A-696-75
In re la Loi nationale sur les transports et in re la
Pacific Western Airlines Ltd.
Cour d'appel, les juges Heald, Ryan et Le Dain—
Ottawa, le 27 janvier et le 19 février 1976.
Compétence—Aéronautique—Sa Majesté du chef de la pro
vince de l'Alberta est-elle assujettie aux dispositions des
articles 19 et 20 du Règlement sur les transporteurs aériens et
à la juridiction de la CCT relativement à l'acquisition de la
majorité des actions de la Pacific Western Airlines Ltd.?—Loi
nationale sur les transports, S.R.C. 1970, c. N-17, art. 3, 27 et
55—Loi sur l'aéronautique, S.R.C. 1970, c. A-3, art. 3a),k),l)
et 9 à 19—Règlement sur les transporteurs aériens, DORS/72-
145, art. 19 et 20—Loi d'interprétation, S.R.C. 1970, c. I-23,
art. 16—Acte de l'Amérique du Nord britannique, 1867, art.
92(11) et (13).
Le gouvernement de l'Alberta a acquis la grande majorité
des actions de la Pacific Western Airlines et il a informé la
Commission canadienne des transports que selon lui, les articles
19 et 20 du Règlement sur les transporteurs aériens ne lient
pas la Couronne provinciale en matière d'acquisition d'actions
d'une compagnie publique et qu'elle n'était pas tenue de donner
l'avis requis de l'acquisition.
Arrêt: la Reine du chef de la province de l'Alberta est
assujettie aux dispositions des articles 19 et 20 et à la juridic-
tion de la CCT. Ne peut être accueilli l'argument selon lequel
la propriété d'un transporteur aérien est un aspect relativement
peu important de la réglementation de l'aéronautique par la
CCT et cette dernière peut régler les difficultés en ce domaine
sans tenir compte de la propriété d'un transporteur aérien, si
bien que la CCT ne peut invoquer l'argument de l'assujettisse-
ment «par voie d'interprétation nécessaire». L'étude de la Loi
sur l'aéronautique, du Règlement sur les transporteurs aériens
et de l'article 27 de la Loi nationale sur les transports démon-
tre que le législateur entendait lier la Couronne; la Loi sur
l'aéronautique ne présenterait aucune utilité s'il n'en était pas
ainsi. Il n'y a aucune raison d'établir une distinction entre les
articles 19 et 20 et les autres dispositions de la Loi et du
Règlement. L'article 27 de la Loi nationale sur les transports
impose à la CCT l'obligation de faire enquête sur l'acquisition
proposée d'un transporteur aérien. Étant donné l'énoncé de la
politique nationale des transports à l'article 3 de la Loi, il est de
plus haute importance que la CCT puisse faire enquête sur les
transferts de propriété, qu'il s'agisse de la Couronne provinciale
ou d'un organisme du secteur privé, car le nouveau propriétaire
pourrait avoir une orientation qui viendrait en conflit avec les
objectifs déclarés de la Loi sur l'aéronautique ou de la Loi
nationale sur les transports. La province est donc liée par «voie
d'interprétation nécessaire». Le libellé de l'article 16 de la Loi
d'interprétation permet d'appliquer cet argument. Quant à la
question de savoir si les articles 19 et 20 du Règlement et
l'article 14e) et f) de la Loi sur l'aéronautique sont ultra vires
dans la mesure où ils ont pour effet d'accorder à la CCT
juridiction sur les compagnies constituées par une province, ces
dispositions ont trait à une question intéressant la réglementa-
tion de l'aéronautique et relèvent de la compétence législative
fédérale. De par son caractère véritable, la législation n'est pas
«relative» à la propriété et aux droits civils dans la province.
Arrêts appliqués: Bombay c. Bombay [1947] A.C. 58 et
Munro c. La Commission de la Capitale nationale [1966]
R.C.S. 663. Distinction faite avec l'arrêt: In re Silver
Brothers Limited [1932] A.C. 514.
MÉMOIRE.
AVOCATS:
G. W. Ainslie, c.r., et W. G. St. John pour la
CCT.
