A-671-75
Juan Jose Fourment Lugano et ses enfants à
charge Nancy Judith Lugano, Juan fils et Danilo
Lugano (Requérants)
c.
Le ministre de la Main-d'oeuvre et de l'Immigra-
tion (Intimé)
Cour d'appel, les juges Urie et Ryan et le juge
suppléant MacKay—Toronto, le 8 avril; Ottawa,
le 30 avril 1976.
Immigration—Examen judiciaire—Ordonnance d'expulsion
contre les requérants—Ils demandent le statut de réfugié—La
Commission d'appel de l'immigration a refusé l'appel—Les
demandes de prorogation de délai pour autoriser l'appel et
permettre l'examen judiciaire ont été entendues en même
temps—Loi sur la Commission d'appel de l'immigration,
S.R.C. 1970, c. I-3, art. 11, 15(1) et 23 mod. par S.C. 1973-74,
c. 27, art. 5—Loi sur la Cour fédérale, art. 28 et 29—
Déclaration canadienne des droits, S.C. 1960, c. 44, art. 1 et
2e).
Les requérants ont interjeté appel d'une ordonnance d'expul-
sion et demande le statut de réfugié. Conformément à l'article
11(3) de la Loi sur la Commission d'appel de l'immigration, la
Commission a refusé d'accueillir leur appel. Les requérants ont
demandé une prorogation du délai pour être autorisés à interje-
ter appel de la décision de la Commission et, sur ordonnance de
la Cour, une demande concernant l'examen de la décision
conformément à l'article 28 a été entendue en même temps. Les
requérants ont fait valoir (1) que la procédure régulière pour
l'examen d'une décision de la Commission exige de recourir à
l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale et de demander une
autorisation pour interjeter appel en vertu de l'article 23 de la
Loi sur la Commission d'appel de l'immigration; (2) que
l'article 11(3) de la Loi doit être interprété de manière à obliger
la Commission à admettre l'appel à moins que la demande
concernant le statut de réfugié soit manifestement futile; et (3)
que même si un appel ne peut réussir que si la Commission a
refusé d'exercer son pouvoir discrétionnaire ou ne l'a pas exercé
à juste titre conformément à l'article 15, il faut interpréter un
tel principe à la lumière de l'article 2e) de la Déclaration
canadienne des droits.
Arrêt: rejet des deux demandes. (1) L'article 29 de la Loi sur
la Cour fédérale interdit de présenter une demande en vertu de
l'article 28 contre une décision de la Commission confirmant
une ordonnance d'expulsion et la procédure régulière exige
d'interjeter appel en vertu de l'article 23 de la Loi sur la
Commission d'appel de l'immigration. La même procédure
doit être suivie pour une ordonnance de la Çommission pronon-
cée en vertu de l'article 11(3), puisque la Commission, à la
suite de son refus, doit ordonner l'exécution de l'ordonnance et
rend ainsi une décision sur l'appel à ce stade. Il s'agit donc,
semble-t-il, d'une décision «visant un appel» au sens de l'article
23. Si un requérant convaincia Cour qu'une question de droit
est en jeu, il peut interjeter appel devant cette cour en vertu de
l'article 23. (2) L'énoncé de l'article 11(3) ne décide pas
uniquement si la demande est futile ou non. Il exige une
appréciation des éléments de preuve soumis à la Commission
formant quorum et une décision sur la question de savoir s'il y a
des motifs raisonnables de croire, selon la prépondérance des
probabilités que le requérant sera probablement en mesure de
prouver son statut au cours de l'audience tenue devant la
Commission. De même la Cour, en décidant d'intervenir à
l'égard d'une ordonnance rendue par la Commission en vertu de
l'article 11(3), n'avait pas l'intention de recourir à une norme
différente de celle normalement applicable lors de l'examen de
l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire légal. Rien ne laisse
supposer qu'il y a eu une erreur de droit, et il n'y a pas à
intervenir dans cette appréciation de la Commission. (3) Le
Parlement a prévu expressément les modalités d'exercice du
droit d'appel par une personne qui prétend être un réfugié. Elle
sait comment exposer son cas et elle a la possibilité de fournir
un résumé des faits et de la preuve. Le requérant n'a pas été
privé du droit à une audition impartiale de sa cause conformé-
ment à l'article 11(3) et la lecture des articles 1 et 2e) de la
Déclaration canadienne des droits, en corrélation avec l'article
11(3) de la Loi sur la Commission d'appel de l'immigration
n'impose pas une interprétation indulgente de l'article 11(3). Il
n'y a pas eu de violation de la Déclaration canadienne des
droits.
