne semblait pas plus
située au Canada que ne l'est, selon le point de vue
adopté par l'appelante, la cause d'action en l'es-
pèce. (D'après moi, dans ce dernier arrêt, la ques
tion relative à la «compétence» de la Cour semble
encore sujette à examen.)
3 [1974] 1 C.F. 410.
Vu l'absence de jurisprudence directement reliée
à la question, je ne suis pas convaincu que les
litiges relatifs à la compétence d'amirauté soient
soumis à des limitations géographiques implicites.
Dans une affaire d'amirauté (et, autant que je
sache, dans toute autre affaire présentée devant
n'importe quel tribunal), quand il n'existe pas de
limitation expresse, il n'y a pas de raison de con-
clure à l'existence d'autre limitation géographique
implicite de la compétence de la Cour que celle
relative à la nécessité de remettre une assignation
à un défendeur à l'intérieur du ressort géographi-
que de la Cour, sauf si une autorité compétente
donne la permission de délivrer une assignation ex
juris.
En conséquence, je ne suis pas convaincu qu'il
faille, en vertu de la Règle 419(1)a), annuler la
déclaration déposée contre l'appelante parce que la
cause d'action invoquée contre celle-ci ne relève-
rait pas de la compétence de la Division de pre-
mière instance. Pour ce motif, j'estime qu'il faut
rejeter l'appel avec dépens.
De toute façon, à mon avis, même si, comme le
soutient l'appelante, l'article 22(2)n) apporte une
limitation géographique à la compétence de la
Division de première instance, j'estime que la Cour
a à bon droit exercé son pouvoir discrétionnaire en
rejetant la demande. La plaidoirie relative à la
cause de l'action a été présentée de façon si ambi-
guë qu'il aurait été loisible à l'intimée de prouver
l'existence d'un contrat qui devait être exécuté en
partie au Canada et d'en prouver l'inexécution
totale ou partielle au Canada. Cela étant, il était
loisible selon moi au savant juge de première ins
tance d'adopter l'opinion, ce qu'apparemment il a
fait, que la question de compétence ne doit être
décidée que lorsque, dans le cours ordinaire des
choses, les faits véritables seront établis. Pour ce
motif aussi, j'estime devoir rejeter l'appel avec
dépens.
* * *
LE JUGE ÜRIE y a souscrit.
* * *
LE JUGE SUPPLÉANT HYDE y a souscrit.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.