A-31-74
Le ministre du Revenu national (Appelant)
(Intimé)
c.
Canadian Glassine Co., Ltd. (Intimée) (Appe-
lante)
Cour d'appel, les juges Pratte et Le Dain et le juge
suppléant Kerr—Ottawa, le 7 janvier et le 17
février 1976.
Impôt sur le revenu—Dépenses engagées pour la construc
tion de conduites—Sont-elles déductibles à titre de dépenses
engagées pour produire un revenu?—Loi de l'impôt sur le
revenu, S.R.C. 1952, c. 148, art. 12(1)a).
L'intimée a conclu un accord avec la Cie A en vertu duquel
cette dernière a construit des conduites de vapeur et de pâte à
papier, qui sont restées la propriété de la Cie A et sont utilisées
par l'intimée dans l'exploitation de son entreprise. L'intimée a
versé à la Cie A, sur une période de 25 ans, la somme de
$268,623.48 au titre du coût de construction et a déduit de son
revenu chaque année le 1 /25» de ladite somme. Le Ministre a
rejeté ces déductions mais la Division de première instance a
jugé qu'elles étaient régulières. Le Ministre interjette appel.
Arrêt: l'appel est accueilli; la dépense n'est pas déductible car
c'est une somme déboursée à compte de capital et apportant un
avantage ne donnant pas droit à une allocation à l'égard du
coût en capital. Dans son bilan, l'intimée qualifie de «tenure à
bail», l'avantage pour lequel elle a payé $268,623.48; cela
démontre que la véritable contrepartie du paiement était la
construction des conduites plutôt que l'exécution des deux
contrats d'approvisionnement. La somme ne peut être considé-
rée comme une partie du coût de la pâte et de la vapeur. Il
s'agit d'un paiement en contrepartie d'un avantage qui a aug
menté la valeur de l'usine de l'intimée. Il a été versé «une fois
pour toutes» «dans le but d'apporter un élément d'actif ou un
avantage pour le bénéfice durable» de l'entreprise de l'intimée.
Il s'agit d'une dépense engagée pour mettre sur pied une
structure génératrice de bénéfices; elle n'a pas été engagée dans
l'exploitation de cette structure. La thèse selon laquelle la
dépense, en supposant qu'elle constitue une somme déboursée à
compte de capital, a été effectuée pour obtenir une concession
est fondée sur la supposition erronée selon laquelle il existe une
concession à chaque fois qu'une personne jouit d'un droit. Le
mot «concession» se réfère au droit d'exercer une activité qui
n'aurait pu être poursuivie autrement, du moins dans les mêmes
conditions.
Par le juge Le Dain (dissident): L'appel devrait être rejeté.
La dépense représente une partie du coût d'exploitation pour
obtenir de la pâte et de la vapeur et n'a rien procuré à l'intimée
qui puisse être considéré comme un élément d'actif ou un
avantage de la nature d'une immobilisation. Un contrat d'ap-
provisionnement ne constitue pas un élément d'actif ou un
avantage de la nature d'une immobilisation. C'est l'objet du
contrat qui permet de réaliser des bénéfices. Un paiement en
contrepartie du contrat constitue un paiement en contrepartie
de l'approvisionnement. Pour considérer l'ensemble de la
dépense comme un paiement effectué en contrepartie de la pâte
et de la vapeur, il n'est pas nécessaire que la dépense soit
manifestement applicable, dans des proportions certaines, au
prix à l'unité de la pâte et de la vapeur. Compte tenu du fait
que la dépense portait sur la pâte et sur la vapeur, sans
précision quant aux proportions imputables à chaque contrat, et
que les deux contrats sont restés en vigueur pendant une
période de temps supérieure à leur durée initiale, comme l'on
s'y attendait probablement à l'époque de leur conclusion, il
n'est pas déraisonnable d'amortir toute la dépense sur une
période de 25 ans.
Arrêts analysés: British Insulated and Helsby Cables,
Limited c. Atherton [1926] A.C. 205; Anglo-Persian Oil
Company, Limited c. Dale [1932] 1 K.B. 124; M.R.N. c.
Tower Investment Inc. [1972] C.F. 454; M.R.N. c.
Algoma Central Railway [1968] R.C.S. 447; Van Den
Berghs Ltd. c. Clark [1935] A.C. 431; Canada Starch
Company Limited c. M.R.N. [1969] 1 R.C.E. 96; Bowater
Power Company Ltd. c. M.R.N. [1971] C.F. 421; Pigott
Investments Limited c. La Reine 73 DTC 5507; La Reine
c. F. H. Jones Tobacco Sales Co. Ltd. [1973] C.F. 825;
Rossmor Auto Supply Limited c. M.R.N. [1962] C.T.C.
123; Consolidated Textiles Limited c. M.R.N. [1947]
R.C.É. 77; Associated Investors of Canada Limited c.
M.R.N. [1967] 2 R.C.É. 96; M.R.N. c. Anaconda Ameri-
can Brass Ltd. [1956] A.C. 85; B.P. Australia Ltd. c.
Commissioner of Taxation [1966] A.C. 224; Regent Oil
Co. Ltd. c. Strick [1966] A.C. 295; Sun Newspapers c.
Federal Commissioner of Taxation (1938-39) 61 C.L.R.
337; Hallstroms Proprietary Limited c. Federal Commis
sioner of Taxation (1945-46) 72 C.L.R. 634; Commis
sioner of Taxes c. Nchanga Consolidated Copper Mines
Ltd. [1964] A.C. 948; John Smith and Son c. Moore
[1921] 2 A.C. 13; Hood Barrs c. Inland Revenue Com
missioners [ 1957] 1 All E.R. 832 et Stow Bardolph Gravel
Co. Ltd. c. Poole [1954] 3 All E.R. 637.
APPEL.
AVOCATS:
A. Garon, c.r., et W. Lefebvre pour l'appelant.
R. de Wolfe MacKay, c.r., et B. A. Crane
pour l'intimée.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour
l'appelant.
Duquet, MacKay, Weldon & Bronstetter,
Montréal, et Gowling and Henderson,
Ottawa, pour l'intimée.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE PRATTE: J'ai eu l'avantage de lire les
motifs de jugement prononcés par mon collègue le
juge Le Dain. Bien que je sois du même avis que
lui sur plusieurs points, je ne partage pas son
opinion selon laquelle la dépense en cause fut à
juste titre déduite lors du calcul du revenu de
l'intimée. A mon avis, cette dépense constitue une
somme déboursée à compte de capital et a apporté
un avantage ne donnant pas droit à une allocation
à l'égard du coût en capital.