Arrêts appliqués: Boulis c. Le ministre de la Main-d'œu-
vre et de l'Immigration [1974] R.C.S. 875; Armstrong c.
Wisconsin [1973] C.F. 457; Prata c. Le ministre de la
Main-d'oeuvre et de l'Immigration (1975) 52 D.L.R. (30
383. Arrêts examinés: Le ministre de la Main-d'oeuvre et
de l'Immigration c. Fuentes [1974] 2 C.F. 331; Hidalgo c.
Le ministre de la Main-d'oeuvre et de l'Immigration (non
publié, A-71-75).
EXAMEN judiciaire.
AVOCATS:
R. J. Gathercole pour les requérants.
G. R. Garton pour l'intimé.
PROCUREURS:
A/s Service d'assistance juridique des étu-
diants, Toronto, pour les requérants.
Le sous-procureur général du Canada pour
l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE URIE: Il s'agit d'une demande de pro-
rogation de délai concernant l'autorisation d'inter-
jeter appel d'une décision de la Commission d'ap-
pel de l'immigration rendue le 13 novembre 1975.
Sur ordonnance de la Cour, une demande d'exa-
men et d'annulation de cette décision, présentée
conformément à l'article 28 de la Loi sur la Cour
fédérale a été entendue en même temps.
Les requérants, dont l'expulsion avait été ordon-
née à la suite d'une enquête spéciale, le 23 octobre
1975, ont déposé un avis d'appel de l'ordonnance
d'expulsion auprès de la Commission d'appel de
l'immigration (ci-après appelée la «Commission»)
le 24 octobre 1975. L'avis d'appel était accompa-
gné d'une déclaration sous serment faite conformé-
ment à l'article 11(2) de la Loi sur la Commission
d'appel de l'immigration (parfois appelée ci-après
«la Loi»), dans laquelle le requérant adulte préten-
dait être un réfugié protégé par la Convention des
Nations-Unies relative au statut des réfugiés. Par
sa décision du 13 novembre 1975, conformément à
l'article 11(3) de la Loi, la Commission d'appel de
l'immigration n'a pas permis que l'appel suive son
cours et a ordonné l'exécution aussi prompte que
possible de l'ordonnance. Les présentes demandes
concernent cette décision.
Comme ces demandes portent sur l'effet d'une
décision rendue en vertu de l'article 11, je cite cet
article intégralement:
11. (1) Sous réserve des paragraphes (2) et (3), une per-
sonne frappée d'une ordonnance d'expulsion, en vertu de la Loi
sur l'immigration, peut, en se fondant sur un motif d'appel qui
implique une question de droit, une question de fait ou une
question mixte de droit et de fait, interjeter appel devant la
Commission, si au moment où l'ordonnance d'expulsion est
prononcée contre elle, elle est
a) un résident permanent;
b) une personne qui cherche à être admise au Canada en
qualité d'immigrant ou de non-immigrant, (à l'exception
d'une personne qui, aux termes du paragraphe 7(3) de la Loi
sur l'immigration est réputée être une personne qui cherche
à être admise au Canada) et qui, au moment où un fonction-
naire à l'immigration a établi, conformément à l'article 22 de
la Loi sur l'immigration, le rapport la concernant, était en
possession d'un visa valide d'immigrant ou de non-immi
grant, selon le cas, que lui avait délivré hors du Canada un
fonctionnaire à l'immigration;
c) une personne qui prétend être un réfugié que protège la
Convention; ou
d) une personne qui prétend être citoyen canadien.
(2) Lorsqu'un appel est interjeté devant la Commission con-
formément au paragraphe (1) et que le droit d'appel se fonde
sur l'une des prétentions visées par les alinéas (1)c) ou d), l'avis
d'appel présenté à la Commission doit contenir une déclaration
sous serment énonçant
a) la nature de la prétention;
b) un énoncé suffisamment détaillé des faits sur lesquels se
fonde la prétention;
c) un résumé suffisamment détaillé des renseignements et de
la preuve que l'appelant entend présenter à l'appui de la
prétention lors de l'audition de l'appel; et
d) tout autre exposé que l'appelant estime pertinent en ce
qui concerne la prétention.