J. C. Major, c.r., pour la Reine du chef de la
province de l'Alberta.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour la
CCT.
Jones, Black, Gain & Laycraft, Calgary, pour
la Reine du chef de la province de l'Alberta.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE HEALD: Il s'agit d'un mémoire pré-
senté conformément à l'article 55 de la Loi natio-
nale sur les transports' par la Commission cana-
dienne des transports (ci-apiès désignée par les
initiales CCT). Ladite question de droit et de
juridiction est formulée de la façon suivante:
[TRADUCTION] Sa Majesté du chef de la province de l'Alberta
est-elle une personne assujettie aux dispositions des articles 19
et 20 du Règlement sur les transporteurs aériens et à la
juridiction de la Commission relativement à l'acquisition de la
majorité des actions de la Pacific Western Airlines Ltd.?
La Pacific Western Airlines Ltd. (ci-après dési-
gnée par les initiales P.W.A.), une compagnie
publique, a été constituée à l'origine en vertu des
lois de la Colombie-Britannique. A titre de trans-
porteur commercial aérien, elle dessert suivant un
horaire fixe les territoires du Nord-Ouest, l'État de
Washington et les provinces de la Colombie-Bri-
tannique et de l'Alberta. Elle fait aussi des vols
' 55. (1) La Commission peut, de son propre mouvement, ou
à la demande d'une partie, et après qu'a été fourni le cautionne-
ment qu'elle prescrit, ou à la requête du gouverneur en conseil,
soumettre un mémoire pour obtenir l'opinion de la Cour d'appel
fédérale sur toute question que cette Commission considère être
une question de droit ou une question concernant la juridiction
de la Commission.
(2) La Cour d'appel fédérale doit entendre et juger cette
question, et remettre l'affaire à la Commission avec l'opinion de
la cour.
d'affrètement internationaux. Au début d'août
1974, Sa Majesté du chef de la province de l'Al-
berta a acquis la très grande majorité des actions
émises et en circulation de la P.W.A.
Le 9 août 1974, ou vers cette date, le secrétaire
de la CCT a envoyé un message télex au gouverne-
ment de l'Alberta lui demandant d'expliquer pour-
quoi il aurait omis de notifier la CCT, conformé-
ment au Règlement sur les transporteurs aériens
et à la Loi nationale sur les transports, de son
acquisition de la majorité des actions de la P.W.A.
Dans la correspondance que la CCT et le gouver-
nement de l'Alberta ont échangée, ce dernier s'est
dit disposé à coopérer et à fournir volontairement
des renseignements requis, ajoutant toutefois que,
selon lui, les article 19 et 20 du Règlement sur les
transporteurs aériens ne s'appliquent pas à Sa
Majesté du chef d'une province et ne la lient pas
en matière d'acquisition d'actions d'une compagnie
publique et que la province de l'Alberta n'est
notamment pas tenue, soit en vertu des articles 19
et 20 du Règlement sur les transporteurs aériens
soit autrement, d'informer la CCT de l'achat de
ces actions sur le marché libre.
La CCT, pour sa part, a adopté l'attitude que
lesdits articles 19 et 20 s'appliquent et, par suite, le
Comité des transports aériens de la CCT a fait
publier des avis relatifs à cette acquisition et a
invité les personnes touchées par cette acquisition
à présenter leurs objections, comme le prévoit le
Règlement.
Lesdits articles 19 et 20 du Règlement sur les
transporteurs aériens, DORS/72-145, portent que:
19. Toute personne qui entend se livrer à une opération dont
le but est, ou dont le résultat serait un changement de contrôle
financier, l'unification, la fusion, la location ou le transfert d'un
service aérien commercial doit se soumettre aux conditions
énoncées à l'article 20 ci-dessous.
20. (1) Toute personne qui se propose de se livrer à une des
opérations décrites à l'article 19 doit donner avis de ce projet au
Comité.
(2) Sous réserve du paragraphe (4), lorsqu'une opération
dont il est question à l'article 19 tombe sous le coup de l'article
27 de la Loi nationale sur les transports, il est obligatoire de se
conformer aux dispositions de ladite loi.