Dans son bilan, l'intimée a désigné «tenure à
bail», l'avantage pour lequel elle a payé $268,-
623.48. A mon avis, cela démontre clairement que
la véritable contrepartie du paiement était la cons
truction des conduites plutôt que l'exécution des
deux contrats d'approvisionnement. Pour ce motif,
je ne peux considérer la somme de $268,623.48
comme une partie du prix ou du coût de la pâte et
de la vapeur. Cette somme me semble avoir été
déboursée pour relier physiquement et d'une façon
permanente l'usine de l'intimée et celle d'Anglo-
Canadian. Grâce à cet aménagement, l'usine de
l'intimée pouvait facilement et à peu de frais s'ap-
provisionner en vapeur et en pâte. A mon avis, la
somme de $268,623.48 fut payée en contrepartie
d'un avantage qui, en fait, a augmenté la valeur et
l'attrait de l'usine de l'intimée. Ce paiement fut
effectué «une fois pour toutes» et «dans le but
d'apporter un élément d'actif ou un avantage pour
le bénéfice durable» du commerce de l'intimée. De
plus, il s'agit, à mon avis, d'une dépense engagée
pour mettre sur pied la structure génératrice de
bénéfices du commerce de l'intimée; elle n'a pas
été engagée pour opérer cette structure. Que je
considère la dépense en cause du point de vue
juridique ou pratique, ma conclusion demeure la
même; il s'agit d'une dépense de capital.
J'étudierai maintenant l'argument de l'intimée
selon lequel la dépense, en supposant qu'elle cons-
titue une somme déboursée à compte de capital, a
été effectuée pour obtenir une concession lui don-
nant le droit de déduire, dans le calcul de son
revenu pour les années en cause, une allocation à
l'égard du coût en capital en vertu de l'article
11(1)a) de la Loi de l'impôt sur le revenu et de
l'article 1100(1)c) des Règlements. Cette thèse me
semble fondée sur la supposition erronée selon
laquelle il existe une concession à chaque fois
qu'une personne jouit d'un droit. Ce n'est pas le
cas. Peu importe la signification exacte du mot
«concession» aux Règlements de l'impôt sur le
revenu, il se réfère au droit, accordé à une per-
sonne, d'exercer une activité qu'elle n'aurait pu
poursuivre autrement, du moins dans les mêmes
conditions.
Pour ces motifs, j'accueillerais l'appel avec
dépens dans cette cour et dans la Division de
première instance.
* * *
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE LE DAIN: Appel est interjeté d'une
décision de la Division de première instance'
accueillant le pourvoi de l'intimée contre les cotisa-
tions à l'impôt sur le revenu pour les années d'im-
position se terminant en février 1966, 1967, 1968
et 1969.
Le litige porte sur la nature d'une dépense de
$268,623.48 effectuée par l'intimée en 1953 et
amortie sur une période de vingt-cinq années, en
déduisant de son revenu 1/25e de ladite somme,
soit $10,744.94, pendant chacune des années d'im-
position en cause. Il s'agit de déterminer si cette
dépense constitue une dépense courante ou une
somme déboursée à compte de capital, auquel cas
il faut établir s'il en est résulté un élément d'actif
ou un avantage donnant droit à une allocation à
l'égard du coût en capital.
Par suite d'un accord en date du 15 août 1951
(ci-après appelé «l'accord principal»), entre Anglo-
Canadian Pulp and Paper Mills Ltd. (ci-après
appelée «Anglo-Canadian») et Deerfield Glassine
Company Inc. (ci-après appelée «Deerfield»), l'inti-
mée fut constituée en corporation en 1952, en
conformité de la Loi sur les corporations cana-
diennes. L'intimée fut constituée à titre de filiale
de Deerfield, une compagnie du Massachusetts,
pour la fabrication de papier cristal semi -sulfurisé
et autres catégories de papier léger. L'intérêt
d'Anglo-Canadian dans l'accord consistait à four-
nir de la pâte à papier à l'intimée, selon ses
besoins; pour Deerfield, la longue durée de l'ac-
cord et le prix avantageux du papier représentaient
l'occasion d'établir une filiale au Canada. En
outre, Anglo-Canadian s'engageait, à certaines
conditions, à approvisionner l'intimée en vapeur,
selon ses besoins.
[1974] 1 C.F. 131.
L'accord principal prévoyait la constitution de
l'intimée en compagnie et le montant de son capi-
tal-actions autorisé; la vente par Anglo-Canadian
à l'intimée, du terrain nécessaire à l'emplacement
de l'usine projetée; la conclusion d'un accord entre
Anglo-Canadian et l'intimée (ci-après appelé
«accord de construction») en vertu duquel Anglo-
Canadian s'engageait à construire, à ses propres
frais, deux conduites souterraines la reliant à
l'usine de l'intimée, pour le transport et la livraison
à l'intimée de la pâte humide et de la vapeur; un
accord (ci-après appelé «contrat relatif à la pâte à
papier») aux termes duquel Anglo-Canadian con-
venait de fournir à l'intimée, selon ses besoins, de
la pâte humide pendant une période initiale de
vingt ans et un accord (ci-après appelé «contrat
relatif à la vapeur») en vertu duquel Anglo-Cana-
dian s'engageait à fournir à l'intimée la vapeur,
pour répondre aux besoins de cette dernière, pen
dant une période initiale de cinq années. L'accord
de construction, le contrat relatif à la pâte à papier
et le contrat relatif à la vapeur ont été parafés le
25 avril 1952, reprenant presque sans modification
les conditions prévues dans l'accord principal.
En contrepartie des obligations qu'assumait
Anglo-Canadian, à savoir la vente d'un terrain à
l'intimée, la construction des conduites de vapeur
et de pâte à papier et l'exécution du contrat relatif
à la pâte à papier et du contrat relatif à la vapeur,
l'accord principal prévoyait l'attribution et l'émis-
sion par l'intimée, au nom d'Anglo-Canadian,
d'actions de classe «B» et autres titres, d'un mon-
tant ou d'une valeur égale à vingt-cinq pour cent
des actions émises et en circulation et des autres
titres de l'intimée. Ainsi, en juin 1953, Anglo-
Canadian souscrivit des actions classe B et des
billets à 5% qui lui furent attribués et émis en son
nom aux conditions suivantes:
[TRADUCTION] QUE la souscription d'Anglo-Canadian Pulp
and Paper Mills Limited (ci-après appelée «Anglo-Canadian»)
portant sur 100,000 actions du capital-actions de la compagnie,
entièrement libérées et non évaluables, de classe «B», sans
valeur nominale, au prix total de $171,518.22 ainsi que des
billets à 5% de la compagnie, pour la somme en capital totale
de $281,250, l'ensemble représentant la contrepartie de la
somme de $452,768.22, soit:
a) La somme de $150,922.74, correspondant à toutes les
avances déjà faites par Anglo-Canadian à la compagnie,
b) La somme de $301,845.48, correspondant à la valeur:
(i) d'un terrain sis dans la ville de Québec transféré à la
compagnie par Anglo-Canadian;
(ii) de l'accord conclu par Anglo-Canadian en vertu
duquel elle s'engageait à terminer, à ses frais, avant que
l'usine de la compagnie ne commence à fonctionner, la
construction de conduites de vapeur et de pâte à papier
allant de l'usine d'Anglo-Canadian à l'usine de la compa-
gnie, toutes deux situées dans la ville de Québec, à la
condition que le coût de la conduite à vapeur lui soit
remboursé, et
(iii) de l'exécution par Anglo-Canadian du contrat relatif
à la pâte et du contrat relatif à la vapeur, conclus avec la
compagnie;
tel que stipulé dans l'accord daté du 25 avril 1952, entre
Anglo-Canadian et la compagnie;
soit par les présentes acceptées; et
QUE le prix global ou la contrepartie de l'attribution et de
l'émission desdites actions de classe «B» soit par les présentes
fixé à $171,518.22; et
QUE ledit terrain, transféré à la compagnie par Anglo-Cana-
dian pour la somme de $1, soit par les présentes évalué à
$33,222; et
QUE ledit accord en vertu duquel Anglo-Canadian s'enga-
geait à construire, à ses frais, les conduites de vapeur et de pâte
(elle s'est acquittée de cette obligation) et l'exécution par
Anglo-Canadian du contrat relatif à la pâte et du contrat relatif
à la vapeur, conclus avec la compagnie soient par les présentes
évalués à $268,623.48;
Aux termes de l'accord de construction, Anglo-
Canadian devait rester propriétaire des conduites
souterraines reliant les deux usines même si l'inti-
mée devait lui rembourser les frais d'entretien et
de réparation. L'accord prévoyait en outre que
l'intimée devait rembourser à Anglo-Canadian le
coût de construction de la conduite de vapeur,
jusqu'à concurrence des avances faites par Anglo-
Canadian; à ce sujet, les parties admettent que
l'intimée a effectivement remboursé au complet le
coût de la conduite de vapeur, soit $71,882.
