A-162-74
La Reine (Appelante)
c.
Pollock Sokoloff Holdings Corp. (Intimée)
Cour d'appel, le juge en chef Jackett, le juge Le
Dain et le juge suppléant Hyde—Montréal, le 13
avril 1976.
Impôt sur le revenu—Fonds non recouvrés aux termes de
prêts consentis par une compagnie mère—Transfert de prêts de
la compagnie mère à sa filiale—Transfert régulier contraire-
ment à l'opinion du Ministre—Droit du cessionnaire de
déduire une mauvaise créance Loi de l'impôt sur le revenu,
S.R.C. 1952, c. 148, art. 11(1)e) et f).
Des prêts ont été consentis à C de 1962 à 1965 par M. H.
Corporation, par l'intermédiaire de S, administrateur et prési-
dent de cette compagnie et de sa filiale, l'intimée. Les transac
tions relatives à ces prêts ont été menées par S entre C et M. H.
Corporation ou l'intimée de façon alternative. Les intérêts
afférents aux prêts ont été payés jusqu'en 1966. En 1967, M. H.
Corporation les a transférés à leur pleine valeur comptable, soit
$50,000, à l'intimée. L'intimée réclame pour l'année d'imposi-
tion 1968 une déduction de $30,000 défalqués à titre de mau-
vaise créance, aux termes de l'article 11 de la Loi de l'impôt
sur le revenu. Le Ministre n'a pas admis cette déduction aux
motifs que l'article 11 ne s'appliquait pas en l'espèce et qu'on
devait considérer cette somme comme une perte de capital en
vertu de l'article 12(1)b). La Commission de révision de l'impôt
a accueilli l'appel de l'intimée. Le Ministre a interjeté appel
devant la Division de première instance [[19741 2 C.F. 169] et
celle-ci a statué que le Ministre n'avait pas le droit d'intervenir
pour annuler une telle vente de créances pour vice de forme
alors que les parties concernées ont reconnu qu'elle avait eu lieu
et que le débiteur en était informé. L'article 11(1)e) et J)
s'appliquait à l'intimée même si ses prêts ne représentaient
qu'une faible proportion du total de ses activités. En outre,
même si l'activité ordinaire de M. H. Corporation, qui a
consenti ces prêts au départ, ne consistait pas à prêter de
l'argent, ces prêts ont été transférés à l'intimée dont une partie
des activités consistait à prêter de l'argent. Le Ministre a
interjeté appel à l'encontre de cette décision.
Arrêt: l'appel est accueilli; les jugements de la Division de
première instance et de la Commission de révision de l'impôt
sont infirmés et la cotisation est rétablie. La déduction du
montant litigieux dans le calcul des bénéfices pour l'année n'a
pas été justifiée conformément aux principes ordinaires préva-
lant dans les affaires et le commerce. Ce montant représente
une diminution de la valeur de biens transférés à l'intimée aux
termes d'un transfert d'actif avec une compagnie liée; la perte
en résultant ne découle pas de l'exploitation ordinaire de l'en-
treprise de l'intimée. L'article 11(1)e) n'autorise pas l'intimée à
déduire une réserve à l'égard de ces créances parce que celles-ci
ne résultent pas de «prêts consentis» par l'intimée. Même si la
rédaction de l'article 11(1)e)(ii) n'est pas aussi explicite qu'elle
aurait pu l'être, il ne couvre que l'octroi d'une «réserve» pour
créances résultant de prêts consentis par le contribuable dont
on calcule le revenu; ils doivent avoir été consentis par le
contribuable dont l'entreprise ordinaire consiste en partie à
prêter de l'argent. L'intimée ne peut avoir gain de cause que si
l'entreprise ordinaire du contribuable consiste «à prêter de
l'argent». La preuve n'étaye pas une telle conclusion.
APPEL.
AVOCATS:
T. B. Smith, c.r., et H. Richard pour
l'appelante.
M. Vineberg pour l'intimée.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour
l'appelante.
Phillips & Vineberg, Montréal, pour
l'intimée.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement prononcés oralement par
LE JUGE EN CHEF JACKETT: Appel est interjeté
d'une décision de la Division de première instance'
rejetant avec dépens le pourvoi de l'appelante à
l'encontre d'ùne décision de la Commission de
révision de l'impôt accueillant un appel de l'inti-
mée relatif à sa cotisation effectuée en vertu de la
Partie I de la Loi de l'impôt sur le revenu pour
l'année d'imposition 1968.
Il s'agit uniquement de déterminer si, dans le
calcul de son revenu pour cette année d'imposition,
le contribuable était fondé à déduire $30,000 à
l'égard d'une créance de $50,000z, en vertu de
l'article 11(1)e) de la Loi de l'impôt sur le revenu.
