A-156-75
Compagnie Immobilière BCN Limitée (Appe-
lante) (Demanderesse)
c.
La Reine (Intimée) (Défenderesse)
Cour d'appel, le juge en chef Jackett, le juge
Pratte et le juge suppléant Hyde—Ottawa, le 24
février; Montréal, le 31 mars et le 2 avril 1976.
Impôt sur le revenu—Déductions—Bail emphytéotique—En
1964, l'appelante a eu droit de déduire l'allocation du coût en
capital sur l'immeuble en question—L'immeuble a été démoli
en 1965—Le contribuable perd-il le droit à la déduction
comme allocation du coût en capital si, après avoir acquis le
bien aux fins de gagner un revenu, celui-ci cesse d'exister et il
n'en reste aucun de cette catégorie?—Loi de l'impôt sur le
revenu, S.R.C. 1952, c. 148, art. 11(1)a), 20(5) et le Règlement,
art. 1100—Code civil de la province de Québec, art. 1198 et
1655.
Dans une décision antérieure, la Division de première ins
tance avait reconnu à l'appelante le droit de déduire en 1964
l'allocation du coût en capital sur un immeuble et sur ses droits
à titre de locataire en vertu d'un bail emphytéotique. Puisque,
conformément à l'article 1198 du Code civil de la province de
Québec, il y eut confusion des droits du locateur et de ceux du
locataire par suite de l'achat par l'appelante, en 1964, de
l'immeuble et du bail et puisque l'immeuble a été démoli en
1965, l'appelante s'est pourvue devant la Division de première
instance afin de déterminer si elle pouvait continuer à déduire
l'allocation du coût en capital relativement à un immeuble et à
ses droits de locataire. La Division de première instance a
statué qu'aux fins de conserver le droit aux déductions annuel-
les, la destruction du bien était sans importance, pourvu qu'il en
subsiste de la même catégorie. Et puisque la- déduction est
admise seulement lorsque le bien sert à produire un revenu, la
déduction ne peut plus se justifier en son absence. L'appelante a
interjeté appel.
Arrêt: 1:appel est accueilli et les cotisations pour les années
d'imposition 1967 et 1968 doivent être renvoyées au Ministre
pour nouvelle cotisation. (1) Le Règlement 1100(2) n'a conféré
à l'appelante aucun droit à une déduction pour l'année 1965. Il
ne faut attribuer à l'expression «disposed of» que l'on trouve
dans le Règlement que le sens qu'elle a en regard du mot
«aliénés» dans le texte français; cela comprendrait toute cession
du titre de propriété mais non pas la destruction ou l'extinction
du bien. (2) II n'est pas nécessaire qu'un bien ait existé ou ait
été utilisé ou conservé aux fins de produire un revenu pour que
son coût en capital soit compris dans le calcul de l'allocation
des coûts en capital aux termes du Règlement 1100(1).
APPEL.
AVOCATS:
M. Régnier, c.r., et R. Couzin pour
l'appelante.
W. Lefebvre pour l'intimée.
PROCUREURS:
Stikeman, Elliott, Tamaki, Mercier & Robb,
Montréal, pour l'appelante.
Le sous-procureur général du Canada pour
l'intimée.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement prononcés oralement par
LE JUGE EN CHEF JACKETT: Appel est interjeté
d'un jugement de la Division de première instance'
rejetant un appel de l'appelante contre des cotisa-
tions faites en vertu de la Partie I de la Loi de
l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition
1967 et 1968 et dans lesquelles le Ministre a refusé
de déduire l'allocation du coût en capital réclamée
par l'appelante sur un bail emphytéotique et un
immeuble anciennement situé sur le terrain qui
faisait l'objet de ce bail.
Les parties reconnaissent que l'appelante avait
droit à de telles déductions pour l'année d'imposi-
tion 1964 durant laquelle
a) l'appelante était locataire en vertu du bail, et
b) l'appelante était propriétaire de l'immeuble.
Mais en janvier 1965,
a) l'appelante devint propriétaire des droits sur
le terrain et par conséquent le bail a pris fin
(voir les articles 1198 et 1655 du Code civil du
Québec), et
b) l'appelante a accordé à un tiers un bail
emphytéotique aux termes duquel l'immeuble a
été démoli.
Par conséquent, avant la fin de l'année d'imposi-
tion 1965, le bail emphytéotique et l'immeuble ont
cessé d'exister et en outre l'appelante, à la fin de
cette année-là, n'avait aucun bien dans les «catégo-
ries» prescrites auxquelles ces biens avaient appar-
tenu l'un et l'autre.
Le jugement de la Division de première instance
repose, selon moi, sur l'idée qu'on ne peut réclamer
ni accorder une déduction semblable sur le coût en
capital d'un bien qui n'a pas pu être utilisé pour
produire un revenu au cours de l'année pertinente
puisqu'il n'existait pas au cours de cette année.
[1975] C.F. 523.
Sans étudier en détail les dispositions pertinen-
tes de la Loi de l'impôt sur le revenu et les
règlements établis en vertu de son article 11(1)a),
il est clair, à mon avis, que tous les biens dont le
coût en capital est inscrit dans le calcul d'une
somme réclamée pour une année en vertu de l'arti-
cle 11(1)a) en ce qui concerne une «catégorie»
déterminée ne doivent pas nécessairement, pour le
calcul du revenu tiré d'une entreprise, avoir existé
ou avoir été utilisés dans cette entreprise au cours
de l'année en question. En fait, aucune disposition
de la Loi ni des règlements n'exige que des biens
de la «catégorie» à laquelle appartient un bien
déterminé aient jamais existé au cours de cette
année pour que le coût en capital de ce bien
déterminé soit intégré dans le calcul. Même si cela
n'est pas tellement évident, je pense que les mêmes
remarques s'appliquent lorsqu'un bien, et non pas
une entreprise, constitue la source du revenu
calculé.