Aucune obligation semblable n'affectait la con-
duite de pâte. Aux fins des contrats relatifs à la
pâte et à la vapeur, Anglo-Canadian ne devait pas
tenir compte de la dépréciation des conduites pour
fixer le prix de la pâte et de la vapeur.
Le contrat relatif à la pâte, d'une durée initiale
de vingt ans, est automatiquement renouvelable
pour des périodes successives de cinq années cha-
cune, sauf si l'une des parties le dénonce avec
préavis d'une période minimale de cinq ans, à
courir depuis la fin de la période initiale ou d'une
période subséquente de renouvellement. Le vérifi-
cateur des comptes de l'intimée a témoigné que le
contrat relatif à la pâte à papier est encore en
vigueur, ayant été automatiquement renouvelé à la
fin de la période initiale. En vertu du contrat
relatif à la pâte, Anglo-Canadian s'engage à four-
nir la pâte nécessaire à l'intimée jusqu'à un maxi
mum de 12,000 tonnes par année. Elle s'engage en
outre, à moins d'une dispense écrite de l'intimée, à
ne livrer de pâte à aucun autre fabricant de papier
cristal semi -sulfurisé et autres catégories de papier
léger. En contrepartie, l'intimée convient, à moins
d'obtenir le consentement écrit d'Anglo-Canadian,
d'utiliser la pâte à papier que cette dernière lui
livre uniquement pour fabriquer du papier cristal
semi -sulfurisé et autres catégories de papier léger.
Il va sans dire que la clause établissant le prix est
la plus importante; en définitive, l'intimée devra
payer le prix courant appliqué aux ventes à l'est du
Mississippi, aux Etats-Unis, dont on soustrait 50%
du coût du transport de l'usine d'Anglo-Canadian
(Québec) à l'usine de Deerfield (Massachusetts).
Comme le prix courant comprend le transport
jusqu'à destination, l'accord entre Anglo-Canadian
et l'intimée vise essentiellement à partager l'écono-
mie de fret résultant des contrats d'approvisionne-
ment par conduites. Cela semble constituer la
principale raison pour laquelle Deerfield a décidé
d'établir une filiale canadienne sur un terrain con-
tigu à l'usine d'Anglo-Canadian. De 1955 1972,
l'intimée a ainsi économisé environ $802,000 sur le
prix d'achat de la pâte.
Le contrat relatif à la vapeur avait une durée
initiale de cinq ans, renouvelable automatiquement
pour des périodes successives d'une année chacune,
à moins qu'en vue d'y mettre fin, l'une des parties
ne donne un préavis de deux années, recevable en
tout temps après la troisième année du contrat.
Selon la preuve présentée en première instance, ce
contrat est encore en vigueur. Puisque l'outillage
de l'intimée fonctionne grâce à des turbines à
vapeur, un approvisionnement assuré en vapeur lui
est indispensable.
Dans son état financier, l'intimée a porté à
l'actif ce que lui a procuré la dépense de $268,-
623.48, soit la construction des conduites et l'exé-
cution des contrats relatifs à la pâte et à la vapeur,
et en a imputé l'amortissement annuel au revenu.
Dans le bilan et d'autres documents faisant état
des actifs de la compagnie et de leur dépréciation,
cette dépense est désignée «tenure à bail.»
L'appelant a refusé ces déductions du revenu.
Les avis de nouvelle cotisation comprenaient
notamment ce qui suit:
[TRADUCTION] Ajouter:
L'allocation à l'égard du coût en capital
demandée relativement aux améliorations
foncières 10,744.94
Dans son avis d'opposition, l'intimée énonce
comme suit ses motifs d'opposition:
[TRADUCTION] Le contribuable prétend que la somme de
$268,623.48 versée à Anglo correspond au coût du droit d'utili-
ser les conduites de vapeur et de pâte humide et constitue donc
une tenure à bail pour laquelle il peut demander des allocations
à l'égard du coût en capital en vertu de l'article 11(1)a) de la
Loi de l'impôt sur le revenu et de l'article 1100(1)b) des
Règlements ou qu'elle représente une somme déboursée ou
dépensée par le contribuable en vue de tirer un revenu de son
entreprise et est donc déductible à ce titre en vertu de l'article
12(1)a) de la Loi de l'impôt sur le revenu, et amortie à juste
titre sur toute la durée des contrats relatifs à la pâte à papier et
à la vapeur, en conformité des usages comptables dans une
entreprise comme celle du contribuable.
En première instance, l'intimée a soumis trois
arguments différents:
[TRADUCTION] a) la dépense de $268,623.48
correspond au coût du droit d'utiliser les condui-
tes de vapeur et de pâte humide et constitue
donc une tenure à bail pour laquelle elle peut
demander des allocations à l'égard du coût en
capital, en vertu de l'article 11(1)a) de la Loi et
de l'article 1100(1)b) des Règlements;
b) ladite dépense représente la somme versée
pour obtenir une concession pouvant faire l'objet
d'une demande d'allocation à l'égard du coût en
capital aux termes de l'article 11(1)a) de la Loi
et de l'article 1100(1)c) des Règlements; et
c) la dépense constitue une somme déboursée ou
dépensée en vue de tirer un revenu de son entre-
prise, et non une dépense ou un paiement à
compte de capital, amortie à juste titre, aux fins
de déduction du revenu annuel, sur une période
de vingt-cinq ans, soit la période initiale, plus
une période de prorogation du contrat relatif à
la pâte à papier.
