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A-696-75
In re la Loi nationale sur les transports et in re la Pacific Western Airlines Ltd.
Cour d'appel, les juges Heald, Ryan et Le Dain— Ottawa, le 27 janvier et le 19 février 1976.
Compétence—Aéronautique—Sa Majesté du chef de la pro vince de l'Alberta est-elle assujettie aux dispositions des articles 19 et 20 du Règlement sur les transporteurs aériens et à la juridiction de la CCT relativement à l'acquisition de la majorité des actions de la Pacific Western Airlines Ltd.?—Loi nationale sur les transports, S.R.C. 1970, c. N-17, art. 3, 27 et 55—Loi sur l'aéronautique, S.R.C. 1970, c. A-3, art. 3a),k),l) et 9 à 19—Règlement sur les transporteurs aériens, DORS/72- 145, art. 19 et 20—Loi d'interprétation, S.R.C. 1970, c. I-23, art. 16—Acte de l'Amérique du Nord britannique, 1867, art. 92(11) et (13).
Le gouvernement de l'Alberta a acquis la grande majorité des actions de la Pacific Western Airlines et il a informé la Commission canadienne des transports que selon lui, les articles 19 et 20 du Règlement sur les transporteurs aériens ne lient pas la Couronne provinciale en matière d'acquisition d'actions d'une compagnie publique et qu'elle n'était pas tenue de donner l'avis requis de l'acquisition.
Arrêt: la Reine du chef de la province de l'Alberta est assujettie aux dispositions des articles 19 et 20 et à la juridic- tion de la CCT. Ne peut être accueilli l'argument selon lequel la propriété d'un transporteur aérien est un aspect relativement peu important de la réglementation de l'aéronautique par la CCT et cette dernière peut régler les difficultés en ce domaine sans tenir compte de la propriété d'un transporteur aérien, si bien que la CCT ne peut invoquer l'argument de l'assujettisse- ment «par voie d'interprétation nécessaire». L'étude de la Loi sur l'aéronautique, du Règlement sur les transporteurs aériens et de l'article 27 de la Loi nationale sur les transports démon- tre que le législateur entendait lier la Couronne; la Loi sur l'aéronautique ne présenterait aucune utilité s'il n'en était pas ainsi. Il n'y a aucune raison d'établir une distinction entre les articles 19 et 20 et les autres dispositions de la Loi et du Règlement. L'article 27 de la Loi nationale sur les transports impose à la CCT l'obligation de faire enquête sur l'acquisition proposée d'un transporteur aérien. Étant donné l'énoncé de la politique nationale des transports à l'article 3 de la Loi, il est de plus haute importance que la CCT puisse faire enquête sur les transferts de propriété, qu'il s'agisse de la Couronne provinciale ou d'un organisme du secteur privé, car le nouveau propriétaire pourrait avoir une orientation qui viendrait en conflit avec les objectifs déclarés de la Loi sur l'aéronautique ou de la Loi nationale sur les transports. La province est donc liée par «voie d'interprétation nécessaire». Le libellé de l'article 16 de la Loi d'interprétation permet d'appliquer cet argument. Quant à la question de savoir si les articles 19 et 20 du Règlement et l'article 14e) et f) de la Loi sur l'aéronautique sont ultra vires dans la mesure ils ont pour effet d'accorder à la CCT juridiction sur les compagnies constituées par une province, ces dispositions ont trait à une question intéressant la réglementa- tion de l'aéronautique et relèvent de la compétence législative fédérale. De par son caractère véritable, la législation n'est pas «relative» à la propriété et aux droits civils dans la province.
Arrêts appliqués: Bombay c. Bombay [1947] A.C. 58 et Munro c. La Commission de la Capitale nationale [1966] R.C.S. 663. Distinction faite avec l'arrêt: In re Silver Brothers Limited [1932] A.C. 514.
MÉMOIRE. AVOCATS:
G. W. Ainslie, c.r., et W. G. St. John pour la CCT.
J. C. Major, c.r., pour la Reine du chef de la province de l'Alberta.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour la CCT.