(3) Nonobstant toute autre disposition de la présente loi,
lorsque la Commission reçoit un avis d'appel et que l'appel se
fonde sur une prétention visée par les alinéas (1)c) ou d), un
groupe de membres de la Commission formant quorum doit
immédiatement examiner la déclaration mentionnée au para-
graphe (2). Si, se fondant sur cet examen, la Commission
estime qu'il existe des motifs raisonnables de croire que le
bien-fondé de la prétention pourrait être établi s'il y avait
audition de l'appel, elle doit permettre que l'appel suive son
cours; sinon, elle doit refuser cette autorisation et ordonner
immédiatement, l'exécution aussi prompte que possible de l'or-
donnance d'expulsion.
(4) Le gouverneur en conseil peut établir des règlements
pour définir les expressions de «visa d'immigrant» et de «visa de
non-immigrant» aux fins de l'alinéa (1)b).
L'avocat des requérants fait valoir en premier
lieu que la procédure régulière d'examen d'une
décision de la Commission, consiste en une
demande en vertu de l'article 28 et en une
demande d'autorisation d'interjeter appel en vertu
de l'article 23 de la Loi. Il soutient que l'article 29
de la Loi sur la Cour fédérale n'exclut pas une
demande présentée en vertu de l'article 28. Cette
cour a déjà jugé dans l'affaire Lubin c. Le ministre
de la Main-d'oeuvre et de l'Immigration (décision
non publiée en date du 15 mai 1975 n° du greffe:
A-102-75), que l'article 29 de la Loi sur la Cour
fédérale interdit de présenter une demande en
vertu de l'article 28 contre une décision de la
Commission confirmant une ordonnance d'expul-
sion. Il a été jugé dans cette affaire que, si l'on
souhaitait la modification de cette décision, il fal-
lait agir en vertu de l'article 23 de la Loi sur la
Commission d'appel de l'immigration et interjeter
appel.
La même procédure doit-elle être suivie pour
une ordonnance de la Commission prononcée en
vertu de l'article 11(3) et mettant fin à l'appel?
Elle doit l'être à mon avis puisque l'article exige
que la Commission, à la suite de son refus,
ordonne l'exécution aussi prompte que possible de
l'ordonnance d'expulsion et rende donc une déci-
sion sur l'appel à ce stade. Il s'agit donc, semble-
t-il, d'une décision «visant un appel» au sens de
l'article 23 de la Loi sur la Commission d'appel de
l'immigration dont on peut interjeter un appel
devant cette cour, si les autres exigences de l'arti-
cle 23 sont remplies. Cette interprétation du para-
graphe concorde avec le raisonnement du juge
Laskin, maintenant juge en chef, dans l'affaire
Boulis c. Le ministre de la Main-d'oeuvre et de
l'Immigration' dans laquelle il conclut (page 880),
sur la question de savoir si à cette époque, un appel
du refus de la Commission de surseoir à l'exécu-
tion d'une ordonnance d'expulsion, conformément
à l'article 15(1)b)(1), pouvait être porté devant
cette cour:
Une fois que la Commission a rejeté un appel d'une ordonnance
d'expulsion, sa décision, quant à l'application de l'art. 15(1), est
tout autant une décision «visant un appel» que celle de confir-
mer une ordonnance d'expulsion. Je ne vois pas de motif
d'interpréter les mots «visant un appel» comme s'ils englobaient,
par extension, les mots «d'une ordonnance d'expulsion» ou «du
refus de rendre une ordonnance d'expulsion». Les mots «visant
un appel» peuvent plus facilement s'interpréter comme signi-
fiant «dans le cours d'un appel» ou «lors de l'audition d'un
appel» et visent autant la totalité des procédures que la question
plus restreinte du bien-fondé de l'ordonnance d'expulsion en
elle-même. Je préfère l'interprétation plus large qui n'écarte
pas cette Cour du processus de révision auquel elle participe en
accordant son autorisation, sous cette seule réserve qu'il y ait en
jeu une question de droit, ce qui comprend une question de
compétence.
Ce raisonnement, me semble-t-il, s'applique
intégralement à une décision sur une demande
présentée en vertu de l'article 11(3) et, si un
demandeur convainc la Cour qu'une question de
droit est en jeu, l'article 23 de la Loi sur la
Commission d'appel de l'immigration l'autorise
alors à interjeter appel devant cette cour. Aux
termes de l'article 29 de la Loi sur la Cour fédé-
rale, cette décision ne peut donc pas faire l'objet
d'un examen en vertu de l'article 28.