Le savant juge de première instance a conclu
que les contrats n'accordent pas à l'intimée une
tenure à bail portant sur les conduites parce
qu'Anglo-Canadian en conserve la possession et
que les accords ne contiennent pas une des caracté-
ristiques essentielles du bail, savoir la délivrance de
la chose louée au locataire afin qu'il en ait la
possession ou puisse en jouir.
En outre, le juge de première instance est d'avis
que les contrats n'accordent pas une concession à
l'intimée au sens de la catégorie 14 de l'Annexe B
des Règlements car même si les droits acquis par
l'intimée pouvaient constituer une concession, cel-
le-ci n'a pas été consentie pour une durée limitée,
comme l'exige la catégorie 14.
Enfin, le juge de première instance a conclu que
la dépense en cause avait été engagée en vue de
gagner un revenu tiré de l'entreprise du contribua-
ble au sens de l'article 12(1)a) de la Loi, qu'il ne
s'agissait pas d'une somme déboursée ou d'un paie-
ment à compte de capital au sens de l'article
12(1)b), et que cette dépense pouvait à juste titre
être déduite et amortie à ces fins, sur une période
de vingt-cinq années, conformément aux usages et
aux principes de bonne comptabilité.
Le savant juge est parvenu à cette conclusion en
estimant que la dépense en cause n'avait pas
apporté au contribuable un avantage pour le
«bénéfice durable» de son commerce, au sens du
célèbre dictum du lord chancelier, le vicomte
Cave, dans l'arrêt British Insulated and Helsby
Cables, Limited c. Atherton [1926] A.C. 205 aux
pages 213 et 214 que voici:
[TRADUCTION] Mais quand on fait des dépenses non seulement
une fois pour toutes, mais encore dans le but d'apporter un
élément d'actif ou un avantage pour le bénéfice durable d'un
commerce, je pense qu'il y a de très bonnes raisons (en l'ab-
sence de circonstances particulières conduisant à une conclu
sion contraire) de traiter une telle dépense comme si elle était à
juste titre imputable non pas au revenu mais au capital.
Le juge de première instance a conclu que le
mot «durable» signifiait «permanent» et que puis-
que les contrats relatifs à la pâte et à la vapeur
avaient des durées limitées et qu'Anglo-Canadian
était en mesure d'y mettre fin en donnant le
préavis requis, on ne pouvait considérer qu'ils
apportaient des bénéfices durables.
Il a fondé sa conclusion sur les principes ou
critères énoncés dans l'arrêt Anglo-Persian Oil
Company, Limited c. Dale [1932] 1 K.B. 124, et
applicables en l'espèce et a jugé que, comme le
paiement effectué dans cette affaire pour mettre
fin à un mandat à titre onéreux, la dépense en
l'espèce a été engagée en vue de limiter les dépen-
ses d'exploitation du contribuable et n'a rien
ajouté à ses immobilisations.
Le juge de première instance a statué que la
dépense pouvait être amortie sur une période de
vingt-cinq ans conformément au principe de «l'im-
putation des dépenses aux revenus correspon-
dants», reconnu dans l'affaire M.R.N. c. Tower
Investment Inc. [1972] C.F. 454.
Les plus hautes instances ont établi qu'il n'exis-
tait pas de critère unique et précis pour déterminer
si une dépense doit être traitée comme une dépense
de capital ou une dépense courante, et qu'au
mieux, la jurisprudence illustre les différents élé-
ments à considérer et en fonction desquels un
tribunal doit, en dernière analyse et à la lumière
des circonstances particulières, prononcer un juge-
ment conforme au bon sens et à l'esprit juridique.
Voir B.P. Australia Ltd. c. Commissioner of Tax
ation of the Commonwealth of Australia [1966]
A.C. 224, la page 264; Regent Oil Co. Ltd. c.
Strick (Inspector of Taxes) [1966] A.C. 295, aux
pages 312 et 313; M.R.N. c. Algoma Central
Railway [1968] R.C.S. 447, à la page 449.
Ces arrêts spécifient certains principes ou critè-
res de distinctions fondamentales à employer dans
l'analyse de cette question. Le plus courant, consi-
déré dans plusieurs de ces arrêts comme le critère
déterminant, est le concept d'«un élément d'actif
ou un avantage pour le bénéfice durable» du com
merce du contribuable, exposé par lord Cave dans
l'arrêt British Insulated and Helsby Cables, Lim
ited c. Atherton (précité). Vient ensuite la distinc
tion entre une dépense engagée pour mettre sur
pied ou développer l'organisation ou la structure
génératrice de revenus d'une compagnie et une
dépense engagée pour opérer cette structure ou
organisation. Voir Van Den Berghs Ltd. c. Clark
[1935] A.C. 431, aux pages 442 et 443; Sun
Newspapers Limited c. Federal Commissioner of
Taxation (1938-39) 61 C.L.R. 337, aux pages 359
et 361; Hallstroms Proprietary Limited c. Federal
Commissioner of Taxation (1945-46) 72 C.L.R.
634, aux pages 646 et 647; Canada Starch Com
pany Limited c. M.R.N. [1969] 1 R.C.É. 96 [68
DTC 5320 la page 5323]. Dans l'arrêt Anglo-
Persian Oil Company, Limited c. Dale [1932] 1
K.B. 124, à la page 138, on a insisté sur la
différence entre les immobilisations et les fonds de
roulement. Certains arrêts ont approuvé l'énoncé
suivant des principes essentiels formulés par le
juge Dixon (tel était alors son titre) dans l'affaire
Sun Newspapers (précitée), à la page 363:
[TRADUCTION) A mon sens, il faut examiner trois aspects: a)
la nature de l'avantage recherché (son caractère permanent
peut alors entrer en ligne de compte), b) son utilisation, son
importance ou la façon d'en jouir (comme pour le critère
précédent, la fréquence de l'emploi peut représenter un élément
à considérer) et c) les moyens adoptés pour l'obtenir; par
exemple, des compensations ou des débours ont-ils été effectués
périodiquement en contrepartie de l'utilisation ou de la jouis-
sance et pour une durée proportionnée au paiement? ou encore,
existe-t-il une clause définitive pour en garantir à l'avenir
l'utilisation ou la jouissance, ou un paiement final à cet effet?
Cependant les tribunaux ont, à l'occasion,
exprimé un certain scepticisme à l'égard des critè-
res suggérés et tendent de plus en plus à suivre la
méthode proposée [à la page 648] par le juge
Dixon lui-même dans l'arrêt Hallstroms (précité),
selon laquelle la distinction entre une dépense cou-
rante et une dépense de capital doit dépendre de:
[TRADUCTION] «... l'effet envisagé de la dépense
d'un point de vue pratique et commercial plutôt
que de la classification juridique des droits, s'il en
est, garantis, employés ou épuisés en cours de
route». Cette méthode se distingue par une recher-
che de l'effet réel, industriel ou commercial, visé
par la dépense: Bowater Power Company Limited
c. M.R.N. [1971] C.F. 421 [71 DTC 5469 aux
pages 5480 et 5481]; Pigott Investments Limited
c. La Reine 73 DTC 5507, la page 5514; La
Reine c. F. H. Jones Tobacco Sales Co. Ltd.