Jones, Black, Gain & Laycraft, Calgary, pour la Reine du chef de la province de l'Alberta.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE HEALD: Il s'agit d'un mémoire pré- senté conformément à l'article 55 de la Loi natio- nale sur les transports' par la Commission cana- dienne des transports (ci-apiès désignée par les initiales CCT). Ladite question de droit et de juridiction est formulée de la façon suivante:
[TRADUCTION] Sa Majesté du chef de la province de l'Alberta est-elle une personne assujettie aux dispositions des articles 19 et 20 du Règlement sur les transporteurs aériens et à la juridiction de la Commission relativement à l'acquisition de la majorité des actions de la Pacific Western Airlines Ltd.?
La Pacific Western Airlines Ltd. (ci-après dési- gnée par les initiales P.W.A.), une compagnie publique, a été constituée à l'origine en vertu des lois de la Colombie-Britannique. A titre de trans- porteur commercial aérien, elle dessert suivant un horaire fixe les territoires du Nord-Ouest, l'État de Washington et les provinces de la Colombie-Bri- tannique et de l'Alberta. Elle fait aussi des vols
' 55. (1) La Commission peut, de son propre mouvement, ou à la demande d'une partie, et après qu'a été fourni le cautionne- ment qu'elle prescrit, ou à la requête du gouverneur en conseil, soumettre un mémoire pour obtenir l'opinion de la Cour d'appel fédérale sur toute question que cette Commission considère être une question de droit ou une question concernant la juridiction de la Commission.
(2) La Cour d'appel fédérale doit entendre et juger cette question, et remettre l'affaire à la Commission avec l'opinion de la cour.
d'affrètement internationaux. Au début d'août 1974, Sa Majesté du chef de la province de l'Al- berta a acquis la très grande majorité des actions émises et en circulation de la P.W.A.
Le 9 août 1974, ou vers cette date, le secrétaire de la CCT a envoyé un message télex au gouverne- ment de l'Alberta lui demandant d'expliquer pour- quoi il aurait omis de notifier la CCT, conformé- ment au Règlement sur les transporteurs aériens et à la Loi nationale sur les transports, de son acquisition de la majorité des actions de la P.W.A. Dans la correspondance que la CCT et le gouver- nement de l'Alberta ont échangée, ce dernier s'est dit disposé à coopérer et à fournir volontairement des renseignements requis, ajoutant toutefois que, selon lui, les article 19 et 20 du Règlement sur les transporteurs aériens ne s'appliquent pas à Sa Majesté du chef d'une province et ne la lient pas en matière d'acquisition d'actions d'une compagnie publique et que la province de l'Alberta n'est notamment pas tenue, soit en vertu des articles 19 et 20 du Règlement sur les transporteurs aériens soit autrement, d'informer la CCT de l'achat de ces actions sur le marché libre.
La CCT, pour sa part, a adopté l'attitude que lesdits articles 19 et 20 s'appliquent et, par suite, le Comité des transports aériens de la CCT a fait publier des avis relatifs à cette acquisition et a invité les personnes touchées par cette acquisition à présenter leurs objections, comme le prévoit le Règlement.
Lesdits articles 19 et 20 du Règlement sur les transporteurs aériens, DORS/72-145, portent que:
19. Toute personne qui entend se livrer à une opération dont le but est, ou dont le résultat serait un changement de contrôle financier, l'unification, la fusion, la location ou le transfert d'un service aérien commercial doit se soumettre aux conditions énoncées à l'article 20 ci-dessous.
20. (1) Toute personne qui se propose de se livrer à une des opérations décrites à l'article 19 doit donner avis de ce projet au Comité.
(2) Sous réserve du paragraphe (4), lorsqu'une opération dont il est question à l'article 19 tombe sous le coup de l'article 27 de la Loi nationale sur les transports, il est obligatoire de se conformer aux dispositions de ladite loi.
