Roland O. Bartlett (Appelant)
c.
Le ministre du Revenu national (Intime)
Division de première instance, le juge Walsh—
Montréal, le 2 juin; Ottawa, le 1 1 juin 1971.
Impôt sur le revenu—Vente d'une propriété minière par un
prospecteur—Contrepartie établie en fonction de la produc-
tion—Les montants reçus sont-ils des redevances ou des
paiements analogues?—Sont-ils exonérés?—Loi de l'impôt
sur le revenu, S.R.C. 1952, c. 148, art. 83(2) modifié en
1965, c. 18, art. 19(1).
L'appelant a vendu en 1966 l'intérêt qu'il avait acquis
dans une propriété minière, à la suite de sa prospection. La
vente a été effectuée moyennant une contrepartie de 30%
du produit moyen de l'extraction pour chaque tonne de
minerai extrait de la mine, ce qui a représenté plus de
$33,000 en 1967 et plus de $29,000 en 1968.
Arrêt: L'appelant a reçu ces sommes, bien qu'elles aient
été calculées en fonction de la production de la propriété, à
titre de versements à valoir sur le prix d'achat d'une pro-
priété minière et non par conséquent à titre de ,,redevance
ou de paiement analogue»; elles sont ainsi exonérées d'im-
pôt par l'art. 83(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu.
Renvoi: Spooner v. M.N.R. [1928-1934] C.T.C. 171,
184.
APPEL en matière d'impôt sur le revenu.
Bruce Verchere, pour l'appelant.
P. A. Boivin, pour l'intimé.
LE JUGE WALSH—Les faits de la présente
affaire ne font l'objet d'aucun litige. Le ler
février 1958, l'appelant, par suite de ses efforts
à titre de prospecteur avec un certain Hutchi-
son, a acquis une propriété minière connue
comme les titres et les intérêts miniers dans un
certificat de mineur et un permis de mise en
valeur, numéro 135725, concession numéro
deux (2), octroyée par le ministère des Riches-
ses naturelles de la province de Québec pour
l'or et l'argent seulement dans et sur la moitié
nord-ouest du lot numéro cinq (5) du rang six
(6), sud-ouest, canton de Stratford, dans le
comté de Wolfe, province de Québec (ci-après
appelée «la propriété minière»). L'appelant et
Hutchison avaient convenu de partager entre
eux toute contrepartie reçue par suite de la
vente de la propriété minière dans la proportion
respective de 80% au premier et 20% au
second. Aux termes d'un contrat en date du 6
octobre 1966, Hutchison, qui agissait en son
propre nom et au nom de l'appelant, a vendu la
propriété minière à Cupra Mines Limited. Le
prix stipulé au contrat était de trente pour cent
des recettes nettes moyennes à la tonne retirées
de l'or et de l'argent obtenus à la suite du
traitement de chaque tonne de minerai extrait
de la concession; l'expression «recettes nettes
retirées ... à la suite du traitement» était défi-
nie au contrat. Aux termes de cet accord, Cupra
a versé à l'appelant des sommes de $33,266.27
et $29,249.06 en 1967 et 1968 respectivement,
à titre de prix de vente de la propriété minière;
ces sommes représentaient 80% des sommes
versées par Cupra en 1967 et 1968. L'appelant
n'a pas compris ces sommes dans son revenu
des années 1967 et 1968; il les considérait en
effet comme des sommes reçues à titre de prix
de vente de sa part dans la propriété minière,
qu'il pouvait donc exclure de son revenu aux
termes de l'art. 83(2) de la Loi de l'impôt sur le
revenu. L'intimé a émis de nouvelles cotisations
qui comprenaient les sommes en question, en
considérant qu'elles avaient été reçues à titre de
redevances ou de paiements analogues ou à
valoir sur ceux-ci, subordonnément à l'usage de
biens ou à la production en découlant, au sens
des art. 6(1)j) et 83(2) de la Loi de l'impôt sur le
revenu.