Lorsque tous les biens d'une «catégorie» regrou
pés aux fins d'allocation du coût en capital ont été
«aliénés» au cours d'une année et que le contribua-
ble ne dispose plus d'aucun bien de cette catégorie
à la fin de l'année, il a le droit, selon mon interpré-
tation des règlements, de déduire pour l'année le
montant total qui reste à la fin de l'année d'imposi-
tion pour calculer le coût en capital de cette
catégorie. Je suis également d'avis que la totalité
de ce montant est déductible dans l'année en ques
tion et qu'à la différence des déductions prévues au
Règlement 1100(1)a), le contribuable ne peut
déduire ce montant au cours de différentes années
«comme bon lui semble». C'est mon interprétation
du Règlement 1100(2), dont voici la version
anglaise:
(2) Where, in a taxation year, otherwise than on death, all
property of a prescribed class that had not previously been
disposed of or transferred to another class has been disposed of
or transferred to another class and the taxpayer has no property
of that class at the end of the taxation year, the taxpayer is
hereby allowed a deduction for the year equal to the amount
remaining, if any, after deducting the amounts, determined
under sections 1107 and 1110 in respect of the class, from the
undepreciated capital cost to him of property of that class at
the expiration of the taxation year.
et la version française:
(2) Lorsque, dans une année d'imposition, autrement qu'au
décès, tous les biens d'une catégorie prescrite qui n'avaient pas
auparavant été aliénés ou transportés à une autre catégorie ont
été aliénés ou transportés à une autre catégorie et que le
contribuable n'a plus de biens de cette catégorie à la fin de
l'année d'imposition, il est par les présentes accordé au contri-
buable une déduction, pour l'année, égale au montant qui reste,
s'il en est, après déduction des montants, établis en vertu des
articles 1107 et 1110 l'égard de la catégorie sur le coût en
capital non déprécié, pour lui, des biens de cette catégorie, à la
fin de l'année d'imposition.
Puisque la totalité du solde qui demeure dans le
compte du coût en capital non déprécié de cette
catégorie déterminée à la fin de l'année d'«aliéna-
tion» ou de «disposition» est déductible du revenu
calculé pour cette année, il s'ensuit que l'assiette
servant au calcul de la déduction comme allocation
du coût en capital pour le bien de cette catégorie
ne comprendra plus l'année suivante aucun mon-
tant relatif au coût en capital du bien acquis avant
cette date. (Comparer le Règlement 1100(1) avec
les alinéas d) et e) de l'article 20(5) de la Loi.)
Par conséquent, la question qu'il faut trancher
en l'espèce est la suivante: doit-on considérer, dans
les circonstances que j'ai mentionnées, que le bail
emphytéotique et l'immeuble en question ont été
aliénés en 1965? Que l'expression «disposed of» ait
un sens différent en isolant la version anglaise, il
ne faut attribuer à l'expression «disposed of» que le
sens qu'elle a en regard du mot «aliénés» dans le
texte français. Ce sens comprendrait à mon avis
toute cession du titre de propriété à un tiers au
moyen d'une vente, d'un don ou par tout autre
moyen mais non pas la destruction ou l'extinction
active du bien. 2
Si j'applique le sens du mot «aliénés» mentionné
dans le Règlement 1100(2) aux événements de
1965 tels que décrits ci-dessus, je suis d'avis que le
règlement n'a conféré à l'appelante aucun droit à
2 Les alinéas b) et e) de l'article 20(5) de la Loi ne m'ont pas
échappé, mais il ne me semble pas que le sens de l'expression
«aliénation de bien» donné par cet article soit applicable dans
les circonstances en l'espèce. Je dois avouer que j'incline à
penser que le Règlement 1100(2) s'applique chaque fois que le
contribuable «n'a plus de biens de cette catégorie à la fin de
l'année d'imposition» mais cela rendrait superflu les mots «lors-
que, dans une année d'imposition, ... tous les biens d'une
catégorie prescrite ... ont été aliénés ...». S'il faut donner un
effet quelconque à ces mots, je ne vois aucun motif de le faire
au sens de «disposed of» qui s'étendrait à tout abandon (sens
que le mot français ne recouvrerait pas) plutôt qu'au sens du
mot «alienation, (dont le sens est le même en français).
une déduction comme allocation du coût en capital
pour cette année-là.
C'est pourquoi l'appel doit être accueilli, les
cotisations de l'appelante en vertu de la Partie I de
la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années
d'imposition 1967 et 1968 doivent être renvoyées
au Ministre pour nouvelle cotisation étant donné
que
a) le Règlement 1100(2) n'a conféré à l'appe-
lante aucun droit à une déduction pour l'année
d'imposition 1965, et
b) il n'est pas nécessaire qu'un bien ait existé ou
ait été utilisé ou conservé aux fins de produire
un revenu pour que le coût en capital de ce bien
soit compris dans le calcul de l'allocation des
coûts en capital aux termes du Règlement
1100(1),
et l'appelante a droit aux dépens de l'appel inter-
jeté devant la Division de première instance ainsi
qu'aux dépens de l'appel interjeté devant cette
cour.
* * *
LE JUGE PRATTE y a souscrit.
* * *
LE JUGE SUPPLÉANT HYDE y a souscrit.
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