(3) Sous réserve du paragraphe (4), lorsqu'une opération dont il est question à l'article 19 ne tombe pas sous le coup de l'article 27 de la Loi nationale sur les transports, les disposi tions de cet article s'appliquent mutatis mutandis à l'opération projetée, sauf que le Comité peut instituer une enquête sur cette
opération, même s'il n'y a aucune opposition.
(4) Le Comité peut, sur réception d'un avis d'opération décrite à l'article 19, exiger de la personne dont il est question au paragraphe (1) qu'elle dépose chez le Secrétaire les informa- tions ou documents de nature à permettre au Comité de déterminer si l'opération pourrait réduire indûment la concur rence ou porter autrement préjudice à l'intérêt public.
Le Comité des transports aériens a reçu certai- nes objections à la suite de la publication des avis susmentionnés, et il a engagé une enquête sur l'acquisition. Cependant, comme on l'a dit plus haut, le gouvernement de l'Alberta a contesté la juridiction de la Commission au sujet de ladite acquisition et a proposé de faire trancher cette question de droit avant d'engager d'autres procé- dures. C'est ainsi que la Commission a décidé de soumettre le présent mémoire.
A l'appui de ce qu'il avance, l'avocat représen- tant le gouvernement de l'Alberta a présenté un argument à deux volets. Il prétend d'abord que Sa Majesté du chef de l'Alberta n'est pas assujettie aux articles 19 et 20 du Règlement sur les trans- porteurs aériens (précités) et qu'elle ne peut, en droit, être tenue de donner avis de l'acquisition qu'elle a faite de la majorité des actions de la P.W.A. ni de se conformer sous quelque autre aspect aux dispositions desdits articles.
Les avocats des deux parties se sont reportés à l'arrêt Province of Bombay c. Municipal Corpora tion of Bombay 2 comme étant la décision faisant jurisprudence en ce qui concerne les principes à appliquer lorsqu'il s'agit de trancher la question de savoir si la Couronne est liée par une loi donnée. A la page 61, lord Du Parcq, qui prononçait le jugement du Comité judiciaire du Conseil privé, a déclaré ce qui suit:
[TRADUCTION] Le principe général à appliquer en examinant la question de savoir si la Cour est liée par les dispositions générales d'une loi est bien connu. Selon l'ancienne maxime juridique, aucune loi ne lie la Couronne si celle-ci n'y est expressément mentionnée, .... Mais cette règle souffre au moins une exception. La Couronne, comme on l'a souvent dit, peut être liée «par voie d'interprétation nécessaire»; c'est-à-dire que, s'il appert des termes mêmes de la loi que le législateur entendait lier la Couronne, le résultat est le même que si cette
dernière était expressément nommée. 2 [1947] A.C. 58.
A la page 63 de son jugement, lord Du Parcq a déclaré que doit être considérée comme manifeste l'intention de lier la Couronne
[TRADUCTION] Si l'on peut affirmer qu'au moment la loi a été adoptée et a reçu la sanction royale, il ressortait clairement de son libellé qu'elle serait privée de tout effet salutaire si elle ne liait pas la Couronne, on peut présumer que la Couronne a accepté d'être liée. Leurs Seigneuries ajoutent toutefois que dans ces cas l'on demande à la Cour de tirer cette conclu sion, il faut toujours se rappeler que si l'intention du législateur est de lier la Couronne, rien de plus facile que de le dire en toutes lettres.