Le seul point controversé entre les parties est
l'interprétation du contrat à la lumière des dis
positions précitées de la Loi de l'impôt sur le
revenu, qui sont rédigées comme suit:
6. (1) Sans restreindre la généralité de l'article 3, doivent
être inclus dans le calcul du revenu d'un contribuable pour
une année d'imposition
* * *
j) les montants reçus dans l'année par le contribuable
subordonnément à l'usage de biens ou à la production en
découlant, qu'il s'agisse ou non de versements relatifs au
prix de vente des biens, mais les versements relatifs au
prix de vente d'un terrain agricole ne sont pas inclus en
vertu du présent alinéa;
* * *
83. (2) Un montant qui autrement entrerait dans le calcul
du revenu d'un particulier pour une année d'imposition, ne
doit pas être inclus dans le calcul de son revenu pour
l'année s'il représente la contrepartie
a) d'une propriété minière ou d'un intérêt dans cette
dernière, qu'il a acquis par suite de ses efforts à titre de
prospecteur, soit seul, soit avec d'autres, ou
b) d'actions du capital social d'une corporation, qu'il a
reçues en rémunération de la propriété décrite à l'alinéa
a), dont il a disposé en faveur de la corporation,
à moins que ce ne soit un montant qu'il a reçu dans l'année
à titre de loyer, de redevance ou de paiement analogue ou à
valoir sur ceux-ci.
Autant que l'on puisse l'affirmer, la présente
affaire est la première qui exige une interpréta-
tion de l'art. 83(2) de la loi depuis sa modifica
tion en 1965, qui ajoutait à la fin de l'article les
mots «à moins que ce ne soit un montant qu'il a
reçu dans l'année à titre de loyer, de redevance
ou de paiement analogue ou à valoir sur
ceux-ci» 1965 (Can.), c. 18, s. 19(1). Toute la
jurisprudence antérieure, bien qu'elle puisse
dans une certaine mesure nous aider à interpré-
ter le sens des mots «loyer, redevance ou paie-
ment analogue», ne se rapporte donc pas tout à
fait à la question. Afin de comprendre cepen-
dant la genèse de l'art. 83(2), sa situation dans
le plan d'ensemble de la Loi et surtout son lien
logique avec l'art. 6(1)j), il est utile de prendre
connaissance de l'origine historique de ces arti
cles. L'affaire Spooner v. M.R.N., [1928-34]
C.T.C. 171, portée devant la Cour suprême,
avait trait à la vente d'une propriété et des
mines ou droits miniers qu'elle englobait à une
compagnie pétrolière moyennant un prix paya
ble comptant en espèces au moment de la con
clusion du contrat, plus 25,000 actions du capi
tal social de la compagnie acheteuse et à titre de
supplément de prix 10% de tout le pétrole, gaz
naturel et huile que produirait la propriété. Dans
l'affaire en question, il fallait décider si ces
redevances pouvaient être considérées comme
un «revenu» au sens de l'art. 3(1) de la Loi de
l'impôt de guerre sur le revenu, 1917, qui n'e-
xiste plus dans l'actuelle Loi de l'impôt sur le
revenu. Le juge Newcombe, en rendant le juge-
ment de la Cour décidant que ces redevances ne
constituaient pas un revenu au sens que confé-
rait à cette expression l'art. 3(1), déclare aux
pages 181 et 182:
[TRADUCTION] On l'appelle «redevance» dans le contrat, à
défaut d'une meilleure définition; mais qu'on l'appelle à
juste titre ou non une redevance ou une annuité, la Loi
n'assujettit à la lettre à l'impôt ni les redevances ni les
annuités en tant que telles; dans le cas présent, l'appelante a
converti la propriété immobilière, qui représente un capital,
en argent, en actions et en une proportion de dix pour cent
de minéraux déterminés que la compagnie pourra extraire.
Les gains que l'appelante réalisera aux termes du contrat
sont évidemment incertains; ils pourront toutefois être
déterminés à mesure qu'ils seront gagnés.
D'autre part, on peut présumer que si le projet ne s'avère
pas rentable les minéraux ne seront pas extraits et que ce
facteur, de même que l'incertitude quant à la quantité de
minéral' disponible, contribue au caractère spéculatif de
l'intérêt de l'appelante; mais néanmoins, ce que l'appelante
reçoit provient d'une source possible de capital. Ce qui est
taxable, c'est le «revenu», c'est-à-dire, par définition, les
profits ou les gains annuels; en l'occurrence, il n'est pas
question pour l'appelante de profits ou de gains, si ce n'est
dans le sens qu'elle a ou non vendu sa propriété à des
conditions avantageuses pour elle.