(3) Sous réserve du paragraphe (4), lorsqu'une opération
dont il est question à l'article 19 ne tombe pas sous le coup de
l'article 27 de la Loi nationale sur les transports, les disposi
tions de cet article s'appliquent mutatis mutandis à l'opération
projetée, sauf que le Comité peut instituer une enquête sur cette
opération, même s'il n'y a aucune opposition.
(4) Le Comité peut, sur réception d'un avis d'opération
décrite à l'article 19, exiger de la personne dont il est question
au paragraphe (1) qu'elle dépose chez le Secrétaire les informa-
tions ou documents de nature à permettre au Comité de
déterminer si l'opération pourrait réduire indûment la concur
rence ou porter autrement préjudice à l'intérêt public.
Le Comité des transports aériens a reçu certai-
nes objections à la suite de la publication des avis
susmentionnés, et il a engagé une enquête sur
l'acquisition. Cependant, comme on l'a dit plus
haut, le gouvernement de l'Alberta a contesté la
juridiction de la Commission au sujet de ladite
acquisition et a proposé de faire trancher cette
question de droit avant d'engager d'autres procé-
dures. C'est ainsi que la Commission a décidé de
soumettre le présent mémoire.
A l'appui de ce qu'il avance, l'avocat représen-
tant le gouvernement de l'Alberta a présenté un
argument à deux volets. Il prétend d'abord que Sa
Majesté du chef de l'Alberta n'est pas assujettie
aux articles 19 et 20 du Règlement sur les trans-
porteurs aériens (précités) et qu'elle ne peut, en
droit, être tenue de donner avis de l'acquisition
qu'elle a faite de la majorité des actions de la
P.W.A. ni de se conformer sous quelque autre
aspect aux dispositions desdits articles.
Les avocats des deux parties se sont reportés à
l'arrêt Province of Bombay c. Municipal Corpora
tion of Bombay 2 comme étant la décision faisant
jurisprudence en ce qui concerne les principes à
appliquer lorsqu'il s'agit de trancher la question de
savoir si la Couronne est liée par une loi donnée. A
la page 61, lord Du Parcq, qui prononçait le
jugement du Comité judiciaire du Conseil privé, a
déclaré ce qui suit:
[TRADUCTION] Le principe général à appliquer en examinant la
question de savoir si la Cour est liée par les dispositions
générales d'une loi est bien connu. Selon l'ancienne maxime
juridique, aucune loi ne lie la Couronne si celle-ci n'y est
expressément mentionnée, .... Mais cette règle souffre au
moins une exception. La Couronne, comme on l'a souvent dit,
peut être liée «par voie d'interprétation nécessaire»; c'est-à-dire
que, s'il appert des termes mêmes de la loi que le législateur
entendait lier la Couronne, le résultat est le même que si cette
dernière était expressément nommée.
2 [1947] A.C. 58.
A la page 63 de son jugement, lord Du Parcq a
déclaré que doit être considérée comme manifeste
l'intention de lier la Couronne
[TRADUCTION] Si l'on peut affirmer qu'au moment où la loi a
été adoptée et a reçu la sanction royale, il ressortait clairement
de son libellé qu'elle serait privée de tout effet salutaire si elle
ne liait pas la Couronne, on peut présumer que la Couronne a
accepté d'être liée. Leurs Seigneuries ajoutent toutefois que
dans ces cas où l'on demande à la Cour de tirer cette conclu
sion, il faut toujours se rappeler que si l'intention du législateur
est de lier la Couronne, rien de plus facile que de le dire en
toutes lettres.
Traitant de l'assujettissement «par voie d'inter-
prétation nécessaire» l'avocat de l'Alberta a
déclaré que la province de l'Alberta ne conteste
pas la compétence de la CCT relativement à la
réglementation de l'industrie aérienne ni son pou-
voir de tenir des audiences sur l'octroi de permis
aux transporteurs aériens. Il a aussi concédé que
les divers vendeurs des actions de la P.W.A.