Traitant de l'assujettissement «par voie d'inter- prétation nécessaire» l'avocat de l'Alberta a déclaré que la province de l'Alberta ne conteste pas la compétence de la CCT relativement à la réglementation de l'industrie aérienne ni son pou- voir de tenir des audiences sur l'octroi de permis aux transporteurs aériens. Il a aussi concédé que les divers vendeurs des actions de la P.W.A. étaient assujettis aux articles 19 et 20 du Règle- ment susmentionné. Selon lui, la propriété ou le transfert de la propriété d'un transporteur aérien est un aspect relativement peu important de la réglementation de l'aéronautique par la Commis sion et cette dernière peut régler les difficultés en ce domaine sans tenir compte de la question de la propriété d'un transporteur aérien, si bien que la Commission ne peut invoquer l'argument de l'assu- jettissement «par voie d'interprétation nécessaire» pour établir que Sa Majesté du chef de la province de l'Alberta est liée par les dispositions des articles 19 et 20 du Règlement. Je suis incapable de souscrire à cet argument. Le Règlement sur les transporteurs aériens est expressément établi en vertu de la Loi sur l'aéronautique, S.R.C. 1970, c. A-3. Il faut donc, à mon avis, s'interroger sur l'économie de cette loi pour savoir si ses disposi tions lient la Couronne «par voie d'interprétation nécessaire», en tenant compte des critères exposés dans l'arrêt Bombay susmentionné. L'article 3 de la Loi sur l'aéronautique stipule notamment qu'il incombe au Ministre responsable «de diriger toutes les affaires se rattachant à l'aéronautique;» (article 3a)). Aux termes de l'article 3k), il incombe au Ministre «de s'enquérir, faire l'inspection et rendre compte du fonctionnement et du développement des services aériens commerciaux à l'intérieur, ou en partie à l'intérieur, du Canada ....» L'article 3l) charge le Ministre «d'étudier, rédiger et prépa- rer, pour l'approbation du gouverneur en conseil,
les règlements qui peuvent être jugés nécessaires pour le contrôle ou le fonctionnement de l'aéronau- tique au Canada ....»
Les dispositions de la Loi relatives à l'octroi de permis d'exploitation d'un service aérien commer cial figurent à la Partie II, qui comprend les articles 9 à 19. Le pouvoir d'accorder ces permis est délégué à la CCT. L'article 16(3) stipule que la Commission ne doit pas délivrer de permis de ce genre à moins qu'elle ne soit convaincue que le service aérien commercial projeté «... est et sera requis pour la commodité et les besoins présents et futurs du public.» L'article 14 de la Loi accorde à la Commission le pouvoir d'établir des règlements, inter alfa:
e) enjoignant à toute personne de fournir des renseignements sur la propriété de services aériens commerciaux ou sur des contrôles, transferts, unifications, fusions ou locations, réalisés ou projetés, de tels services;
et,
f) exigeant la remise à ses bureaux de copies des conventions concernant des contrôles, transferts, unifications, fusions ou locations visés à l'alinéa e), de copies de contrats, de projets de contrats et de copies de conventions visant les services aériens commerciaux;
Les articles 19 et 20 précités du Règlement sur les transporteurs aériens ont vraisemblablement été promulgués sous le régime desdits paragraphes 14e) et f) de la Loi. Aux termes de l'article 20, il est obligatoire de se conformer aux dispositions de l'article 27 de la Loi nationale sur les transports'.
3 27. (1) Une compagnie de chemin de fer, une compagnie de pipe-line pour denrées, une compagnie de transport par eau, une personne exploitant une entreprise de transport par véhi- cule à moteur ou un transporteur par air, assujetti à la compé- tence législative du Parlement du Canada, qui se propose d'acquérir, directement ou indirectement, par achat, location à bail, fusion, consolidation ou autrement, un intérêt dans les affaires ou l'entreprise de toute personne principalement enga gée dans des opérations de transport, que ces affaires ou cette entreprise soient ou non soumises à la compétence du Parle- ment, doit donner à la Commission avis de l'acquisition proposée.
(2) La Commission doit donner ou faire donner l'avis public ou tel autre avis de toute acquisition proposée mentionnée au paragraphe (1) qui lui semble raisonnable dans les circons- tances, y compris l'avis au directeur des enquêtes et recherches en vertu de la Loi relative aux enquêtes sur les coalitions.