Dans le jugement rendu par le Conseil privé
dans la même affaire, [1928-34] C.T.C. 184 (à
la page 186) Lord Macmillan déclare:
[TRADUCTION] La question de savoir si une certaine
somme reçue constitue un profit ou un gain annuel ou
constitue un capital ne dépend pas de l'expression choisie
par les parties pour la décrire. Dans chaque cas, il faut
examiner les circonstances et déterminer la véritable nature
de ce paiement en conservant à l'esprit la présomption selon
laquelle «on ne peut considérer que le législateur a voulu
imposer une taxe sur un paiement qui ne représenterait pas
un profit tiré d'une propriété mais qui représenterait son
prix de vente» (par le juge M. Hanworth, M.R., dans l'af-
faire Perrin v. Dickson [1930] 1 B.R. 107, à la page 119, qui
cite une jurisprudence antérieure).
Et encore, à la page 187:
[TRADUCTION] Mais le pourcentage de l'huile tirée de la
propriété vendue par l'intimée à la compagnie auquel la
venderesse avait droit n'était pas une redevance au sens de
l'article 27,' ou dans le sens ordinaire qui nous est familier
et que l'on rencontre dans le cas des baux de mines où le
bailleur stipule, à titre de loyer, un taux fixe par tonne des
minéraux extraits. Dans le cas présent, il n'y a aucune
relation de bailleur à locataire. Il s'agissait d'une vente et
d'un achat. La transaction a pu prendre une forme particu-
lière parce que les parties ne savaient pas si l'acheteur
trouverait ou non de l'huile sur la propriété; comme la
valeur du terrain dépendait de cette contingence, il est bien
normal que les parties en aient tenu compte en partie dans
le prix de la propriété.
A la suite de ce jugement, l'art. 3(1)f de la
Loi de l'impôt de guerre sur le revenu fut pro-
mulgué dans l'art. 1 du chapitre 55 des Statuts
du Canada de 1934, qui était rédigé comme suit:
3. (1) Pour les objets de la présente Loi, «revenu» . . .
signifie . . .
f) les loyers, redevances, annuités ou autres recettes
périodiques semblables qui dépendent de la production ou
de l'emploi de biens réels ou personnels, nonobstant que
les susdits soient payables par suite de l'usage ou de la
vente de ces biens.
La rédaction de cet article n'est pas identique à
celle de l'art. 6(1)j) de l'actuelle Loi de l'impôt
sur le revenu (précitée) mais les deux articles
sont analogues et visent le même but.
L'interprétation que l'on doit donner à l'art.
3(1)f . a été longuement étudiée par le juge
Cameron dans l'affaire Ross v. M.N.R. [1950]
C.T.C. 169. Cette affaire se rapportait à son
contrat de location de droits miniers, y compris
l'huile et le gaz, avec option d'achat pour un
prix fixé, plus une somme supplémentaire de
$60,000 prélever au moyen de dix pour cent
de la production d'huile et de gaz; dans le
contrat, on appelait «redevances» ces paie-
ments relatifs à la production. Le savant juge de
première instance a étudié avec soin le sens que
l'on devait donner au mot «redevance», dont la
définition ne se trouve pas dans la loi, après
avoir au préalable déclaré, à la page 174:
[TRADUCTION] Je crois qu'il est bien établi que le nom
donné à une transaction par les parties à celle-ci ne déter-
mine pas nécessairement la nature de la transaction (LR.C.
v. Wesleyan Assurance Society, [1948] 1 All E.R. 555 et
557.)
Les définitions des dictionnaires auxquelles il
se reportait, de même qu'une partie de la juris
prudence antérieure et ses conclusions, se trou-
vent aux pages 175-176 de son jugement, dans
les termes suivants:
[TRADUCTION] Le Shorter Oxford English Dictionary,
troisième édition, définit le mot .royalty. (redevance) de
diverses façons. Parmi ces définitions et à part celles qui
ont trait au Souverain, on trouve les suivantes: «s'emploie
surtout pour désigner des droits sur des minéraux»; «Un
paiement fait par le locataire d'une mine au propriétaire du
terrain où elle est située en contrepartie du droit de l'exploi-
ter»; «Une somme versée au propriétaire d'une invention
brevetée pour avoir droit de s'en servir»; «Un paiement
effectué à un auteur, éditeur ou compositeur pour chaque
exemplaire d'un livre, d'un morceau de musique, etc., vendu
par celui qui le publie ou pour la représentation d'une
pièce.»