étaient assujettis aux articles 19 et 20 du Règle-
ment susmentionné. Selon lui, la propriété ou le
transfert de la propriété d'un transporteur aérien
est un aspect relativement peu important de la
réglementation de l'aéronautique par la Commis
sion et cette dernière peut régler les difficultés en
ce domaine sans tenir compte de la question de la
propriété d'un transporteur aérien, si bien que la
Commission ne peut invoquer l'argument de l'assu-
jettissement «par voie d'interprétation nécessaire»
pour établir que Sa Majesté du chef de la province
de l'Alberta est liée par les dispositions des articles
19 et 20 du Règlement. Je suis incapable de
souscrire à cet argument. Le Règlement sur les
transporteurs aériens est expressément établi en
vertu de la Loi sur l'aéronautique, S.R.C. 1970, c.
A-3. Il faut donc, à mon avis, s'interroger sur
l'économie de cette loi pour savoir si ses disposi
tions lient la Couronne «par voie d'interprétation
nécessaire», en tenant compte des critères exposés
dans l'arrêt Bombay susmentionné. L'article 3 de
la Loi sur l'aéronautique stipule notamment qu'il
incombe au Ministre responsable «de diriger toutes
les affaires se rattachant à l'aéronautique;» (article
3a)). Aux termes de l'article 3k), il incombe au
Ministre «de s'enquérir, faire l'inspection et rendre
compte du fonctionnement et du développement
des services aériens commerciaux à l'intérieur, ou
en partie à l'intérieur, du Canada ....» L'article
3l) charge le Ministre «d'étudier, rédiger et prépa-
rer, pour l'approbation du gouverneur en conseil,
les règlements qui peuvent être jugés nécessaires
pour le contrôle ou le fonctionnement de l'aéronau-
tique au Canada ....»
Les dispositions de la Loi relatives à l'octroi de
permis d'exploitation d'un service aérien commer
cial figurent à la Partie II, qui comprend les
articles 9 à 19. Le pouvoir d'accorder ces permis
est délégué à la CCT. L'article 16(3) stipule que la
Commission ne doit pas délivrer de permis de ce
genre à moins qu'elle ne soit convaincue que le
service aérien commercial projeté «... est et sera
requis pour la commodité et les besoins présents et
futurs du public.» L'article 14 de la Loi accorde à
la Commission le pouvoir d'établir des règlements,
inter alfa:
e) enjoignant à toute personne de fournir des renseignements
sur la propriété de services aériens commerciaux ou sur des
contrôles, transferts, unifications, fusions ou locations, réalisés
ou projetés, de tels services;
et,
f) exigeant la remise à ses bureaux de copies des conventions
concernant des contrôles, transferts, unifications, fusions ou
locations visés à l'alinéa e), de copies de contrats, de projets de
contrats et de copies de conventions visant les services aériens
commerciaux;
Les articles 19 et 20 précités du Règlement sur les
transporteurs aériens ont vraisemblablement été
promulgués sous le régime desdits paragraphes
14e) et f) de la Loi. Aux termes de l'article 20, il
est obligatoire de se conformer aux dispositions de
l'article 27 de la Loi nationale sur les transports'.
3 27. (1) Une compagnie de chemin de fer, une compagnie
de pipe-line pour denrées, une compagnie de transport par eau,
une personne exploitant une entreprise de transport par véhi-
cule à moteur ou un transporteur par air, assujetti à la compé-
tence législative du Parlement du Canada, qui se propose
d'acquérir, directement ou indirectement, par achat, location à
bail, fusion, consolidation ou autrement, un intérêt dans les
affaires ou l'entreprise de toute personne principalement enga
gée dans des opérations de transport, que ces affaires ou cette
entreprise soient ou non soumises à la compétence du Parle-
ment, doit donner à la Commission avis de l'acquisition
proposée.
(2) La Commission doit donner ou faire donner l'avis public
ou tel autre avis de toute acquisition proposée mentionnée au
paragraphe (1) qui lui semble raisonnable dans les circons-
tances, y compris l'avis au directeur des enquêtes et recherches
en vertu de la Loi relative aux enquêtes sur les coalitions.