[1973] C.F. 825 [73 DTC 5577, la page 5581].
En l'espèce, en contrepartie de la dépense effec-
tuée par l'intimée, Anglo-Canadian a convenu de
construire des conduites souterraines reliant son
usine à celle de l'intimée, en vue de lui livrer de la
pâte à papier et de la vapeur, et d'exécuter des
contrats à long terme en vertu desquels elle s'enga-
geait à fournir de la pâte et de la vapeur à
l'intimée. L'appelant prétend que ce contrat assure
à l'intimée un approvisionnement de pâte et de
vapeur et apporte un avantage pour le bénéfice
durable de son entreprise. On affirme que cette
dépense forme une partie intégrante des accords
financiers fondamentaux—les opérations portant
sur les capitaux—au terme desquels l'intimée fut
constituée en corporation, et que l'accord de cons
truction, le contrat relatif à la pâte à papier et le
contrat relatif à la vapeur forment l'assise de
l'entreprise. En revanche, l'intimée allègue que la
dépense représente une partie du prix pour obtenir
de la pâte et de la vapeur, un versement par
anticipation ou «préliminaire» qui relève des frais
d'exploitation. Elle soutient en outre que si l'on
considère qu'il s'agit d'une dépense de capital, elle
a obtenu une concession en contrepartie et qu'elle
peut, à ce titre, demander une allocation à l'égard
du coût en capital. En l'espèce, l'intimée n'a pas
maintenu qu'elle avait obtenu une tenure à bail.
La contrepartie du paiement de $268,623.48,
effectué par l'intimée sous forme d'actions de
classe B et de billets à 5%, présente donc un double
aspect: les conduites et les contrats d'approvision-
nement. De toute évidence, ils vont de pair; l'un ne
pourrait exister sans l'autre. Ils forment ensemble
un accord spécial ou un système pour l'approvi-
sionnement à long terme, en pâte et en vapeur, à
des conditions particulièrement, favorables.
Anglo-Canadian demeure propriétaire des con-
duites et en conserve la pleine possession et le plein
contrôle. Elles apportent donc un élément d'actif,
pour le bénéfice d'Anglo-Canadian et non de l'inti-
mée, qui ne possède aucun droit à leur égard.
L'intimée était tenue de rembourser à Anglo-
Canadian le coût de la conduite à vapeur et les
frais d'entretien et de réparation des deux condui-
tes, mais n'a acquis aucun droit sur celles-ci. Ces
conduites servent exclusivement au transport de la
pâte et de la vapeur chez l'intimée. Même si cette
dernière ne possède aucun droit de propriété à leur
égard, les conduites en cause lui donnent accès,
directement et instantanément à sa source d'appro-
visionnement en pâte et en vapeur, ce qui comporte
assurément certains avantages. En présumant, par
exemple, que cet accès matériel garantisse un
approvisionnement prompt et rapide et permette
de résoudre sans délai les problèmes de livraison,
peut-on considérer la proximité des conduites
comme un avantage pour le bénéfice durable de
l'entreprise de l'intimée, au sens du dictum de lord
Cave? On m'en a presque convaincu mais, après
un examen approfondi, j'estime qu'il n'existe
aucune distinction fondamentale entre la proximité
des conduites et l'avantage que peut représenter
pour un client, le mode de livraison adopté par le
fournisseur. Aux fins de l'impôt sur le revenu, les
éléments d'actif matériels d'un fournisseur ne peu-
vent être considérés comme un avantage pour le
bénéfice durable de l'entreprise de son client uni-
quement parce qu'ils sont essentiels à un approvi-
sionnement constant.
Même si dans ses états financiers, l'intimée a
porté à l'actif, la contrepartie de la dépense, sous
la rubrique «tenure à bail», j'estime que cela ne
l'empêche pas de présenter alternativement, l'argu-
ment invoqué dans son avis d'opposition aux coti-
sations et devant cette cour, selon lequel la dépense
en question constitue une dépense courante, amor-
tissable sur une période de vingt-cinq ans. La
méthode employée par l'intimée pour amortir la
dépense et l'imputer au revenu à chacune des
années d'imposition en cause, est compatible avec
cet argument. La nature de cette dépense ou de la
contrepartie doit être déterminée à la lumière des
contrats en cause et des conditions de l'attribution
et de l'émission des actions de classe B et des
billets à 5%, et non d'après sa désignation aux
états financiers de l'intimée. Je partage la conclu
sion du juge de première instance selon laquelle les
contrats, en autant qu'ils se rapportent aux condui-
tes, ne contiennent pas une exigence ou caractéris-
tique essentielle du bail en droit civil, savoir, l'obli-
gation de livrer la chose de façon à en procurer la
jouissance paisible au locataire; et, en fait, l'inti-
mée n'a pas maintenu devant nous qu'il s'agissait
d'une tenure à bail. Je pense qu'une classification
juridique erronée aux états financiers de l'intimée
ne devrait pas l'empêcher de prétendre, alternati-
vement, qu'il s'agit d'un autre type de dépense. En
outre, il est évident à mon sens que l'exploitation
des conduites par Anglo-Canadian, exclusivement
pour la livraison de la pâte et de la vapeur à
l'intimée ne peut être considérée comme une con
cession accordée à cette dernière. Même si le
terme «concession» était approprié pour désigner le
droit exclusif d'utiliser les conduites, telle n'est pas
la nature du droit de l'intimée. Anglo-Canadian
utilise les conduites pour livrer de la pâte et de la
vapeur à l'intimée; quel que soit l'avantage que
cette situation lui procure, il ne donne pas droit à
une allocation à l'égard du coût en capital. La
nature incertaine de cet avantage considéré sous
l'angle du capital, renforce ma conviction que la
dépense relative aux conduites ne devrait pas être
considérée comme une dépense de capital mais
comme une dépense d'exploitation, engagée pour
obtenir de la pâte et de la vapeur.
Dans la mesure où la dépense a été engagée
pour l'exécution, par Anglo-Canadian, des contrats
relatifs à la pâte et à la vapeur, peut-on dire qu'elle
a entraîné un avantage pour le bénéfice durable de
l'entreprise de l'intimée au sens du dictum de lord
Cave? Bien peu d'autorités traitent directement de
la nature d'un paiement global pour obtenir un
contrat d'approvisionnement. Dans l'arrêt John
Smith and Son c. Moore [1921] 2 A.C. 13, un
contribuable avait acheté l'entreprise de vente de
charbon de son père et a vainement tenté de
déduire lors du calcul des bénéfices, une somme de
£30,000 qui correspondait à la valeur au moment
de l'achat, de certains contrats à court terme
conclus avec des houillères pour approvisionner
l'entreprise en charbon. En fait, le fils n'avait pas
déboursé cette somme mais avait payé un montant
moins élevé que la valeur nette de l'ensemble de
l'entreprise. La majorité de la Chambre des lords a
conclu que la somme de £30,000 n'était pas une
déduction admissible aux fins du calcul des bénéfi-
ces. D'après lord Haldane et lord Sumner, majori-
taires, il s'agissait d'une dépense de capital—une
somme imputable aux immobilisations. Selon lord
Cave, majoritaire, l'entreprise était active et la
dépense engagée pour les contrats d'approvisionne-
ment ne relevait pas de l'entreprise, aux fins de son
commerce, mais du fils qui y investissait ses pro-
pres deniers. Ce paiement n'avait donc aucune
incidence sur les bénéfices de l'entreprise. Le
vicomte Finlay, dissident, a jugé que ladite somme
avait été versée en paiement du charbon.