D'autres définitions de ce mot lorsqu'il est employé en ce
qui concerne le pétrole, le gaz et les minéraux se trouvent
dans Words and Phrases, Permanent Edition, Vol. 37, à la
page 811, et comprennent les suivantes:
a) «Dans le domaine de l'exploitation minière, une
«royalty» (redevance) est une partie de la production ou
des profits que se réserve le propriétaire pour permettre à
une autre personne d'exploiter la propriété.»
b) «En ce qui concerne la location de propriétés pétroliè-
res et gazières, une «royalty» (redevance) est un certain
pourcentage de l'huile qu'on y trouve ou un certain mon-
tant pour chaque puits de gaz mis en exploitation.»
Ou encore, dans le Webster's New International Diction
ary, deuxième édition, on définit le mot «royalty» (rede-
vance) comme «une partie de la production ou du profit
(d'une mine, d'une forêt, etc.) que se réserve le propriétaire
pour permettre à une autre personne de se servir de la
propriété.»
Certaines de ces définitions semblent corroborer la pré-
tention de l'appelante suivant laquelle, pour qu'il y ait
redevance, il faut, dans une cession ou un transfert, que le
propriétaire se réserve le paiement de quelque chose. Toute-
fois, j'ai été incapable de trouver une décision qui contienne
une telle affirmation; de plus, une des définitions que j'ai
citées plus haut ne mentionne qu'un pourcentage du pétrole
ou du gaz après sa découverte, sans faire allusion au fait
que le propriétaire se réserve quoi que ce soit.
Dans l'affaire Mercer c. Procureur-général de l'Ontario,
(1882), 5 R.C.S. 538, le juge Henry déclarait à la page 66:
«Le terme «redevances» a un sens très général et très
étendu ... En Angleterre, l'expression «redevances», en
parlant de l'industrie minière, signifie, et tous le compren-
nent, les sommes versées au Souverain en contrepartie du
droit d'exploiter les mines royales d'or et d'argent et celles
versées aux propriétaires de terrains privés en contrepartie
du droit d'en extraire les minerais inférieurs, le charbon,
etc.» En prenant cependant pour acquis (mais sans en
décider), pour les besoins de la présente affaire seulement,
qu'il faut pour constituer une redevance que l'on se réserve
cette redevance dans l'acte de cession ou de transfert, et en
prenant aussi pour acquis que dans la présente affaire la
lettre du contrat ne contenait pas une telle réserve (bien que
je sois d'avis que la lettre et l'esprit de ces documents, si on
les prend dans leur ensemble, contenaient une telle réserve),
nous ne pouvons néanmoins parvenir à une opinion défini-
tive sur la question. Pour rendre les sommes reçues imposa-
bles, il suffit qu'elles soient «semblables» à des loyers,
redevances ou annuités, pourvu bien entendu qu'elles rem-
plissent les autres conditions prévues au paragraphe en
question. L'expression «royalties» (redevances), quand il
est question de mines ou de puits, est toujours définie
comme des paiements périodiques en espèces ou en nature
dont l'existence et le montant sont fonction de la production
et de l'usage de la mine ou du puits, et sont payables on
contrepartie du droit de rechercher, de mettre en exploita
tion et de vendre le pétrole et le minerai extraits. Toutes ces
conditions sont réunies dans la présente affaire. Un autre
élément qui n'existe peut-être pas est la réserve de droits au
moment de la cession et le paiement en résultant, au profit
de l'appelante en sa qualité de propriétaire desdits droits
réservés. Mais même en présumant que tel est le cas, cela
est insuffisant, à mon avis, pour empêcher les paiements
d'être similaires ou semblables à des redevances, si toutes
les autres conditions essentielles sont remplies. Il se peut
bien que les derniers mots du paragraphe «nonobstant que
les susdits soient payables par suite de l'usage ou de la vente
de ces biens» suffisent par eux-mêmes à faire disparaître
toute obligation d'effectuer les paiements à un propriétaire.