L'avocat des requérants prétend en second lieu
qu'il faut interpréter l'article 11(3) de la Loi
comme obligeant la Commission à admettre l'ap-
pel, à moins que la revendication du statut de
réfugié soit de toute évidence futile. A l'appui de
cette proposition, il cite deux décisions de cette
cour. Dans l'affaire Le ministre de la Main-d'oeu-
vre et de l'Immigration c. Fuentes 2 , le juge Pratte,
évoquant le droit d'appel mentionné à l'article
11(1)c) et d), faisait observer qu'un tel droit était
soumis à deux conditions. A la page 334, il
déclarait:
Celui qui prétend être citoyen canadien ou réfugié doit donc
d'abord, c'est la première condition à laquelle son droit d'appel
est subordonné, joindre à son avis d'appel une déclaration
assermentée énonçant essentiellement sa prétention et les faits
sur lesquels elle se fonde. Cette déclaration doit ensuite, et c'est
' [1974] R.C.S. 875.
z [1974] 2 C.F. 331.
la seconde condition, être examinée par un «groupe de membres
de la Commission formant quorum». Si, se fondant sur l'exa-
men de cette déclaration, la Commission estime que la préten-
tion est frivole, elle doit ordonner l'exécution aussi prompte que
possible de l'ordonnance d'expulsion; le droit d'appel est alors
perdu. Si, au contraire, l'examen de la déclaration révèle à la
Commission que la prétention n'est pas frivole «elle doit per-
mettre que l'appel suive son cours». [C'est moi qui souligne.]
Encore à l'appui de cette proposition, l'avocat
cite la décision non publiée rendue dans l'affaire
Hidalgo c. Le ministre de la Main-d'oeuvre et de
l'Immigration' dans laquelle la demande de
redressement présentée en vertu de l'article 15 de
la Loi fut renvoyée et déclare notamment devant la
Commission:
[TRADUCTION] ... à laquelle est assujettie la condition de sa
compétence pour accorder un redressement en vertu dudit
article 15, c'est-à-dire «l'existence des motifs raisonnables de
croire que la personne intéressée est un réfugié que protège la
Convention» est remplie si, selon la prépondérance des probabi-
lités qui résultent de ces éléments de preuve, il existe des motifs
raisonnables de croire que l'appelant est un tel réfugié même si,
selon la prépondérance des probabilités qui résultent de ces
éléments de preuve, l'appelant n'est pas un réfugié.
Si l'on prend en considération la valeur de la
prétention du requérant qui soutient que ces affai-
res étayent la thèse selon laquelle la Commission,
au stade des procédures prévues à l'article 11, doit
seulement déterminer si la prétention est bien
fondée, ou, du point de vue des requérants, qu'elle
n'est pas futile, on ignore à mon avis le libellé du
paragraphe 3, dont voici les expressions
pertinentes:
... un groupe de membres de la Commission formant quorum
doit immédiatement examiner la déclaration .... Si, se fondant
sur cet examen, la Commission estime qu'il existe des motifs
raisonnables de croire que le bien-fondé de la prétention pour-
rait être établi, ... elle doit permettre que l'appel suive son
cours....
Ce qui va plus loin qu'une simple décision quant
au sérieux de la déclaration.
Cela exige à mon avis que le groupe formant
quorum évalue la preuve (qui se limite, aux termes
de l'article 11(2), au contenu de la déclaration) et
décide en fonction de cette preuve s'il y a des
motifs raisonnables de croire que le requérant,
selon la prépondérance des probabilités, sera pro-
bablement en mesure de prouver son statut de
réfugié au cours de l'audience tenue devant la
Commission. A mon avis, les jugements rendus
' C.A.F. N° du greffe: A-71-75, du 26 mai 1975. [Motifs du
jugement non circulés—Éd.]
dans les affaires Fuentes ou Hidalgo ne situent pas
l'obligation qui pèse sur la Commission à un
niveau inférieur.