Bien qu'une abondante jurisprudence ait com
menté l'arrêt Smith, il semble presque impossible
d'en tirer une règle générale, étant donné la parti-
cularité des faits et les différents motifs de l'opi-
nion majoritaire. Voir Commissioner of Taxes c.
Nchanga Consolidated Copper Mines Ltd. [1964]
A.C. 948, aux pages 962 et 964; B.P. Australia
Ltd. c. Commissioner of Taxation of the Com
monwealth of Australia [ 1966] A.C. 224, aux
pages 268 et 269; Regent Oil Co. Ltd. c. Strick
(Inspector of Taxes) [1966] A.C. 295, aux pages
322, 323 et 353. On ne peut donc prétendre que
cet arrêt établit la règle qu'un paiement global
versé à un fournisseur pour obtenir un contrat
d'approvisionnement constitue une dépense de
capital. Comme le disait lord Pearce dans l'arrêt
B.P. Australia (précité) à la page 269: [TRADUC-
TION] «On ne peut certainement pas conclure que
le résultat aurait été le même si le fils avait versé
£30,000 aux houillères, en contrepartie des
contrats.»
A mon sens, un contrat d'approvisionnement peu
importe ses conditions et ses avantages, ne consti-
tue pas un élément d'actif ou un avantage de la
nature d'une immobilisation. D'aucune façon ne
peut-il être considéré comme une partie de la
structure ou de l'organisation génératrice de
revenu d'une entreprise. Il ne produit ni n'entraîne
aucune distribution. C'est l'approvisionnement
prévu au contrat qui permet de réaliser des bénéfi-
ces. Le contrat reflète uniquement les obligations
juridiques qu'entraînent des opérations relatives à
l'exploitation de l'entreprise. Sans doute cet élé-
ment est-il précieux pour l'entreprise mais il n'a
tout de même pas la valeur d'une immobilisation.
La valeur du contrat réside dans le fait qu'il
stipule l'approvisionnement. A mon sens un paie-
ment en contrepartie du contrat constitue un -paie-
ment en contrepartie de l'approvisionnement.
L'appelant s'est principalement fondé sur l'arrêt
Hood Barrs c. Inland Revenue Commissioners
[1957] 1 All E.R. 832, pour étayer la thèse qu'une
somme globale versée pour obtenir un moyen de
s'approvisionner en matière première ou en stock
constitue une dépense de capital. Dans cette
affaire, on avait effectué des paiements en contre-
partie du droit d'abattre de grandes quantités de
bois sur pied. La majorité de la Chambre des lords
jugea qu'il s'agissait de dépenses de capital. Le
contribuable n'avait pas acheté le stock mais un
moyen de l'obtenir. Lord Keith d'Avonholm
déclara:
[TRADUCTION] Il m'est impossible de conclure que ce droit tout
à fait spécial devrait être considéré comme du stock de l'appe-
lant. J'estime que la nature de ce droit, le caractère indéfini de
sa durée et l'absence de désignation des arbres sur lesquels il
porte, sans oublier l'envergure du contrat et l'absence de quel-
que preuve établissant l'intention ou les moyens pris par l'appe-
lant pour l'exécuter dans un avenir rapproché nient l'argument
selon lequel il possédait ce qu'on pourrait appeler du stock.
A mon avis, l'appelant a tout simplement acquis le droit de se
rendre sur le terrain de la compagnie pour y marquer, abattre
et transporter des arbres, selon la quantité, la dimension et la
description stipulées aux contrats. L'argent versé pour ce droit
constituait à mon avis, une dépense de capital et non une
dépense courante.
Leurs seigneuries se sont référées avec approba
tion à la décision rendue dans une affaire sembla-
ble, Stow Bardolph Gravel Co. Ltd. c. Poole
[1954] 3 All E.R. 637, où la Cour a statué que des
paiements effectués pour des gisements d'où les
contribuables extrayaient du sable et du gravier
pour la vente aux fins de leur commerce étaient
des dépenses de capital.
A mon avis, les droits obtenus en contrepartie
des dépenses engagées dans ces affaires ne sont pas
vraiment analogues aux contrats d'approvisionne-
ment en l'espèce, ni à l'ensemble des accords rela-
tifs à l'approvisionnement, dont celui portant sur le
moyen de livraison qu'offrent les conduites. En
vertu des contrats d'approvisionnement et grâce
aux conduites, l'intimée reçoit directement la pâte
et la vapeur, sans être obligée de s'engager dans
une activité de production ou d'extraction, inévita-
ble en matière de droit de coupe ou de droit
d'extraire du sable et du gravier. Que l'on consi-
dère ces droits comme des droits réels immobiliers
ou autrement, il est évident que leur nature diffère
de celle des droits accordés à l'intimée, en vertu
des contrats relatifs à la pâte et à la vapeur.
L'avocat de l'appelant a fortement insisté sur la
thèse que, pour reprendre ces mots, la dépense
forme une partie intégrante des accords financiers
fondamentaux—les opérations portant sur les capi-
taux—au terme desquels l'intimée fut constituée
en corporation. A mon avis, le fait que cette
dépense ait été engagée avant que l'intimée ne
commence à fonctionner, dans le cadre des accords
financiers précédant sa création, ne signifie pas
nécessairement qu'il s'agit d'une dépense de capi
tal plutôt que d'une dépense courante. Conclure
des contrats d'approvisionnement forme une partie
nécessaire de l'exploitation d'une compagnie et, si
la dépense consistait en un paiement global spécial,
versé par anticipation pour obtenir de la matière
première et de l'énergie—c'est mon opinion sur la
question—, il s'agirait d'une dépense courante
engagée au moment de la création de la compa-
gnie. Des dépenses d'exploitation peuvent être
engagées en même temps que des dépenses d'orga-
nisation et de capital. On a également insisté sur le
mode de paiement à Anglo-Canadian, savoir, des
actions de classe B et des billets à 5%, conformé-
ment à l'accord principal qui stipulait qu'elle
détiendrait au moins vingt-cinq pour cent des
actions en circulation et autres titres de l'intimée,
et aurait le droit d'être représentée au conseil
d'administration. Évidemment, ce n'est pas parce
qu'un paiement est fait en actions ou autres titres
d'une compagnie qu'il doit être considéré comme
une dépense de capital; ce mode de paiement peut
très bien couvrir une dépense courante. On prétend
cependant que la façon d'établir le montant de la
dépense et de la relier aux accords financiers qui
ont abouti à la création de l'intimée, permet de
conclure que la dépense n'était aucunement reliée
au coût de la pâte et de la vapeur. Selon l'avocat,
la dépense n'est pas imputable aux unités de pâte
et de vapeur. A mon avis, pour considérer l'ensem-
ble de la dépense comme un paiement effectué en
contrepartie de la pâte à papier et de la vapeur, il
n'est pas nécessaire que la dépense soit manifeste-
ment applicable, dans des proportions certaines, au
prix à l'unité de la pâte et de la vapeur. Elle ne
doit pas nécessairement constituer un paiement
par anticipation, au sens strict du terme, pour être
traitée comme une partie des frais d'exploitation
engagés pour obtenir de la pâte et de la vapeur.