L'appelante était tout au moins une ancienne propriétaire.
J'estime donc que les paiements en question étaient sem-
blables à des redevances, sinon des redevances proprement
dites; elles tombent donc sous le sens de cette partie du
paragraphe.
Traitant de la question de la stipulation dans la
convention d'un prix fixe, dont le versement
mettrait fin aux paiements, il déclare, à la page
179:
[TRADUCTION] On prétend que le seul fait que les paie-
ments auxquels elle avait droit se limitaient à la somme de
$60,000 établissait que les sommes qu'elle recevait étaient
une partie du prix d'achat et étaient donc un capital entre
ses mains. Ce fait aurait pu avoir une certaine importance
avant l'adoption du paragraphe f). Mais m'étant convaincu
que les sommes reçues étaient soit des redevances soit
semblables à des redevances, je ne puis estimer qu'elles ont
cessé de l'être par le seul fait que leur versement avait cessé
lorsqu'un montant maximum convenu avait été atteint.
Il convient de noter toutefois que dans son
jugement il ne conclut pas positivement que les
paiements étaient des redevances, bien que ce
fût là le terme employé dans la convention,
mais qu'il fonde son jugement en vertu duquel
les paiements sont déclarés imposables sur le
fait qu'ils étaient, en tout état de cause, «sem-
blables à des redevances».
La question a encore fait l'objet d'une étude
dans l'affaire M.R.N. v. Wain -Town Gas and
Oil Company, Limited [1952] C.T.C. 147,
portée devant la Cour suprême. Cette affaire
avait trait à la vente d'une concession exclusive
de fourniture de gaz à une municipalité; le prix
de vente convenu était un pourcentage déter-
miné au contrat des ventes brutes de gaz effec-
tuées par l'acheteur, lesdits paiements devant se
faire «au moyen de redevances». Le jugement
de la Cour suprême, le juge Locke étant dissi
dent, infirmait celui de la Cour de l'Échiquier et
déclarait que les paiements reçus étaient des
redevances ou autres recettes périodiques sem-
blables qui dépendaient de l'emploi du bien au
sens de l'art. 3(1)f. Dans son jugement, le juge
Rand, après avoir déclaré qu'il semblait hors de
tout doute raissonnable que les paiements tom-
baient sous l'expression «redevances ou autres
recettes périodiques semblables» au sens de
l'art. 3(1)f) de la loi et qu'ils dépendaient de la
production ou de l'emploi du bien, concluait aux
pages 154-155:
[TRADUCTION] Les paiements, qui constituent bien une
partie du prix de vente de la concession exclusive, devront-
ils alors être exonérés d'impôt comme étant en nature de
capital? Dans l'affaire Wilder c. le Ministre tranchée par la
présente Cour et rapportée à ce jour uniquement dans
[1952] 1 D.L.R. 401; [1951] C.T.C. 304, il a été jugé qu'une
annuité de $1,000 par mois pendant toute la vie du crédiren-
tier, qui constituait une partie du prix du transfert d'un
commerce d'un individu à une compagnie, était en nature de
capital et ne tombait pas sous la définition du mot «revenu»
qui figure dans l'article 3(1)b); mais cette situation semble
être expressément prévue parla rédaction de l'alinéa f) de
l'article qui précise que «nonobstant que les susdits soient
payables par suite de l'usage ou de la vente de ces biens».
Or la propriété est la concession exclusive; la redevance est
payable par suite de la vente de cette propriété; et le
paiement de la redevance dépend de l'exercice de la conces
sion. Les conditions de la transaction me paraissent se
conformer tout à fait aux termes de l'alinéa en question, et
je dois juger que l'intimé tombe sous le coup dudit alinéa.
Il convient de remarquer que l'art. 3(1)f et
ensuite l'art. 6(1)j) ont tous deux trait à la
notion de biens en général et qu'à l'époque où
les jugements précités ont été prononcés, l'art.