(3) Toute personne visée par une proposition d'acquisition
mentionnée au paragraphe (1) ou toute association ou autre
organisme représentant les transporteurs ou des entreprises de
transport visées par cette acquisition peut, dans le délai qui
(Suite à la page suivante)
Si l'on examine ensemble les dispositions de la
Loi sur l'aéronautique, celles du règlement établi
sous le régime de cette loi et celles de l'article 27
de la Loi nationale sur les transports, il est évident
que le législateur entendait lier la Couronne par les
dispositions de la Loi sur l'aéronautique et du
règlement établi sous le régime de cette loi. La Loi
sur l'aéronautique ne présenterait aucune utilité si
les gouvernements provinciaux n'y étaient pas
assujettis, ce que n'a d'ailleurs pas vraiment con
testé l'avocat représentant le gouvernement de
l'Alberta, si j'ai bien compris la thèse qu'il a
avancée. Ce qu'il a prétendu, c'est qu'il n'est pas
nécessaire que la Couronne provinciale soit liée par
les dispositions des articles 19 et 20 du Règlement
sur les transporteurs aériens car elle se trouve
effectivement assujettie à la réglementation fédé-
rale du fait qu'elle est liée par les autres disposi
tions de la Loi et du Règlement. Je ne vois pas
pourquoi on établirait une distinction à cet égard
entre ces articles et les autres dispositions de la Loi
et du Règlement. Je suis incapable de souscrire à
l'opinion selon laquelle la question de la propriété
des transporteurs aériens est relativement peu
importante en matière de réglementation de l'aéro-
nautique. L'article 27 de la Loi nationale sur les
transports impose à la Commission l'obligation de
faire enquête sur l'acquisition proposée d'un trans-
porteur aérien et prévoit tout un dispositif permet-
tant aux parties intéressées de s'opposer à l'acqui-
sition proposée. La Commission peut refuser de
reconnaître cette acquisition si, à son avis, celle-ci
«doit restreindre indûment la concurrence ou être
(Suite de la page précédente)
peut être prescrit par la Commission, s'opposer auprès de la
Commission à cette acquisition en invoquant le motif qu'elle
restreindra indûment la concurrence ou portera autrement pré-
judice à l'intérêt public.
(4) Lorsqu'il est fait opposition en conformité du paragraphe
(3), la Commission
a) doit faire l'enquête, comprenant notamment la tenue
d'auditions publiques, qu'elle estime nécessaire ou souhaita-
ble dans l'intérêt du public;
b) peut ne pas reconnaître une semblable acquisition si, de
l'avis de la Commission, cette acquisition doit restreindre
indûment la concurrence ou être par ailleurs préjudiciable à
l'intérêt public;
et toute semblable acquisition, à laquelle il a été fait opposition
dans le délai prévu à cette fin par la Commission et que la
Commission n'a pas reconnue, est nulle.
(5) Rien au présent article ne doit s'interpréter comme
autorisant l'acquisition d'un intérêt dans une autre compagnie
lorsque cette acquisition est interdite par quelque loi du Parle-
ment du Canada.
par ailleurs préjudiciable à l'intérêt public.» En ce
qui concerne l'«intérêt public», il est utile d'exami-
ner en outre l'énoncé de la politique nationale des
transports à l'article 3 de la Loi nationale sur les
transports 4 . Étant donné l'importance attachée
dans cet article au «prix de revient global le plus
bas» pour les «usagers des moyens de transport» et
l'objectif de libre concurrence entre les divers
moyens de transport qui y est exprimé, il est de la
plus haute importance que l'organisme investi du
pouvoir de réglementer l'industrie de l'aéronauti-
que puisse faire enquête sur les transferts de pro-
priété des transporteurs aériens, qu'il s'agisse de la
Couronne provinciale ou d'un organisme du sec-
teur privé, car le nouveau propriétaire pourrait
4 3. Il est par les présentes déclaré qu'un système économi-
que, efficace et adéquat de transport utilisant au mieux tous les
moyens de transport disponibles au prix de revient global le
plus bas est essentiel à la protection des intérêts des usagers des
moyens de transport et au maintien de la prospérité et du
développement économique du Canada, et que la façon la plus