Ayant conclu au maintien de l'appel, je dois
indiquer sur quels points mon opinion diffère des
conclusions auxquelles sont parvenus les tribunaux
inférieurs.
En premier lieu, j'estime que pour la déduction
du montant litigieux dans le calcul des bénéfices
pour l'année, n'a pas été justifiée conformément
aux principes ordinaires prévalant dans les affaires
1 [1974] 2 C.F. 169.
2 Bien que l'avis d'appel désigne le montant en litige comme
«une mauvaise créance», il se réfère à l'article 11(1)e) et décrit
la réserve comme correspondant aux [TRADUCTION] «$30,000
de la somme en capital prêtée». Les tribunaux inférieurs ont
statué que ce montant était déductible en vertu de l'article
11(1)f) à titre de «mauvaise» créance. En cette cour, il est bien
établi que si le montant est déductible, il l'est à titre de
«réserve» pour créances douteuses en vertu de l'article 11(1)e).
et le commerce. Ce montant ne représente pas,
selon moi, un coût afférent au compte courant des
affaires de l'intimée. En réalité, il s'agit d'une
diminution de la valeur de biens transférés à l'inti-
mée aux termes d'un transfert d'actif avec une
compagnie liée; l'exécution de ce transfert ne visait
qu'à améliorer la situation fiscale par rapport à la
législation fiscale de la province. A mon avis, la
perte en résultant ne découle pas de l'exploitation
ordinaire de l'entreprise de l'intimée.
Reste à déterminer si le montant en litige est
déductible en vertu de l'article 11(1)e) de la Loi de
l'impôt sur le revenu dont le texte se lit comme
suit:
11. (1) Par dérogation aux alinéas a),b) et h) du paragraphe
(1) de l'article 12, les montants suivants peuvent être déduits
dans le calcul du revenu d'un contribuable pour une année
d'imposition:
(e) un montant raisonnable à titre de réserve pour
(i) les créances douteuses qui ont été incluses dans le
calcul du revenu du contribuable pour cette année ou une
année antérieure, et
(ii) les créances douteuses résultant de prêts consentis
dans le cours ordinaire des affaires par un contribuable,
dont l'entreprise ordinaire consistait en partie à prêter de
l'argent;
Voici les faits pertinents, dans la mesure où ils
entrent en ligne de compte dans ma conclusion:
a) la compagnie liée a consenti les prêts en
question;
b) la compagnie liée a ensuite transféré à l'inti-
mée les créances en résultant, alors qu'elles pos-
sédaient encore leur valeur nominale; et
c) subséquemment, ces créances ont acquis une
valeur douteuse.
A mon avis, l'article 11(1)e) n'autorise pas l'in-
timée à déduire une réserve à l'égard de ces créan-
ces parce que celles-ci ne résultent pas de «prêts
consentis» par l'intimée. L'avocat de l'intimée pré-
tend que dans le contexte de l'article 11(1)e),
l'expression «consentis par un contribuable» com-
prend les prêts consentis par un tiers et transférés
par la suite à un contribuable; à mon avis cet
argument ne requiert aucune réponse, si ce n'est
que le terme «consentis» employé avec le mot
«prêts» n'a pas du tout ce sens. Cela me semble
encore plus évident à la lecture comparée de la
version française et de la version anglaise de l'arti-
de. Selon l'avocat, l'emploi de l'expression «un
contribuable» au lieu de «le contribuable» dans
l'article 11(1)e) (ii) étend la portée de la disposi
tion et permet la déduction d'une «réserve» pour
«créances douteuses» résultant de prêts consentis
par «un contribuable» autre que celui dont on
calcule le revenu; cette thèse se révèle superficielle-
ment plus convaincante. Cependant, même si la
rédaction de l'article 11(1)e)(ii) n'est pas aussi
explicite qu'elle aurait pu l'être, je conclus qu'il ne
couvre que l'octroi d'une «réserve» pour créances
résultant de prêts consentis par le contribuable
dont on calcule le revenu. En d'autres termes, ils
doivent avoir été consentis par le contribuable dont
l'entreprise ordinaire consiste en partie à prêter de
l'argent. Quoi qu'il en soit, même si ces termes
peuvent donner lieu à l'autre interprétation, la
thèse de l'intimée ne vaut que si l'entreprise ordi-
naire du prêteur consiste «à prêter de l'argent»; à
mon avis, en l'espèce, la preuve n'étaye pas une
telle conclusion de fait.
Je conclus donc au maintien de l'appel, à l'infir-
mation des jugements de la Commission de révi-
sion de l'impôt et de la Division de première
instance, au rétablissement de la cotisation contes-
tée en appel avec dépens en faveur de l'appelante
dans la Division de première instance et dans cette
cour.
* * *
LE JUGE LE DAIN y a souscrit.
* * *
LE JUGE SUPPLÉANT HYDE y a souscrit.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.