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T-1708-76
B. Keith Penner, Norman Cafik et Harry Assad (Requérants)
c.
La Commission de délimitation des circonscrip- tions électorales pour l'Ontario, Campbell Grant, W. Tarnopolsky, F. L. Gratton et Nelson Caston- guay, en qualité de membres de ladite Commission et Nelson Castonguay, en qualité de commissaire à la représentation (Intimés)
Division de première instance, le juge en chef adjoint Thurlow—Ottawa, les 6 et 11 mai 1976.
Brefs de prérogative—Les requérants demandent un bref de prohibition pour interdire aux intimés de terminer le rapport, d'en transmettre un exemplaire à la Chambre des communes et de rédiger et transmettre au secrétaire d'État une ordonnance de représentation—Les requérants demandent des brefs de mandamus sommant les intimés de rédiger un rapport conte- nant les motifs des recommandations et de tenir des audiences publiques relativement à ce rapport et enjoignant au commis- saire d'en transmettre un exemplaire à l'Orateur de la Cham- bre des communes—Loi sur la revision des limites des circons- criptions électorales, S.R.C. 1970, c. E-2, art. 2 (modifié par S.C. 1974-75-76, c. 10, art. 2), 18, 19(1), 21 et 22—Loi sur la Cour fédérale, art. 28(2).
Les requérants réclament le redressement ci-dessus men- tionné en alléguant que l'annonce des séances de la Commission de délimitation des circonscriptions électorales pour l'Ontario, publiée en août 1975, conformément à l'article 17 de la Loi sur la revision des limites des circonscriptions électorales, ainsi que toutes les procédures ultérieures, y compris son rapport, étaient et sont légalement sans effet parce que la Commission a omis d'indiquer dans cette annonce et dans son rapport les motifs justifiant ses recommandations (conformément à la défi- nition du mot «recommandation» à l'article 2).
Arrêt: la demande est rejetée. A supposer, sans toutefois l'affirmer, que la Commission peut être traduite devant cette Cour et que normalement les brefs de prohibition et de manda- mus seraient recevables aux fins de réglementer ses fonctions, et à supposer également que les requérants ont qualité pour agir, on aurait pu soulever la question au mois d'août 1975, au moment elle aurait pu être jugée avant la tenue des audien ces et il aurait été encore temps, si l'annonce avait été déclarée nulle, d'en publier une autre et de terminer le rapport dans le délai d'un an prescrit par l'article 18. La plainte pour insuffisance des motifs me semble périmée et même sans espoir, car il n'a pas été établi que cette opposition particulière a été soulevée à ce moment. Le rapport a été déposé à la Chambre des communes le 27 février 1976. Sa validité aurait pu faire l'objet d'un examen devant la Cour d'appel si les procédures avaient été entamées dans un délai de 10 jours. Il aurait fallu procéder ainsi et ce tribunal aurait été l'autorité compétente pour juger la question de la validité. Il est encore possible de faire un tel examen si la Cour accepte de proroger le délai.
Accorder maintenant un bref de prohibition empêcherait la Commission de remplir sa fonction légale dans le délai stipulé par la Loi. Le commissaire ne pourrait non plus remplir ses fonctions en ce qui concerne toutes les commissions. En outre, accorder le bref de mandamus forcerait la Commission à observer les délais de prescription décrétés par la Cour et non ceux imposés par la Loi. La Cour n'a pas ce pouvoir; agir de la sorte rendrait illégaux le rapport et toute ordonnance de repré- sentation fondée sur ce dernier, et tous les effets de la Loi seraient annulés. Les requérants ne seront pas en plus mauvaise posture ni dans une situation différente si on leur laisse toute liberté pour franchir cette étape et si l'on entame ensuite les procédures appropriées pour en éprouver la validité. Les requé- rants ne seront aucunement lésés si on leur refuse le redresse- ment réclamé. Par ailleurs, si la Cour concluait que le rapport était sujet à l'opposition et qu'une Cour d'appel en décidait autrement, l'octroi du redressement par cette Cour aurait des conséquences irrévocables.
DEMANDE. AVOCATS:
John D. Richard, c.r., et G. Fisk pour les
requérants.
A. T. Hewitt pour les intimés.
PROCUREURS:
Gowling & Henderson, Ottawa, pour les requérants.
Hewitt, Hewitt, Nesbitt, Reid, McDonald & Tierney, Ottawa, pour les intimés.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement prononcés oralement par
LE JUGE EN CHEF ADJOINT THURLOW: Il s'agit d'une demande visant à obtenir un bref de prohibi tion pour:
(1) interdire à la Commission intimée et à ses membres ainsi qu'au commissaire à la représen- tation de terminer le rapport de la Commission en vertu de la Loi sur la revision des limites des circonscriptions électorales, et
(2) interdire au commissaire à la représentation de renvoyer un exemplaire certifié de ce rapport à l'Orateur de la Chambre des communes et de préparer et transmettre au secrétaire d'État du Canada une ordonnance de représentation rela tive audit rapport;
et un bref de mandamus à l'encontre de la Com mission et de ses membres les sommant de:
(1) rédiger un rapport conformément à la Loi sur la revision des limites des circonscriptions
électorales contenant les motifs des recomman- dations qui y sont faites, et
(2) tenir des audiences publiques relativement à ce même rapport qui contient les motifs,
et un bref de mandamus au commissaire à la représentation le sommant de transmettre un exemplaire dudit rapport à l'Orateur de la Cham- bre des communes conformément au paragraphe 19(1) de la Loi sur la revision des limites des circonscriptions électorales.