sûre de parvenir à ces objectifs est vraisemblablement de rendre
tous les moyens de transport capables de soutenir la concur
rence dans des conditions qui assureront, compte tenu de la
politique nationale et des exigences juridiques et
constitutionnelles,
a) que la réglementation de tous les moyens de transport ne
sera pas de nature à restreindre la capacité de l'un d'eux de
faire librement concurrence à tous les autres moyens de
transport;
b) que chaque moyen de transport supporte, autant que
possible, une juste part du prix de revient réel des ressources,
des facilités et des services fournis à ce moyen de transport
grâce aux deniers publics;
c) que chaque moyen de transport soit, autant que possible,
indemnisé pour les ressources, les facilités et les services qu'il
est tenu de fournir à titre de service public commandé; et
d) que chaque moyen de transport achemine, autant que
possible, le trafic à destination ou en provenance de tout
point au Canada à des prix et à des conditions qui ne
constituent pas
(i) un désavantage déloyal à l'égard de ce trafic plus
marqué que celui qui est inhérent à l'endroit desservi ou au
volume de ce trafic, à l'ampleur de l'opération qui y est
reliée ou au type du trafic ou du service en cause, ou
(ii) un obstacle excessif à l'échange des denrées entre des
points au Canada ou un découragement déraisonnable du
développement des industries primaires ou secondaires ou
du commerce d'exportation dans toute région du Canada
ou en provenant, ou du mouvement de denrées passant par
des ports canadiens;
et la présente loi est édictée en conformité et pour la réalisation
de ces objectifs dans toute la mesure où ils sont du domaine des
questions relevant de la compétence du Parlement en matière
de transport.
avoir une orientation, qui viendrait en conflit avec
les objectifs déclarés de la Loi sur l'aéronautique
et de la Loi nationale sur les transports susmen-
tionnés. J'en suis donc arrivé à la conclusion que
les articles 19 et 20 du Règlement sur les trans-
porteurs aériens lient Sa Majesté du chef de la
province de l'Alberta par «voie d'interprétation
nécessaire».
L'avocat représentant le gouvernement de l'Al-
berta s'est appuyé sur la décision du Conseil privé
dans l'affaire In re Silver Brothers Limited 5 , où il
a été décidé que la Couronne du chef de la pro
vince de Québec n'était pas liée par certaines
dispositions législatives fédérales parce qu'elle n'y
était pas expressément mentionnée. L'extrait sui-
vant du jugement prononcé par le vicomte Dune-
din tiré de la page 523, indique que le Conseil
privé a semblé juger qu'il ne lui était pas loisible,
étant donné le libellé de la disposition de la Loi
d'interprétation fédérale en vigueur à l'époque, -
d'invoquer l'«interprétation nécessaire»:
[TRADUCTION] On a ensuite dit que puisque la Loi sur les
banques et la Loi sur la faillite non seulement traitent de
privilèges mais (inter alia) de privilèges de la Couronne, il faut
conclure par voie d'«interprétation nécessaire» que le législateur
entendait traiter de tous les privilèges de la Couronne. Pour
répondre à cette affirmation, il suffit de s'arrêter aux termes
mêmes de l'article 16, et, il ressort à l'évidence que prétendre
qu'une «interprétation nécessaire» constitue une mention
expresse est une contradiction dans les termes.
Je suis toutefois d'avis que les observations pré-
citées ne sont d'aucune aide à Sa Majesté du chef
de la province de l'Alberta, parce que l'article 16
de la Loi d'interprétation étudié dans l'arrêt
Silver Brothers diffère sensiblement de l'article 16
actuel 6 .
L'article examiné dans l'arrêt Silver Brothers
(précité) porte que:
16. Nulle disposition non plus que nulle prescription d'une
loi ne peut porter atteinte de quelque façon que ce soit aux
droits de Sa Majesté, de ses héritiers et de ses successeurs, à
moins que l'intention n'y soit formellement exprimée d'y attein-
dre Sa Majesté. [C'est moi qui souligne.]
Le libellé de l'article 16 actuel est le suivant:
16. Nul texte législatif de quelque façon que ce soit ne lie Sa
Majesté ni n'a d'effet à l'égard de Sa Majesté ou sur les droits
5 [1932] A.C. 514.