(3) Toute personne visée par une proposition d'acquisition mentionnée au paragraphe (1) ou toute association ou autre organisme représentant les transporteurs ou des entreprises de transport visées par cette acquisition peut, dans le délai qui
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Si l'on examine ensemble les dispositions de la Loi sur l'aéronautique, celles du règlement établi sous le régime de cette loi et celles de l'article 27 de la Loi nationale sur les transports, il est évident que le législateur entendait lier la Couronne par les dispositions de la Loi sur l'aéronautique et du règlement établi sous le régime de cette loi. La Loi sur l'aéronautique ne présenterait aucune utilité si les gouvernements provinciaux n'y étaient pas assujettis, ce que n'a d'ailleurs pas vraiment con testé l'avocat représentant le gouvernement de l'Alberta, si j'ai bien compris la thèse qu'il a avancée. Ce qu'il a prétendu, c'est qu'il n'est pas nécessaire que la Couronne provinciale soit liée par les dispositions des articles 19 et 20 du Règlement sur les transporteurs aériens car elle se trouve effectivement assujettie à la réglementation fédé- rale du fait qu'elle est liée par les autres disposi tions de la Loi et du Règlement. Je ne vois pas pourquoi on établirait une distinction à cet égard entre ces articles et les autres dispositions de la Loi et du Règlement. Je suis incapable de souscrire à l'opinion selon laquelle la question de la propriété des transporteurs aériens est relativement peu importante en matière de réglementation de l'aéro- nautique. L'article 27 de la Loi nationale sur les transports impose à la Commission l'obligation de faire enquête sur l'acquisition proposée d'un trans- porteur aérien et prévoit tout un dispositif permet- tant aux parties intéressées de s'opposer à l'acqui- sition proposée. La Commission peut refuser de reconnaître cette acquisition si, à son avis, celle-ci «doit restreindre indûment la concurrence ou être
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peut être prescrit par la Commission, s'opposer auprès de la Commission à cette acquisition en invoquant le motif qu'elle restreindra indûment la concurrence ou portera autrement pré- judice à l'intérêt public.
(4) Lorsqu'il est fait opposition en conformité du paragraphe (3), la Commission
a) doit faire l'enquête, comprenant notamment la tenue d'auditions publiques, qu'elle estime nécessaire ou souhaita- ble dans l'intérêt du public;
b) peut ne pas reconnaître une semblable acquisition si, de l'avis de la Commission, cette acquisition doit restreindre indûment la concurrence ou être par ailleurs préjudiciable à l'intérêt public;
et toute semblable acquisition, à laquelle il a été fait opposition dans le délai prévu à cette fin par la Commission et que la Commission n'a pas reconnue, est nulle.
(5) Rien au présent article ne doit s'interpréter comme autorisant l'acquisition d'un intérêt dans une autre compagnie lorsque cette acquisition est interdite par quelque loi du Parle- ment du Canada.