83(2) ne faisait pas encore partie de la loi. Ce
dernier article, que l'on trouve pour la première
fois dans la Loi de l'impôt sur le revenu en
1952, S.R.C. 1952, c. 148, créait une exception
pour le cas d'un montant qui aurait autrement
été inclus, s'il représentait la contrepartie d'une
propriété minière ou d'un intérêt dans cette
dernière, que le contribuable avait acquis par
suite de ses efforts à titre de prospecteur. L'ar-
ticle ne contenait pas à cette époque les der-
niers mots «à moins que ce ne soit un montant
qu'il a reçu dans l'année à titre de loyer, de
redevance ou de paiement analogue ou à valoir
sur ceux-ci»; il est évident qu'en l'absence de
ces derniers mots il avait pour objet de créer,
dans le cas de propriétés minières, une excep
tion à la règle générale de l'art. 6(1)j) et qu'il la
créait effectivement. L'article 83(2), dans sa
rédaction initiale, a été étudié par la Commis
sion d'appel de l'impôt dans l'affaire Bolduc v.
M.N.R. (1963) 30 Tax A.B.C. 392. Dans cette
affaire, le contribuable était devenu partie à un
contrat aux termes duquel il accordait une
option sur sa propriété minière en contrepartie
de la somme de $5,000 payable au moment de
la signature du contrat et d'une somme addition-
nelle de $40,000 payable en versements semes-
triels de $5,000 chacun jusqu'à parfait paiement
du prix, auquel moment il transférerait le titre
de propriété; le contrat prévoyait de plus une
redevance de 50 cents par livre de minerai
extrait au profit du vendeur lorsque la propriété
serait mise en exploitation. En rendant son
jugement, qui rejetait la prétention du Ministre
selon laquelle c'était l'art. 6(1)j) qui s'appliquait,
le Président, M. Cecil L. Snyder, c.r., déclarait à
la page 396:
[TRADUCTION] Puisque le Parlement du Canada a jugé
bon d'inclure l'article 83(2) dans la Loi de l'impôt sur le
revenu, il semble, surtout à la lumière de la rédaction de cet
article, qu'aucun paiement reçu par des personnes qui s'oc-
cupent de prospection et qui réussissent à piqueter des
concessions sur des propriétés qui renferment des quantités
commercialisables de minerai ne doit être inclus dans le
revenu imposable de ces personnes. L'article en question
déclare «des montants qui autrement entreraient dans le
calcul du revenu d'un particulier ne doivent pas être
inclus ...» N'était l'introduction de ces dispositions dans la
loi, la thèse soutenue par le Ministre triompherait sans
doute. Cependant, puisque l'article 83(2) exonère expressé-
ment de l'impôt tout montant qui est la contrepartie de
l'intérêt d'un contribuable dans une propriété minière, il
convient de juger que les paiements reçus en 1957 et 1958
en contrepartie de l'intérêt que l'appelant conservait dans
les concessions minières ne sont pas assujettis à l'impôt sur
le revenu.
Les parties n'ont pas porté appel de cette déci-
sion et je n'hésiterais pas à lui donner mon
accord. J'arriverais aux mêmes conclusions
dans la présente affaire n'était l'addition ulté-
rieure à l'art. 83(2), en 1965, des derniers mots
«à moins que ce ne soit un montant qu'il a reçu
dans l'année à titre de loyer, de redevance ou de
paiement analogue ou à valoir sur ceux-ci». Il
semble qu'on ait apporté cette modification à la
suite de la décision rendue dans l'affaire
Bolduc.
Si l'art. 83(2) est une exception à l'art. 6(1)j)
au profit des propriétés minières, il convient
maintenant de trancher la question de savoir si
les derniers mots de l'art. 83(2) atteignent le but
qui semble avoir été visé et s'ils constituent
eux-mêmes une exception à l'art. 83(2) dans le
cas où les montants versés en contrepartie sont
reçus à titre de loyer, de redevance ou de paie-
ment analogue ou à valoir sur ceux-ci, ce qui
aurait pour effet de faire retomber ces paie-
ments sous le coup des dispositions de l'article
d'assujettissement 6(1)j).