6 Loi d'interprétation, S.R.C. 1970, c. I-23.
et prérogatives de Sa Majesté, sauf dans la mesure y mention-
née ou prévue. [C'est moi qui souligne.]
Selon moi, la modification apportée au libellé de
l'article 16 est importante et permet d'appliquer en
l'espèce l'argument dit de l'«interprétation
nécessaire».
La seconde allégation de l'avocat représentant le
gouvernement de l'Alberta peut s'énoncer de la
façon suivante: l'acquisition d'actions d'une com-
pagnie, telle la P.W.A., constituée en vertu d'une
loi provinciale est une question qui relève de la
compétence provinciale soit en vertu de l'article
92(11)—«La constitution en corporation de com-
pagnies pour des objets provinciaux» soit de l'arti-
cle 92(13)—«La propriété et les droits civils dans
la province» de l'Acte de l'Amérique du Nord
britannique et les paragraphes 14e) et f) de la Loi
sur l'aéronautique ainsi que les articles 19 et 20 du
Règlement sur les transporteurs aériens sont ultra
vires et nuls dans la mesure où ils ont pour effet
d'accorder au Comité la compétence de s'ingérer
dans le transfert du contrôle de compagnies consti-
tuées par une province.
A mon avis, ces dispositions de la Loi et du
Règlement, pour les raisons susmentionnées, ont
trait à une question intéressant la réglementation
de l'aéronautique et, à ce titre, relèvent clairement
de la compétence législative fédérale relativement
à ce sujet. Quant à leur effet sur la propriété et les
droits civils, il me semble que l'extrait suivant du
jugement de la Cour suprême du Canada dans
l'affaire Munro c. La Commission de la Capitale
nationale' réfute l'argument de l'avocat représen-
tant l'Alberta:
[TRADUCTION] Il ne fait aucun doute que l'exercice des
pouvoirs que la Loi sur la Capitale nationale a conférés à la
Commission affectera les droits civils des résidents des parties
des deux provinces qui composent la région de la Capitale
nationale. Les droits de l'appelant sont affectés en l'espèce.
Mais une fois que l'on a décidé que le sujet auquel se rattache
la Loi que l'on a adoptée est un sujet qui entre dans les pouvoirs
du Parlement, le fait que son application affectera les droits
civils dans ces provinces ne saurait constituer une objection
sérieuse à sa validité. Ainsi que le déclarait le vicomte Simon,
dans l'arrêt Le procureur général de la Saskatchewan c. Le
procureur général du Canada [1949] A.C. 110 à la page 123, 1
W.W.R. 742, 2 D.L.R. 145, en adoptant ce que le juge Rand
avait souligné:
7 [1966] R.C.S. 663, à la page 671.
Les répercussions ne peuvent être placées dans une même
catégorie que l'objet de la loi. C'est «le caractère véritable de
la législation non pas les résultats économiques en décou-
lant—qui importe.
Le passage suivant des motifs du juge Duff, alors juge puîné,
dans l'arrêt Gold Seal Limited c. Dominion Express Company
et le procureur général de l'Alberta (1921) 62 R.C.S. 424 la
page 460, 3 W.W.R. 710, 62 D.L.R. 62, que cite le savant juge
de première instance, énonce l'état du droit avec exactitude,
comme suit:
Il est erroné de ne pas distinguer une loi affectant les
droits civils d'une loi «relative» aux droits civils. La plupart
des lois à caractère répressif affectent incidemment ou indi-
rectement les droits civils; mais si, de par leur caractère
véritable, il ne s'agit pas de lois «relatives» à la «propriété et
aux droits civils» dans les provinces, au sens de l'article 92 de
l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, on ne peut alors
soulever cette objection quoiqu'elles aient été adoptées dans
l'exercice de la compétence résiduelle attribuée par la clause
introductive.
Pour les raisons susmentionnées, j'ai conclu qu'il
faut répondre par l'affirmative à la question de
droit et de juridiction soumise à cette cour et citée
au début de ces motifs.
* * *
LE JUGE RYAN a souscrit à l'avis.
* * *
LE JUGE LE DAIN a souscrit à l'avis.
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