par ailleurs préjudiciable à l'intérêt public.» En ce qui concerne l'«intérêt public», il est utile d'exami- ner en outre l'énoncé de la politique nationale des transports à l'article 3 de la Loi nationale sur les transports 4 . Étant donné l'importance attachée dans cet article au «prix de revient global le plus bas» pour les «usagers des moyens de transport» et l'objectif de libre concurrence entre les divers moyens de transport qui y est exprimé, il est de la plus haute importance que l'organisme investi du pouvoir de réglementer l'industrie de l'aéronauti- que puisse faire enquête sur les transferts de pro- priété des transporteurs aériens, qu'il s'agisse de la Couronne provinciale ou d'un organisme du sec- teur privé, car le nouveau propriétaire pourrait
4 3. Il est par les présentes déclaré qu'un système économi- que, efficace et adéquat de transport utilisant au mieux tous les moyens de transport disponibles au prix de revient global le plus bas est essentiel à la protection des intérêts des usagers des moyens de transport et au maintien de la prospérité et du développement économique du Canada, et que la façon la plus sûre de parvenir à ces objectifs est vraisemblablement de rendre tous les moyens de transport capables de soutenir la concur rence dans des conditions qui assureront, compte tenu de la politique nationale et des exigences juridiques et constitutionnelles,
a) que la réglementation de tous les moyens de transport ne sera pas de nature à restreindre la capacité de l'un d'eux de faire librement concurrence à tous les autres moyens de transport;
b) que chaque moyen de transport supporte, autant que possible, une juste part du prix de revient réel des ressources, des facilités et des services fournis à ce moyen de transport grâce aux deniers publics;
c) que chaque moyen de transport soit, autant que possible, indemnisé pour les ressources, les facilités et les services qu'il est tenu de fournir à titre de service public commandé; et
d) que chaque moyen de transport achemine, autant que possible, le trafic à destination ou en provenance de tout point au Canada à des prix et à des conditions qui ne constituent pas
(i) un désavantage déloyal à l'égard de ce trafic plus marqué que celui qui est inhérent à l'endroit desservi ou au volume de ce trafic, à l'ampleur de l'opération qui y est reliée ou au type du trafic ou du service en cause, ou
(ii) un obstacle excessif à l'échange des denrées entre des points au Canada ou un découragement déraisonnable du développement des industries primaires ou secondaires ou du commerce d'exportation dans toute région du Canada ou en provenant, ou du mouvement de denrées passant par des ports canadiens;
et la présente loi est édictée en conformité et pour la réalisation de ces objectifs dans toute la mesure ils sont du domaine des questions relevant de la compétence du Parlement en matière de transport.
avoir une orientation, qui viendrait en conflit avec les objectifs déclarés de la Loi sur l'aéronautique et de la Loi nationale sur les transports susmen- tionnés. J'en suis donc arrivé à la conclusion que les articles 19 et 20 du Règlement sur les trans- porteurs aériens lient Sa Majesté du chef de la province de l'Alberta par «voie d'interprétation nécessaire».
L'avocat représentant le gouvernement de l'Al- berta s'est appuyé sur la décision du Conseil privé dans l'affaire In re Silver Brothers Limited 5 , il a été décidé que la Couronne du chef de la pro vince de Québec n'était pas liée par certaines dispositions législatives fédérales parce qu'elle n'y était pas expressément mentionnée. L'extrait sui- vant du jugement prononcé par le vicomte Dune- din tiré de la page 523, indique que le Conseil privé a semblé juger qu'il ne lui était pas loisible, étant donné le libellé de la disposition de la Loi d'interprétation fédérale en vigueur à l'époque, - d'invoquer l'«interprétation nécessaire»:
[TRADUCTION] On a ensuite dit que puisque la Loi sur les banques et la Loi sur la faillite non seulement traitent de privilèges mais (inter alia) de privilèges de la Couronne, il faut conclure par voie d'«interprétation nécessaire» que le législateur entendait traiter de tous les privilèges de la Couronne. Pour répondre à cette affirmation, il suffit de s'arrêter aux termes mêmes de l'article 16, et, il ressort à l'évidence que prétendre qu'une «interprétation nécessaire» constitue une mention expresse est une contradiction dans les termes.
Je suis toutefois d'avis que les observations pré- citées ne sont d'aucune aide à Sa Majesté du chef de la province de l'Alberta, parce que l'article 16 de la Loi d'interprétation étudié dans l'arrêt Silver Brothers diffère sensiblement de l'article 16 actuel 6 .
L'article examiné dans l'arrêt Silver Brothers (précité) porte que:
16. Nulle disposition non plus que nulle prescription d'une loi ne peut porter atteinte de quelque façon que ce soit aux droits de Sa Majesté, de ses héritiers et de ses successeurs, à moins que l'intention n'y soit formellement exprimée d'y attein- dre Sa Majesté. [C'est moi qui souligne.]
Le libellé de l'article 16 actuel est le suivant:
16. Nul texte législatif de quelque façon que ce soit ne lie Sa Majesté ni n'a d'effet à l'égard de Sa Majesté ou sur les droits
5 [1932] A.C. 514.