Bien que j'arrive à la même conclusion que le
savant juge de première instance, mes motifs diffè-
rent. A mon avis, la dépense représente simple-
ment une partie du coût d'exploitation, incombant
à l'intimée, pour s'approvisionner en pâte et en
vapeur et en contrepartie duquel elle n'a rien
obtenu qui puisse être considéré comme un élé-
ment d'actif ou un avantage de la nature d'une
immobilisation. Ma conclusion n'est pas fondée sur
la signification du mot «durable» dans le dictum du
vicomte Cave, ni sur la thèse que la dépense visait
à diminuer les dépenses d'exploitation. Si un con-
trat d'approvisionnement pouvait constituer un
avantage de la nature d'une immobilisation, je
serais d'avis qu'en l'espèce, les contrats revêtent un
caractère suffisamment permanent pour qu'on
considère qu'ils apportent un avantage durable.
Bien qu'en fait la durée de tout actif ne soit pas
illimitée, la principale distinction réside entre ce
qu'on entend conserver indéfiniment et ce qui sera
éventuellement remplacé. Je ne pense pas non plus
que le fait que la dépense vise à réduire les dépen-
ses d'exploitation prouve d'une manière concluante
qu'il s'agit d'une dépense courante. De nombreuses
immobilisations, sinon toutes, ont pour but de
réduire les dépenses d'exploitation. Certains
emplacements et plans d'usine et certains types
d'outillage et méthodes de fabrication visent à
réaliser des économies d'exploitation. Le principal
objet d'une dépense de capital est de parvenir à un
coût d'exploitation avantageux.
Il s'agit maintenant de décider si l'intimée pou-
vait amortir la dépense sur une période de vingt-
cinq années, en déduisant de son revenu le 1/25e de
ladite somme, soit $10,744.94, pendant chacune
des années d'imposition en cause. La méthode
appropriée de traiter un revenu et une dépense
dans le calcul des bénéfices aux fins de l'impôt sur
le revenu, en vue de traduire fidèlement la vérita-
ble situation financière du contribuable, constitue
une question de droit, à être tranchée par le tribu
nal, à la lumière de la preuve des usages et des
principes de bonne comptabilité. Les usages de
comptabilité ne permettent pas de trancher cette
question d'une façon automatique. Si, dans un cas
particulier, ils sont utilisés comme règle aux fins
du calcul de l'impôt sur le revenu, ils ne doivent
pas aller à l'encontre des dispositions de la Loi de
l'impôt sur le revenu, peu importe à quel point ils
semblent judicieux et raisonnables du point de vue
commercial: M.R.N. c. Anaconda American Brass
Ltd. [1956] A.C. 85.
En l'espèce, le seul témoignage portant sur les
usages de comptabilité appropriés ou reconnus est
celui d'un comptable au service du bureau de
vérification auquel a recours l'intimée. Les points
essentiels de son opinion concernant la méthode
appropriée de traiter une dépense sont contenus
dans les extraits suivants d'un affidavit; ils furent
lus et consignés au dossier et ont fait l'objet d'un
contre-interrogatoire de la part de l'avocat de
l'appelant:
[TRADUCTION] En supposant que cette somme constitue une
dépense pouvant à juste titre être déduite dans le calcul du
revenu de Canadian Glassine Co. Ltd., j'estime qu'il est con-
forme aux usages et aux principes de bonne comptabilité
d'amortir cette somme ou de la reporter sur un nombre raison-
nable d'années. Mon opinion est fondée sur le fait qu'il y a
normalement une correspondance entre le revenu et les dépen-
ses. Cette dépense a permis à la compagnie de diminuer son
coût de production au cours des années suivantes. Ce montant
de $268,623.48 fut donc correctement amorti sur un nombre
raisonnable d'années.
Étant donné que la durée des contrats pour l'approvisionne-
ment en pâte conclus par les compagnies était de 20 ans,
renouvelable pour des périodes successives de 5 ans, sauf s'il y
avait avis de résiliation, j'estime, dans ces circonstances, qu'une
période d'amortissement de 25 ans est raisonnable.
Ce témoignage non contredit constitue la preuve
des usages de comptabilité reconnus et applicables
dans un cas comme celui-ci. Mais la Loi de l'impôt
sur le revenu permet-elle d'y recourir? Sur ce
point, le savant juge de première instance s'est
appuyé sur l'arrêt M.R.N. c. Tower Investment
Inc. [1972] C.F. 454, où, après avoir examiné la
jurisprudence pertinente, le juge Collier a conclu
que le principe «de l'imputation des dépenses aux
revenus correspondants» avait été appliqué d'une
façon régulière, car il traduisait la véritable situa
tion financière du contribuable, et qu'il n'était pas
prohibé par la Loi. Il s'agit donc de déterminer si
l'on peut inférer des termes de l'article 12(1)a) de
la Loi de l'impôt sur le revenu, applicable en
l'espèce,—«Dans le calcul du revenu, il n'est opéré
aucune déduction à l'égard d'une somme débour-
sée ou dépensée, sauf dans la mesure où elle l'a été
par le contribuable en vue de gagner ou de pro-
duire un revenu tiré de biens ou d'une entreprise
du contribuable»—qu'une dépense doit entière-
ment être déduite du revenu dans l'année où elle a
été effectuée ou engagée. Dans l'arrêt Rossmor
Auto Supply Limited c. M.R.N. [1962] C.T.C.
123, la page 126, le président Thorson s'est
exprimé comme suit:
[TRADUCTION] Selon l'interprétation que je donne à l'article
12(1)a), les débours ou les dépenses qui peuvent être déduits
dans le calcul du revenu d'un contribuable pour l'année, savoir
une somme déboursée ou dépensée par le contribuable en vue
de gagner ou de produire un revenu tiré de biens ou d'une
entreprise du contribuable, se limitent aux sommes déboursées
ou dépensées par le contribuable durant l'année sur laquelle
porte la cotisation.
Le savant président s'est référé à son opinion au
même effet, prononcée antérieurement dans Con
solidated Textiles Limited c. M.R.N. [1947]
R.C.É. 77, aux pages 82-83, au sujet de l'article
6a) de la Loi de l'impôt sur le revenu, S.R.C.