Cette affaire est urgente. L'avocat m'a informé que la Commissiop s'apprête à rendre une décision à l'égard des oppositions à son rapport soulevées à la Chambre des communes en vertu de l'article 20 de la Loi, et que demain, le 12 mai 1976, est le dernier des trente jours dans lesquels la Commis sion doit, conformément au paragraphe 21(1), étu- dier ses oppositions et en décider. Par conséquent, si la prohibition demandée doit être signifiée et avoir quelque effet, je dois m'occuper de la demande immédiatement.
Tel que je le comprends, les requérants récla- ment un redressement en alléguant que l'annonce des séances de la Commission publiée en août 1975, conformément à l'article 17 de la Loi, ainsi que toutes les procédures ultérieures de la Com mission, incluant son rapport déposé à la Chambre des communes le 27 février 1976, étaient et sont légalement sans effet, soi-disant parce que la Com mission a omis d'indiquer dans son annonce, cons- tituant elle-même un rapport aux termes de l'arti- cle 2, ainsi que dans le rapport déposé à la Chambre des communes le 27 février 1976, les motifs justifiant ses recommandations. Le terme «recommandation» est défini à l'article 2 comme signifiant «une recommandation qui est justifiée par un motif à cet effet».
Selon mon opinion dans la présente affaire et assumant, sans toutefois l'affirmer, que la Com mission peut être traduite devant cette Cour et que normalement la prohibition et le mandamus seraient recevables aux fins de réglementer ses fonctions, et assumant également que les requé- rants, ou certains d'entre eux, sont en droit d'effec- tuer une telle demande en redressement, cette procédure aurait pu mettre en cause la validité de l'annonce dès le mois d'août dernier, au moment cette validité aurait pu être établie avant les
audiences de la Commission et il aurait encore pu être temps, si l'annonce avait été déclarée nulle, de publier un autre avis et de terminer le rapport de la Commission dans l'année prescrite par l'arti- cle 18 qui commençait, en l'espèce, le 28 février 1975. Comme fondement de la prohibition et du mandamus, à ce stade la plainte pour insuffisance des motifs des recommandations de la Commis sion, tels qu'ils étaient mentionnés dans l'annonce, me semble périmée et même sans espoir, vu que les documents qui m'ont été soumis n'établissent pas que cette opposition particulière a été soulevée. à l'époque devant la Commission ou une autre autorité.
De plus, comme on l'a mentionné, le rapport de la Commission a été déposé à la Chambre des communes le 27 février 1976. Nous sommes main- tenant en mai. A mon avis, la validité du rapport aurait pu faire l'objet d'un examen devant la Cour d'appel en vertu de l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale si les procédures avaient débuté dans la période de 10 jours indiquée au paragraphe 28(2) de la Loi. Il est encore possible de faire un tel examen si la Cour peut être convaincue de prolonger la période requise pour présenter une demande. Selon moi, il aurait fallu procéder ainsi et ce tribunal aurait été l'autorité compétente pour juger la question de la validité du rapport de la Commission.
Maintenant, nous en sommes rendus au stade la Commission doit rendre sa décision à l'égard des oppositions au rapport, soulevées à la Chambre des communes; après, le commissaire à la représenta- tion est tenu, en vertu de l'article 21, de retourner à l'Orateur de la Chambre des communes un exemplaire certifié du rapport accompagné ou non des modifications requises, selon la décision de la Commission à l'égard des oppositions. Par la suite, une ordonnance de représentation doit être émise, comme le prévoit l'article 22. Si un bref de prohi bition est accordé, il faudra conclure que la Com mission ne pourra pas remplir ses fonctions législa- tives dans la limite de temps stipulée par la Loi, pas plus que le commissaire à la représentation, en ce qui touche non seulement le rapport de la présente Commission, mais aussi ceux de toutes les commissions. En outre, le fait d'accorder le bref de mandamus demandé aurait pour résultat, à mon avis, d'obliger la Commission à ignorer les délais
de prescription de la Loi au profit de délais de prescription décrétés par la Cour. C'est une chose que la Cour n'a pas le pouvoir de faire et, si elle le faisait, on pourrait s'attendre que le rapport et toute ordonnance de représentation fondée sur ce dernier soient considérés comme illégaux et que tous les effets de la Loi, en vigueur depuis la promulgation du 28 février 1975, soient annulés. Il me semble que ce sont des conséquences graves.
Par ailleurs, selon moi, les requérants ne seront pas en plus mauvaise posture pour contester la validité de l'étape finale qu'ils tentent maintenant d'interdire, si la Commission a toute liberté pour franchir cette étape et si l'on entame ensuite les procédures appropriées pour en éprouver la vali- dité. Quant à la contestation de la validité de l'avis et du rapport déposé le 27 février 1976, les requé- rants se trouveraient dans la même situation que dans le cas présent.
Ces considérations m'amènent à conclure que même si j'étais d'avis que les oppositions au rap port de la Commission étaient valables, question qui, selon moi, pourrait être résolue d'une façon ou de l'autre, la Cour, utilisant la discrétion dont elle dispose pour refuser ou accorder un redressement par voie de prohibition ou de mandamus, devrait se prononcer contre ce redressement. Les requé- rants ne seront aucunement lésés dans leurs droits si le redressement qu'ils recherchent est refusé. Par ailleurs, si je devais conclure que le rapport est sujet à opposition et qu'une Cour d'appel en déci- dât autrement, les conséquences de mon geste, par suite de l'octroi d'un redressement, seraient irréversibles.
La demande est donc rejetée.
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