En outre, je ne crois pas que l'une ou l'autre de
ces décisions signifiait que la Cour, en décidant
d'intervenir ou non à l'égard d'une ordonnance
rendue par la Commission en vertu de l'article
11(3), s'écarte de la norme ou recourt à une norme
différente de celle normalement applicable lors de
l'examen de l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire
légal. Le juge Abbott a traité dans l'affaire Boulis
(précitée) des principes applicables en appel d'une
telle décision et il a déclaré à la page 877:
À mon avis, cependant, un appel ne peut réussir que si l'on
établit que la Commission a) a refusé d'exercer sa compétence
ou b) n'a pas exercé le pouvoir discrétionnaire que lui confère
l'art. 15 conformément aux principes de droit bien établis.
Quant à ces principes, Lord Macmillan, au nom du Comité
judiciaire, dit dans l'arrêt D. R. Fraser and Co. Ltd. c. Le
ministre du Revenu national ([1949] A.C. 24), à la page 36:
[TRADUCTION] Les critères selon lesquels il faut juger l'exer-
cice d'un pouvoir discrétionnaire conféré par une loi ont été
définis dans plusieurs arrêts qui font jurisprudence et il est
admis que si le pouvoir discrétionnaire a été exercé de bonne
foi, sans influence d'aucune considération étrangère, ni de
façon arbitraire ou illégale, aucune cour n'a le droit d'inter-
venir, même si cette cour eût peut-être exercé ce pouvoir
discrétionnaire autrement s'il lui avait appartenu.
En appréciant la déclaration, la Commission n'a
pas commis à mon avis d'erreur de droit lorsqu'elle
n'a pas autorisé les requérants à poursuivre leur
appel. Par conséquent, je pense que nous ne
devrions pas intervenir dans cette décision en nous
fondant sur les critères avancés par l'avocat du
requérant.
Celui-ci a fait valoir en dernier lieu que même si
l'on accepte le principe proposé par le juge Abbott
(précité) et qu'on l'applique au critère sur lequel la
Commission doit se fonder en vertu de l'article
11(3), il faut de toute façon l'interpréter à la
lumière de l'article 2e) de la Déclaration cana-
dienne des droits dont voici le texte:
2. Toute loi du Canada, à moins qu'une loi du Parlement du
Canada ne déclare expressément qu'elle s'appliquera nonob-
stant la Déclaration canadienne des droits, doit s'interp(éter et
s'appliquer de manière à ne pas supprimer, restreindre ou
enfreindre l'un quelconque des droits ou des libertés reconnus et
déclarés aux présentes, ni à en autoriser la suppression, la
diminution ou la transgression, et en particulier, nulle loi du
Canada ne doit s'interpréter ni s'appliquer comme
e) privant une personne du droit à une audition impartiale de
sa cause, selon les principes de justice fondamentale, pour la
définition de ses droits et obligations;
A mon avis, on peut répondre facilement à cette
prétention en faisant observer que le Parlement a
prévu expressément les modalités d'exercice du
droit d'appel par une personne qui prétend être un
réfugié. Elle sait comment exposer son cas pour
que la Commission puisse l'autoriser à poursuivre
son appel et elle a la possibilité de fournir un
exposé détaillé des faits et de la preuve sur lesquels
elle se fonde et peut exposer ses prétentions à cet
égard. Ainsi, il ne semble pas que le Parlement la
prive, par cette loi, du droit à une audition impar-
tiale de sa cause. 4
Je ne pense pas non plus que la lecture des
articles 1 et 2e) de la Déclaration canadienne des
droits en corrélation avec l'article 11(3) de la Loi
sur la Commission d'appel de l'immigration
impose une interprétation indulgente de ce dernier
article à l'égard des requérants, ce qui était l'inter-
prétation restrictive alléguée par l'avocat des
requérants. Il n'y a pas eu atteinte aux droits de
l'homme ou aux libertés fondamentales mention-
nés à l'article 1, et l'article 11(3), tel qu'interprété
dans ces motifs, ne supprime pas ni ne restreint, ni
n'enfreint aucun de ces droits et libertés.
Pour tous ces motifs, la demande de prorogation
du délai concernant l'autorisation d'interjeter
appel et la demande en vertu de l'article 28
devraient donc être rejetées.
* * *
LE JUGE RYAN: Je souscris.
* * *
LE JUGE SUPPLÉANT MACKAY: Je souscris.
4 Voir Armstrong c. L'État de Wisconsin [1973] C.F. 437 et
Prata c. Le ministre de la Main-d'oeuvre et de l'Immigration
(1975) 52 D.L.R. (3') 383.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.