1927, c. 97, où il avait déclaré:
[TRADUCTION] A mon avis, l'article 6a) ne permet pas la
déduction de débours ou de dépenses qui n'ont pas été faites ou
engagées durant l'année d'imposition sur laquelle porte la
cotisation. Je crois que cet énoncé est tout à fait conforme à
l'intention générale de la Loi, car elle traite chaque année
d'imposition en prenant les rentrées et les dépenses de ladite
année et en déduisant les dernières des premières en vue
d'obtenir le profit net, le gain ou les gratifications directement
ou indirectement reçus pour chaque année comme revenu impo-
sable de ladite année.
Dans l'arrêt Associated Investors of Canada
Limited c. M.R.N. [1967] 2 R.C.É. 96, la page
100 (note en bas de page), le président Jackett a
émis l'opinion que le principe énoncé par le prési-
dent Thorson n'est pas [TRADUCTION] «applicable
dans n'importe quelles circonstances» et qu' [TRA-
DUCTION] «il existe plusieurs genres de dépenses
qui sont déductibles dans le calcul des bénéfices
pour l'année `relativement à laquelle' elles ont été
faites ou sont dues.» Dans l'affaire Tower Invest
ment, le juge Collier a conclu [aux pages 461-
462]: «A mon avis, les distinctions que fait le
président Jackett s'appliquent dans un cas comme
celui de la présente affaire. Les frais de publicité
engagés dans la présente affaire ne sont pas des
dépenses courantes au sens usuel de cette expres
sion. Ils ont été engagés en vue de produire des
revenus non seulement dans l'année durant
laquelle ils ont été faits, mais aussi dans les années
à venir.»
Comme le juge de première instance, je suis
d'avis que cette conclusion s'applique aussi à la
dépense engagée en l'espèce. L'opinion du prési-
dent Thorson n'est pas une conclusion dictée par
les termes de l'article 12(1)a), mais un principe
déduit [TRADUCTION] «de l'intention générale de
la Loi» qui devrait être précisé afin d'éviter que,
dans une affaire comme la présente, son applica
tion présente une fausse image de la situation
financière du contribuable, au lieu d'en donner une
image juste et raisonnable. Effectivement, l'avocat
de l'appelant n'a pas contesté devant cette cour le
droit d'appliquer le principe de «l'imputation des
dépenses aux revenus correspondants» à la présente
affaire et a supposé que la dépense en cause était
déductible aux fins du calcul du revenu. Il a
simplement soumis qu'il n'était pas approprié de
reporter toute la dépense sur la durée du contrat
relatif à la pâte car une partie en était imputable
au contrat relatif à la vapeur. Compte tenu du fait
que la dépense portait sur la pâte et sur la vapeur,
sans précision quant aux proportions imputables à
chaque contrat, et que les deux contrats sont restés
en vigueur durant leur durée initiale de vingt ans,
comme l'on s'y attendait probablement à l'époque
de leur conclusion, je suis d'avis qu'il n'est pas
déraisonnable d'amortir toute la dépense sur une
période de vingt-cinq ans.
Je rejetterais l'appel avec dépens.
* * *
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE SUPPLÉANT KERR: Les faits, les ques
tions en litige et la jurisprudence établissant divers
principes et critères sont suffisamment exposés
dans les motifs de jugement du juge Le Dain, que
j'ai eu l'avantage d'étudier. J'ai aussi pu prendre
connaissance des motifs de jugement du juge
Pratte.
Il s'agit, à mon avis, d'une affaire difficile à
trancher car elle soulève une combinaison inhabi-
tuelle de facteurs à considérer. Certains vont dans
un sens, d'autres dans le sens opposé. Ils ont fait
l'objet d'une étude approfondie dans les motifs du
jugement de mes collègues et j'exprimerai briève-
ment mon opinion sur plusieurs points.
Le contrat relatif à la pâte prévoit expressément
le prix de la pâte et le paiment de celui-ci. Ce prix
comprend notamment le prix annoncé périodique-
ment et appliqué aux ventes de pâte semblable,
conformément au paragraphe 5 de ce contrat. A
mon avis, l'intimée a payé la pâte qui lui avait été
livrée dans le cours normal de l'exploitation de son
entreprise, au prix convenu au contrat et aucune
partie de la somme de $268,623.48 en question n'a
été affectée à ces paiements.
De même, le contrat relatif à la vapeur prévoit
expressément le prix de la vapeur et le paiement de
celui-ci. Aucune fraction de la somme de $268,-
623.48 n'a été affectée à ces paiements.
L'intimée n'a jamais été propriétaire des condui-
tes de pâte et de vapeur qu'Anglo-Canadian devait
construire en vertu de l'accord de construction et
les conduites n'ont jamais constitué une immobili
sation portée à l'actif de l'intimée. Toutefois, en
vertu de ce contrat, Anglo-Canadian s'engageait à
terminer la construction des conduites et l'intimée
avait le droit de l'obliger à exécuter son obligation
à cet égard. D'après l'exposé conjoint des faits
soumis en appel, la somme de $268,623.48 corres-
pond à la valeur de l'accord conclu par Anglo-
Canadian en vertu duquel elle s'engageait à termi-
ner la construction des conduites, et de l'exécution
par cette dernière du contrat relatif à la pâte et du
contrat relatif à la vapeur. Que l'on considère que
la dépense constitue réellement un paiement effec-
tué en contrepartie de la construction des condui-
tes, ou représente plutôt la valeur de l'accord
conclu par Anglo-Canadian comportant son enga
gement à terminer la construction des conduites et
à exécuter le contrat relatif à la pâte et le contrat
relatif à la vapeur, je ne pense pas que, dans les
circonstances, le fait que l'intimée n'ait pas été
propriétaire des conduites soit suffisant pour déci-
der qu'il ne s'agit pas d'une dépense de capital.
Je souscris substantiellement aux conclusions du
juge Pratte. A mon avis, l'intimée a effectué la
dépense en cause une fois pour toutes en vue
d'obtenir des avantages pour le bénéfice à long
terme de son commerce. De plus, j'estime que l'on
peut raisonnablement conclure de l'idée générale
et du plan de l'accord principal, entre Deerfield
Glassine Company Inc. et Anglo-Canadian, des
contrats et des événements subséquents, que la
dépense fut effectuée en vue de mettre sur pied la
structure génératrice de bénéfices dans le cadre du
commerce de l'intimée.
Après avoir étudié et pesé tous les faits et cir-
constances entourant la dépense, je conclus qu'il
s'agit d'une somme déboursée à compte de capital
au sens de ces mots à l'article 12(1)b) de la Loi de
l'impôt sur le revenu; à mon avis, aucune disposi
tion de la Loi n'autorise la déduction de cette
dépense, en totalité ou en partie, dans le calcul du
revenu de l'intimée aux fins de l'impôt sur le
revenu.
J'accueillerais donc l'appel avec dépens.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.