On remarquera que l'art. 6(1)j) n'emploie pas
les termes «loyers, redevances, annuités ou
autres recettes périodiques semblables» que
l'on trouve à l'art. 3(1)f) de la Loi de l'impôt de
guerre sur le revenu, mais qu'il se sert à la place
du seul mot «montants». De même l'art. 83(2)
emploie les mots «un montant». La modifica
tion de 1965, en excluant cependant de l'appli-
cation de l'art. 83(2) «un montant» reçu «à titre
de loyer, de redevance ou de paiement analogue
ou à valoir sur ceux-ci» nous ramène encore à
la difficulté étudiée dans la jurisprudence anté-
rieure, qui consiste à savoir si un montant versé
à valoir sur le prix d'achat d'une propriété
devrait néanmoins être considéré comme «un
loyer, une redevance ou un paiement analogue»
lorsque la détermination de sa quotité et son
versement sont subordonnés à l'usage de ces
biens ou à la production en découlant. L'intimé
admet que dans le cas présent il n'est pas du
tout question de prétendre que les paiements
effectués avaient la nature d'un loyer; cela
revient donc à dire qu'à moins d'être une «rede-
vance ou un paiement analogue» ils ne tombent
pas sous le coup de l'exception créée par les
derniers mots de l'art. 83(2). Outre les défini-
tions que donnent les dictionnaires et la juris
prudence du mot «royalty» (redevance), citées
plus haut, nous devons examiner la façon dont
le mot est employé dans la Loi de l'impôt sur le
revenu. Il n'y est pas défini, mais y est quand
même employé dans plusieurs articles. Les par.
(3) et (4) de l'art. 17, qui prévoient le cas de
paiements entre résidents et non-résidents qui
ne traitent pas à distance, parlent du paiement
du «prix, loyer, redevance ou autre paiement
pour l'usage ou la reproduction d'un bien». Cet
article implique que le bénéficiaire du paiement
conserve la propriété du bien, puisque le paie-
ment est effectué pour l'usage ou la reproduc
tion du bien. L'article 106(1)d)(v) est ainsi
rédigé:
106. (1) Toute personne non résidante doit payer un impôt
sur le revenu de quinze pour cent sur tout montant qu'une
personne résidant au Canada lui paie ou crédite, ou est
censée en vertu de la Partie 1 lui payer ou créditer à titre, à
compte ou au lieu de paiement ou en acquittement
* * *
d) du loyer, de la redevance ou d'un semblable paiement,
y compris, mais sans restreindre la généralité de ce qui
précède, tout paiement
* * *
(y) qui dépendait de l'utilisation de biens situés au
Canada, ou d'une production tirée desdits biens, qu'il
ait constitué ou non un acompte sur le prix de vente
des biens, à l'exclusion d'un acompte sur le prix de
vente de terres agricoles.
Cet article, qui rend imposable un tel revenu
gagné au Canada par des non-résidents, corres
pond de façon évidente à l'art. 6(1)j) et rend
imposables toutes redevances de cette nature,
qu'il s'agisse ou non de versements relatifs au
prix de vente des biens. Il est évident que, sans
l'existence dans la loi d'articles spéciaux fixant
un impôt, tels que les art. 6(1)j) et 106(1)d)(v),
on ne peut rendre imposables à titre de revenu
entre les mains du bénéficiaire les versements
en acompte sur le prix de vente de biens, verse-
ments qui ne sont pas normalement imposables.
L'étude de la rédaction de l'art. 83(2) indique
qu'il y est question d'«un montant» qui repré-
sente «la contrepartie de» mais qu'il n'y est pas
précisé si le montant est la contrepartie de la
vente, de la location ou seulement de l'usage de
la propriété minière en question. L'appelant
prétend que lorsque le paiement est la contre-
partie d'une vente de la propriété minière, les
derniers mots de l'art. 83(2) ne s'appliquent pas,
le montant n'étant pas reçu «à titre de loyer, de
redevance ou de paiement analogue ou à valoir
sur ceux-ci», mais à titre de versement sur le
prix d'achat. Le fait que le prix d'achat ne soit
pas une somme déterminée, mais soit constitué
par des paiements annuels sans limite de durée
qui varieront selon la production de la propriété
ne change rien au principe (voir la citation pré-
citée du jugement rendu par le juge Cameron
dans l'affaire Ross, à la page 179.). Il prétend
donc que les derniers mots de l'art. 83(2) ne
s'appliquent que lorsque les montants sont
reçus à titre de contrepartie de la location ou de
l'usage d'une propriété dont le contribuable
demeure le propriétaire; dans ce cas seulement
les paiements sont «à titre de loyer, de rede-
vance ou de paiement analogue». Il demeure
alors le propriétaire du bien et les paiements
qu'il reçoit représentent nettement un revenu
qui doit être imposé comme tel. Toutefois, dans
le cas de la vente d'une propriété minière que le
contribuable a acquise par suite de ses efforts à
titre de prospecteur, soit seul, soit avec d'au-
tres, les paiements échapperaient à toute impo
sition, même s'ils étaient imposés en vertu de
l'art. 6(1)j) s'il s'agissait de toute autre sorte de
biens et quoique ces paiements soient censés
être des redevances ou des paiements analogues
reçus subordonnément à l'usage du bien ou à la
production en découlant.
