A-505-75
Le procureur général du Canada (Requérant)
c.
Le juge-arbitre nommé en vertu de l'article 92 de
la Loi sur l'assurance-chômage (Intimé)
Cour d'appel, les juges Pratte, Heald et Ryan—
Ottawa, les 5 et 6 février 1976.
Examen judiciaire—Assurance-chômage—Le juge-arbitre
a-t-il commis une erreur en décidant que la Commission
d'assurance-chômage n'avait pas le pouvoir d'édicter l'article
150 du Règlement?—Loi sur l'assurance-chômage, S.C. 1970-
71-72, c. 48, art. 2(1)u), 20(4), 58y) et art. 150 du Règlement.
Le requérant conteste la décision d'un juge-arbitre nommé en
vertu de l'article 92 de la Loi de 1971 sur l'assurance-chô-
mage, alléguant que ce dernier a commis une erreur en déci-
dant que la Commission d'assurance-chômage n'avait pas le
pouvoir d'édicter l'article 150 du Règlement.
Arrêt: la demande est rejetée. Les paragraphes (2) et (3) du
Règlement 150 outrepassent le pouvoir conféré à la Commis
sion d'édicter des règlements prescrivant les conditions men-
tionnées à l'article 20(4). Les dispositions du Règlement 150(2)
et (3) ne prescrivent pas des conditions; elles fixent la période
maximale pendant laquelle une demande peut être antidatée et
établissent donc une limite au pouvoir d'antidater une demande
auquel la Loi n'apporte aucune restriction. La Loi autorise la
Commission à prescrire les conditions préalables à l'exercice du
pouvoir d'antidater une demande mais ne l'autorise pas à
établir une limite au pouvoir d'antidater une demande qui
satisfait aux conditions-prescrites.
DEMANDE d'examen judiciaire.
AVOCATS:
E. R. Sojonky pour le requérant.
M. W. Wright, c.r., pour l'intimé.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour le
requérant.
Soloway, Wright, Houston, Greenberg,
O'Grady & Morin, Ottawa, pour l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement de la Cour prononcés oralement par
LE JUGE PRATTE: Cette demande en vertu de
l'article 28 vise la décision d'un juge-arbitre
nommé en vertu de la Loi de 1971 sur l'assu-
rance-chômage, accueillant l'appel de William
Thauberger d'une décision d'un conseil arbitral
ordonnant que la demande de prestations soit anti-
datée du 11 octobre 1971.
Le seul motif invoqué par le requérant consiste à
dire que le juge-arbitre a commis une erreur en
décidant que la Loi de 1971 sur l'assurance-chô-
mage ne conférait pas à la Commission d'assu-
rance-chômage le pouvoir d'édicter l'article 150 du
Règlement sur l'assurance-chômage.
Je cite les dispositions pertinentes de la Loi et
des Règlements.
Loi de 1971 sur l'assurance-chômage:
2. (1) Dans la présente loi,
u) «prescrit» signifie prescrit par règlement;
20. (4) Lorsqu'un prestataire formule une demande initiale
de prestations après le premier jour où il remplissait les condi
tions requises pour la formuler et fait valoir un motif justifiant
son retard, la demande peut, sous réserve des conditions pres-
crites, être considérée comme ayant été formulée à une date
antérieure à celle à laquelle elle l'a été effectivement.
58. La Commission peut, avec l'approbation du gouverneur
en conseil, établir des règlements
y) prescrivant tout ce qui, aux termes de la présente loi, doit
être prescrit par règlement.
Règlement sur l'assurance-chômage:
150. (1) Une demande initiale de prestations peut être
considérée comme ayant été formulée à une date antérieure à
celle à laquelle elle l'a été effectivement, si le prestataire prouve
a) qu'à cette date antérieure il remplissait, sous tous les
rapports, les conditions requises pour recevoir des prestations
et qu'il était en mesure d'en fournir la preuve, et
b) que, durant toute la période comprise entre cette date
antérieure et la date à laquelle il a effectivement formulé sa
demande, il avait un motif valable de tarder à formuler sa
demande.
(2) Sous réserve du paragraphe (3), aucune demande initiale
de prestation ne doit être considérée comme ayant été formulée
à une date antérieure de plus de treize semaines à celle où elle
l'a été effectivement.
(3) Une demande initiale de prestations peut être considérée
comme ayant été formulée à une date antérieure de plus de
treize semaines et d'au plus vingt-six semaines à celle à laquelle
elle l'a été effectivement, si le prestataire prouve qu'après cette
date antérieure, il était incapable de travailler par suite de
maladie, blessure ou mise en quarantaine.
Me Wright, l'avocat de Thauberger, n'a pas
tenté de soutenir les motifs donnés par le juge-
arbitre à l'appui de sa décision. Ces motifs sont
évidemment fondés sur une mauvaise interpréta-
tion de la Loi. Il n'a pas tenté non plus de soutenir
la conclusion du juge-arbitre selon laquelle le
Règlement 150 au complet est ultra vires, ni con-
testé la validité du Règlement 150(1); mais il
prétend en revanche que les paragraphes (2) et (3)
du Règlement 150 outrepassaient le pouvoir con-
féré à la Commission d'édicter des règlements
relatifs aux conditions prescrites, mentionnées à
l'article 20(4). Nous sommes d'accord avec cette
prétention de Me Wright, mais pour des motifs
différents.
Les articles 2(1)u), 58y) et 20(4) de la Loi
confèrent à la Commission le pouvoir d'édicter les
conditions à remplir pour qu'une demande «tar-
dive» soit considérée comme ayant été formulée à
une date antérieure à celle à laquelle elle l'a été
effectivement. Si les dispositions des paragraphes
(2) et (3) du Règlement 150 imposaient des condi
tions de cette nature, leur validité ne pourrait être
mise en doute. Mais tel n'est pas le cas. Me Wright
prétend que ces dispositions prescrivent des condi
tions d'une nature différente de celles visées par
l'article 20(4) de la Loi. Nous irons plus loin: à
notre avis ces dispositions ne prescrivent pas de
conditions. Elles fixent la période maximale pen
dant laquelle une demande peut être antidatée. Il
ne s'agit pas là d'une condition mais plutôt d'une
limitation du pouvoir d'antidater une demande
auquel la Loi n'apporte aucune restriction. Selon
nous, la Loi autorise la Commission à prescrire les
conditions préalables à l'exercice du pouvoir d'an-
tidater une demande; la Loi n'autorise pas la
Commission à établir une limite au pouvoir d'anti-
dater une demande qui satisfait aux conditions
prescrites, comme elle l'a fait aux paragraphes (2)
et (3) du Règlement 150.
Pour ces motifs, la demande est rejetée.
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