6 Loi d'interprétation, S.R.C. 1970, c. I-23.
et prérogatives de Sa Majesté, sauf dans la mesure y mention- née ou prévue. [C'est moi qui souligne.]
Selon moi, la modification apportée au libellé de l'article 16 est importante et permet d'appliquer en l'espèce l'argument dit de l'«interprétation nécessaire».
La seconde allégation de l'avocat représentant le gouvernement de l'Alberta peut s'énoncer de la façon suivante: l'acquisition d'actions d'une com- pagnie, telle la P.W.A., constituée en vertu d'une loi provinciale est une question qui relève de la compétence provinciale soit en vertu de l'article 92(11)—«La constitution en corporation de com- pagnies pour des objets provinciaux» soit de l'arti- cle 92(13)—«La propriété et les droits civils dans la province» de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique et les paragraphes 14e) et f) de la Loi sur l'aéronautique ainsi que les articles 19 et 20 du Règlement sur les transporteurs aériens sont ultra vires et nuls dans la mesure ils ont pour effet d'accorder au Comité la compétence de s'ingérer dans le transfert du contrôle de compagnies consti- tuées par une province.
A mon avis, ces dispositions de la Loi et du Règlement, pour les raisons susmentionnées, ont trait à une question intéressant la réglementation de l'aéronautique et, à ce titre, relèvent clairement de la compétence législative fédérale relativement à ce sujet. Quant à leur effet sur la propriété et les droits civils, il me semble que l'extrait suivant du jugement de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Munro c. La Commission de la Capitale nationale' réfute l'argument de l'avocat représen- tant l'Alberta:
[TRADUCTION] Il ne fait aucun doute que l'exercice des pouvoirs que la Loi sur la Capitale nationale a conférés à la Commission affectera les droits civils des résidents des parties des deux provinces qui composent la région de la Capitale nationale. Les droits de l'appelant sont affectés en l'espèce. Mais une fois que l'on a décidé que le sujet auquel se rattache la Loi que l'on a adoptée est un sujet qui entre dans les pouvoirs du Parlement, le fait que son application affectera les droits civils dans ces provinces ne saurait constituer une objection sérieuse à sa validité. Ainsi que le déclarait le vicomte Simon, dans l'arrêt Le procureur général de la Saskatchewan c. Le procureur général du Canada [1949] A.C. 110 à la page 123, 1 W.W.R. 742, 2 D.L.R. 145, en adoptant ce que le juge Rand avait souligné:
7 [1966] R.C.S. 663, à la page 671.
Les répercussions ne peuvent être placées dans une même catégorie que l'objet de la loi. C'est «le caractère véritable de la législation non pas les résultats économiques en décou- lant—qui importe.
Le passage suivant des motifs du juge Duff, alors juge puîné, dans l'arrêt Gold Seal Limited c. Dominion Express Company et le procureur général de l'Alberta (1921) 62 R.C.S. 424 la page 460, 3 W.W.R. 710, 62 D.L.R. 62, que cite le savant juge de première instance, énonce l'état du droit avec exactitude, comme suit:
Il est erroné de ne pas distinguer une loi affectant les droits civils d'une loi «relative» aux droits civils. La plupart des lois à caractère répressif affectent incidemment ou indi- rectement les droits civils; mais si, de par leur caractère véritable, il ne s'agit pas de lois «relatives» à la «propriété et aux droits civils» dans les provinces, au sens de l'article 92 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, on ne peut alors soulever cette objection quoiqu'elles aient été adoptées dans l'exercice de la compétence résiduelle attribuée par la clause introductive.
Pour les raisons susmentionnées, j'ai conclu qu'il faut répondre par l'affirmative à la question de droit et de juridiction soumise à cette cour et citée au début de ces motifs.
* * *
LE JUGE RYAN a souscrit à l'avis.
* * *
LE JUGE LE DAIN a souscrit à l'avis.
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