A mon avis, les derniers mots de l'art. 83(2)
excluent de cette exception des montants payés
qui sont reçus à titre de redevances ou de
paiements analogues, mais ils ne vont pas jus-
qu'à écarter toute exception à l'application de la
règle édictée à l'art. 6(1)j), puisqu'ils ne rendent
pas ces montants imposables «qu'il s'agisse ou
non de versements relatifs au prix de vente des
biens». En ce qui concerne ce genre particulier
de vente, nous nous retrouvons donc dans la
situation qui existait avant l'adoption de l'art.
6(1)j) et de l'art. 3(1)f) qui le précédait, et
l'affaire Spooner précitée reçoit application.
Il semble plus raisonnable d'interpréter ainsi
l'art. 83(2) que de conclure que, parce que les
montants des paiements annuels étaient fonc-
tion de la production de la propriété, ils
devaient être considérés comme des «redevan-
ces ou des paiements analogues», bien que le
contribuable se fût dépouillé de, tous ses droits
de propriété dans les biens. Une telle interpréta-
tion évite aussi de commettre ce qui semblerait
autrement être une injustice au détriment du
prospecteur que l'art. 83(2) a pour but de proté-
ger; en ce sens que le prospecteur qui vend sa
propriété pour un prix constitué de versements
annuels fixes (versements dont l'acheteur a dû
par ailleurs déterminer le montant en se fondant
sur la production qu'il escomptait retirer de la
propriété) échappe à toute imposition sur ces
versements, alors que si au contraire il la ven-
dait pour un prix constitué de versements repré-
sentant un pourcentage de la production effec
tive de la propriété et non de montants fixes, il
lui faudrait payer un impôt sur ces montants
reçus à titre de pourcentage de la production de
la propriété; et pourtant, comme le souligne
Lord Macmillan dans le passage tiré de la page
187 de l'affaire M.N.R. v. Spooner précitée, la
deuxième méthode est une façon raisonnable
d'envisager un tel accord. Je conclus donc que,
dans le cas présent, le contribuable a reçu des
montants qui participaient peut-être à la nature
de «redevances ou de paiements analogues»,
mais qu'il ne les a pas reçus comme tels, mais
comme des versements à valoir sur le prix d'a-
chat de la propriété, bien qu'ils aient été calcu-
lés en fonction de la production de la propriété;
je conclus aussi que les derniers mots de l'art.
83(2) ne lui font pas perdre le bénéfice de
l'exception prévue dans cet article de la loi et
n'ont pas non plus pour effet d'assujettir les
paiements à l'impôt en vertu de l'art. 6(1)i),
étant donné que les montants ont été reçus en
contrepartie de la vente d'une propriété minière
acquise par lui par suite de ses efforts à titre de
prospecteur, et non à titre de redevances ou de
paiements analogues en contrepartie de l'usage
du bien.
L'appel est donc accueilli avec dépens et les
nouvelles cotisations du revenu de l'appelant
pour les années d'imposition 1967 et 1968 sont
renvoyées au Ministre pour qu'il en émette de
nouvelles afin de supprimer des cotisations qu'il
avait déjà émises les sommes de $33,266.27 et
$29,249.06, ajoutées par l'intimé au revenu de
l'appelant pour les années 1967 et 1968
respectivement.
1 L'article 27 prévoyait qu'un non-résident qui recevait
une redevance sur des produits employés ou vendus au
Canada serait censé faire affaires au Canada et gagner une
partie proportionnelle du revenu tiré du commerce en
question.
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